Confusion

- Étienne, arrête ça, je t'en supplie...

Sourd à mes supplication, il continuait à me fixer de son regard dément.

- Fatum... Qu'est-ce que tu aurais fait pour sauver James à ma place? murmura-t-il d'un ton qui fit tout sauf me calmer. Tu es bien parti en lui brisant le cœur du même coup, tu connais cette douleur qui nous déchire les entrailles.
- Pitié, soufflai-je, ne sachant pas si c'était mes larmes ou de l'eau qui coulait sur mes joues.
- Fatum...

Il prit mon visage entre ses mains manipulatrices et me força document à lever les yeux sur lui. Son regard était d'un bleu froid comme de la glace. De la glace...

- Tu sais que je n'ai pas le choix...

Je tournai rapidement la tête, arrachant mon visage de ses paumes et me propulsai à l'autre bout de la carrière. Je me plantai solidement dans l'herbe qui me chatouillait les pieds. Étienne réagit automatiquement et relança ses jets d'eau, mais je ne me laissai pas faire. Je levai ma main gauche, celle qui, autour du poignet, était lové le minuscule dragon de bois. À peine l'eau rentra-t-elle en contact avec ma paume qu'elle se solidifia.

- De la glace, s'exclama Étienne sans surprise. Belle utilisation de la matière, Kitsune.
- Merci, dis-je sarcastiquement en faisant une courte révérence.

Le répit ne dura pas, car ce sourire cauchemardesque revint sur le visage de l'élémentaire qui, levant les deux bras, fit flotter toute l'eau de l'étang au-dessus de nos têtes. Elle tourbillonna longuement avant qu'elle ne fut propulser dans ma direction. Je ne pourrai jamais arrêter cette vague de m'attendre...

- Stop! hurla soudainement une voix.

Pris de court, Étienne relâcha son emprise sur l'eau qui retomba sur le sol sans attendre personne. D'un seul mouvement, nos têtes se tournèrent en direction de ce cri.

- Arrêtez, arrêtez ça...

Cette voix... Je tournai vivement la tête, coupable, alors que Léane avançait dans la clairière. Qu'avait elle vu? Qu'avait-elle entendu?

- Je savais que tu étais spéciale, Fatum, dit-elle alors que j'évitais toujours son regard. Tu sais, je t'ai vu ce jour où tu t'es évanouie en construisant ta maison. Je vous trouvais étranges et je comprends aujourd'hui pourquoi. Tu sais, je me suis enfuie quand j'ai vu... Je... Je ne savais pas trop quoi penser de tout ça et...
- Ça va... murmurai-je.
- Et, tu sais, continua-t-elle, j'ai eu si peur quand j'ai su qu'Étienne t'avait ramené à Hana et je m'en suis tellement voulu...
- Arrête, je te pardonne, dis-je en relevant la tête, ça va aller, arrête de t'en faire.
- Bon, ça  a beau être très émouvant ces... excuses, mais je ne crois pas qu'on avait fini toi et moi, grogna Étienne.
- Étienne! s'exclama Léane, insultée. Mais qu'est-ce qui te prend? Elle est ton amie!
- Mon amie? Mon amie, Léane, vraiment? Tu ne vois pas où cette histoire mène? Es-tu à ce point aveugle?
- Nous allons trouver une solution, je...
- Non, Léane, il n'y a pas de solutions, tu le sais aussi bien que moi et c'est ce que je me tue à vous montrer, finit-il en s'avançant vers moi.
- Non!

Levant les mains, des milliers de petites gouttes se mirent à léviter tout autour de nous, puis Étienne serra les points et toutes fusèrent vers moi. Surprise, je n'eus pas le temps d'esquiver un mouvement alors que Léane se propulsait vers moi. Tout se passa si vite. D'énormes loups noirs bondirent des bois et attaquèrent Étienne qui hurla dans la nuit. Doucement, Léane tomba sous les coups des gouttelettes meurtrières. Je me précipitai sur elle.

- Léane, Léane! dis-je en prenant son maigre corps entre mes bras.
- Je suppose qu'on sait maintenant quel est mon pouvoir... dit-elle dans un murmure.

Je tournai la tête vers les loups aussi sombres que la nuit qui déchiquetait le corps maintenant sans vie de l'élémentaire. Je fis doucement le tour de son visage fin avec mes mains, soulevant doucement sa tête et tassant du même coup ses cheveux trempés.

- Tu... Tu dois vivre pour en profiter... Reste avec moi...
- Fatum... Tu es ma meilleure amie...

Elle fermai ensuite les yeux alors que ses jambes se changeaient en une queue de poisson allant du vert au turquoise. Sanglotant doucement, je laissai aller ma peine sur le corps immobile de la sirène. Soudain, une banche craqua à l'autre bout de la clairière. Je relevai rapidement la tête. Les loups avaient disparu, mais, face au corps méconnaissable d'Étienne, se tenait la cause de cet affrontement. Katherine s'était figé devant le massacre qui venait de se produire.

~•~§~•~

- Mais qui es-tu à la fin?! hurlait Katherine en faisant les cents pas devant la maison de marbre et de chaume de la fée guérisseuse.

Si on excluait Hana et Léane, tous les membres du Conseil survivants se tenaient dans le jardin luxurieux de la fée. Les arbres fruitiers étaient en fleurs et des milliers de breloques de verre pendaient à leurs branches. Dans cette cour fleurie, j'avais presque l'impression que tout ce cauchemar ne s'était jamais produit.

- Comment... Pourquoi Étienne en avait après toi, hein?! Et tu viens me dire que c'est Léane qui a envoyé des... Des loups pour le tuer?! Rien trouvé de plus crédible? Cette fille ne ferait pas de mal à une mouche!
- Sauf si sa vie était en danger, rouspétai-je.
- Tu sais ce que t'es? rugis de plus belle la vampire en s'avançant vers moi. T'es qu'une menteuse, une tueuse! T'es vraiment qu'une démone!
- Non elle ne l'est pas! cria quelqu'un.

Sur le porche, suivie de la dame au visage sans âge et aux ailes de libellule, se tenait Léane, telle une apparition d'entre les morts. Celle-ci eut un léger malaise, se retenant sur la rembarre et prouvant qu'elle était bien vivante. Je courus la prendre dans mes bras.

- Léane! Oh mon dieu, je te croyais...
- Morte? Mais tu sais qu'il en faut plus pour se débarrasser de moi voyons! rit cette dernière.

Je ris à mon tour avant qu'elle se défasse de mon emprise avec douceur. La sirène se tourna vers les autres du Conseil debout dans le jardin.

- Fatum ne ment pas, s'il était vivant, Étienne vous le confirmerait, mais celui-ci a vraiment essayé de nous tuer, enfin, il voulait seulement tuer Fatum et il avait une bonne raison en fait...

L'attention du groupe revint vers moi.

- Fatum, dit Léane en posant sa main sur mon épaule, tu devrais leur dire.
- Nous dire quoi? demanda l'ange Michael.
- Et bien... dis-je avec hésitation avant de soupirer. Une image vaut mille mots, non?

Prenant mon courage à deux mains, je détachai le dragon à mon poignet et celui-ci vint tournoyer dans ma paume. Sous les mines stupéfiées des membres du Conseil, celui-ci reprit sa forme initiale en envoyant un coup de vent me balayer, faisant flotter momentanément mes cheveux autour de mon visage dans une vision presque divine. Personne ne dit un mot avant un bon bout de temps.

- C'est une membre du Conseil aussi... murmura Orale.
- Et Étienne devait être amoureux de Katherine, suggéra Michael.
- De moi?! Impossible!
- Mais pourquoi aller jusqu'à la tuer? demanda innocemment Wellan.
- Aucune idée, soupira Orale.
- Étienne... Étienne a dit que Katherine vivrait plus longtemps si je disparaissais, dis-je.
- Balivernes, grogna la métamorphe.
- En tout cas, ça nous arrangerait bien si t'étais un mec de l'eau, ricana Michael en me donnant une claque amicale dans le dos.

Alors que tous se mirent à discuter de mille et un scénarios expliquant mon appartenance au Conseil, je remarquai que Katherine se tenait en retrait. Je marchai doucement et allai la rejoindre.

- Hé, ça va?
- Comment tu veux que ça aille quand je viens d'apprendre que je vais bientôt mourir, grogna-t-elle en se dégageant.

Je soupirai en la regardant s'éloigner. Notre relation ne risquait pas de s'améliorer... Mes oreilles sensibles m'indiquèrent alors qu'une grande clameur s'élevait non lui d'ici et je n'étais pas la seule à s'en avoir rendue compte.

- Y'a du mouvement sur le Chemin de marbre, indiqua Lith, l'elfe du Conseil.

Nous allâmes donc sur la Place de la Tour non loin d'où nous étions. Sur le Chemin où les marchands s'entassaient, une foule avançait.

- Reste en arrière, me dit Orale avant de courir vers le troupeau.

Les autres membres du Conseil la suivirent sans hésiter. J'étais bien curieuse de savoir se qui se passait là et puisqu'elle n'avait pas écarté Wellan, je ne trouvai aucun mal à y jeter un coup d'œil. Me frayant un chemin à travers les créatures attroupées, je découvris enfin la cause d'une telle clameur : Un marchand agressait un petit garçon. Il était svelte et sa peau était blanche et sans défaut, à faire rougir n'importe quelle fille. Ses boucles noires offraient un contraste incroyable avec ses iris bleu turquoise qui miroitaient, donnant l'illusion qu'ils étaient composés d'eau.

- Alors, comme ça on se croit tout permis? cracha l'ogre qui lui faisait face. Tu croyais t'en sortir comme ça?
- Mais je n'ai rien fait! cria l'enfant d'une voix cristalline.
- Menteur! rugit l'autre. Avoue que tu l'as volé, rend-le moi!

Alors que la figure du marchand virait au cramoisie, je regardai les alentours. Si le petit garçon disait vrai, le véritable coupable ne devait pas être loin... Pivotant lentement sur moi-même, j'aperçus un homme près d'un kiosque voisin qui s'enfuyait, une épée d'or sous le bras.

- Hé! Vous! Là-bas! m'exclamai-je en avançant vers le voleur.

Celui-ci ne se retourna même pas, mais accéléra. Furieuse qu'il laisse un pauvre enfant se faire accuser à sa place, je voulus me propulser dans les airs pour le coincer quand une petite main agrippa mon poignet. Surprise, je me retournai, plongeant mon regard dans un océan turquoise.

- Je vous cherchais, membre du Conseil.

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