Piégé

Il se tourne, mais je me déplace tellement vite qu'il manque de se cogner contre moi. Je me retiens de justesse pour ne pas lui donner une bonne correction, mais avec tous ces témoins, ça aurait signé ma fin. Du coin de l'œil, je vois Cornéliane qui me reproche du regard. Je hausse les épaules et le fusille du regard une dernière fois avant de quitter à grand pas le sentier. Je m'excuse de laisser mes deux amies en plan, mais elles vont comprendre que je ne peux me contrôler en ce moment. Il me faut faire équipe seule maintenant.
Dès que je suis éloignée, je me laisse engloutir par mon pouvoir. Ma colère et ma tristesse font que je me transforme, mais aussi que mon "bracelet" se retransforme en bâton de marche. Tant pis, je ne compte pas me faire surprendre par qui que ce soit. J'étouffe un cri de rage. Si seulement je lui avait montré depuis le début ma véritable forme et que je lui avait appris à se contrôler! On n'en serait pas arriver là! Je file entre les arbres tellement vite que je me félicite de ne porter qu'une tunique beige plus ou moins courte avec des short serrés très court. Ce n'est pas comme si je portais ma longue robe blanche! Ça au moins, ma magie ne l'avait pas fait apparaître.
Je ne sais pas ça fait combien de temps que je cours entre les arbres, mais quand je m'arrête, je vois que le soleil s'est baissé considérablement. Cornéliane a dû s'inquiété de ne pas me voir arriver à midi. J'espère qu'elles me pardonneront. Déjà que James me déteste... Je pousse son souvenir loin dans mes pensées. Ce n'est pas le temps de penser à ça, j'ai un dragon à retrouver, moi. Qui sait ce que lui fera Marcus s'il le trouvait avant...
J'entends des gens rire et d'autres qui crient de se la fermer. Des voix d'hommes, et pas n'importe lesquels. Les hommes de Marcus. Je m'accroupie et détends mes jambes comme un ressort pour me permettre de sauter dans la branche haute d'un arbre. Misère! Je suis allée beaucoup trop haut! J'en reviens pas. J'avais oublié à quelle point j'étais plus forte que les humains à faire semblant d'être comme eux. Il faudrait que je développe plus mon côté "démon"... J'arrête mes songeries pour prêter l'oreille à ce qui se passe en bas.

- Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ouh...
- Hé! C'est beau! T'as plus besoin de rire.
- Mais quand même, un ours! T'as vu ta tête? dit-il en s'esclaffant.
- Ben là! Ça ressemble à un dragon de loin, non? se renfrogne-t-il.
- Non! Ça n'a pas d'ailes! *rires*
- ...
- Bon! Vous la fermez, là? dit un autre que je n'avais pas entendu. Marcus nous a dit de faire le moins de bruit possible. Vous allez faire fuir le dragon avec vos niaiseries...

Bon, ce sont vraiment des chasseurs de Marcus. On est plus en trouble que je ne le pensait... Je jette enfin un coup d'œil en bas. Ils sont plus que je ne le pensait et si Marcus n'est pas avec eux, c'est qu'il y a au moins deux groupes. Un bruit survient, bizarre, comme si quelque chose d'énorme arrivait. Au dessus des arbres, les oiseaux s'envolent. Ah non, c'est pas vrai! Tout près du groupe se dresse une magnifique bête couverte d'écailles noires et luisante. Je dois bien être la seule à la trouver belle par contre. Passé la surprise, les hommes se mettent à hurler. Quels trouillards! Enfin bref, ils se mettent à faire plein de bruit avec tout ce qu'ils ont sous la main. Je vois bien que le dragon est affolé. Derrière eux, deux groupes arrivent en faisant eux aussi du boucans, mais toujours pas de Marcus en vue. Finalement, je le vois, arrivant de derrière la bête. Les hommes retiennent leur souffle en jetant des regards affolés. Les groupe de Marcus se tournent enfin et la voient, la gueule grande ouverte dans une vision cauchemardesque. Même à moi, elle fait peur.
Les hommes s'activent enfin, en me surprenant, ils se mettent à courir vers la bête qui s'était retournée tel un seul homme. Finalement, ils ont un plan bien préparé. Je me demande pourquoi ils ne pensent pas à la blesser, c'est comme s'ils... essayaient de lui faire peur.

- Cette bête aura son compte avant le coucher du soleil! Vive les hommes! Glorieux nous serons demain! dit Marcus, fier.
- Vive les hommes! À bas le dragon de l'enfer! crièrent tous ensemble les autres.

Merde de merde de merde! Putain, ils ont creusé un trou, voilà pourquoi je ne les avais pas croisé plus tôt! Ne voyant pas le piège, le dragon, ou plutôt Wellan, tombe dedans. On ne voit plus que la tête de la bête qui dépasse. Elle aurait rentré si se n'était que toute la paille et les brindilles dans le fond... QUOI?! De la paille? Oh non, ils vont le brûler vivant, un enfant! Ces idiots, je vais leur montrer de quelle bois je me chauffe...
J'allais sauter de l'arbre où je me cachais quand je me fige soudain. À cause d'une personne. À cause de lui. Tout ce que j'aimais, hormis Cornéliane, Ariel et le magasin. Et le puit. Et le champs de trèfles, comme ses yeux.
Qu'est-ce que je fais? Je ne peux pas y aller, ils vont tous me voir et je ne pourrai plus rester. Mais Wellan va mourir, et sous mes yeux en plus! À quoi ça sert si je culpabilise jusqu'à la fin de mes jours? Et puis, la lune m'a choisi pour protéger les créatures magiques comme lui, il faut que j'y aille... Le flambeau approche et que quelques décimètres le sépare de la vie ou de la mort. Aaah! C'est trop dur à porter! Tant pis! Je regarde encore une fois l'homme au flambeau. Comment a-t-il pu me trahir autant? À bien y penser, il ne pouvait pas savoir. Il va être dévasté par mon choix.
Je prends ma destinée en main, je saute. Ce sera le début d'une aventure. Je partirai au loin avec lui et ne reviendrai plus jamais. C'est terminé, enfin. Je ferme les paupières et glisse de ma branche. Les hommes ne m'ont pas remarqués encore, trop occupés à martyriser la pauvre bête. Il est encore temps de me cacher à jamais. Mais ce serait fuir le destin. Je m'avance. Sans se rendre compte de qui je suis, ils s'écartent, comme si s'était écrit. J'arrive près du bord et c'est là qu'il me voit. Le fantôme, le démon de ses plus profonds cauchemars. Celle qui les a tous tué, enfin, c'est ce qu'il pense. Après tout, je ne pourrai apporter la maladie, ce n'est pas quelque chose d'influençable. Marcus se jette à genoux. Il se trouve à mon opposé, en face de moi. Je le toise d'un regard mauvais, dégoutté. Il est complètement sous le choc. Il pose sa main sur Son épaule et un frisson parcours ma colonne vertébrale. Comment a-t-il pu faire ça?
L'homme lève enfin son regard vers moi, suspendant le flambeau à quelques millimètre de la paille. Je plaque mes mains sur ma bouche, étouffant un cri qui me déchire le cœur. C'est bien lui. Il écarquille ses yeux de stupeur, ses yeux couleur des trèfles. Bien sur, je ne devrais me trouver ici. Il murmure mon nom, son regard au bord des larmes.

- Fatum...

Ôh James! Que fais-tu?

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