Chapitre 1 : La Chute de Fangorn

Le sol trembla et tous se figèrent. Pareille secousse n'avait pas été ressentie depuis les grands séismes. L'air se tend. Le silence se fit. D'abord, l'incompréhension les envahit. Enfin, alors qu'une nouvelle secousse vien bousculer la terre, la peur s'empara de toute la cité. Le jour, ce jour qu'on ne croyait ne jamais voir arriver, s'était levé.

Un pêle-mêle de fracas de pierres, de métal et de bois volant en éclats retentit dans la cité. Le danger était aux portes. Des cris de terreur et de grognements terrifiants résonnèrent dans toute la ville, des cris fendirent l'air. Tout cela n'avait rien d'une quelconque manifestation tectonique : plusieurs centaines d'orques lourdement armés venaient de débarquer dans la cité de Fangorn.

Les orques abondèrent par la porte principale et envahirent les rues telle une hémorragie. La vague de panique envahit les rues. Les habitants, guérisseurs comme villageois, fuirent de toute part, cherchant désespérément un refuge. Faute d'avoir été formés au combat, nombreux sont ceux qui moururent, incapables de se défendre face à l'horreur. Personne à Fangorn ne pouvait s'attendre à être attaqué, la cité avait demeuré jusqu'ici impossible à localiser, mais aujourd'hui, tous découvraient la vile trahison de leur secret. Pétrifiés de peur, condamnés, tous vécurent là, impuissants, l'assaut de la légendaire cité de Fangorn et à l'exécution de ses habitants. Les soldats présents sur place, trop peu nombreux, se battirent mais furent vite dépassés. Malgré leur courageux acharnement, aucun ne put retenir l'assaut ennemi et tous périrent en tentant de protéger les leurs.

Rapidement alerté, le désormais capitaine Raggenstone se précipita pour se battre. Bon nombre de ses hommes avaient rejoint la défense alliée à l'Est, mais il restait de son devoir de protéger la cité et se saisit de son arc et se précipita sur les remparts. Il enchaîna plusieurs flèches et élimina nombre d'orques en quelques minutes. Mais vite débordé, alors que les orques affluaient, il se saisit de son épée pour sécuriser les portes. Malgré ses efforts, les orques étaient trop nombreux. Comment étaient-ils arrivés jusque-là ? Qui avait pu les mener jusqu'à la cité ? Que cherchaient-ils ?

N'ayant d'autre choix que de battre en retraite, le capitaine décida de faire évacuer la cité, qu'ils soient humains ou entiques, tous devaient fuir avant que l'ennemi ne les surprennent à leur tour. Des incendies débutèrent dans la cité, le capitaine misa tout sur la dernière cloche d'alerte du bastion Nord et s'élança en cette direction tandis que le vent saisit les arbres. Sur son chemin, il élimina plusieurs orques qui se trouvaient sur son chemin, et, une fois arrivé au bastion, s'élança vers la cloche d'alarme. Son élan fut coupé net par une salve de flèche qui vint s'abattre sur lui, dont deux flèches qui vinrent se loger dans sa poitrine en transperçant son armure. Haldir ne comprit pas tout de suite ce qu'il lui arrivait. Bloqué en son élan, sonné, le souffle court, il s'effondra à genoux et fut pris de détresse respiratoire. Sentant un goût métallique se porter à ses lèvres, l'homme ragea, cracha le sang qui l'empêchait de respirer, et se hissa sur ses jambes dans un cri de douleur pour se précipiter, titubant, jusqu'à la mince corde qui pendait le long du mur d'enceinte. A bout de souffle, il s'effondra à genoux en tirant sur la corde, les cloches d'alerte de Fangorn se mirent à résonner dans la cité. Il l'avait fait. 

Distinguant à peine le son des cloches arriver à ses tympans, le capitaine se sentit partir. Dans un dernier souffle, pendu à la corde d'alerte, il arracha avec rage les flèches qui le traversaient, l'homme en hurla, puis, en état de choc, jeta un regard trouble à la cité de Fangorn à sac, désormais pavée de corps qui gisaient au sol. Tout devint flou. Enfin, Haldir s'effondra à terre et seul, relâcha son dernier souffle, arme à la main et les yeux grands ouverts.

Lorsqu'elle entendit la cloche du village sonner, Gaïlind se figea. Elle l'avait craint, et ce jour tant redouté était arrivé. Découvrant pour la première fois la sensation de panique sur son enveloppe elfique, Gaïlind comprit que l'effroi s'était emparé d'elle. Maladroite en ses mouvements saisis d'angoisses, elle se pencha prudemment à la fenêtre pour constater la progression ennemie, espérant pouvoir se barricader en attendant les secours. Plusieurs orques armés passèrent juste sous ses fenêtres. Elle se tapit contre le mur pour ne pas être repérée et étouffa un sanglot : elle n'avait pas vu de gardes, elle était seule. La jeune femme se précipita vers la porte de ses appartements, qu'elle verrouilla et barricada avec un maigre meuble. La cité était certes de belle facture de pierres, mais elle n'était nullement une forteresse, cela n'en avait jamais été décidé ainsi. Gaïlind, le souffle court, s'efforça de garder son sang-froid et réfléchit vite à un plan.

Elle était prise au piège en son palais, mais ne pouvait se résigner à rester ici et à attendre son sort. Elle devait à tout prix de quitter la cité au plus vite. A la hâte, elle rassembla ce qu'elle avait de plus précieux, un unique baluchon et enfila une longue cape sombre pour passer inaperçue. Devant sa porte, elle détecta la présence d'orques, et eut tout juste le temps de se glisser hors de ses appartements par la fenêtre, fermant la fenêtre derrière elle. Encore peu sûre de son équilibre elfique, elle avança sur la corniche du bâtiment, mesurant chacun de ses pas avec le paquetage qu'elle tenait dans ses bras. C'était un chemin court, mais très dangereux, car situé à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du vide, aucune maladresse ne serait permise. Gaïlind progressa doucement sur les créneaux, serrant son baluchon dans les bras. Les orques ne perçurent pas la gracile silhouette qui avançait discrètement au-dessus d'eux, ces derniers étant trop occupés à traquer les derniers survivants de la cité. Gaïlind étouffa un cri lorsqu'elle assista à l'exécution sommaire de plusieurs des siens et ferma les yeux pour s'épargner ce spectacle. Les larmes coulèrent sur ses joues.

Son parcours d'équilibre eut au moins le mérite de poser son souffle et de la calmer, usant de profondes respirations pour ne pas chuter, les yeux humides et sanglotant, elle arriva enfin sur le rempart Nord. Elle entreprit de descendre pour rejoindre la forêt et ainsi disparaître : seule la forêt serait son salut. Elle passerait par les carrières et pourrait se réfugier dans les mines, à moins que celles-ci soient aussi envahies ? Gaïlind entreprit sa descente mais se ravisa lorsqu'elle vit qu'un arbre en flammes fuyait par-delà les remparts, le tronc transpercé de plusieurs flèches, coursé par une vingtaine d'orques aux haches meurtrières. C'était un peuplier, un des nombreux ent qui peuplait la cité de Fangorn. Elle eut un haut-le-cœur et s'efforça de détourner le regard. Se ravisant de descendre, elle devait s'enfuir par un autre moyen et un nouveau spasme d'angoisse la saisit.

Le souffle court, Gaïlind poursuivit son chemin et progressa discrètement le long des remparts. A la première occasion, là où le calme semblait s'imposer, elle descendit pour vite se réfugier dans un petit renfoncement. Elle était dans la cour Nord : si aucun orque ne se présentait, elle pourrait s'enfuir par la porte d'enceinte. 

Elle jeta un coup d'œil pour guetter ses ennemis. Personne. Alors qu'elle vérifia les environs, son regard fut attiré sur un corps qui gisait tout près de là. 

- Haldir ! S'étouffa-t-elle.

Elle se retint seule de crier et se renfonça dans sa cachette de fortune pour se consoler. Sans réfléchir, elle cacha son paquetage derrière un volumineux tonneau et guetta à nouveau la présence d'ennemis. Sans trop réfléchir et à grand renfort de courage, elle se précipita vers le corps inanimé d'Haldir et le tira de toutes ses forces vers le renfoncement sombre où elle s'était cachée, laissant une longue traînée de sang sur leur passage. Une fois à l'abri, Gaïlind guérit les blessures du capitaine par apposition des mains et ses blessures se résorbèrent aussitôt pour laisser une peau indemne. Le sang séché maculait encore son abdomen et sa gorge, mais ses plaies n'étaient plus. Bien que guéri, Haldir ne se réveilla pas, il était peut-être déjà mort. Gaïlind voulut l'examiner, mais elle sentit quelque chose s'approcher d'eux et s'éloigna rapidement du corps de son ami pour se glisser dans une meurtrière voisine. On s'approcha, et Gaïlind retint son souffle en se plaquant la main sur sa bouche. Une silhouette apparut dans le renfoncement, austère et sombre. Peut-être un pilleur ou un mercenaire. L'individu découvrit Haldir au sol et retira son capuchon, c'était Pallando. Gaïlind sortit alors de sa cachette et tira le magicien vers elle pour le cacher à ses côtés. Tapis dans l'ombre derrière les tonneaux, l'archer retint ses larmes de découvrir Gaïlind en vie. D'une voix qu'il s'efforça de garder calme, il la rassura :

- Tu n'es pas blessée ? 

Elle déclina d'un signe de tête, incapable de prononcer le moindre mot.

- Nous devons partir, dit-il en en lui enfilant sa cape et en lui glissant son capuchon sur la tête.

Gaïlind regarda le magicien, ravala ses irrépressibles larmes et tourna le regard vers le baluchon de linge blottit dans un coin. Pallando écarquilla les yeux et se reprit. 

- Regarde-moi.

Elle leva les yeux vers lui.

- Cours, cours sans te retourner. Tout ira bien.

Elle répondit d'un signe de tête silencieux, et trouva tout juste l'énergie de l'informer de l'état de leur ami commun, étendu juste là :

- Je l'ai soigné...

- Attends-moi là, je te couvre.

Pallando se mit en joue et se glissa hors de leur cachette. Elle, resta tapie dans l'ombre. Pallando s'éloigna discrètement.

Le magicien disparut dans la cour. Au bout de quelques minutes à peine, des orques se retrouvèrent juste devant l'alcôve où Gaïlind s'était cachée, leurs lames maculées de sang dégoulinaient sur le sol. Sentant le sang de ses amis souiller ses terres, Gaïlind retint son souffle, priant pour ne pas être découverte. 

Soudain, par terre, Haldir s'éveilla avec un grand râle. Dans une grande contracture, il s'assit et toussa en se tenant la poitrine. Ce bruit attira instantanément les orques qui levèrent leurs lames et se dirigèrent d'un pas décidé vers lui. C'était la fin. Tous deux seraient découverts d'une minute à l'autre. Craignant pour leurs saluts, Gaïlind sortit de sa cachette pour s'interposer entre eux et faire diversion. Elle s'élança hors de l'alcôve qui la dissimulait et dans un puissant et douloureux effort, prit sa forme entique. Sa silhouette grandit de plusieurs mètres, sa peau se recouvra d'écorce et ses cheveux devinrent branches et épines. Devant la spectacle, les orques reculèrent de surprise avant de se jeter sur elle avec délectation. Gaïlind les balaya d'un seul geste et les orques s'écrasèrent sur les remparts dans un grand fracas d'os, alertant plus d'orques encore. 

- Non ! Hurla-t-on.

C'était Pallando. Il avait hurlé d'effroi à la découverte du sacrifice de la gardienne. Dans la cour, les orques affluèrent, prêts à en finir, ils étaient les derniers survivants. 

Le magicien décocha plusieurs flèches pour secourir l'ent. Ameutés par la présence d'un dernier ent, les orques débarquèrent de toute part et les deux furent vite encerclés. L'ent continua sa lutte et, se sentant assaillis, fuit avec toute la vélocité que ses lourds membres lui permettaient, dans le sens opposé de leur cachette. Pallando profita de la diversion pour se précipiter dans l'alcôve, d'où il décocha une dizaine de flèches pour éloigner les orques encore en présence. Il se saisit du paquetage de Gaïlind et le sortit d'entre les tonneaux, il le jeta presque dans les bras d'Haldir et profita d'un court répit pour s'adresser à son ami qui recouvrait ses esprits :

- Fuis ! Cria-t-il en elfique.

Voyant d'autres orques traquer l'ent qui fatiguait déjà, Pallando prit les flèches d'Haldir et courut sur les traces de Gaïlind, traçant vers l'Est. Elle espérait semer les orques dans le dédale des rues et ainsi se protéger des projectiles enflammés qui lui étaient destinés. 

Haldir reprit ses esprits. Alors que le trouble de sa vue se dissipait, il se découvrit au sol, couvert de sang. Était-ce son propre sang ? Il eut tout juste le temps de voir Gaïlind sous forme entique partir en courant, assaillie d'orques, et Pallando s'élancer à leur poursuite. Dans un réflexe, Haldir roula dans la petite alcôve pour se mettre à l'abri. Caché, il examina son armure et chercha les impacts des flèches sur son corps : derrière chaque perforation, il ne compta aucune plaie. Déboussolé, il regarda tout autour de lui comme pour se rassurer sur la réalité de cet instant et revint enfin à lui : tout ici ne sentait que feu et sang, l'odeur était à vomir, il devait au plus vite se sortir de là. L'elfe retrouva sa lame et distingua une fine chaîne d'argent qui dépassait du paquetage confié par Pallando. Haldir se figea, puis tira le paquetage à lui. A l'abri, il le plaça sur son dos et l'attacha solidement. Tapi dernière les tonneaux, il profita de la première occasion pour courir vers le palais. En tant que capitaine de la garde, il était de son devoir de protéger la gardienne et ne pouvait se résigner à les abandonner. Guidé par les cris d'orques qui résonnaient encore dans les rues maculées de sang, Haldir s'élança à leur poursuite.

Un peu plus loin, Gaïlind était fébrile, à bout de force, elle avait repris sa forme elfique et tentait de se défendre, en vain. Un orque la saisit par la gorge et la fit décoller à quelques centimètres du sol. L'air lui manqua. Puis, l'orque la projeta violemment sur un mur qui s'effondra sous son poids. Elle tomba inconsciente. Pallando se jeta alors sur son agresseur et lui trancha la gorge avec rage pour accourir vers Gaïlind, inconsciente. Alors qu' un autre orque débarqua derrière lui, Pallando se défendit. 

Quelques minutes plus tard, Haldir apparut dans la ruelle un peu plus loin et eut tout juste le temps de voir son ami Pallando, serrant contre lui une Gaïlind mourante. Le temps s'arrêta. Haldir cria, et Pallando jeta un regard désespéré à son ami. Haldir voulut le rejoindre, mais une lame jaillit de la poitrine du magicien. Pallando ne dit pas un mot et s'effondra au chevet de sa gardienne. Terrassé, Haldir refoula un sanglot, horrifié. A Fangorn, ses deux amis étaient morts. Tel un brusque retour à la réalité, quelque chose frôla son oreille, une salve de flèches filait vers lui. Les évitant au mieux, Haldir n'eut alors d'autre choix que de fuir et courut s'échapper par l'Est de la cité. Dans un réflexe, il se saisit d'un bouclier et le plaça derrière lui pour se protéger.

Le capitaine réussit à éviter cette pluie de projectiles, une flèche lui blessa le bras, une autre lui trancha une mèche de cheveux, il élimina quelques orques sur son chemin et réussit enfin à quitter l'enceinte de la cité. Le capitaine courut à travers la forêt de Fangorn avec le cœur dévasté. A chaque pas, l'elfe retint cris et larmes, découvrant avec horreur le sol imbibé de sang, les traces de lutte et corps sans vie qui gisaient à terre : des elfes, des orques, des ents, des hommes, des nains, ... Une morbide succession de cadavres pavait désormais les sols de la bienveillante forêt de Fangorn, souillant les terres des alliés. Haldir ne trouva aucun survivant où qu'il aille et courut sans s'arrêter ni se retourner.

Désormais seul dans la forêt, Haldir retrouva enfin le silence tant espéré. Il s'assura d'avoir semé ses suiveurs et se dirigea vers un arbre familier, il y grimpa quelques branches à la seule force de ses bras et y récupéra un arc, un carquois et une épée cachés là. Désormais armé, Haldir sauta avec souplesse au sol et poursuivit sa silencieuse fuite entre les arbres, ne cessant de se retourner pour guetter tout ennemi qui se serait lancé à sa poursuite. Seul son souffle éffréné fendait le silence. Enfin, Haldir accourut vers une écurie isolée, il y quit un cheval. Il y monta et vérifia son paquetage, mais à peine s'était-il retourné qu'une flèche vint se loger dans sa cuisse, l'elfe hurla avant de héler son cheval qui s'élança droit au galop. Malgré tout ce qui le retenait ici, il était poursuivi et devait quitter Fangorn à tout prix. L'elfe fuit, le cœur empli de douleur et lourd de chagrin.

Des heures plus tard, alors que Haldir était déjà loin, des éclaireurs alliés arrivèrent à Fangorn, lourdement armés. Guidés par la fumée de la forêt, ils découvrirent les portes de la secrète cité et y découvrirent avec effroi le spectre d'une ville en ruines. Le macabre spectacle qu'ils y virent les bouleversèrent tant, que malgré la génétique elfique très hermétique aux émotions, les soldats constatèrent que des larmes irrépressibles coulaient sur leurs joues.
Les soldats quadrillèrent la ville à toute vitesse, à la recherche de survivants ou de blessés à secourir, mais en vain. Les patrouilleurs se réunirent dans la cour principale et échangèrent des regards silencieux, lourds de chagrins. Tous respectèrent un long silence, de ces silences empreints de colère et de désolation. Un silence contenu dont seule la tristesse des larmes non retenues venaient perturber le calme.

Des jours passèrent. Pour ne pas céder au chagrin, les patrouilleurs se gardèrent occupés, surveillant impuissants les ruines de la cité déchue dont l'odeur encore irrespirable étouffait toute vie. Ils traitèrent les corps des trépassés avec dignité et les comptèrent. Après des jours de labeur et de peine aux frontières de la mort, un cor allié retentit. Un régiment se présenta aux portes de la cité. Le Mirkwood, historique allié de Fangorn, était aux portes. Les soldats sylvestres pénétrèrent dans la cité, découvrant l'enceinte silencieuse d'une ville fantôme où la mort régnait en maître, imprégnant chaque pierre et taisant chaque chant d'oiseau. Le roi sylvestre Thranduil Vertefeuille s'avança, terrassé du spectacle : il découvrit avec effroi le sang, le silence et les bâtiments de la légendaire cité qui semblaient avoir perdu tout éclat. Le souverain apparut bouleversé. 

L'un des patrouilleurs s'avança vers lui et se courba avec respect :

- Seigneur Thranduil, il n'y a pas de survivant.

Le souverain encaissa l'information et blêmit, frôlant le malaise. Le roi dut prendre un instant pour ne pas défaillir, le regard fuyant.

Après plusieurs heures d'inspection morbide, où le roi Thranduil dut se contenir pour ne pas s'effondrer, il décréta, en ce jour si sombre pour les elfes, la tutelle accordée au territoire de Fangorn, promettant ainsi la protection militaire de ces terres par les armées du Mirkwood. Il décréta ceci afin que les lieux soient préservés de toute nouvelle invasion et que les âmes de ce sanctuaire y demeurent en paix. Quoi qu'il arrive, le Mirkwood s'assurerait à ce que justice soit faite en leur nom. 

Ce même jour marqua le début d'une vague de chagrin sans pareil qui ravagea toute la communauté elfique et bien au-delà. Des siècles durant, tous pleurèrent longtemps la forêt désolée et ses guérisseurs, purs êtres de lumières, humbles anonymes au service de la paix, dévoués à l'assistance et au soutien de leurs prochains, eux qui incarnaient le profond respect des elfes envers la nature. Le chagrin emporta la sérénité de toute une génération et la légende de Fangorn marqua les esprits de par son injustice et sa violence. La perte de la cité ébranla également toute la communauté militaire de la terre du Milieu, les guerriers de toutes origines ayant pour souvenir le soutien indéfectible de la cité en cas de blessure au combat. Aujourd'hui la cité n'était plus, et s'envolait avec elle des millénaires de savoirs ancestraux et les guérisseurs les plus talentueux qui soient, ainsi que toute chance de guérison et de secours pour tout soldat en exercice. Dès ce jour, on put aisément percevoir l'angoisse qui s'emparait des elfes au front qui n'aspiraient désormais plus qu'à un sort fatal au combat, ne pouvant plus compter sur les uniques soins autrefois prodigués en ces lieux. Le berceau des guérisseurs s'était éteint.

Le conte de la forêt devint une ombre, un tabou, peu étant capable de relater ces faits sans pleurer avant la fin. Les elfes plongèrent ce jour dans un tourment sans répit, cherchant une issue à leur peine, sans en trouver le moindre réconfort. Leurs cœurs brisés ne trouvèrent aucun remède à leur peine.

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