Tristesse

Quand Wellan se réveilla, il fit une crise de panique. Évidement, comme il était plutôt dans les vapes hier, je me doutais qu'il n'allait se souvenir de rien. Je lui expliquai donc où nous étions. Cornéliane, Ariel et moi jurâmes que nous ne l'avions pas enlevé à ses parents et que nous l'avions seulement trouvé dans les bois. Il fut encore plus traumatisé en passant devant le miroir qui lui dévoila ses ailes. Je pus le consoler, car il me faisait maintenant aveuglément confiance, j'étais comme une mère pour lui. J'avais un peu altéré sa mémoire : il se souvenait de tout, mais il ne ressentait plus aucune tristesse en pensant à son passé. Par contre, le jeune demi-dragon continuait de se méfier de Cornéliane et d'Ariel.

Quand je n'étais pas avec Wellan, je ne travaillais pas au magasin. Je passais plutôt mon temps en compagnie de James, mais mes deux amies croyaient que je me pratiquais avec mon maître. À chaque fois que je pensais à lui, mon cœur s'emballait, j'étais maintenant plus qu'une amie. Je savais bien sûr qu'il vieillirait et qu'il mourrait un jour, mais j'essayais de ne pas y penser. Je voulais passer ma vie avec lui, mais nous devions passer un cap : Le premier baiser. Comme d'habitude, nous nous retrouvâmes au puit de notre première rencontre. Je décidai de ne pas lui parler de Wellan, car il n'avait pas l'air d'aimer les dragons, alors s'il savait qu'on en cachait un demi...

- À quoi tu penses en ce moment? me demanda-t-il soudainement. Tu sembles soucieuse.
- Oh, à rien en particulier. Seulement à ta sale tête.
- Pourquoi? Je me suis lavé pourtant!
- Salaud, je ne parle pas de ça! dis-je en me mettant à le chatouiller.

Nous roulâmes dans le champs de trèfle, notre endroit préféré. Je trouvais qu'il faisait ressortir ses yeux. Nous nous chatouillâmes et rîmes comme si rien ne comptais à présent. Nous reprîmes notre souffle, moi étalée sur James. Nos visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre. Je me lançai. Il fut tout d'abord surpris, mais il répondit rapidement à mes baisers. Les siens étaient doux et goûtaient le miel. J'étais aux anges. Soudain, il se raidit et me décolla de lui.

- Aie!
- Qu'est-ce qu'il y a? dis-je en me redressant à mon tour.
- Il y a quelque chose qui m'a mordu!

Je remarquai à la base de son cou deux petites fentes qui semblaient recouverte d'une fine poudre dorée, mais cela dut être une illusion, car la blessure redevint normale. Je vis une chose qui ondule dans l'herbe et j'étouffai un petit cri. C'était un serpent qui l'a mordu! D'une agilité que je ne lui avais pas remarqué, James attrapa la créature. C'était effectivement un serpent doré, mais avec des ailes... Mince! Je regardai mon poignet et, effectivement, mon dragon n'y était plus. Comment ça ce faisait? Il avait fait une crise de jalousie ou quoi?

- Hé! Mais qu'est-ce que ça fait là? m'exclamai-je.
- Tu sais c'est quoi?
- Euh, ben en fait, c'est compliqué...
- Explique-toi, exigea-t-il durement.
- En fait, depuis que je suis éveillée, je l'ai toujours eu. C'est comme un espèce de protecteur.
- Un protecteur qui ne veut pas de moi, dit-il le regard sombre.
- Ouais, ben en fait c'est comme une partie de moi-même. Je vais lui dire d'arrêter, ris-je nerveusement.
- Alors tu voulais qu'il me morde?
- Non! C'est pas ça, il a aussi sa propre conscience je pense...
- Je crois que c'est mieux qu'on ne se voit plus.
- Hein?! Pourquoi es-tu si dur tout à coup? Ce n'est pas toi qui disait que rien n'importait, que tu irais au bout du monde avec moi?
- D'accord, alors débarrasses-toi de ça.
- Je ne peux pas.
- C'est... "ça" ou moi.

Le cœur brisé, je disparus dans la forêt. Je pleurais silencieusement et j'entendais même les larmes tomber sur les feuilles mortes. Je me sentais vidée. Qu'est-ce qui pourrait être pire qu'une peine d'amour?

Je rentrai au magasin, fermé depuis deux heures déjà et montai à l'étage. Cornéliane préparait le souper avec sa fille et Wellan. Je leur dis bonjour et le garçon-dragon se retourna. Il me regarda, visiblement stupéfiait, et je me demandais bien pourquoi. Soudain, il se jeta sur moi avec le couteau qu'il tenait. Surprise, je me tassai d'un geste vif et l'attrapai en le faisant échapper son arme. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait?

- Pourquoi, pourquoi, pourquoi? criait-il en pleurant.

J'interrogeai Cornéliane et Ariel du regard. La plus jeune me fis signe que j'étais toujours démone. Oups, maintenant que j'y pensais, mes cheveux étaient toujours blancs. Je ne m'était pas retransformée en revenant du champ. Je venais vraiment de gaffer. Maintenant, Wellan ne me fera plus jamais confiance! Il s'endormit enfin à bout de force et mes deux amies allèrent se coucher en silence. Je montai sur le toit pour pleurer. Quelle journée merdique! J'aurais tant voulu recommencer...

Au petit matin, une autre mauvaise surprise m'attendais : Wellan avait disparu! Il était parti pendant la nuit et, perdue dans mes pensées, je ne l'avais pas vu depuis mon perchoir. Quelle idiote j'étais! Je m'en voulais tellement! Nous décidâmes de fermer le magasin pour le chercher. Ça ne sera pas difficile de leur faire croire à un crime, car la vitre était fracassée. Pris de panique, le petit garçon avait dû se transformer de nouveau. Nous devions absolument le trouver avant les villageois, sinon ils le tuerons! En fouillant la forêt, nous tombâmes sur un groupe de villageois armés de fourches et de filets qui remontaient un sentier.

- Hé! Qui va là? demanda un des villageois.
- Bonjour Pierrot, répondit Cornéliane d'un ton calme. Que faites-vous dans la forêt?
- Nous chassons le dragon, évidement! cria un villageois au loin.
- Ah bon? Et pourquoi?
- N'as-tu pas entendu les rumeurs, Cornéliane?
- Oui, effectivement, mais comme vous l'avez dit, ce ne sont que de simples rumeurs.
- Ce n'est pas ce que Marcus pense, en tout cas, dit un vieil homme. Il dit l'avoir vu saccager votre magasin.
- Ha, ha, ha! Il a bien été vandalisé, mais sûrement pas par un dragon! s'écria Ariel. Ça n'existe pas!
- En êtes-vous certaines? dit un voix aigu.

Les hommes s'écartèrent pour laisser passer un vieillard. Je le reconnus, c'était Marcus. Finalement, la situation était plus désespérée que je le pensais... Personne ne pouvait détester plus que lui les créatures magiques.

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