Chapitre 10 : Vers East Bight
Aujourd'hui était un jour spécial pour Haldir. Il fêtait aujourd'hui l'intégration de sa protégée et élève dans la plus grande institution dédiée à la formation de guerre. Un jour peu anodin de par la date, qui tombait le même jour que l'anniversaire de la Grande Attaque de Fangorn, ce même événement qui avait précipité leur retour en Lórien. Il honorait en son for intérieur la mémoire de tous ses compatriotes et amis, et leur dédiait cette journée qui marquait aussi l'envol de la jeune guérisseuse. Involontairement, elle leur rendait un bel hommage : aujourd'hui, Jaheira s'enrôlait pour décrocher son diplôme et apprendre à se défendre, elle qui dédiait déjà sa vie à l'assistance des plus démunis comme les guérisseurs de Fangorn l'avaient eux-mêmes fait de leurs vivants.
Quelques jours plus tôt, Jaheira s'était confrontée à Elrond lors d'un duel au corps à corps pour lui prouver sa pertinence quant à l'intégration de l'académie militaire. L'elfe avait été impressionné par la maîtrise de la jeune femme et sa maturité au combat et avait alors concéder à ce qu'elle rejoigne enfin les rangs de l'Académie Royale. Elrond n'avait pas choisi cette formation au hasard : en plus d'être la plus stricte, la plus élitiste des terres et le passage obligé pour intégrer l'armée du Mirkwood, l'Académie maintenait toutes ses recrues dans un rigoureux anonymat afin de les préserver eux et leurs proches de toutes représailles ennemies. Entrer à l'Académie était difficile, y rester était gage de bravoure, mais s'y voir diplômé était un honneur qui couronnait l'engagement de toute une vie. Même si peu de recrues arrivaient au bout de cette formation. Elrond honora sa promesse, persuadé que Jaheira pourrait réussir l'examen, même si elle ne s'était jamais battue au front, elle n'en restait pas moins préparée comme telle.
Haldir avait décidé de célébrer cette journée spéciale à sa manière, en rejoignant Jaheira à Fondcombe pour une visite improvisée qui s'était comme à leur habitude transformée en une joyeuse session de sport. Une fois son séjour terminé, Haldir et Jaheira se quittèrent devant l'écurie.
- Tu dois travailler tes appuis. Tu as une faiblesse sur la cheville droite, dit-il en rangeant son épée.
Jaheira acquiesça :
- Juste une foulure, je veillerai à ce qu'elle soit rétablie avant mon départ.
- Je viendrai te chercher dans quatre jours, repose-toi bien d'ici là, tu auras besoin de toute ton énergie.
Jaheira sourit. Elle trépignait d'impatience depuis le jour où Elrond avait approuvé son départ pour East Bight. Haldir s'attarda un moment sur le sourire de la jeune semi-elfe qui faisait face à lui. Elle n'avait nullement le physique d'une guerrière : sa peau était d'un blanc immaculé et tranchait avec ses lèvres d'un rose délicat, son visage dégageait une grande douceur, mais cela ne rendait son talent caché pour le combat que moins prévisible et donc dangereux pour tout adversaire qui pourrait se faire surprendre. Son apparente candeur disparaissait vite lorsque la jeune femme déchargeait sa colère au corps à corps. Haldir s'émeut un instant en pensant à tout ce qu'ils avaient partagé et s'efforça de se convaincre qu'aujourd'hui marquait le dernier jour de son apprentissage militaire. Dans quelques jours, la jeune femme entrerait à l'Académie. Dans quatre jours, il reprendrait son simple rôle de capitaine et cesserait la dispense de ses cours qui lui manquerait terriblement.
- J'ai un cadeau pour toi, annonça Haldir.
Le garde détacha alors de son ceinturon un étui en cuir qu'il confia à la jeune femme.
- Votre dague ?
- C'est une très vieille lame elfique forgée avec de l'argent véritable, du mithril. La légende dit que le mithril concède une nouvelle force à quiconque la porte, et que sa protection est si grande que nul ne peut s'en prendre à son propriétaire. Seul le sang versé peut sceller la transmission d'une telle arme.
Alors Haldir retourna alors la lame contre sa paume et l'entailla. Faisant ruisseler le sang sur la lame étincelante.
- A présent, je te la remets, dit-il. Tâche de t'en montrer digne durant ton entrainement.
Les traditions liées aux armes elfiques étaient souvent barbares mais restaient très profondément ancrées dans la culture militaire des elfes. Jaheira n'avait jamais entendu celle-ci. Respectueuse, elle prit la lame ensanglantée avec délicatesse avec son étui et la glissa à sa ceinture. Elle fut touchée par ce cadeau, elle qui avait toujours connu Haldir avec cette lame se sentit valorisée que son précepteur la lui remette comme à son égal. C'était aussi la toute première fois qu'on lui offrait une arme.
- Merci capitaine.
Haldir grimpa sur son cheval et après avoir salué Jaheira, quitta Fondcombe au galop.
Jaheira suivit son précepteur du regard et repartit en direction de l'apothèque. La jeune femme savourait chaque instant passé avec Haldir, cet homme étant son unique ami, il concentrait à lui seul l'entièreté de son exutoire et lui donnait l'occasion de s'éloigner du confinement de la cour et de l'univers bien que confortable mais très ostracisé de l'apothèque. Il était encore aujourd'hui le seul à la motiver dans son engagement militaire, à lui offrir cette possibilité de repousser ses limites. Elle ne pourrait jamais assez le remercier pour son dévouement envers elle, mais se promit d'y œuvrer chaque jour à East Bight afin de le rendre fier avec l'obtention de son diplôme.
Elle était dévorée d'impatience : dans quelques jours, elle quitterait Fondcombe pour s'enquérir de la formation de l'Académie de la Garde Royale. Ce diplôme, si elle l'obtenait, serait l'achèvement de son entrainement militaire et une consécration unique pour cette jeune femme roturière et sans expérience du terrain. Il était de renommé militaire que fort peu de femmes étaient entrées dans les rangs de cette élite et encore moins en étaient sorties diplômées. Elle se réjouit de ce nouveau défi qui l'attendait, prête comme jamais, mais également pleine d'appréhension.
La jeune femme arriva aux archives. Cet édifice était sans aucun doute le plus beau de toute la Terre du Milieu, l'apothèque qui s'y trouvait était reconnue pour son architecture et sa lumière uniques. La beauté de cette pièce était telle que parfois la jeune femme se perdait encore à l'admirer malgré les années, observant les magnifiques traits de cet endroit. Le matin, quand le soleil traversait les immenses fenêtres au cadre de fer finement ciselé en forme végétale, une douce lumière dorée venait alors caresser les murs et les articles de verre qui se reflétaient en une constellation de pastilles lumineuses, tel un ciel étoilé en plein jour. La pièce dégageait aussi une délicate odeur végétale, diffusée par les bocaux de plantes qui s'entassaient sur les immenses étagères en bois sombre, la jeune femme avait eu à cœur de tous les étudier et d'en lister chaque propriété des années durant. Depuis des années maintenant, l'apothèque de Fondcombe avait pour légende de raviver les sens, et que le simple fait de fouler ses pierres guérissait la plupart des maux. Ce lieu allait profondément lui manquer. Machinalement, elle ouvrit la liste des quelques patients présents et les soins à leur prodiguer, se saisit de quelques fioles et de linges et repartit travailler. Après de longues heures, et sur les conseils de Haldir, Jaheira rejoignit ses appartements pour se reposer. Mais avant de dormir, se sentit obligée de passer à nouveau en revue son paquetage pour East Bight.
Le camp d'entraînement de la garde royale formait, depuis des siècles, l'élite militaire de ce monde. Connue pour la dureté de son entrainement, les recrues qui avaient abdiqué devant la difficulté de l'exercice ne se comptaient plus et faisaient profil bas. On y avait d'ailleurs compté de très nombreux blessés et des morts accidentelles, mais rien depuis quelques décennies. Elrond et Haldir l'avaient averti de la difficulté de la formation et l'avaient conforté sur sa possibilité d'échec à l'examen. Malgré tout, Jaheira se mettait la pression : elle se devait de préserver son honneur, ainsi que celui de son mentor et de ses protecteurs qui avaient tous cru en elle. Elle ne s'autorisait pas l'échec. Elle se devait d'acquérir ce titre pour pouvoir devenir guérisseuse de guerre et ainsi soutenir les rangs alliés du Mirkwood, le temps était compté.
« L'anonymat est au cœur de l'identité de cette formation, tu ne pourras compter que sur tes capacités, il ne te sera accordé aucune faveur » l'avait prévenu Elrond. « Reste fière, reste droite et ces mois passeront rapidement. » lui avait conseillé Haldir. Jaheira ne s'endormit qu'après plusieurs heures et quelques étirements pour tromper son stress.
Le jeudi suivant, Haldir vint chercher la nouvelle recrue. Jaheira et lui quittèrent Fondcombe discrètement. Comme le voulait la tradition, elle revêtit l'uniforme de l'Académie, enfila son masque qui lui couvrait le front et le nez et compléta son uniforme par un large bandeau qui camoufla ses cheveux bruns, largement raccourcis pour l'occasion. Elle plaça la dague de Haldir le long de sa jambe dans une doublure qu'elle avait cousu quelques jours plus tôt dans sa botte, afin de toujours la garder à portée de main en cas de besoin.
Enfin, Haldir l'escorta personnellement jusqu'au camp d'entraînement. Une fois arrivés, le capitaine regarda sa protégée avec un furieux sentiment paternel. C'était la première fois que c'est elle qui le quittait, et non l'inverse.
- Je te souhaite bonne chance, lui dit-il en lui posant la main sur l'épaule. C'est ici que je te laisse.
- Je ne vous décevrai pas capitaine, répondit Jaheira, qui se surprit à stresser.
Sans plus de démonstration, Jaheira quitta Haldir d'un pas affirmé et rejoignit le camp, elle se plaça avec les recrues, alignées en rang dans la cour formée entre les tentes.
Haldir entra naturellement dans le camp quelques temps après elle et pour partir saluer le capitaine encadrant de l'Académie. Un très talentueux maître archer qu'il connaissait bien, qui exerçait depuis une dizaine d'années dans la formation et l'affectation des recrues, en plus de son statut de capitaine des armées du Mirkwood qu'il endossait avec mérite sur le front. Le Mirkwood s'assurait grâce à lui de recruter à la source les meilleurs éléments pour le combat.
- Capitaine Vertefeuille, salua Haldir en elfique tout en entrant dans la tente de son homologue.
L'elfe, concentré sur une carte, se retourna et salua Haldir :
- Capitaine Raggenstone, salua-t-il en retour.
- Où devrais-je dire capitaine Eryn ? Demanda Haldir. Je crois que c'est votre nom d'emprunt ici.
L'elfe acquiesça.
- Que me vaut l'honneur d'une telle visite ?
- Je suis venu vous livrer une nouvelle recrue.
- Et que lui vaut l'escorte du capitaine de la Lórien ?
Haldir sourit. La perspicacité du capitaine était légendaire.
- Je vous demanderai de faire attention à elle, mais de ne surtout pas la ménager.
- Elle ? S'attarda le capitaine qui crut avoir mal compris.
Haldir sourit. L'étonnement de Vertefeuille pour cette nouvelle recrue trahissait une certaine aversion pour les très rares recrues féminines qui avaient presque toutes échouées par le passé. Vu sa réaction, l'elfe s'attendait visiblement à une nouvelle déception.
- Veuillez m'excuser capitaine, mais je dois à présent me retirer, dit Haldir avant de quitter la tente.
Les deux hommes exercèrent le salut militaire simultanément, et Haldir quitta le camp d'entrainement, seul et avec un vague à l'âme plus que certain.
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