Reposant son micro sur le pied, le noiraud passe une main dans ses cheveux en poussant un soupire de bien-être. Il sourit en entendant les soudains applaudissements qui remplissent la salle et se courbe.

« Merci à tous, ça a été un plaisir de chanter pour vous ! Je vous souhaite une très bonne après-midi, vous me retrouverez sûrement plus tard dans le quartier des trampolines et jeux d'extérieurs si vous y emmenez vos enfants. Encore merci ! »

Une nouvelle vague d'applaudissement retentit et Seoho mord sa lèvre pour éviter de sourire encore plus. Il ne s'en lasse décidément pas. Il finit par se courber et disparaît dans les coulisses, non sans saluer une dernière fois son public.

« Seoho dépêche-toi, ton secteur va rouvrir d'une minute à l'autre.

- Oui chef ! J'y cours ! »

Et il s'élance alors en courant vers la sortie du bâtiment — sous les yeux amusés de ses collègues comédiens qui finissent leur pause déjeuner —, enjambe son vélo et pars le plus vite possible.

Le parc dans lequel Seoho est engagé est assez spécial. Il regroupe toutes les activités loisirs que la ville de Sumgida possède ; du cinéma aux piscines, en passant par les attractions. Le noiraud travaille dans le secteurs dédié aux enfants, à quelques minutes de vélo du théâtre dans lequel il chante trois midis par semaine.

Il s'y plaît. Énormément. Il utilise son don à bon escient, est toujours en contact avec des enfants et par dessus tout, peut utiliser sa voix comme il l'entend, recevant des acclamations et des encouragements qu'il n'a jamais pu trouver chez lui.

« T'en as mis du temps ! s'écrit soudain une voix féminine.

- Yah, ils m'ont demandé une dernière chanson, j'allais pas partir comme un voleur quand même.

- Mouais.

- Bon, on ouvre ? »

Seoho braque un regard complice sur sa collègue et celle-ci lui rend avec un grand sourire. Aucun doute, ils adorent leur boulot et c'est toujours une partie de plaisir que d'ouvrir le parc pour s'occuper des enfants. L'un à côté de l'autre, ils font le tour de toutes les attractions de leur quartier pour en ouvrir les barrières. Tous les jours, à l'heure du déjeuner, ils ferment leur secteur pour aller manger pour l'une, chanter et grignoter pour l'autre, puis rouvrent une heure après (deux lorsque le noiraud chante). Seoho s'occupe surtout de la partie trampoline et jeux extérieurs aidé de son don, tandis que sa collègue gère les ateliers créatifs en tous genres.

Alors qu'ils passent devant la piscine peu profonde pour rejoindre l'entrée du secteur, le noiraud en train de chantonner se retrouve soudainement immergé sous l'eau. À peine se rend-il compte de la situation qu'il se redresse soudainement, sortant de l'eau en hurlant.

« YAH MOON BYULYI ! POURQUOI TU M'AS POUSSÉ !? JE ME SUIS COGNÉ LE DOS AU FOND DU BASSIN ÇA FAIT MAL ! »

Alors qu'il agite les bras, insultant sa collègue de tous les noms possibles et imaginables, cette dernière se tient le ventre à force de rire. Seoho a l'air ridicule comme ça, trempé et tout rouge de colère, l'eau lui montant jusqu'en haut des mollets. Il est séduisant aussi, ses cheveux noirs mouillés retombant sur son front, son t-shirt clair devenu transparent et surtout ses vêtements désormais collés à sa peau qui dévoilent sa silhouette en détails.

« Mais t'es beaucoup plus sexy comme ça ! répond-elle mi-amusée mi-sérieuse.

- Ça me fait une belle jambe ! Et tu veux que j'emballe qui ? Des gamins de huit ans !?

- T'as pas tord, mais bon au moins moi j'ai pu en profiter ! Bon vas vite mettre tes vêtements de rechange, je vais ouvrir, des parents attendent déjà.

- Tu le paieras !

- Cause toujours ! » s'écrit Byulyi en rejoignant l'entrée du secteur.

Le quartier dédié aux enfants est complètement gratuit, il est de par ce fait l'un des plus prisés. Ainsi donc, Seoho et Byulyi ne sont pas les seuls à y travailler, cependant ils en sont les "patrons" ; ils ont des employés qui les aident à surveiller les enfants et qui s'amusent avec eux.

Seoho court jusqu'au local qui leur est destiné et se dirige vers son casier où il récupère rapidement des vêtements secs avant d'aller dans une cabine. En même temps qu'il se déshabille, il claque ses doigts à chaque vêtement enlevé et ceux-ci se mettent immédiatement à flotter tout autour de lui. Il se sèche rapidement et se change, puis claque à nouveau ses doigts, récupérant vite ses vêtements mouillés avant qu'ils ne touchent le sol. Enfin, il range tout en quatrième vitesse dans un sac et se rue hors du local.

« Je suis là ! »

Le noiraud arrive aux côtés de sa collègue complètement essoufflé. Certains parents sont déjà partis et Byulyi a séparé les enfants en plusieurs groupes.

« Parfait, juste à temps. Tiens, le groupe deux va aux trampolines, je te laisse t'en charger. On se retrouve à seize heure dans la grande salle pour ton numéro "Gravité zéro" ?

- Oui pas de soucis, tu auras le temps de préparer le goûter ?

- Oui je compte le préparer avec les enfants, ce sera l'activité de l'après-midi. On va faire des gâteaux les gosses ! »

Seoho sourit en entendant les cris de joie qui retentissent, puis tape dans la main de Byulyi avant de partir vers son quartier, sa colonie de mioches derrière lui.

***

Moon Byulyi a de quoi plaire. Elle est gentille, mignonne, dynamique, serviable. Pourtant elle n'a pas beaucoup de personnes réellement présentes dans sa vie, elle ne les comptes même pas sur ses dix doigts. C'est à cause de son don. Un pouvoir qui peut être perçu comme de l'hypnotisme alors qu'il en est loin. Pourtant elle l'aime bien, son don. Elle n'a même pas besoin d'y avoir recours en lançant des sorts car il est psychologiquement inné. Elle ne le contrôle pas vraiment, ça se fait tout seul.

Byulyi a la capacité de communiquer beaucoup plus simplement avec les gens. De les mettre très vite en confiance. De tisser des liens rapidement. Mais là où est le paradoxe, c'est que la plupart des personnes pense qu'elle se sert de ce don pour mettre les gens en confiance et les utiliser par la suite. Ainsi donc, ils se méfient et s'éloignent d'elle et elle se voit incapable de pouvoir tisser des liens avec qui que ce soit.

Les seuls personnes qui ne lui en tiennent pas compte et qui adorent rester proche d'elle, ce sont les enfants. Son don lui permet d'avoir leurs confidences, quand ils ne se sentent pas bien, qu'ils ont des problèmes et qu'ils n'osent pas en parler. Et pour ça ils l'adorent, parce qu'elle les aide, qu'elle les conseille, qu'elle n'en parle aux parents qu'en cas de cas très graves. Une vraie amie confidente. C'est dans son métier qu'elle s'épanouit, qu'elle passe ses meilleurs moments, qu'elle a les personnes les plus importantes de sa vie.

Seoho est une de ces personnes. Un petit jeune de quatre ans son cadet, son premier amour, malheureusement à sens unique. Il le sait. Il sait aussi qu'elle n'a plus de sentiments pour lui, même si l'attraction physique est encore là. Il est beau, c'est une évidence, alors elle se rince souvent l'œil — autant en profiter, après tout. Seulement elle ne sait pas qu'elle est tout aussi importante aux yeux du noiraud. Elle est la première personne (après ses cinq amis) à l'avoir encouragé, à l'avoir soutenu. La première personne à s'être réellement intéressé à lui. Lui qui n'a connu que l'ignorance et la colère de sa famille. Bien sûr, rien d'aussi horrible que pour Hwanwoong ou Keonhee, mais ça reste un traumatisme.

« Oppa, c'est quand qu'on pourra aller aux toboggans ? »

Seoho baisse les yeux sur la petite fille qui vient de l'interpeller, puis s'abaisse à son niveau.

« Demain JinAh, aujourd'hui Hyungwon n'est pas là alors il ne peut pas vous surveiller. Moi je surveille déjà les trampolines et comme tu peux le voir... »

Il se met dos à elle et pointe l'arrière de son crâne.

« ...je n'ai pas encore d'yeux derrière la tête pour guetter les deux endroits à la fois !

- Oh d'accord... Alors est-ce que tu peux nous faire voler !? S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te pl-

- Je vais déjà demander aux autres.

- Oh ouiiii ! »

Seoho soupire en souriant et se redresse, prend la main de la fillette avant de se diriger vers son petit local pour empoigner le mégaphone.

« EST-CE QU'UN PETIT TOUR DANS L'ESPACE VOUS PLAIRAIT ? »

Aussitôt une vague de hurlements de joie lui brûle les tympans et il pouffe de rire. Il claque aussitôt des doigts et le gigantesque filet qui traînait à terre à côté de lui se lève soudainement. Une fois à hauteur des filets entourants les trampolines, Seoho s'engouffre dans ceux-ci et va accrocher les bouts du filet géant aux extrémités des installations rebondissantes.

« Pourquoi tu mets toujours ça au dessus de nos têtes ? demande un petit garçon.

- Ça vous empêche de voler trop haut. Je vous connais vous êtes de vrais petits fourbes, vous pourriez vous envoler le plus haut possible pour faire un concours et ça peut être très dangereux. Donc si vous allez trop haut, hop, vous êtes bloqués par le filet ! »

Après avoir terminé d'attacher et vérifié que tout tenait, il retrouve la terre ferme et reprend son mégaphone.

« TOUT LE MONDE EST PRÊT ? VOUS ÊTES TOUS DANS LES TRAMPOLINES ?

- OUUUUIIIIIIIIIIIII ! »

Alors Seoho pose son porte-voix par terre à côté de lui et lève ses deux mains. En se concentrant, il observe les enfants avec attention, chacun leur tour et une fois fait, il ferme les yeux et expire longuement. Il attend quelques secondes avant de brusquement ouvrir ses yeux et, comme s'il empoigne quelque chose d'invisible, ferme subitement ses deux mains avant de les relâcher doucement. Les enfants trépignent en se sentant devenir plus légers et quand ils se sentent prêts, ils poussent légèrement sur leurs jambes et s'envolent aussitôt.

Seoho sourit en les voyant se mettre à rire et à flotter partout dans le trampoline géant, encadrés entièrement par de grands filets. Il doit bien les observer s'amuser pendant au moins une quarantaine de minutes avant de soudain se mettre à paniquer. Il empoigne vivement son mégaphone et annonce aux petits tout en les faisant redescendre lentement au sol.

« ON A DIX MINUTES DE RETARD, REMETTEZ VITE VOS CHAUSSURES ET ON COURT REJOINDRE BYULYI SINON ELLE VA M'ÉGORGER ! »

***

« Arrête de rire, je me suis fait super mal au dos !

- J'aime vraiment beaucoup cette fille, décidément.

- Hwan tu l'as rencontrée qu'une seule fois.

- Oui mais je l'aime bien quand même. »

Seoho est arrivé au cabanon il y a quelque minutes et a raconté sa mésaventure avec la piscine — et surtout comment Byulyi a failli lui arracher les oreilles quand il est arrivé en retard au goûter avec les enfants — aux deux plus jeunes. Depuis, Hwanwoong et DongJu ne cachent par leur hilarité et bénissent même sa collègue de lui faire des petites crasses.

« Et ton concert de ce midi ?

- Tout s'est bien passé ! Je suis même arrivé en retard parce qu'ils m'ont demandé d'autres chansons... Je pense que c'est pour ça que Byulyi noona m'a poussé dans la piscine d'ailleurs. »

Les trois garçons discutent encore pendant de longues minutes, rejoints seulement par YeongJo au bout d'un moment, Keonhee étant encore à l'hôpital et Geonhak au travail.

Hwanwoong n'arrête pas de sourire et de rire, s'esclaffant à chaque blague de DongJu ou anecdote de Seoho avec un entrain qui lui est assez rare. Il est heureux, c'est tout. En ce moment sa vie n'est pas meilleure que d'habitude, mais elle est loin d'être pire. Il vient d'être mis sur une enquête qui va lui permettre de se démarquer, ses frères et sœurs ne lui compliquent pas trop la vie et sa mère... Bon, sa mère l'ignore toujours autant, mais au moins il n'est pas assez souvent chez lui pour en souffrir.

C'est alors qu'il est à nouveau en train de se tordre de rire qu'il entend son téléphone sonner. En jetant un coup d'œil sur le nom de contact, son visage se décompose. Pourquoi sa mère l'appelle-t-il ?

Jamais. Elle ne l'a jamais appelé en deux ans et la dernière fois qu'elle l'a fait, ça a été la pire annonce de son existence. Celle qui a gâché sa vie, détruit son bonheur, brisé sa famille.

Alors pourquoi appelle-t-elle aujourd'hui ?

Quelle annonce va-t-elle encore lui faire ?

« A-Allô maman ? Pourquoi tu m'app-

- Hwanwoong. Viens chercher tes affaires, tu quittes la maison aujourd'hui. »

——————————

[Oui bonjour, c'est moi l'auteure horrible qui fait souffrir ses personnages :)

Plus sérieusement, j'ai commencé cette fiction avec dans l'idée qu'ils seraient malheureux, mais je ne pensais sincèrement pas que ça irait aussi loin pour certains T-T

+ Petit chapitre centré sur Seoho parce qu'après tout, pourquoi pas. Avec Moonbyul en plus, je me suis éclatée à écrire tout ça. 

+ Le prochain chapitre ne sera pas si joyeux ^^'

+ Que pensez-vous de son travail au parc et plus précisément avec les enfants ?

Bisous,

Marie 💜]

    
     
      
      
   
23 septembre 2020