Chapitre 10
[Petit rappel des chapitres précédents :
- Keonhee a été amené à l'hôpital après s'être fait tabasser par son père pour avoir "cassé un verre". Il a eu une opération atrocement douloureuse puisqu'il n'a pas eu d'anesthésie. On est vendredi et il est sorti de l'hôpital, se préparant à rentrer chez lui, la boule au ventre.
- Geonhak se rapproche d'un de ses clients, Monsieur Kang, avec qui il devient "ami".
Voilà bisouuus]
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« Tu sais quoi, je vais t'inviter à dîner ce soir.
- C'est gentil Monsieur Kang mais je ne peux pas, je travaille ce soir, sourit le serveur.
- Y'a-t-il un soir où tu ne travailles pas ? s'exclame l'homme en riant.
- Hum... Le... Le lundi.
- C'est tout ?
- Oui...
- Eh bien lundi prochain, c'est-à-dire dans..., il regarde la date sur son téléphone, trois jours, tu viendras chez moi ! Je viendrai te chercher où tu me diras de venir et je t'emmènerai dîner. Ça te plairait ? »
Geonhak n'est pas quelqu'un qui cherche à s'approcher des gens ou même qui s'en intéresse. On pourrait penser cela normal étant donné le rapport qu'il entretient avec les êtres humains depuis qu'il travaille ici, mais la vérité est qu'il a toujours été un peu comme cela. Depuis qu'il est petit, il a toujours maintenu un écart entre lui et les personnes qu'il croisait, qu'il rencontrait, qu'il connaissait. Introverti et même casanier à son adolescence, il n'a jamais eu beaucoup d'amis, n'a jamais vraiment cherché à se faire apprécier du monde qui l'entourait. La seule chose qui l'a toujours intéressé est de rendre sa mère fière de lui. C'est tout ce qui comptait et qui compte encore aujourd'hui.
Avec les années, on peut dire qu'il a évolué de deux manières anormalement différentes l'une de l'autre et ce, en même temps. D'un côté, Geonhak a appris à s'ouvrir légèrement aux gens et s'est rendu compte grâce à la présence de ses amis — et particulièrement Seoho — que la chaleur humaine peut parfois aider à panser les mauvais maux. Seulement d'un autre côté, son aversion pour les gens s'est creusée d'une violence inouïe à force de se faire exploiter et abuser. Il a sombré dans une noirceur qui semble recouvrir chaque cellule de son corps, petit à petit.
Pire encore, et il n'en a pas parlé à Seoho, il a commencé à se forger une nouvelle identité qu'il n'aborde que la nuit, qui se détache complètement de celui qu'il est la journée. Lorsqu'il travaille, la nuit, il n'utilise pas son vrai nom, il utilise un pseudonyme qui lui permet de garder un minimum son identité secrète : Leedo. C'est Leedo qui se fait exploiter, c'est Leedo qui se fait toucher, c'est Leedo qui se fait droguer. Et plus les jours passent, plus il essaie de s'en convaincre. Geonhak n'est qu'un simple jeune homme, qui travaille dans un bar et qui a des amis. Leedo, lui, travaille la nuit et a mal, a peur, constamment.
C'est dangereux ce qu'il fait, il en est conscient. C'est pour ça qu'il n'en parle pas à Seoho. Se créer une autre identité aussi démarquée est très risqué, ça peut mener à des situations difficiles, s'approchant du trouble de l'identité. Mais il se sent un peu soulagé quand il pense à ça. Il est soulagé quand il se dit que ce n'est pas Leedo qui traîne avec ses amis, c'est bien Geonhak. Que ce n'est pas Leedo qui embrasse sa mère le matin, c'est Geonhak.
Mais malgré cela, il veut que Geonhak profite de sa vie. Alors doucement, il chuchote.
« Hum... Oui, oui ça me plairait... Merci.
- Mais c'est bien normal ! Depuis le temps qu'on se connaît, maintenant ! Ma femme sera heureuse de te rencontrer.
- Et je le serai aussi. »
Il adresse un dernier sourire à son client et celui-ci lui rend en plus d'un signe de la main, passant la porte du bar pour rentrer chez lui.
***
« Papa ? »
S'introduisant discrètement dans la maison, Keonhee serre sa main autour de la bretelle de son sac à dos. Il est parti du cabanon il y a de ça une demi-heure et a légèrement la tête qui tourne, encore faible de son séjour à l'hôpital.
Il entre dans le salon à pas de loup et manque de pousser un cri lorsqu'il voit son père assis sur un fauteuil, son regard braqué dans le sien. Il est si intimidant comme cela, ses yeux sont noirs et expriment tant de colère que le châtain en est terrifié.
« Tu crois réellement que je vais te laisser entrer dans ma maison ? »
Avalant difficilement sa salive, Keonhee lâche son sac et ouvre la bouche, tentant de parler.
« Écoute p-papa... C-Ce que j'ai dit la... la...
- Quoi ?
- Ce que j'ai dit... Ce que j'ai dit la dernière fois...
- Hum ? Eh bien oui, parlons-en tiens. Vas-y, explique-toi. Tente de prendre ta défense ou de t'excuser peut-être. »
Mais à ces mots, le garçon fronce ses sourcils.
« M'excuser ? M'excuser de quoi ? D'avoir avoué ?
- Il n'y a rien à avouer Keonhee. C'est n'importe quoi.
- N'importe quoi !? C'est une partie de ma vie papa, tu peux pas dire que c'est n'importe quoi.
- Tu vas commencer par baisser d'un ton, tu ne me parles pas comme ça.
- Pardon papa...
- Ensuite tu vas me présenter tes excuses. Ce que tu as dit n'était pas vrai, tu as simplement voulu me faire une plaisanterie.
- Mais-
- Écoute Keonhee c'est très simple. Si tu ne veux pas retourner à l'hôpital, tu vas immédiatement faire ce que je te demande. »
Le châtain déglutit. Il tremble, il a peur. Il ne veut pas retourner à l'hôpital, ou plus précisément, il ne veut plus jamais revivre ce qu'il y a vécu : il a tellement souffert de cette opération et de ses blessures qu'il en fait encore des cauchemars. Et puis il a si peur de son père aussi, l'homme a l'air tellement en colère qu'il pourrait le tuer, il en est certain.
Keonhee est absolument terrifié, il redoutait le moment où il devrait se confronter à son père mais il sait que c'est de sa faute ; s'il avait fait attention et s'il s'était tu, son géniteur n'aurait rien découvert.
« Je peux savoir ce que c'est que ça ?
- Je ne crois pas que je t'apprendrais grand chose, tu sais très bien ce que c'est...
- Ce que je te demande, c'est qu'est-ce que ça fait chez moi ?
- Je... Comme tu n'étais pas là, j'ai-
- Ramené une fille ? Keonhee ce n'est pas parce que je ne suis pas là que tu peux ramener qui tu veux ici, et surtout pas pour... assouvir tes envies.
- Papa, j'ai vingt-deux ans...
- Et alors ? Tu fais ça où tu veux, mais pas chez moi. Et si l'idée te repasse par la tête, évite de laisser ton préservatif apparent dans la poubelle. Parce que tu ne prendras pas qu'une engueulade, je te préviens.
- Papa...
- Je te rappelle que tu n'es pas chez toi ici, tu es chez ta mère et moi.
- Papa.
- Rien ne t'appartient donc si tu veux rester, tu te plies aux règles et tu ne souilles pas cette maison. Tu ne ramènes plus de fille ic-
- C'était pas une fille ! »
C'était sorti d'un coup, Keonhee n'avait rien pu faire, ses nerfs avaient complètent lâché. En y repensant, il tremble encore plus. De peur, oui, mais de colère aussi. Il est si en colère que son père ne l'accepte pas comme il est. Mais il sent lui échapper un petit sourire sans joie, il faut de se faire une raison ; son père n'accepte même pas sa pauvre existence, alors sa bisexualité ? Ha !
Le châtain laisse subitement sortir un rire provocateur en levant les yeux au ciel. Il est fatigué, il est en colère.
« Tu sais quoi papa, je vais partir. De mon plein gré.
- C'est ça, va chercher tes affaires et casse-toi de cette maison. »
Rapidement, Keonhee monte à l'étage et prend un grand sac où il plonge des vêtements et le peu d'objet qui lui sont cher, comme une photo de sa mère et la peluche que lui a offert Hwanwoong pour ses dix-huit ans. Retenant ses larmes, il ferme avec rage le sac et descend les escaliers en manquant plusieurs fois de trébucher, ses jambes tremblotant sans qu'il ne puisse les en empêcher. Une fois dans le salon, Keonhee se penche et récupère son sac à dos. Il le lance sur son épaule et en prenant une grande inspiration, se tourne vers son père et plante son regard dans le sien. Il n'a plus rien à perdre.
« Je suis certain que maman m'aurait accepté comme je suis. »
Il connait les enjeux de cette phrase et sait pertinemment que s'il ne part pas très vite, il risque de faire un nouvel aller à l'hôpital. Seulement il est tétanisé, ses pieds ne veulent pas bouger et sont ancrés au sol. Impuissant, il observe avec horreur son père bondir de son fauteuil et se jeter sur lui, lui donnant un coup de poing si fort que Keonhee perd l'équilibre et s'effondre au sol, tombant violemment sur son bras droit.
« Répète ce que tu as dit !? »
Le châtain explose en sanglots alors que son père lui donne un nouveau coup. Il crie, il se débat, il griffe, il donne des coups à l'aveugle. Et quand il arrive enfin à faire reculer son père d'un coup de pied dans le ventre, il hurle en s'arrachant la gorge.
« TU ES UN PÈRE HORRIBLE ! INFÂME ! TU FRAPPES ET INSULTE TON FILS SANS RAISON ET POUR QUELQUE CHOSE QU'IL NE CHOISI PAS ! TU N'ES PAS DIGNE DE CE TITRE !
- ET TU CROIS QU'UN ENFANT QUI TUE SA MÈRE EST DIGNE DE SE FAIRE APPELER FILS ? »
De la tranche de la main, son père lui donne un violent coup dans la gorge, comprimant sa trachée et coupant sa respiration. Keonhee prend aussitôt une grande bouffée d'air qui peine à passer, laissant un son sifflant et sordide envahir la pièce et provoquer un puissant frisson d'horreur à celui qui regarde discrètement la scène, caché derrière un mur de la maison.
Mais alors que l'homme va à nouveau s'en prendre au châtain, il se stoppe subitement lorsqu'il entend la sirène d'une voiture de police.
***
Hwanwoong n'y a jamais cru. Lorsque YeongJo lui a dit que Keonhee s'était fait tabassé par son père car il avait brisé un verre, il n'y a pas cru une seule seconde et pourtant, le plus âgé en semblait convaincu.
Alors il n'a rien dit, mais il s'est promis d'accompagner Keonhee chez lui à sa sortie d'hôpital, qu'il le veuille ou non. Et quand son meilleur ami est parti du cabanon, il n'a pas hésité une seule seconde et l'a suivi, faisant en sorte que le châtain ne remarque pas sa présence.
Il a marché un moment derrière lui avant de prendre la décision d'envoyer un message à son ami et collègue Changmin.
Yeo Hwanwoong :
Je vais t'envoyer une adresse, prépare toi à partir avec l'officier Kim au cas où je t'envoie un message d'alerte.
C'est très important pour moi, je vous revaudrai ça.
Arrivant enfin devant la maison de Keonhee, Hwanwoong aperçoit la porte d'entrée entre-ouverte et après un coup d'œil, s'engouffre dans la maison. Il a juste le temps de voir le châtain monter les marches de son escalier en colimaçon qu'un silence pesant prend place dans la bâtisse, entrecoupé seulement quelques fois par des raclements de gorge impatients de l'homme assis sur le fauteuil ou encore des pas rapides de Keonhee à l'étage.
À peine quelques minutes plus tard, il voit son meilleur ami descendre les marches, la bandoulière d'un énorme sac posée sur l'épaule. Il se dirige vers son petit sac à dos et tout en l'empoignant, il se tourne vers son père.
« Je suis certain que maman m'aurait accepté comme je suis. »
Yeo Hwanwoong :
Maintenant.
Le petit blond se mord violemment la lèvre lorsqu'il voit Keonhee se faire brutalement frapper par son père. Malgré leurs années d'amitié, c'est la première fois qu'il assiste à une telle scène et il se dégoute de ne pas intervenir.
Mais il sait qu'il ne peut pas. En tant que stagiaire, il n'a pas officiellement le titre de policier et ne peut donc pas intervenir, au risque d'être accusé d'agression à son tour. Alors il attend simplement l'arrivée — il l'espère — rapide de ses collègues qui pourront correctement arrêter cette pourriture.
En attendant il peut seulement assister à la torture de son ami, regardant cet homme lui donner des coups et lui hurler dessus.
« ET TU CROIS QU'UN ENFANT QUI TUE SA MÈRE EST DIGNE DE SE FAIRE APPELER FILS ? »
Hwanwoong ouvre la bouche de stupéfaction. Alors c'est cela que Keonhee entend tous les jours ? C'est cela qu'il doit endurer, sans jamais faiblir ? Keonhee n'est en rien responsable de la mort de sa mère à sa naissance, et ça lui brise le cœur de savoir que les reproches incessant de son père ont porté leur fruits. Parfois le grand brun s'accuse lui-même, arguant de temps en temps : "si je n'avais pas tué ma mère, j'aurais pu avoir une enfance joyeuse, et elle aurait pu devenir une maman formidable j'en suis sûr".
Hwanwoong retient vivement ses larmes, serrant les poings si fort qu'il plante ses ongles dans sa chair. Il espère que ses collègues arriveront bientôt.
Et c'est finalement après un petite dizaine de minutes après qu'il ait envoyé son message d'alerte que Hwanwoong entend enfin la sirène de la voiture de police. Il sort en trombe de la maison et éclate subitement en sanglots en se jetant dans les bras de Changmin qui vient d'arriver. L'officier Kim fait le tour de la voiture et s'approche rapidement d'eux, inquiet.
« Hwanwoong mais enfin qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi tu es dans cet état ?
- S'il vous plaît, je vous en supplie allez le sauver... »
L'officier fronce les sourcils et n'hésite pas plus, courant à l'intérieur de la maison. C'est moins de cinq minutes plus tard qu'il réapparait, poussant d'une main brute l'homme qui hurle de rage, les mains menottées dans le dos. La seconde d'après apparait à son tour Keonhee, tenant son bras droit sur lequel il était tombé quelques minutes plus tôt et lorsqu'il voit Hwanwoong en pleurs dans les bras de son collègue, il ne peut s'empêcher de courir le rejoindre.
« Keonhee je suis t-tellement désolé, je voulais intervenir mais je n'avais pas le droit, e-et puis comme ça ton père a été pris en flagrant délit et-
- Hwanwoong c'est toi qui les a appelés ?
- Oui... J-Je pouvais plus supporter de te voir tous les jours dans un état lamentable à cause de ce... J'en pouvais plus Keonhee ! Et puis cette histoire de verre ridicule m'a complètement déboussolé, je ne comprenais pas pourquoi il s'en était pris à toi aussi violemment et- enfin, je sais q-que tu m'avais interdit d'en parler à la police mais je- »
Il est violemment coupé par une étreinte désespérée, sentant deux grands bras le serrer violemment contre une poitrine soudainement secouée de spasme. Keonhee l'a pris dans ses bras, mais Keonhee pleure. Et Hwanwoong ne sait pas encore si c'est parce qu'il est soulagé ou bouleversé. Peut-être un peu des deux.
« Keonhee c'est fini, renifle le petit blond. Je te le prom-
- Tu es Changmin, le collègue de Hwanwoong ? »
Keonhee vient de brutalement stopper le blond en fronçant les sourcils. Il se détache doucement de son meilleur ami et s'approche du policier stagiaire qui écarquille le yeux de surprise, ne s'attendant pas à être interpellé. Il finit par hocher vivement la tête, déstabilisé.
« O-Oui, c'est moi.
- Regarde-moi dans les yeux s'il te plait. »
Instantanément, Hwanwoong fronce à son tour les sourcils ; lorsque Keonhee regarde quelqu'un dans les yeux, rien de bon n'est annoncé. Et cette fois-ci ne fait pas exception.
« Hwanwoong, appelle une ambulance, maintenant. »
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[Bien le bonjour tout le monde ! Désolée de ne pas avoir posté plus tôt mais ces dernières semaines ont été trèèèès chargées (et je suppose que je ne suis pas la seule), entre les examens, les cadeaux de Noël et tout le tralala, donc peu de temps pour écrire. Mais va y est, le chapitre 11 est terminé donc je peux poster celui-ci !
+ J'espère qu'il vous a plu, il est pas très joyeux mais je voulais vraiment m'occuper du cas de Keonhee, il me brisait le cœur et je voulais faire avancer les choses :)
+ Je vous souhaite un Joyeux Noël un peu en avance, en espérant que vous pouvez être avec votre famille et à bientôt !
+ Sinon ce soir c'est la finale du meilleur pâtissier je suis contente hihi
Gros bisous,
Marie 💜]
22 décembre 2020
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