Chapitre 6

Le garçon aux yeux bleus


            Je laisse ma tunique blanche retomber sur mon pantalon bleu marine, enfile des sandales et décide que mes cheveux resteront tressés. Le sol est sec, recouvert de petites marguerites et de touffes d'herbes. La forêt me rappelle le temps où nous vivions dans les bois avec Nicolas.

            Je m'approche discrètement de l'Odéon. J'ai failli me faire surprendre par un des patrouilleurs lorsque je suis passée sous la grille et il s'en est fallu de peu pour qu'il me repère. Qu'aurais-je fait s'il m'avait découverte, allongée sur le sol terreux, alors que je me faufilais sous le grillage ? Aurais-je eu le courage de le tuer et le temps de retourner me cacher dans la grotte avant qu'il ne donne l'alerte ? Heureusement pour moi, Mathie m'a bien formé et j'ai acquis de bonnes techniques de camouflage à force d'expérience.

            Alors que je marche vers l'Odéon, je pense à Macha et Tristan. Je suis angoissée à l'idée qu'ils soient tués ou capturés en sortant chasser. Je leur ai donné mon aval la veille mais je regrette déjà ce choix. Je chasse leur visage de mon esprit. Je pense à eux pour ne pas penser à lui et, de facto, pour ne pas penser à moi. Ma mission peut se solder par deux fins possibles : soit je me trompée sur lui et il m'aidera ; soit je ne me suis pas trompée et je serai bientôt morte. Une partie de mon esprit me crie de faire demi-tour mais l'autre entrevoit une lueur d'espoir. Pire que la mort, je crains d'être capturée, enfermée et de finir l'esprit détraqué par les fous des laboratoires de la conscience. Je n'ai aucune envie de perdre la tête et de devenir un exterminateur sans âme, prêt à tuer.

            J'arrive enfin au bout du petit bois et pousse la branche qui me masque la vue sur l'Odéon. Le ciel est bleu et sans nuage. Je suis toujours étonnée de constater qu'ils parviennent à contrôler la météo. L'Odéon semble cracher ses effluves de pollution au-dessus des terres brûlées afin de préserver le beau temps sur la cité. Autour de moi, les rues sont propres et rien ne dépasse des trottoirs. Elles sont nettoyées chaque jour par les hommes et femmes de la caste des ouvriers qui s'affairent à la nuit tombée et jusqu'au petit matin.

            Je sors de la forêt pour m'immiscer dans la cité. Les rues sont vides et cela me surprend. Où sont les habitants ? À cette heure du matin, d'habitude, tout le monde se presse vers le dôme pour pouvoir travailler. Pourquoi n'y a-il pas âme qui vive dans ces rues ensoleillées ?

–  Vous là ! Que faites-vous ici ?

            Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et mon sang se glace. Dans mon dos, j'entends le bruit des pas d'un homme qui se rapproche et n'ose pas me retourner. S'il s'agit d'un patrouilleur, je suis bonne pour un contrôle d'identité. En admettant que j'arrive à éliminer celui-ci, les caméras de l'Odéon, postées à toutes les rues, me repèreront à coup sûr. Je serai rattrapée et éliminée avant même d'avoir atteint la clôture. Je me retourne lentement en m'obligeant à ne pas trembler.

            Mes yeux s'écarquillent en reconnaissant l'homme.

–  Que fais-tu ici ?

            Je reste sans bouger, incapable de répondre. Ses yeux noisette sont fixés sur moi et il ne semble pas me reconnaitre. Une pointe de tristesse me serre le cœur mais je me force à me maitriser. Théo est en face de moi. Mon frère ne marque aucune réaction, comme si j'étais une parfaite inconnue. L'Odéon a-il joué avec sa mémoire pour effacer mon souvenir ?

–  Pourquoi est-ce que tu n'es pas à la cérémonie ?

            J'essaye de masquer la tristesse qui s'est sans doute peinte sur mon visage. À la place, je prends mon air le plus affligé et surpris du monde.  

–  Je suis vraiment navrée, je me suis perdue.

–  Tu t'es perdue ? Ici ?

–  Oui, j'étais partie chercher le sac de ma sœur. Elle l'a laissée à la maison ce matin. J'admirais le ciel et je me suis égarée.

            Théo me jette un regard sceptique. Mon histoire ne tient pas la route. J'espère qu'il ne voudra pas fouiller mon sac à dos pour s'apercevoir qu'il ne contient pas des affaires de cours.

–  De quelle caste es-tu ? demande-t-il.

–  Celle des agriculteurs, réponds-je.

            J'ai volontairement choisi celle-ci. Il n'est pas rare de voir des élèves dans les rues le matin. Ils vont suivre des cours au dôme, dans les salles de classe qui leur sont réservées. Je n'aurai pas pu lui répondre que j'appartenais aux élites. Ils se connaissent tous. Théo aurait su que je lui mentais.

–  Quel est ton nom ?

–  Macha.

            Je prie pour qu'il n'appelle pas un patrouilleur pour un contrôle d'identité. Mon ancien frère n'aurait jamais appelé l'un d'eux car il les haïssait mais je ne connaissais pas celui que Théo était devenu.

–  Viens avec moi, je vais te reconduire là-bas.

            Je remercie le ciel qu'il n'appelle personne. Théo prend les devants et je le suis en silence. Tous les habitants sont conviés pour une cérémonie sur l'esplanade. Je fouille dans ma mémoire pour tenter de retrouver le jour que nous sommes. Il y a deux jours, c'était mon anniversaire. Donc, nous devons être le 13 avril. Ce qui signifie qu'aujourd'hui est ...

–  La cérémonie du Pouvoir, me rappelle-je.

–  Comment ? demande Théo.

–  Pardon, je parlais tout haut.

–  Estime toi heureuse que je t'ai trouvé. Un autre que moi t'aurait puni pour être restée seule dans la rue.

            La cérémonie du Pouvoir est l'une des fêtes les plus importantes de l'Odéon. Elle commémore la prise du pouvoir du chef suprême, dix ans auparavant. Elle est là pour rappeler aux habitants le jour où l'Odéon a pris le contrôle du monde. Même si nous gardons presque aucun souvenir de l'événement, nous savons qu'il y a eu une guerre et que l'Odéon a triomphé. On nous a dit et répété que le monde ancien était noir, violent et qu'ils étaient sur le point de nous massacrer. L'Odéon nous a sauvé. Le système est venu nous offrir sa protection.

            Je marche quelques pas derrière Théo. Mon regard se porte sur son dos et ses cheveux bruns coupés à ras. Une larme roule sur ma joue que j'essuie rapidement d'un revers de main : mon frère ne se souvient pas de moi. L'Odéon a bien fait son travail.

            C'est sans doute mieux ainsi. Mon frère n'avait pas l'âme d'un révolutionnaire. Comme tout le monde, il lui arrivait de s'offusquer contre certains membres de l'Odéon mais il n'aurait jamais remis le système en cause. Pourtant, cela me fait mal de savoir qu'il m'a oublié.

–  Mets-toi ici.

            Je relève la tête. Le soleil fait une percée magnifique dans le ciel. Nous sommes arrivés sur l'esplanade et nous faisons face au dôme de Cristal. Les rayons lumineux se reflètent sur la surface cristalline qui lui répond par des éclats rosés. Quelle merveille d'architecture ! L'esplanade est couverte de monde et nous ne pouvons plus avancer. Une nuée de femmes et d'hommes en uniforme bleu marine et blanc se tiennent droit. Ils sont tous silencieux et fixent leur regard au-delà du dôme. Je fais de même.

            Derrière, en arrière-plan, se dresse un immense palais. On l'appelle le palais de Cristal. Il est composé de plusieurs colonnes et de statues et le toit est d'une forme pyramidale. De grandes fenêtres en verre permettent de faire entrer la lumière à l'intérieur et le palais nous écrase de sa masse et de sa grandeur. Il abrite les plus hauts membres de l'Odéon et a été conçu dans un bloc de marbre blanc. À certains endroits, des diamants ont été collés à sa surface. Ils scintillent dans la lumière du matin et me fait mal aux yeux. Au-dessus du palais pendant des étendards bleus, marqués par le symbole « O ».

–  Tu ne dois pas venir ici souvent, commente Théo en se tournant vers moi.

            Il me fixe et j'ai envie de le prendre dans mes bras. Je me retiens. Il n'est plus mon frère. 

–  Le bleu, c'est la couleur des rois, m'explique-t-il, pensant sans doute que je ne le sais pas déjà. Le blanc symbolise la paix. Le « O », au centre, représente l'Odéon. J'imagine que tu as compris le message ?

            Il tend le doigt devant lui et je suis la ligne invisible tracée par son index. Des hommes sont en train de sortir sur les balustrades et des cris de joie retentissent. Sont-ce des hurlements de bonheur ou s'agit-il d'effusions feintes et contraintes ?

–  Que suis-je censée comprendre ? demandé-je pour le faire parler.

–  L'étendard est une métaphore de notre devise : « Tant que l'Odéon nous protégera, nous vivrons en paix ».

            L'ironie du message me donne envie de rire. Mon regard s'est déjà fait plus lointain et je n'écoute plus Théo. Un homme s'avance sur la grande balustrade qui surplombe le palais. Les barrières sont recouvertes d'or et il pose ses mains gantées dessus. Il est vêtu d'une chemise bleu marine glissée dans un pantalon blanc agrémenté d'une ceinture en cuir. Ses cheveux châtains sont tirés en arrière et forment une queue de cheval. Il lève la main et la foule lui répond par des hurlements de joie. Mon estomac se contracte de colère. La population répond au salut par des applaudissements et de larges sourires. Ces hommes et ces femmes n'ont rien d'humain. Ces comportements automatiques m'affolent.

–  Lhénaïc pense-t-il vraiment être à la hauteur de son père ?

            Je porte mon attention sur le côté gauche de la balustrade. Derrière l'homme qui salue la foule, on peut apercevoir deux autres personnes. Deux jeunes hommes. L'un d'eux est Lhénaïc Lenark. Théo ne l'a jamais apprécié parce qu'il s'est toujours montré plus intelligent que lui en cours.

            C'est le plus jeune fils de Johns Lenark, le maitre de l'Odéon. Ce dernier porte communément plusieurs titres : « roi », « maitre », « commandant », « chef », « être suprême ». Tout dépend de la situation. Johns fait des signes de la main à la foule qui continue de l'acclamer. Derrière lui, ses deux fils, Lhénaïc et Lucas, s'essayent au même exercice. Je ne fais pas attention à Lucas. Mes yeux fixent Lhénaïc. C'est un très beau garçon, pour ne pas dire, un garçon parfait. Comme un tableau. Avec sa peau lisse et sans imperfection, ses yeux bleus et profonds, que je sais teintés de violets, et ses cheveux châtains bien coiffés en arrière, il est envoutant. Un peu comme son père.

            Lorsque j'étais étudiante ici, je passais une grande partie de mon temps à me moquer de lui avec Nicolas. Lhénaïc était adulé par toutes les filles de notre classe qui vantaient sa beauté. N'ayant jamais voulu entrer dans le club très fermé de ses idoles, je préférais m'amuser de lui. C'était puéril, je le reconnais. Les autres élèves l'appelaient « prince ». Dans leur bouche, c'était une marque de respect. Avec Nicolas, nous nous en servions pour rire de lui.

            Mes yeux continuent de fixer dans sa direction. La colère bouille en moi sans que je ne parvienne à la retenir. J'ai envie de hurler. Johns Lenark commence à parler mais je ne l'écoute pas. Je n'ai d'yeux que pour Lhénaïc. Ce sale traite !

¤

Deux ans plus tôt.

            Mathie sourit en me voyant arriver. Je traîne derrière moi un gros sac rempli de matériaux technologiques. Je crois savoir qu'il contient plusieurs ordinateurs. En tout cas, il pèse lourd. Mathie est assis sur un tabouret, devant une porte blindée. Il ne se lève pas pour m'aider en me voyant arriver. Son arc repose à ses pieds et il s'amuse à lancer une dague entre ses doigts. Il pourrait se l'enfoncer dans la jambe si elle retombe mal. Pourtant, je sais que la lame retombe toujours dans sa main. Il est doué d'une grande dextérité.

            Il me fait un clin d'œil et m'accueille d'un air goguenard.

–  Tu en as mis un temps !

–  Va te faire voir, répliqué-je.

            Il éclate de rire et vient à ma rencontre. Je laisse tomber le sac avant de m'essuyer le front d'un revers de la main. Il croise les bras sur sa poitrine et me regarde alors que je suis dégoulinante de sueur.

–  Tu es belle, me dit-il.

–  Couverte de sueur et de terre ?

–  Je suis amoureux, répondit-il simplement.

–  Tu as pris des cours auprès de Nicolas pour venir me dire ça ?

            Il n'y a qu'une seule personne au monde qui soit capable de dire à une fille qu'elle est belle, même couverte de boue, et ce n'est certainement pas Mathie. Il ne fait pas de compliments. 

–  Moi qui voulais faire un effort pour te séduire.

–  Je ne te crois pas.

–  D'accord, tu n'es pas très jolie toute transpirante. 

            Je lui fais un doigt d'honneur et il ricane avant de poser sa main sur mépaule. Notre relation est – comment pourrais-je la décrire ? – houleuse, fatigante et passionnelle. Beaucoup de sentiments se mêlent en moi lorsque je suis avec Mathie. Je peux être un jour charmé et le lendemain fatigué par son côté rebelle et son cynisme permanent. Je peux un jour être amoureuse de lui, et le lendemain avoir envie de le frapper.

–  Un gentleman aurait proposé de porter ce gros sac, fais-je remarqué.

–  Je ne suis pas un gentleman.

–  Ça, je l'avais bien remarqué.

            Mathie est un coup de foudre. Je me demande parfois pourquoi la foudre s'est abattue sur moi d'ailleurs ! Lorsqu'il nous a trouvé avec Nicolas, je suis immédiatement tombée amoureuse de ce lui. C'est inexplicable. Et stupide ! C'est comme si une force invisible m'avait poussée dans ses bras. Je l'aime d'un amour passionnel, et ce sentiment me dévore de l'intérieur. Je sais qu'il ne ressent la même chose, même s'il ne me le dit jamais.

–  Bon ma belle, tu es prête pour ta mission du jour ?

            Je ne supportais pas lorsqu'il m'appelle ainsi. On me surnomme Anah, pas « Belle » ! Seul Mathie se permet d'user de ce qualificatif qui me donne la désagréable sensation de lui appartenir.

–  En quoi consiste-t-elle ? demandé-je.

            Il ricane, fait demi-tour, ramasse son arc et me tend la main. Je reprends mon gros sac sur mon dos et l'ignore avant de lui emboiter le pas.

–  Tu as la difficile mission de te rendre présentable, me lance-t-il.

–  Parce que tu es présentable, toi ?

–  Non, mais je suis déjà présenté.

            Il sautille en marchant et me lance des sourires en coin. Ceux contre lesquels je ne peux pas résister.

–  En quel honneur ? poursuis-je. Je ne savais pas qu'il fallait être apprêtée pour chasser ou se battre au couteau ?

            Il pouffe de rire et je me retiens de lui jeter mon sac à la figure.

–  Nous devons te présenter quelqu'un.

            À qui les rebelles pourraient-ils vouloir me présenter ? Je connais presque tout le monde au sein de la rébellion. Je le suis en titubant à cause du poids sur mes épaules. Mathie continue de rire de ma condition. Nous tournons à gauche d'un couloir pour nous engager dans un des nombreux tunnels. Ils sont longs, creusés sous la terre dans les parois rocheuses et permettent de rejoindre les différents bunkers et souterrains. C'est un véritable labyrinthe pour celui qui ne sait pas s'y retrouver. Mathie tourne à droite. Je me suis toujours demandée comment il pouvait connaitre aussi bien son chemin. C'est sans doute car il a toujours vécu ici.

–  Nous y voilà !

            Une porte blindée se tient devant nous et Mathie compose le code d'entrée. La porte s'ouvre. Il tend sa main devant lui pour me laisser passer. En pestant, je dépose mon sac à ses pieds et relève la tête pour découvrir l'endroit. Je n'ai encore jamais mis les pieds ici. Au centre se trouve une immense table rectangulaire entourée de chaise. En face, un écran plat géant est accroché sur un mur. Lhionel est là, devant la table, entouré de plusieurs de ses alliés. C'est le père de Mathie : le chef de la rébellion. Il me fait signe d'approcher et je me frotte le visage pour éliminer ma sueur avant de prendre place sur la chaise qu'il me désigne. Mathie s'assoit à mes côtés, de façon nonchalante, puis pose sa main sur ma cuisse. Je la retire aussitôt en lui jetant un regard noir auquel il répond par son sourire coquin.

–  Qu'est-ce que tu fais ?

–  Je ne te montre mon affection.

–  Je ne t'appartiens pas.

–  Eh ! C'est juste une main.

–  Garde là sur la table ! 

            Pourquoi faut-il toujours qu'il se fasse remarquer ? Je suis sûre que c'est davantage une façon d'attirer le regard que de me montrer son amour. Il ne connait pas les marques de tendresse. Nous avons plutôt tendance à nous montrer notre amour mutuel avec des coups de poing et des piques bien ciblées. Lhionel prend place face à nous pendant que les autres cessent de discuter. Il y a deux femmes et trois hommes. Je les connais parce qu'ils font partis de la résistance mais je ne leur parle que très rarement. Je ne suis pas conviée à ce genre de réunion en principe car je suis trop jeune.

–  Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard.

            Je n'ai pas vu la seconde porte, dans le fond de la pièce. Elle s'ouvre pour laisser apparaitre un garçon aux cheveux châtain clair et aux yeux bleus.

            Lhénaïc !

            Je me lève d'un bond et je m'apprête à hurler lorsque Mathie m'attrape par le poignet. Lhionel me fait un signe discret de la main pour m'inviter à me rasseoir. Je suis affolée. Que fait-il ici ? Lhionel se rend-il compte de qui il s'agit ? Il vient d'introduire un ennemi au sein de notre repère secret. Lhénaïc est le fils du maitre de l'Odéon. Combien de temps cela prendra-il avant qu'il nous envoie une armée d'exterminateurs pour nous détruire ?

–  Tu as pu sortir comme tu voulais ? demande Lhionel.

            Ils échangent des propos que je ne comprends pas. Je suis trop choquée pour comprendre ce qu'ils se disent, mais ils semblent bien se connaitre. Je garde mes yeux rivés sur Lhénaïc qui finit par se détourner de Lhionel pour s'avancer vers nous. Sous la table, Mathie a de nouveau posé sa main sur ma cuisse et il la serre fort. Je tente de la lui retirer mais il la garde posée fermement. Lhénaïc me tend la main. Avec celle qu'il me reste – l'autre tentant toujours de se dégager de l'emprise de Mathie – je serre la sienne, les dents serrées, sous le regard insistant de Lhionel.

–  Lhénaïc Lenark, se présente-t-il.

–  Je sais qui tu es.

            Un sourire éclaire son beau visage. Je parviens enfin à faire lâcher prise à Mathie qui se repousse contre le dossier de son siège et fixe ses yeux sur Lhénaïc comme s'il voulait l'affronter en duel.

–  Pourquoi ? demandé-je.

–  Et toi, pourquoi ? répond-t-il.

–  Eh oui ! Pourquoi ! lance Mathie d'un air grandiloquent.

            Je me tourne vers lui, les sourcils froncés. J'ai besoin d'explication. Lhionel s'approche, et explique que Lhénaïc travaille pour lui depuis plusieurs mois. Il détourne de la nourriture pour relier nos souterrains à la cité, il nous transfère des plans, notamment ceux des caméras. En clair, il trahit son père. Mais pourquoi ?

–  Tu sais que tu leur as donné du fil à retordre.

            Je hausse les sourcils et reporte mon attention sur Lhénaïc. Il me connait donc si bien ? Il sait pourquoi j'ai quitté la cité ? Pourquoi j'ai rejoint la rébellion ? Oui, probablement ! Il est le fils de Lenark. Il doit tout savoir.

-       Tu joues un beau double jeu, rétorqué-je, sur la défensive.

            Il me renvoya un sourire triste. Un instant, ses beaux yeux se voilent et il finit par se détourner.

–  Au fait, c'est ma copine, lance soudain Mathieu.

            Je me tourne vers lui, le regard noir. Je suis sa copine quand ça l'arrange. Il a toujours son sourire, mais je sens qu'il est forcé. Ses yeux ne quittent pas Lhénaïc qui se contente de hausser la tête et de partir rejoindre les autres rebelles, pendant que mon « petit copain », serre sa main autour de mon bras.

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