Chapitre 13
Deux ans et demi plus tôt :
Geonhak replace une nouvelle fois la bretelle de son sac à dos qui n'arrête pas de tomber et continue sa course. Il commence à faire nuit et alors qu'il était sur le chemin du retour, il a été obligé de faire demi-tour jusqu'au bar où il travaille car il y a oublié son téléphone tout neuf. Il se retrouve donc à courir dans le sens inverse, essayant d'arriver avant vingt-deux heures, l'heure à partir de laquelle son patron lui a interdit de mettre les pieds dans l'établissement. Il n'a jamais su pourquoi, surtout que certains de ses collègues et même des clients y restaient. Mais ne voulant surtout pas perdre son boulot, il n'a, en un an, jamais posé une seule question.
Seulement manque de bol, ce soir il a oublié le téléphone qu'il vient d'acheter avec ses économies, n'ayant pas l'habitude de posséder un tel outil. Soudain il accélère la cadence lorsqu'il aperçoit l'enseigne du bar briller dans la nuit mais en donnant un dernier coup d'œil à sa montre indiquant vingt-deux heure trois, il hésite. Il se stoppe et pose le dos de son bras contre son front, marchant en rond tout en réfléchissant. Sa respiration s'accélère, que va-t-il lui arriver si son patron découvre qu'il est à l'encontre des restrictions imposées ? Un nouveau coup d'œil à sa montre lui indique désormais vingt-deux heures six et il jure en se remettant à courir jusqu'à l'entrée du bâtiment.
Mais qu'elle n'est pas sa surprise, bien vite remplacée par une furieuse peur, lorsqu'il remarque que la vitrine du bar a été complètement brisée. En s'approchant, il grimace en sentant les bouts de verre craquer sous ses semelles et découvre petit à petit l'ampleur des dégâts. La grande pièce, qui est d'ailleurs inhabituellement éteinte et vide, est dévastée ; les tables sont renversées, certaines chaises sont cassées, les lustres sont à terre.
Geonhak sursaute lorsqu'il entend un rire et se tourne vers le bar qu'il découvre ravagé. En plissant les yeux, il voit dans la pénombre trois silhouettes qui semblent ne pas hésiter à se servir à même le goulot des bouteilles d'alcool. L'une d'entre elles finit même par se diriger vers la caisse et l'ouvre, s'emparant de l'argent qu'elle fourgue dans un sac à dos dont la fermeture a l'air d'être redoutable aux vues de la difficulté qu'endure la silhouette pour l'ouvrir.
Pris d'une dose d'adrénaline, Geonhak se précipite sur elle et lui donne un coup sans trop savoir où viser. C'est maladroit et il s'est fait mal, mais ce qui semble être un jeune homme est maintenant à terre et geint en s'agrippant le nez. Il reprend le sac avec l'argent et se tourne vers les deux silhouettes qui s'approchent de lui.
« T'es qui toi ? s'exclame une voix grave.
- Et vous, vous êtes qui !? Qu'est-ce que vous faites ici ? »
Mais une sirène de police se fait entendre et les trois vandales jurent en hurlant.
« FAIT CHIER ! Ils ont dû être prévenus par les voisins, je vous avais dit de ne pas faire trop bruit !
- Parce que tu crois qu'on peut réduire les décibels d'une vitre qui se brise !? répond un autre. T'es con ma parole ! »
Pendant qu'ils se disputent, un fracas résonne et un hurlement se fait entendre, rassurant le pauvre serveur.
« POLICE ! Restez où vous êtes !
- Ah vous arrivez à temps, s'exclame Geonhak. Ils ont essayé de vol-
- Hep hep hep, restez où vous êtes, vous aussi.
- Mais enfin je ne suis pas avec eux ! J'ai essayé de les arr-
- On connaît toutes les ruses, jeune homme, ne gâchez pas votre salive. Donnez-nous ce sac et retournez vous.
- Mais- »
Le sac lui est violemment arraché des mains et il est retourné de force. Ses bras sont attrapés et il geint, il a l'impression qu'on les lui arrache.
« JE PEUX SAVOIR CE QU'IL SE PASSE ICI !? »
La voix grave qui vient d'arriver par l'entrée laisse place à un silence glacial et tout le monde se retourne vers l'homme qui s'approche d'un pas violent et froid. Son regard est dur et profondément effrayant, et ça, Geonhak le ressent bien. Leurs yeux sont accrochés les uns aux autres et son patron semble hésiter entre le détruire ou le laisser se faire embarquer.
« Monsieur ! Je vous jure que je n'y suis pour rien ! »
Le quarantenaire s'approche lentement de lui. Les policiers sont en train d'emmener les trois autres jeunes hommes alors il lui murmure.
« Qu'est-ce que tu fais là, Kim Geonhak ?
- J-Je... J'avais oublié mon téléphone. Je suis simplement venu le chercher et quand je suis arrivé, je les ai vu. I-Ils volaient l'argent de la caisse et continuaient de tout cass-
- Tu sais pourtant que tu as l'interdiction de venir ici après vingt-deux heures, non ? le ton froid qu'il utilise fait frissonner le jeune homme.
- J-J'en ai bien conscience, oui, mais je-
- Est-ce que je devrais te laisser emmener aussi ?
- Quoi !? Non ! Je n'ai rien fait ! »
Le noiraud est terrifié, il ne veut pas être accusé à tort et mis en prison pour quelque chose qu'il n'a pas commis. Que penserait sa mère ? Elle est déjà seule, sans mari, sans famille pour l'aider ou l'aimer. Elle ne peut pas se retrouver sans fils et surtout penser qu'il ait fait quoi que ce soit de mal. Sa respiration s'accélère, ses bras lui font mal, son point avec lequel il a frappé est douloureux, ses yeux s'embuent. Il ne peut pas se laisser emmener, ce n'est pas possible. Il ne peut pas abandonner ce travail, cet argent qu'il glisse discrètement à sa mère tous les mois. Il ne peut pas l'abandonner, elle. Et puis même, il n'est pas quelqu'un de mauvais. Il ne cherche pas les ennuis, il est gentil. Il déteste le mal.
Il est le blanc, après tout, non ?
Et il ne veut surtout pas devenir noir, comme cet homme il y a dix ans.
« Je vous en supplie, je ferai ce que vous voudrez mais ne les laissez pas m'emmener...
- Tout ce que je veux ? » sourit d'un rictus le patron.
Et c'est sans hésitation que le pauvre serveur s'écrie.
« OUI ! »
Mais lorsque quelques jours plus tard, Geonhak s'est retrouvé contraint d'être à l'étage inférieur du bar, habillé d'une chemise qui ne couvre pas grand chose et sous les mains d'hommes et de femmes beaucoup trop entreprenants, il a compris son erreur.
Si seulement il avait su où cela l'emmènerait, il aurait accepté sans rechigner quelques mois de prison.
***
Un grand silence prend place lorsque Geonhak souffle ces derniers mots. DongJu essuie rapidement une larme qui court sur sa joue et YeongJo le prend silencieusement dans ses bras. Personne n'ose bouger pendant quelques longues secondes et finalement, Seoho se penche et s'accroupit devant Geonhak en lui prenant les mains.
« Hak-ah... Il faut aller voir la police.
- Si je le pouvais, je l'aurais déjà fait.
- Pourquoi tu ne pourrais pas ? Malgré son contrôle sur toi, il ne peut pas t'empêcher d'y aller s'il n'en est pas au courant. Si j'ai bien compris, ces fils te manipulent mais ils ne lui permettent pas de savoir ce que tu fais ni où tu es, n'est-ce pas ?
- C'est pas à cause de lui, enfin, pas directement. J'ai... J'ai peur. J'ai pas confiance en moi et, comment dire... En fait j'ai confiance en personne, pas même en la police.
- Pourquoi ? Hwanwoong pourrait t'aider.
- Il... Il a dit qu'il avait des contacts dans la police, que si j'y allais il serait au courant de tout et s'en prendrait à moi. Et tant que ses fils sont encore accrochés à moi, je ne veux rien tenter. »
Hwanwoong ouvre la bouche avant de rapidement la refermer. Il a peut-être une idée, mais tant qu'il n'est pas sûr de son coup, il ne veut rien essayer.
Keonhee s'approche à son tour de Geonhak et pose une main sur son épaule.
« Je t'ai dit qu'on allait trouver un moyen de te libérer. Je te le promets. On va tout faire pour.
- De toute façon c'est trop tard, même si vous arrivez à me débarrasser de ça, il lève les bras mais seulement Hwanwoong voit les fils, vous ne pourrez pas me sauver.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? s'inquiète instantanément Seoho. »
Geonhak, lâche un léger rire, qui ressemble plus à un douloureux soupir.
« Leedo est déjà bien trop détruit.
- Leedo ? Qui est L- »
Le noiraud est subitement coupé quand Geonhak se lève d'un bond. Celui-ci lance un douloureux regard à Seoho et articule difficilement.
« Il... Il a dû tout découvrir je- il m'appelle, je le sens, il tire sur les fils. S'il te plaît, je t'en supplie, suis-moi.
- Bien s-
- Je vais y aller. »
YeongJo se détache doucement de DongJu — qui cette fois court dans les bras de Keonhee — et attrape le bras de Geonhak.
« Je vais venir avec toi, je vais te protéger.
- Je peux le faire ! s'exclame Seoho, les larmes aux yeux.
- Je le sais Seoho, mais je suis déjà dans l'illégalité, si la police ou autre arrive, je préfère qu'ils me voient moi plutôt que toi. »
À peine a-t-il prononcé ces mots que Geonhak se met à courir, tiré malgré lui par cette force invisible qu'il ne supporte plus et suivi de près par le plus vieux. Quand ils arrivent enfin devant le bar, YeongJo ne peut empêcher des milliers de frissons de le parcourir, avant de suivre lentement son ami dans la bâtisse. Toujours tiré par les fils, Geonhak traverse la pièce jusqu'à la porte réservée au personnel qu'il ouvre, complètement tétanisé.
Les deux jeunes hommes descendent une multitude de marches avant d'arriver dans un couloir entièrement recouvert de tapisserie et de moquette rouge, habillé de plusieurs portes numérotées de une à huit. Le serveur se dirige vers celle qui porte le numéro trois et en soufflant une dernière fois, l'ouvre et s'engouffre dans la pièce.
YeongJo reste quant à lui caché et profite que son ami ait laissé la porte ouverte pour écouter attentivement.
« Leedo. »
Le plus vieux frissonne en entendant la voix froide du patron, mais reste interpelé par l'appellation qu'il a entendu. "Leedo" ? S'agit-il de Geonhak ?
« Explique-toi. »
YeongJo n'entend pas d'autres voix, il suppose donc que les clients du bar sont toujours évanouis.
« Je ne peux rien expliquer...
- Qu'as-tu fait, bon sang !?
- J-Je ne sais pas ! C'est... C'est mon don, il a- il a explosé !
- Es-tu encore un gamin pour ne pas réussir à le contrôler !?
- Ça n'a rien à voir, monsieur...
- ALORS EXPLIQUE-TOI ! BORDEL LEEDO POURQUOI TU AS FAIS ÇA !? TU IMAGINES LES RETOMBÉES QU'IL VA Y AVOIR ? CET HOMME ET SES FRÈRES FONT PARTIE D'UNE FAMILLE IMMENSÉMENT RICHE ET SONT DES CLIENTS RÉGULIERS ! MERDE ET S'ILS PARTENT !?
- C'est parce que tout devenait trop noir... Mon corps n'a plus sup- »
Un son étranglé fait réagir YeongJo qui jette un coup d'œil dans la pièce. Il déglutit en voyant son ami, la main de son patron autour de la gorge.
« Leedo. Qu'as-tu. Fait ?
- J-J'ai..., un nouveau son étranglé lui échappe, mon corps n'a plus supporté autant d-de noirceur...
- De quoi parles-tu ?
- Monsieur je- »
Il essaie de prendre une inspiration douloureuse.
« Mon don est la chose la plus pure du monde... Je suis le seul de cette ville à avoir un tatouage blanc et je suis... J-Je suis même ce qu'on pourrait appeler la personnification de la pureté même. Je suis le blanc. Je suis... »
Nouvelle inspiration étranglée.
« Je suis la lumière. »
Et YeongJo a les larmes aux yeux.
« Un don comme le vôtre qui me manipule a déclenché depuis plus de deux ans un combat sans relâche entre mon corps blanc et votre noirceur. Et... Et je suis fatigué.
- Qu'est-ce que... tu es en train de dire ? souffle le patron en desserrant sa prise sur sa gorge.
- Que mon don a explosé aujourd'hui et qu'ils se sont évanouis, mais peut-être qu'un jour ce sera pire. Mon don est peut-être pur mais pour me protéger il ferait n'importe quoi, même tuer. »
Cette fois-ci, le patron lâche complètement le cou de Geonhak et quand YeongJo croit que c'est fini, il déchante rapidement lorsque l'homme donne un énorme coup dans le visage du serveur.
« TU CROIS POUVOIR ME BERNER ? TANT QUE JE T'AURAI SOUS MON CONTRÔLE TU NE FERAS RIEN D'AUTRE QUE DE M'OBÉIR ! TU VAS TE CONTENIR ET FAIRE CE QUE CES GENS VEULENT, POINT BARRE. »
Leedo pleure. Il a le dos de sa main collé à son nez qui laisse couler le sang à flot, et YeongJo commence à paniquer quand il voit le tatouage de son ami se mettre à nouveau à luire.
« Maintenant tu vas rester ici jusqu'à ce qu'ils se réveillent et assumer les conséquences de tes actes. Et ne t'avises pas de te plaindre, subit tout ce que tu mérites de subir. »
Quand cette fois les mains entières du serveur luisent, le brun se décide d'intervenir. D'un geste de la main, il stoppe le temps du quarantenaire — et des évanouis, au cas où — et s'avance prudemment vers Geonhak jusqu'à déposer ses mains sur ses épaules.
« Hak-ah détends-toi, respire profondément. Je sais que ton don te démange et qu'il veut te protéger, mais tu dois l'en empêcher. Concentre-toi.
- C'est dur hyung. J'ai mal, toute cette noirceur m'étouffe et m'étrangle. J'ai envie... J'ai envie de tout laisser exploser. Vraiment exploser.
- Je le comprends, mais ce n'est pas l'endroit. Tu sais quoi ? On va aller voir une amie à moi.
- Mais je ne peux pas bouger, je n'ai pas le droit !
- NE LE LAISSE PAS GUIDER TON EXISTENCE ! Geonhak, c'est ton corps, ta vie, il faut que tu arrêtes de te laisser manipuler !
- Je n'ai pas le choix ! Hyung je suis enchaîné, ne l'as-tu pas encore compris !?
- Mais je suis persuadé que tu peux lutter ! Là, tu te laisses faire Geonhak ! Tu le laisses prendre le contrôle de ton corps et même avoir un impact sur ton don ! Et regarde où tu en es maintenant, la pureté qui définit ton existence se bat tellement fort qu'elle fait du mal aux autres. »
Geonhak enlève sa main couverte de sang de contre son nez et quelques gouttes tombent au sol. Il observe un moment YeongJo puis dans un soupire, il laisse tomber son front contre son épaule.
« Hyung... Aide-moi... »
Le plus vieux n'hésite plus un seul instant.
« On va chez Nora. »
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[Bon alors, le flashback n'a pas donné réellement tout ce que je voulais et pour cause, j'ai eu énormément de mal à me mettre à la place de Geonhak, à ressentir sa panique et surtout son désespoir vis-à-vis de sa mère. Il faut comprendre qu'il est totalement désespéré et paniqué, qu'il ne peut imaginer abandonner sa mère et surtout voir une quelconque déception dans ses yeux. En plus de ça, il est terrifié à l'idée de virer du côté "du mal"... Plus d'explications dans les prochains chapitres ;)
À part ça, voilà comment il s'est retrouvé attaché à ces fils démoniaques qui lui pourrissent la vie. J'espère que vous ne vous attendiez pas à mieux 😅
Bisous,
Marie 💜]
28 février 2021
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