Chapitre 4
Machinalement, il passe une main sur son cou pour s'assurer que les pansements sont toujours là. C'est un réflexe qu'il a pris au fur et à mesure des mois à travailler ici, dans ce bar. Au début, il n'osait même pas y toucher, à son cou, pas après ce qu'il subissait. Maintenant il n'y fait presque plus attention, c'est machinal, il s'assure simplement que personne ne le voit. Que c'est bien caché, masqué, pansé.
À peine a-t-il effleuré un premier pansement que le peu de souvenirs de la nuit dernière lui revient violemment en mémoire, le faisant frissonner. Ceux qu'il a dû servir l'ont fait boire bien plus qu'il ne tenait l'alcool. Il se souvient avoir été assis sur les genoux d'un des deux hommes, s'être fait tiré un peu sur les cheveux pour qu'il penche sa tête afin de faciliter le passage de l'alcool dans sa gorge. Il en a bu, des verres.
Mais malgré ses efforts, c'est tout ce dont il arrive à se souvenir ; ses clients lui ont sûrement fait avaler du GHB dans la soirée. Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive. On lui a déjà fait prendre cette drogue et si la première fois il a complètement paniqué, maintenant il regarde simplement pendant plusieurs minutes l'intégralité de son corps le matin, afin de savoir si ses clients ne sont pas allés trop loin.
C'en est presque devenu une banalité et pour cela il se déteste. Il déteste le travail qu'il fait et qu'il n'a pas choisi. Il déteste ses clients, des personnes horriblement malsaines qui profitent de leur don et leur hiérarchie pour s'offrir ce genre de service. Il déteste la peur qui lui tiraille le ventre toute le journée, redoutant l'heure de fermer le bar chantant pour ouvrir cet endroit sale, malfaisant et immoral.
« Un shot de tequila s'il te plaît, entend-il.
- Bien sûr, je vous sers ça tout de suite. »
Geonhak passe une nouvelle fois sa main sur son cou, toujours dans un réflexe mal-à-l'aise. Il s'assure que son client ne verra rien sous ses pansements et se dirige ensuite vers une bouteille de tequila dont il dévisse le bouchon et qu'il sert dans un verre à shot dans un geste professionnel et habitué.
C'est la partie de sa journée qu'il préfère, quand il sert de simples personnes qui ne demandent que quelques verres à boire. Quand il discute de tout et de rien avec parfois un quarantenaire dans sa pause du midi, ou parfois avec des étudiants qui ont un trou dans leur emploi du temps. Quand les gens réussissent à lui faire presque oublier que le soir et la nuit arrivent bien trop vite.
« Tenez, monsieur Kang.
- Merci. Bon, comment ça va toi ?
- Je vais toujours bien monsieur Kang, lance le serveur avec un sourire.
- Je le sais tu me le répètes tous les midis depuis... je ne sais plus. Tu ne veux pas changer de discours ? Je ne sais pas, du genre, "ouais je vais bien, je me suis trouvé une copine", ou alors "non j'ai un peu mal au genou, j'ai pas vu le coin de mon lit ce matin". Tu vois ? »
Geonhak laisse un éclat de rire lui échapper. C'est vrai que depuis de nombreux mois, il sort toujours la même réponse : « je vais toujours bien ». C'est faux, mais il ne va pas raconter à ses clients qui a un peu du mal à avaler sa salive car le client qui l'a étranglé par plaisir hier soir lui a laissé un grand hématome douloureux.
Monsieur Kang est un trentenaire gardien de nuit qui vient tous les midis : c'est un habitué qu'il a toujours vu à son bar. Il doit être le seul client a avoir réussi à apprivoiser le serveur. Geonhak ne se laisse — pour des raisons désormais évidentes — pas souvent, si ce n'est jamais, approcher. Il ne supporte pas qu'on le touche, qu'on envahisse son espace vital en dehors de son travail de nuit. Or cet homme assis en face de lui avec son shot de tequila à la main est le seul a avoir réussi à le mettre en confiance, s'imposant gentiment dans sa vie comme un ami.
« Non monsieur Kang, je n'ai toujours pas de copine et mon genou va très bien.
- C'est étrange, un si bel homme doit pourtant attirer le regard. »
« Beaucoup trop », pense Geonhak. Mais à la place il répond.
« J'attend celle qui attirera le mien.
- Tu sais bien parler, rit le trentenaire. Dis, ça fait combien de temps que tu travailles ici ? »
« Ici, où ? pense à nouveau le serveur. Dans le bar ou dans les salles privées ? ». Mais une nouvelle fois, il répond.
« Ça fait à peu près trois ans.
- Et tu as quel âge ?
- Vingt-trois ans.
- Donc tu as commencé à vingt ou vingt-et-un ans... Mais tu étais au tertiaire à cet âge là non ?
- Oui, au début c'était juste un job à mi-temps. Dites monsieur Kang, pourrions-nous parler d'autre chose s'il vous plait ? demande-t-il avec un tendre sourire.
- Tu es bien mystérieux. Décidément je ne comprend pas que tu n'aies personne dans ta vie. Enfin ! Un si bel homme, gentil, agréable et attrayant !
- Faites attention monsieur Kang, je vais finit par croire que vous la voulez, cette place dans ma vie, rit Geonhak. Votre femme serait bien jalouse.
- Oh tu penses, elle tomberait sous ton charme aussi !
- Vous me flattez trop, je vais me croire irrésistible à force ! »
Et en lui servant quelques autres shots de tequila, le serveur continue de parler avec son client pendant de nombreuses minutes, un œil inquiet tout de même toujours axé sur l'aiguille de l'horloge qui fait son chemin trop rapidement. Il sait que dans quelques heures, il fermera une porte pour en ouvrir une autre, et il en est terrifié.
Pourtant, tout son cauchemar part d'un crime qu'il n'a même pas commis. D'une grossière erreur de jeune adulte crédule, influençable et qui ne sait encore pas à quoi ressemble le mal. Si seulement il n'avait pas été si naïf, si seulement il ne s'était pas retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment.
***
Hwanwoong pousse maladroitement la porte avec son dos, ses bras chargés de sacs venant du foodtruck du coin de la rue. En entrant comme il peut dans l'accueil presque vide du bâtiment, il lâche un juron et enfin on daigne l'aider. Son collègue le plus jeune accourt vers lui en se moquant et se dépêche de lui tenir la porte.
« Merci Min-ie.
- Tu as ramené quoi de bon ?
- Un peu de tout, des hotteok, du tteokbeokki, des otteng, tout ça tout ça. »
Ils se dirigent ensuite vers une autre porte, décorée d'une petite plaque en cuivre où est gravé "SALLE DE REPOS", et s'y engouffrent. Aussitôt, l'odeur émanant des sacs se répand dans la pièce et Hwanwoong se fait accueillir par des cris de joies. La seconde d'après, ses bras sont déchargés et ses collègues se partagent la nourriture.
« Je vais dans la grande salle Changmin-ie, mange à ta faim. Préviens les goinfres aussi et dis-leur qu'ils ne tardent pas trop, on n'est pas sensé rester tout seuls quand même, on est que des stagiaires après tout.
- Le commandant est dans la grande salle aussi, ne t'en fait pas. Mais je les préviendrai, merci pour le repas Woong-ah. »
Le petit blond lui sourit et passe une nouvelle fois la porte pour se diriger vers la pièce pleine de bureaux. Arrivé au sien il s'affale dans sa chaise, les bras et les jambes grand écartés. Il reste quelques secondes comme cela à regarder le plafond puis il se décide à se redresser pour se pencher sur le dossier qui jonche son bureau. Son commandant lui a donné il y a une ou deux heures pour qu'il s'en occupe ; il s'agit d'une affaire de menace, son client reçoit des lettres menaçantes depuis une dizaine de jours et il ne voit pas de qui elles pourraient provenir.
Hwanwoong tourne rapidement les pages du rapport et arrive sur la fiche du client, rassemblant toutes les informations personnelles et professionnelles le concernant.
« Choi EunSeob, quarante-trois ans, PDG d'une petite entreprise d'immobilier. Oh, un don d'assemblage, c'est marrant. Bon alors, est-ce qu'il a déclaré quand même des concurrents ou quelque chose du genre... »
Il descend son regard et tombe sur la déclaration du client faite le matin même, dactylographiée.
« J'ai reçu en tout dix lettres, une par jour. À chaque fois, il me menace en m'affirmant qu'il va faire quelque chose. Par exemple, dans la première il m'a dit qu'il allait détruire ma boîte aux lettres. Vous pensez bien, ça m'a fait rire. Qu'il la détruise cette boîte aux lettres, si ça peut lui faire plaisir ! Le lendemain matin j'ai découvert qu'il avait mis ses paroles à exécution. Ça ne m'a pas plus alerté que ça, ce n'est pas la première fois qu'un petit con veut faire son intéressant pour attirer mon attention. Mais au fur et à mesure des jours, ses actes empirent considérablement. Au début je pensais que ça allait lui passer s'il voyait que ça ne m'atteignait pas plus que ça mais hier il est allé trop loin et je me suis dit qu'il fallait que j'en parle à la police. »
« Il était temps oui », pense Hwanwoong. Pourquoi n'a-t-il pas eu ce réflexe dès le début ? Lorsqu'on reçoit une menace, peu importe son importance il faut en parler.
Le blond soupire et tourne encore quelques pages afin de découvrir les pièces maîtresses de l'affaire : les lettres de menaces. Il y en a seulement six puisque la victime a jeté les quatre premières par manque de considération pour elles. Le stagiaire commence donc à les lire attentivement, elles sont relativement identiques, seul le futur acte du responsable change à chaque fois.
Ce qui attire le plus l'attention de Hwanwoong, c'est que dans ces lettres, l'auteur de demande jamais rien. Pas d'argent, pas d'excuses, rien. Il menace par pur plaisir, il n'attend rien en retour si ce n'est le malheur et la souffrance de sa victime. La première lettre du dossier — la cinquième reçue — annonçait que le criminel allait s'en prendre à la devanture du magasin de Monsieur Choi. Y est jointe une photo de cette devanture, taguée et brisée. La deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième annonçaient qu'il allait s'en prendre à sa voiture, sa maison.
Hwanwoong n'arrive pas à comprendre que son client ait laissé l'agresseur s'en prendre à ses biens personnels sans alerter la police. Il hausse les épaules, de toute façon c'est trop tard.
Il passe à la dernière lettre, soit celle de la veille, et écarquille les yeux. Il comprend pourquoi la victime s'est soudainement décidée à déposer une plainte.
« Bonjour Monsieur Choi, vous devriez faire attention à votre fils aujourd'hui... »
Y est jointe une photo d'un pauvre jeune homme, qui doit avoir quinze ans, complètement défiguré. Il a un œil au bord noir et l'arcade sourcilière gauche en sang. Son nez a un angle beaucoup trop prononcé pour être encore en état et sa lèvre inférieure est coupée à de nombreux endroits.
« Pauvre garçon... », soupire Hwanwoong.
Il referme le dossier en soupirant fortement. Il sait pourquoi on lui a attribué ce dossier et il avoue être un peu intimidé.
« Commandant Lee, interpelle-t-il son supérieur assis quelques bureaux plus loin.
- Oui mon garçon ?
- Qui sera mon partenaire sur cette affaire ?
- Ji Changmin.
- Changmin !? Mais nous sommes tous les deux stagiaires !
- Exactement, c'est le moment de faire vos preuves.
- Mais enfin commandant, nous sommes trop novices pour s'occuper d'une affaire seuls !
- Si je vous en juge aptes, c'est que vous l'êtes. J'ai beaucoup d'estime pour vous, je sais que vous allez y arriver.
- ... Bien commandant.
- J'ai cru comprendre que tu avais ramené à manger ?
- C'est exact, j'ai gardé un sac pour vous car je sais qu'ils ne vous auraient rien laissé !
- Merci mon garçon. Va vite manger aussi, dis à Kim et Park de reprendre leur travail.
- Merci commandant. »
Hwanwoong se courbe respectueusement et cours jusqu'à la salle de repos.
« Officiers Kim et Park, le commandant m'a chargé de vous dire de retourner au travail. »
Alors que les deux appelés se mettent immédiatement à grommeler, Hwanwoong leur tire la langue et rejoint Changmin qui regarde la scène en riant.
« Est-ce qu'il me reste à manger ?
- Oui je t'en ai mis de côté avant qu'ils ne mangent tout.
- Merci.
- Mais pas de quoi.
- Dis, Min-ie... Tu as vu le dossier sur mon bureau ?
- Oui, et je t'avoue y avoir jeté un coup d'œil. Je comprends pourquoi c'est à toi que cette affaire a été attribuée, ton don y sera très utile ! lance le brun en se servant un verre de soju.
- C'est bien que tu aies regardé, parce qu'elle nous a été attribuée à tous les deux. C'est toi mon partenaire sur cette affaire Min-ie. »
Ledit Min-ie s'étrangle soudainement avec sa gorgée de soju et recrache tout.
« QUOI !?
- Bah dis-le si ça te fait chier, rit le petit blond.
- Non mais je veux dire, pourquoi nous deux ? On est stagiaires ! »
Le plus petit hausse les épaules et finit son repas tout en réfléchissant. Il est vrai que son don va lui être utile pour cette affaire, il repérera bien plus vite les personnes ressentant de la haine ou tout sentiment négatif envers son client. En plus de ça, le don de Changmin lui sera également très utile. Finalement, ils feront sûrement une très bonne équipe pour cette affaire. Ne manque plus que répondre aux attentes de leur commandant.
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[Je ne suis définitivement pas prête pour le comeback qui se profile.
(Une image assez parlante de ma tête à chaques photos et MV teaser sortis)
+ Une idée du travail qu'exercent Geonhak et Hwanwoong, et j'avoue avoir fait un caprice en voulant lancer mon petit danseur préféré dans une enquête ^^'
+ Hier c'était ma fête, voilà, c'est tout ce que je voulais dire mdrrr. Trop fière d'avoir un jour férié comme fête hihi (Ouais je suis du genre à écrire des trucs inutiles)
Bisous,
Marie 💜]
16 août 2020
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