Chapitre 30 : Des étoiles dans ses yeux
TW : Ce chapitre contient une scène de sexe. Des bisous. ♥
— AUKAI —
Je bouscule la porte d'entrée du refuge en braillant un peu fort :
— Bienvenue dans le palace !
Clémence s'immobilise avec les deux adoptants ; qui me fixent tous les trois avec des yeux ronds. Neven arrive juste derrière moi et pouffe de rire dans sa main.
— Bonjour, salué-je.
— Salut..., répond Clémence, sans doute étonnée par mon enthousiasme.
— On vous dérange pas, on va voir les NAC.
— C'est quoi, les NAC ? me demande Neven à voix basse.
— Les nouveaux animaux de compagnie.
— Genre les serpents ?
— Ouais.
Il a l'air impatient. Je l'entraîne avec moi en lui tenant la main, ce qui tire un haussement de sourcil à Clémence.
J'ai passé la semaine à broyer du noir. Chaque message d'Heipoe était là pour m'informer que l'état de notre père se dégradait. Je suis allé le voir à deux reprises dans la semaine. Il n'a pas dit un mot. Sa chute semble lui avoir fait perdre le reste de sa mémoire. Il ne reconnaît même plus Heipoe. C'est ça qui m'a abattu la semaine dernière. Qu'il m'oublie est compréhensible, même si c'est un crève-cœur, mais qu'il oublie celle qui s'est démenée pendant des mois pour le faire se rappeler de l'essentiel, c'était trop difficile.
Heipoe ne pleure pas souvent, elle a sa fierté. Quand on est sortis de la chambre d'hôpital, elle a fondu en larmes dans mes bras. Elle n'a jamais fait ça. Parce qu'elle est l'aînée et qu'on lui a toujours dit d'être celle qui surveille. D'être la plus forte.
— C'est pas possible..., m'a-t-elle répété un nombre incalculable de fois.
Je l'ai emmenée dans un petit café, où on a discuté pendant deux heures. J'ai essayé de la rassurer et de la consoler, mais ça ne changeait rien aux faits. On avait beau si attendre, c'était beaucoup plus douloureux qu'on l'aurait cru. Papa nous avait oubliés tous les deux.
Je n'ai rien dit à Neven par peur. Parce que je suis lâche. Mais les deux fois où je suis venu le voir à l'hôpital, je ne lui ai pas menti. J'allais mal et je me retenais de le cacher. Il ne m'a pas posé de questions, il s'est contenté d'être présent, attentif, et a tout fait pour me changer les idées. J'en suis affreusement reconnaissant.
Ce week-end avec lui, c'est mon break à moi. Je mets de côté les messages démoralisants d'Heipoe, le fait que mon père arrive sur ses derniers mois de vie et que mon taf m'éreinte. J'éloigne tout ça pour me concentrer sur Neven et son sourire, Lana et son affection, Clémence et sa gentillesse...
On ne relève jamais assez de positif pour qu'il prime un jour sur le négatif. Surtout quand on est un pessimiste né comme moi.
On entre dans la pièce des reptiles. Je présente à Neven le premier serpent.
— C'est Vipère.
— Vipère, c'est son nom ?
— Ouais, comme celle dans Kung Fu Panda.
— Jamais vu.
— Un truc à rajouter dans notre programme.
Il hoche la tête, les joues un peu rouges.
— Elle a été trouvée dans un égout. Elle a dû mordre ses propriétaires ou quoi, ça ne leur a pas plu.
— Mais il ne faut pas adopter un serpent pour le prendre comme une peluche...
— Va dire ça aux gens qui abandonnent leurs bestioles au bord de la route...
— J'aimerais bien.
Moi aussi, j'adorerais.
Je lui montre le deuxième serpent, une couleuvre qu'on a appelé Arc-en-ciel en référence à ses écailles de toutes les couleurs une fois au soleil. Puis, je lui présente notre rainette. Elle est sauvage, à la base, mais on l'a trouvé avec une patte coincée dans une fil de pêche. Il faut qu'elle cicatrice.
Neven s'arrête longtemps devant les tortues d'eau. L'une d'elles donne un coup de tête à la vitre quand Neven approche son visage. Ça nous fait rire.
Quand on s'éclipse dans la pièce des rongeurs, je comprends que c'est l'endroit favori de Neven. Il a des étoiles dans les yeux et commence à reluquer les lapins nains, puis béliers, enfin la grosse lapine oreilles de papillon. Elle s'appelle Zelfa. Il adore le prénom.
Puis, lorsqu'il tombe face à la cage des rats, il s'arrête net. Nous n'en avons qu'un particulièrement déprimé. Son pelage est blanc tacheté de gris.
— Et lui, comment il s'appelle ?
— Il n'a pas de nom, on l'a reçu y a deux jours. Une femme l'a trouvé dans un carton près des poubelles.
— Mais...
— Ne cherche pas à comprendre. Tu veux le tenir dans tes bras ?
Neven hoche la tête. Je retire le rat de sa cage et il renifle les doigts de Neven, avant de se faufiler entre eux.
— Il ne mord même pas, pourquoi ils l'ont laissé là ?
— C'est l'été, les gens veulent partir en vacances.
— C'est stupide.
— L'humain est stupide.
Il acquiesce sans quitter le rat des yeux, qui visite son nouvel ami en courant sur ses épaules. Ses petites pattes griffues s'accrochent à sa chemise, mais il s'en fiche.
— Comment on dit « survivant » en hawaiien ?
Je cherche dans ma mémoire, puis lui répond :
— « Mea ola ».
— On peut l'appeler comme ça ? Lana s'appelle « espoir », lui, il s'appellera Mea ola.
— Si tu veux, on peut l'appeler comme ça.
Neven sourit et serre le rongeur contre lui.
— J'ai pas envie de laisser là...
— Tu veux l'adopter ?
— Quoi ?
— Je t'apprendrai à t'en occuper par contre. Ça demande beaucoup d'attention, mais je suis sûr que tu seras un super maître.
— Mais je pourrais pas l'emmener à l'hôpital...
— On le garde ici le temps que tu sortes. Tu pourras venir le voir tous les samedis le temps que je m'occupe des chats.
— Je sais pas si...
Il ne termine pas sa phrase. Encore. Je l'encourage d'un regard. Il inspire puis finit par reprendre :
— Parfois, je ne sais pas m'occuper de moi-même, alors imagine d'un animal ?
— Justement. On se délaisse souvent au profit de ceux qu'on aime. Et on trouve toujours l'énergie pour eux. Crois-en mon expérience. D'ailleurs... ils t'aident beaucoup, quand t'es au fond du trou. Moi... je crois qu'ils m'ont sauvé.
Il relève la tête avec une nouvelle constellation dans les yeux. Des yeux pleins d'espoir et de volonté.
— Tu veux prendre le temps d'y réfléchir ?
— Oui, me répond-il.
— C'est que t'es un bon adoptant, qui prend pas un animal sur un coup de tête.
Son sourire me réchauffe un peu le cœur.
Je prends le temps de lui présenter les quatre chiens du refuge. Il y a eu beaucoup d'adoptions ces dernières semaines. Quand on termine, il est midi passé. Je dois ouvrir la boutique à treize heures.
Alors qu'on annonce notre départ à Clémence, elle nous arrête.
— Minute papillon !
Elle relève le nez de ses documents, nous observe tour à tour, puis s'avance près de Neven.
— Hum... T'es la description exacte qu'Aukai a fait de toi.
— La description ? s'étonne-t-il.
— Grand, cheveux châtains très clair, yeux marrons et... comment déjà ? Ah oui : « franchement très mignon ».
Neven vire à la couleur pivoine et moi au vert. Clémence explose de rire. Je suis à deux doigts de l'étrangler.
— Excuse-moi, c'est pour emmerder l'ours.
— C'est Aukai l'ours ?
— Ouais, toujours dans son trou et aussi grognon qu'un ours. J'ai une vraie question, est-ce qu'il ronfle fort ?
— Euh...
— Je ronfle pas, coupé-je.
Neven m'adresse une moue désolée et approche son index de son pouce.
— Un peu, quand même.
— Traître !
Il se met à rire, et Clémence me regarde le chatouiller comme le môme que je deviens avec lui. Son sourire lui mange les joues. Je finis par reporter mon attention sur elle. Ses cheveux lâchés coulent jusqu'à son ventre, aux ondulations si délicates qu'ils ont l'air tout doux. Elle est très soigneuse avec ses cheveux.
Elle s'avance jusqu'à Neven et lui tend sa main. La bise, ce n'est pas son truc. Il la serre et, au fond, je sais qu'il la remercie de ne pas trop s'approcher.
— Enchantée, moi c'est Clem.
— Laisse-moi deviner : la grande blonde perchée sur ses talons, qui claque des carnets sur la tête des gens et trie ses aliments ? taquine Neven. T'es exactement comme il t'avait décrite.
C'est à elle de piquer un fard. Si elle avait été un personnage de dessin animé, ses cheveux auraient commencer à s'agiter comme des serpents en colère et la foudre se serait abattue sur sa tête. En guise de réplique, elle abat son porte-cabas sur le dessus de mon crâne, puis elle éclate de rire.
— C'est bien envoyé, j'avoue, s'amuse-t-elle en se tournant vers Neven. T'as de la chance d'être sympa, sinon t'aurais pris un coup de carnet.
Lui, il est tout fier comme un coq. Ça m'amuse, mais je ne dis rien au risque d'être traité de canard.
— Vous devez y aller ? s'enquiert Clem après avoir retrouvé son sérieux.
— Ouais, la confiserie ouvre dans quarante minutes, on n'a pas encore déjeuner.
— Alors on se fait une bouffe une prochaine fois ?
— Quand tu veux, Clem.
— Quand je veux ? s'étrangle-t-elle. Mais Neven, avec quoi tu l'as empoisonné ? Avant il fallait trois semaines, dix supplications et un paiement en nature pour qu'il accepte de passer deux heures avec moi.
Cette fois, c'est Neven qui manque de s'étouffer.
— Un paiement en nature ?
— Elle déconne, je suis pas de ce bord-là.
Clem adresse un clin d'œil provocateur. L'hilarité nous prend tous les trois. On a l'air de gros idiots, mais on s'en fiche.
— Ouais... quand tu veux, Clem.
— OK, je t'envoie une date par message.
— Ça roule. Tu viens, Neven ?
Il acquiesce, salue Clémence et me rejoint. Au moment où on s'apprête à passer la porte, je m'arrête au seuil.
— Au fait, Clem, tu veux bien marquer Mea ola comme adopté, s'il te plaît ?
— Qui ?
— Le petit rat rescapé.
— Tu t'es enfin décidé à lui donner un nom !
— C'est pas moi, c'est Neven.
***
L'après-midi, je le passe dans la boutique. Du moins une partie. Quand Neven voit que je broie du noir et que les gens commencent à m'étouffer, il me propose de prendre la relève.
— T'es sûr que tu vas réussir à gérer ?
— Je gérais le magasin de pêche de ma mère, les clients chiants, je sais faire.
— Mais je pourrais pas te...
— Je veux pas être payé, Aukai.
— Même pas un paiement en nature ? insisté-je pour rire.
Il me jette une expression espiègle. Je me retiens de pouffer comme un imbécile, puis l'embrasse sur la bouche sous les yeux d'une gamine. Elle nous sourit de toutes ses quenottes manquantes en me tendant sa chique au Coca. Sauf que je n'ai même pas le temps de l'attraper que Neven la saisit à ma place.
— Deux euros, s'il te plaît.
La petite tend une pièce et montre un trou dans sa gencive.
— C'est grâce à la p'tite souris !
— Oh, tu lui diras merci !
— Ui !
Elle repart avec sa sucette, sous le regard fier de sa mère. Mettre les enfants à l'aise avec la société, ça c'est un truc que mes parents auraient dû faire. Pour moi en tous cas, ça m'aurait évité quelques désagréments, comme une misanthropie certaine.
— Qu'est-ce que tu fais encore là ? grogne Neven dans mon dos. Oust !
— OK, OK !
— Va te dorer la pilule sur ta terrasse et fous moi la paix.
Je ricane depuis la pièce d'à côté et laisse les rênes à Neven. Au fond, je culpabilise de lui donner une tâche si ingrate pendant sa permission, mais j'ai vraiment besoin de prendre l'air. J'étouffe, même si je ne sais pas trop pourquoi.
Neven gère comme un chef. Vers seize heures, je reviens pour le remplacer après avoir essuyé des larmes de nerf qui se sont effacées avec le temps. Je crois que j'arrive à bout avec toutes ces merdes. Neven m'a de nouveau chassé en disant qu'il finirait la journée. Je rechigne, mais il insiste. Alors, je repars.
À dix-neuf heures, il encaisse la dernière personne et se met de lui-même à passer le balai dans la boutique. Là, c'est moi qui l'engueule.
— Va-t'en de là, tu vas pas non plus payer mes factures tant que t'y es !
— Mais je veux juste t'aider.
— Tu m'as assez aidé comme ça pour aujourd'hui. Bon sang Neven, j'ai même pas cinquante balles à te filer pour ton travail.
— Je suis riche, me rappelle-t-il.
— Ouais, mais le temps c'est de l'argent, renchéris-je.
Cette fois, c'est moi qui gagne le duel et lui qui va à l'étage. Quand je monte après avoir nettoyé et verrouillé la porte – au cas où des tarés pourraient y rentrer – je le rejoins à l'étage. La table est mise et il a réchauffé les restes de brocolis et de riz blanc. Bordel, qu'est-ce c'est bon de rentrer avec quelqu'un qui t'attend chez toi. Même si j'aime mes animaux, ils ne seront jamais la présence d'un humain. Je pensais qu'aucun ne les valait, je crois que je me suis planté. C'est Clémence qui a raison.
Je m'approche de Neven et lui embrasse le cou. Il frémit sous mon baiser, se retourne vers moi se jette presque sur mes lèvres.
— Et mon paiement en nature, c'est pour quand ?
— Maintenant ? proposé-je.
— La bouffe va être froide...
— Pas grave, on a un micro-onde.
Neven sourit. Je me retiens de faire de l'humour beauf en parlant de la propre chaleur qui m'empreigne.
On s'étale sur le lit, et cette fois, c'est moi qui m'occupe de son plaisir. En le masturbant, je le prépare pour la pénétration. Je déteste qu'on le fasse avec moi. Les doigts me font plus mal qu'autre chose et je trouve la sensation désagréable. Bizarrement, avec Neven, c'est l'inverse. Quand j'enfonce mon index et mon majeur en lui, il se raidit d'abord sous la douleur, qui prend du plaisir à mesure que je touche ses zones érogènes. Il est beaucoup plus sensible que moi.
Quand je le pénètre, même si je suis délicat, je vois qu'il a mal. Il me chuchote d'y aller plus doucement ; il ose me le demander sans avoir peur de moi ou celle de me déranger. Je l'embrasse fiévreusement en ralentissant, comme il me l'a demandé. Une fois en lui, j'ai l'impression que je vais jouir beaucoup plus vite que prévu, alors je m'arrête.
— Pourquoi tu t'arrêtes ? grogne Neven.
— À ton avis ?
— Je suis excitant à ce point ? taquine-t-il.
— Comme t'as pas idée.
Ça, c'était subtil...
Neven se met à rire, pose ses lèvres sur les miennes et me laisse le temps qu'il me faut. Puis, je me remets à bouger en lui. Ses mains griffent mon dos. Je remercie le ciel qu'il se ronge les ongles.
Plus je vais et viens, plus ses gémissements sont sonores. Alors que je commence à ralentir pour faire perdurer, il me souffle à l'oreille :
— Ça te dit, une autre position ?
— C'est toi le guide, réponds-je.
Je me retire et il me propose de m'allonger sur le dos. Je fronce les sourcils alors qu'il se positionne lui-même, les jambes écartées de chaque côté de mon corps, me surplombant et me veillant de son regard doux comme les nuages. Ses hanches remuent sur moi, et c'est à mon tour de fermer les yeux en émettant un râle de plaisir.
Il me faut moins de deux minutes pour jouir en lui. Pour la première fois, il atteint son orgasme en même temps que le mien. Nos plaisirs s'embrassent comme nos lèvres s'épousent.
Il s'effondre à mes côtés, puis marmonne :
— Là, la bouffe est froide.
— T'avais pas plus romantique ? me moqué-je.
Il m'offre un sourire désolé.
— C'était génial, Aukai. Tu baises trop bien.
— Tu te fous de moi, là ?
— À moitié. En fait, je préfère dire que tu fais bien l'amour.
— Alors on peut dire que je fais bien l'amour, ça me va.
— Je risque de prendre le relais plus souvent à la boutique...
— Pas question.
— Pourquoi ? J'adore tes paiements.
Je ricane pendant qu'il se redresse. J'ai la furieuse envie de lui dire que je l'aime, sauf que mes lèvres restent closes. Il les couvre des siennes, puis se rhabille en prenant Lana dans ses bras.
Je le regarde sortir de la pièce avec la décision que, bientôt, je lui avouerai qu'il ne compte pas seulement comme un ami, ni comme un amant. Avec Neven, c'est plus fort que ça.
J'espère juste qu'il le pense comme moi.
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