Écailles
L'été tirait à sa fin et je voyais les feuilles devenir un peu plus dorées à chaque jour. Cela allait faire maintenant presque trois mois que je vivais avec Cornéliane et Ariel. Les gens du villages étaient gentils avec moi et je sentais que j'allais m'ennuyer d'eux quand j'allais devoir partir... De plus, ils avaient apprivoisé Luiz très rapidement. Les enfants du village lui couraient après et tous semblaient vraiment l'apprécier. Je me rendais dans la forêt tous les jeudi en soirée pour poursuivre mon apprentissage auprès du Maître. La première chose qu'il m'appris fut de contrôler le feu à l'intérieur de moi, car je faillis brûler vif un voleur pendant que je gardais le magasin. Personne ne devait savoir ma véritable identité. Il m'appris aussi à maîtriser mon don de persuasion et m'en appris beaucoup sur le monde des créatures magiques.
- Tu sais ce qu'est le Conseil? me demanda-t-il au bout de quelques leçons.
- Non, je devrais?
- Bien sûr! Qui ne connais le Conseil? Ils dirigent le peuple magique au nombre de huit. Ce sont des élus de la lune, protectrice de la magie et du secret.
- Comment on peut savoir habituellement si on est un élu? dis-je soudainement inquiète.
- Avec la marque du dragon, mais ne t'inquiète pas, ils sont déjà huit, me dit-il en riant.
Mince. Alors, comment ça se faisait que je sois une élue? Je devais en savoir plus et je devais surtout lui cacher mon secret. Qui sait comment il allait réagir? Surtout qu'il n'avait pas l'air de bien s'entendre avec eux...
- Et qui sont ces élus?
- Il y a une vampire, un elfe, une fée, une sirène, un élémentaire de l'eau et un ange. Sans oublier le dragon, le plus vieux et le plus sage d'entre les huit. C'est lui le chef, je crois. Et il y a Orale...
- Qui est Orale? demandai-je.
- Ah, une métamorphe. Elle se transforme en chouette harfang.
- Je me trompe ou vous avez déjà eu une histoire avec elle?
- C'était il y a longtemps... Mais de quoi je me mêle? s'exclama-t-il en se rendant compte qu'il était sur le point de se confier.
J'éclata de rire et il devint tout rouge. Je crus comprendre pourquoi il avait des relations tendues avec le conseil... Je souris.
En plus de suivre mes leçons et de continuer une vie normale au village, je devais aussi trouver le temps de revoir James. Il me fit découvrir les champs de trèfle. Nous nous promenions souvent ensemble dans la forêt, trouvant des petits coins paradis à travers les arbres. Il s'était ouvert à moi et me confia qu'il vivait avec son père depuis que sa mère avait disparu. Il me dit combien il l'avais aimé et me fit savoir que c'était elle qui l'avait ouvert à la nature. Petit, il pensait qu'elle était même capable de parler au animaux tellement elle s'entendait bien avec eux, mais il avait dû l'imaginer. Elle s'appelait Isabelle, mais tout le monde au village l'appelait La Belle. Elle était jolie et tout le monde l'appréciait. On disait d'ailleurs qu'elle faisait des tartes tout simplement divine.
Quand je parlai d'Isabelle à mon maître renard, il me dévoila que cette mystérieuse femme était en fait la fille d'un sorcier et d'une humaine. Abasourdie, je le dis à James, mais il me crut pas. Selon lui, elle lui aurait dit si s'était vrai. Même si cette révélation avait quelque peu mis un froid entre nous, nous restâmes de bons amis et nous devenions même un peu plus que ça. James cachait sa relation à son père qui voulait qu'il épouse une femme du village. Il n'acceptera jamais de laisser son fils épouser une étrangère, et démone de surcroît! Je le consolais en lui disant qu'on n'était pas obliger de lui dire, que ce serait notre secret à nous. Il me disait souvent qu'il s'enfuirait au bout du monde avec moi s'il le fallait...
Enfin, en ce début d'automne, les ventes se faisaient plus rares. Les villageois passait beaucoup de temps aux champs et les femmes stockaient les réserves et faisaient des conserves. J'avais une belle vie, j'étais bien ici. Je ne pensais presque plus au moment de partir. J'étais enfin heureuse et je commençais même à penser à me construire une maison à moi. Mais tout bonheur avait une fin. Un jour, une rumeur grandit au village. Plusieurs fermiers disaient qu'un bête rôdait dans la forêt, sombre et menaçante. Il en avait même qui disaient que ça pourrait être un dragon! Quand je découvris que c'était Marcus qui faisait circuler la rumeur, je n'en fus pas étonnée. Je le dis à James à quel point je trouvais Marcus idiot mais, bizarrement, il prit sa défense et se fâcha.
- Voyons! Tu n'es pas sérieux! Tout le monde sait que les dragon n'existent pas! dis-je.
- Et les démons? C'est supposé exister?
C'était la première fois qu'il me désignait comme étant un démon. Habituellement, il m'appelais sainte ce qui m'énervait, mais là... Mon dieu qu'il était froid. Qu'est-ce qui lui prenait? Il avait été traumatisé par un dragon ou quoi?
- Bon, d'accord, ça existe, mais qu'est-ce qu'il pourrait trouver d'intéressant ici? En plus, c'est super rare des dragons! Tu penses qu'il prendrait le risque de venir dans un village d'hommes suspicieux?
- Tu es tellement têtue quand tu veux! se résigna-t-il en soupirant.
Nous avons ensuite changé de sujet et la journée se finit en douceur. Je le quittai pour rentrer par un raccourci dans la forêt. Le soleil s'était mis à descendre, mais il faisait tout de même beau. Tien, c'était bizarre, il faisait plus clair il y a un instant. Je levai la tête, mais le soleil m'aveugla. On aurait dit que quelque chose était passé par dessus ma tête... Inquiète, je me mis à marcher plus vite et retiens mon envie de me transformer en démone. Personne ne devait me voir.
Un peu plus long, à la croisée de deux chemins, j'aperçus un enfant endormi. Mais qu'est-ce qu'il faisait là? Il s'était peut-être évanoui en fait ou bien il s'était perdu. Je m'en approchai et je vis que ce que j'avais pris pour une couverture noire était en fait... des ailes. QUOI?! Le garçon était étendu dans une drôle de position, même pour dormir, et ses ailes étaient repliées sur lui comme pour le protéger. Ses cheveux étaient entre le brun et le roux et de fines écailles noires descendaient de ses tempes jusqu'en dessous de ses yeux. Même avec une tunique à manche longue, je vis d'autres écailles descendre jusque sur le dessus de ses mains. Je me penchai vers lui et il se réveilla en m'attrapant vivement le bras. J'étouffai un cri de surprise. Il me regarda avec des yeux immenses et verts remplis de peur. Lui au moins, il avait des pupilles rondes, même si elles était légèrement plus grandes que la normale.
- Où suis-je? demanda-t-il d'une toute petite voix. Qui es-tu? Tu n'as pas peur de moi?
- J'en ai vu des pires, dis-je avec un sourire en coin. Pour ton information, nous sommes à quelques minutes à pied du village de Sunrise.
- Connais pas. C'est quoi ton nom?
- Fatum et toi?
- Wellan. Qu'est-ce qui m'arrive? dit-il en regardant ses mains.
- Je ne sais pas. De quoi te souviens-tu?
- Euh... dit-il en plissant le front. Je me promenais en forêt et je suis tombé sur un dragon. Il était pris dans un filet donc je l'ai aidé, mais il m'a mordu. Ensuite, je me suis évanoui. On m'a retrouvé et je me suis mis à avoir mal partout. J'avais la fièvre et des boutons noirs ont poussé sur mon ventre...
Il soulèva son chandail. Tout son ventre était maintenant couvert de petites écailles placées en spirale à partir du nombril. Elles remontaient sur ses bras jusqu'au dessus de ses mains. Elles descendaient aussi jusqu'au dessus de ses pieds et il n'y avait plus aucune trace de poil sauf pour les cheveux, cils et sourcils. Seul une partie du visage, ses paumes et la plante de ses pieds semblaient être épargnés. Les larmes montèrent dans ses yeux.
- J'entends des choses et je vois des trucs bizarres... Comme si je ressentais tout plus fort. Je veux mes parents! dit-il en se mettant à pleurer pour de bon.
Je restai à genoux près de lui. Je ne pouvais même pas lui frictionner le dos à cause de ses ailes! Je me demandai si je devais me transformer devant lui. Peut-être plus tard, il me semblait assez ébranlé comme ça. Il n'avait pas l'air d'appartenir au monde des créatures magiques. Je me demandai comment il s'était retrouvé ici...
- En attendant de retrouver tes parents, vient avec moi. Je vais te présenter à des personnes qui prendront soins de toi.
Comme il faisait maintenant nuit, il n'y avait plus personne dans les rues. Nous n'aurons pas eu besoin de nous cacher comme ça. Quand je rentrai dans la maison, Ariel cria et Cornéliane échappa une assiette. L'enfant se mît à pleurer et les deux femmes se reprirent en mains. Elles le firent s'assoir sur le divan et lui donnèrent une part du ragoût qui avait mijoté toute la journée. Finalement, il le mangea au complet. Ça devait faire longtemps qu'il n'avait pas mangé. Quand il s'endormit enfin, je pensai que Luiz pourrait me dire ce qu'il était.
«Les métamorphes dragons sont extrêmement rares.» me dévoila-t-il. «Contrairement aux autres métamorphes qui peuvent avoir le pouvoir de se transformer en animal par hérédité, les demis-dragons doivent absolument être mordus par un dragon. Comme ils sont rares, il est peu probable qu'il y aille une transformation, surtout qu'un humain a 50% de chance de mourir.»
«Mais pourquoi ils ne peuvent pas le faire par hérédité?» lui demandai-je.
«Ils sont stériles.»
«Oh. Mais comme c'est un métamorphe, il peut se transformer alors?»
«Oui. Tu pourrais peut-être lui montrer pour qu'il ne se transforme pas encore devant le village.»
«Une dernière chose. Est-ce qu'il pourra faire disparaître ses ailes et ses écailles comme moi?»
«Mais non! Combien de fois je vais te le dire, tu n'es même pas supposée être capable de faire ça! Habituellement, un démon-renard garde ses oreilles et sa queue et surtout ça garde la même apparence.» dit-il d'un ton presque accusateur.
«C'est bon, j'ai compris. Il ne pourra jamais avoir une vie normale.»
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