Chapitre 7
Malia agrippa le rebord du comptoir puis le lâcha et s'aperçut que la trace de ses mains moites disparaissaient lentement. L'atmosphère devenait très lourde alors qu'il continuait de l'observer, la tête légèrement penchée sur le côté. Elle rompit le contacte de ses yeux et pivota les talons pour y poser trois verres ainsi qu'une bouteille de Whisky hors de prix.
- Qu'avez-vous à me proposer ?
Sa voix sombre se propageait déjà au creux de son échine. Il était presque impossible d'ignorer la note naturelle et sexy qui s'en dégageait. Malia se pinça les lèvres puis l'affronta en se faisant la promesse de ne pas ciller.
Inexpressif il attendait visiblement une réponse.
- J'apporte votre commande dans un instant.
- Je ne veux pas de Whisky, je veux autre chose.
La manière de prononcer sa demande lui avait donné presque l'impression qu'il ne parlait pas seulement d'une commande mais d'une toute autre envie.
- Que puis-je vous servir ? Demanda-t-elle poliment.
- Quelque chose sans alcool de préférence.
Malia ne put s'empêcher de lever un sourcil étonné.
- Vous ne buvez jamais ?
Son regard perça le sien mais toujours impénétrable.
- Seulement lors de très rare occasions, je préfère garder la tête froide, j'aime que mon esprit m'appartienne.
Il s'était approché, ôtant ses mains de ses poches pour s'emparer de la carte qu'il survola une seconde.
- Un cocktail sans alcool me conviendra, décréta-t-il en lui tendant la carte.
- Eh bien, on peut dire que vous savez faire le plein de vitamines et de caféine, commenta-t-elle en saisissant la carte pour la survoler à son tour.
- Lequel voulez-vous ? Demanda-t-elle en relevant les yeux.
Silencieux, il l'observait avec la même lueur, le même ton de couleur opaque.
- Choisissez pour moi, ordonna-t-il en s'éloignant sans lui laissez le choix que de satisfaire sa demande.
Malia le suivit des yeux alors qu'il rejoignait le carré VIP en dominant la foule avec sa haute carrure. Il s'installa au côté de l'italien puis braqua son regard dans le sien. Même de loin ce dernier restait puissant, inévitable, étouffant. Pas une seule fois ses yeux prenaient une expression amusé, espiègle ou laissant entrevoir un jeu de séduction. Non...ils étaient froids, concentrés, intenses, impassibles, déterminés. Malia détourna les yeux pour se concentrer sur le cocktail qu'elle avait choisi au hasard.
Elle le disposa sur le plateau et s'engagea dans la foule pour atteindre leur table. Après les avoir servi, Malia pivota les talons pour s'occuper des autres tables en attente. Il était temps pour elle de se concentrer sur son travail et ne pas laisser son esprit vagabonder de la sorte.
Caleb passa sa langue entre ses dents inférieurs et posa sa cheville sur son genou, les bras étendus de chaque côté du canapé en cuir. S'il donnait l'impression d'être confortablement installé et détendu ce n'était qu'une illusion.
En entrant dans le casino il s'attendait à découvrir la même jeune femme de ce matin or ce n'était pas le cas. Ce matin, il avait dû se briser les doigts sur l'acier du bar pour dominer ses pulsions devant sa beauté naturel qui en un seul regard l'avait plongé dans un chaud tourbillon de fantasme inavouable. Ce soir il bouillonnait littéralement de l'intérieur et savait qu'à tout moment il pouvait bondir en se soumettant à la volonté de ses pulsions. Sa tenue n'était plus la même, révélant sa peau lisse et nue de ses bras. Le débardeur qu'elle portait soulignait les reliefs de sa poitrine. Sa jupe enserrait sa taille au point de lui étouffer les hanches. Sa bouche charnue était rouge comme le sang et ses longs cils déployés par une touche de mascara. Caleb devinait sans mal qu'il s'agissait de la politique de l'hôtel. Il éprouva un accès de rage quand elle passa devant lui pour diriger deux hommes à la table suivante. La musique l'agaçait, le monde autour de lui l'empêchait de pleinement se concentrer sur la seule personne qui le poussait à être là ce soir.
Quelqu'un lui avait parlé de lui, mettant à mal tous ses efforts de le garder secret. Sa paire d'yeux azuré était bercé de peur et de crainte mêlées. Maintenant elle savait qui il était et ce qu'il avait fait. C'était peut-être un mal pour un bien, songea Caleb en inspirant imperceptiblement. À présent il n'était plus obligé de réfréner ses sautes d'humeur et il n'était plus contraint de lui cacher sa véritable identité.
Néanmoins elle ignorait encore qu'il était son sauveur.
- Seth m'a beaucoup parlé de toi hier soir.
Caleb quitta des yeux Malia pour tourner la tête vers Izario.
- Je suppose qu'il ta dit que je n'étais pas tout à fait le même, marmonna Caleb.
- Il m'a dit que tu avais changé en effet et peut-être pas pour le meilleur mais je lui ai dit de te laisser. En fait je t'admire Caleb. Ce que tu as subi et ce que tu t'es infligé pendant sept ans est une source d'inspiration.
La voix de l'italien était posée mais trop calme pour Caleb.
- Dis-moi ce que tu en penses réellement, dit Caleb impatient de connaître les pensées de ce dernier.
Izario esquissa un lent et diabolique sourire.
- Je pense que tu es redoutable, un dangereux adversaire que je ne souhaiterai pas avoir à combattre. Rester seul au milieu de nulle part après avoir subi des tortures et avoir l'esprit vengeur comme le tien me laisse sans voix.
Izario marqua une pause pour inhaler une bouffée de sa cigarette.
- Seth m'a aussi parlé de cette...appétissante jeune créature, reprit-il d'une voix trainante.
Caleb crispa ses mains sur le cuir du canapé.
- Le désir est incontrôlable n'est-ce pas ?
- C'est beaucoup plus que du désir, répondit froidement Caleb.
Izario étouffa un rire en se tournant vers lui.
- J'imagine que oui, commença-t-il alors que Caleb arrimait son regard sur Malia ; tu es resté sept ans sans éprouver le besoin d'assouvir les besoins que n'importe quel homme aurait voulu satisfaire dans une telle position. Chaque sortie dissimulée sous ton keffieh tu as vu des tas de femmes et pourtant pas une seule ne t'a attiré comme elle. La question est de savoir pourquoi ?
Caleb serra les mâchoires forcé d'admettre qu'il n'avait pas tort. Pendant sept ans, il avait eu le faible loisir de parcourir les villes de Zyarhan sans être reconnu mais pas un seul instant il avait éprouvé de l'attirance pour une femme.
Jusqu'à Malia...
- Je l'ignore, il s'est passé quelque chose lorsqu'elle a accroché son regard terrifié dans le mien, je ne saurais l'expliquer.
Ce jour-là, attiré par des cris de détresse, Caleb n'avait pas hésité à intervenir sans savoir que cette nuit-là marquerait sa vie à jamais. Durant les dernières semaines qu'il avait passé dans les montagnes il ne s'était pas passé une seule journée sans qu'il pense à cette mystérieuse inconnue. Hanté, il s'était alors promis de la retrouver.
- Mais il n'y a pas eu que ça, ajouta-t-il d'une voix grave sans la quitter des yeux.
- Quoi d'autre ?
- Quand elle s'est enfuie, je me suis avancé dans l'angle de la rue et elle s'était arrêtée à quelques mètres de moi sans se retourner, déclara-t-il sans la quitter des yeux alors qu'elle déployait un beau sourire devant les clients ; ça a duré quelques secondes et ensuite elle s'est remise à courir.
- Et tu veux savoir pourquoi, conclut Izario en se penchant pour prendre son verre.
Caleb ne répondit pas car il connaissait déjà la réponse. Oui il voulait le savoir mais il voulait bien plus que ça...
- J'ai une autre question mon ami, lança Izario en reposant son verre.
Caleb attendit sa question sans le regarder, essayant désespérément de maîtriser la colère qui menaçait de le submerger.
- Tu as tué Tahar parce que tu voulais te venger ou tu l'as fait parce que tu savais au fond de toi qu'il aurait pu l'avoir ?
Face à cette question dangereuse, Caleb fit craquer sa nuque douloureuse.
- Je voulais me venger avant tout, j'ai passé 2555 jours à mettre en place mon retour en prenant le soins qu'il soit sanglant, répondit Caleb en lui jetant un regard noir ; Et oui, je savais que les hommes de Tahar voulaient l'enlever pour qu'elle rejoigne le harem et oui, lorsque j'ai enfoncé la naissance de mes doigts dans sa carotide j'ai furtivement songé à elle et l'idée qu'il aurait pu faire d'elle une esclave sexuelle.
Les mâchoires crispées Caleb dévisageait Izario qui lui se contenta d'incliner sa tête comme s'il était pleinement content qu'il lui ait avoué.
- Et maintenant te voilà obsédé par cette femme au point de torturer ton ouïe avec tous ces bruits autour de toi dans le seul et unique but de la regarder avec ta paire d'yeux aussi tranchante qu'un poignard mais qui cache en réalité...une envie irrésistible qu'elle soit tout à toi.
Izario se mit à rire alors que Seth les avait rejoins et qui immédiatement fut alerté par son regard.
- Je peux savoir ce que tu lui as dit ?
Le patron de la mafia italienne haussa des épaules l'air de rien.
- Rien qu'il ne savait pas déjà, répondit-il d'une voix énigmatique.
Seth le fusilla du regard et attrapa son verre à la volée.
- Je m'absente dix minutes et maintenant il a l'air de vouloir te tuer.
Caleb ne les entendait presque plus, essayant de faire le vide dans sa tête avant que la folie s'empare de lui. Il se redressa sur le canapé, décroisa les jambes alors qu'elles tremblaient.
- Peut-être parce que je suis sur la vérité, lança Izario avec son accent chantant.
- Tu es sur la vérité en effet, annonça Caleb en se tournant vers les deux hommes.
Lentement, il se leva en les regardants tour à tour, puis s'éloigna du carré VIP en serrant son verre dans sa main qui tremblait alors que ses yeux devenaient sensibles à la lumière des néons ravivant en lui de terribles souvenirs.
Caleb se réfugia dans un coin du casino et se frotta les yeux, rejetant sa tête en arrière pour inspirer profondément. Dès qu'il les rouvrit, ils se posèrent sur la jeune femme qui continuait de sourire, les joues pigmentés, les yeux pétillants...
~
Il était plus de minuit quand Malia termina son service. Presque inévitablement elle posa son regard sur la table VIP puis l'abaissa aussitôt. L'inconnu avait disparu plus tôt dans la soirée. Au début elle s'était persuadée qu'il avait quitté le casino pour rejoindre sa suite mais très vite une étrange sensation lui avait soufflé le contraire. En effet, durant toute la soirée elle avait senti sur elle le poids d'un regard intense mais invisible. À mainte reprise elle s'était surprise à regarder autour d'elle, paranoïaque, persuadée d'être observée. Pourtant, à aucun moment elle avait croisé les yeux glacés de l'inconnu.
Malia se réfugia dans les vestiaires et se changea à la hâte. Une fois prête elle quitta les lieux en ignorant le regard des deux hommes encore attablés.
Les doigts agrippés sur la lanière de son sac elle passa les portes de l'hôtel et s'arrêta pour regarder derrière elle puis pivota les talons pour s'élancer sur le trottoir mais une haute silhouette noire lui barrait la route. Elle sursauta, le cœur tambourinant contre sa poitrine, relevant la tête pour dévisager l'homme au regard pénétrant.
- Je vais vous raccompagner, murmura-t-il d'une voix basse.
- Ce n'est pas...nécessaire je n'habite pas loin.
Il enroula sa large main autour de son bras puis la relâcha doucement pour la glisser dans son dos.
- J'insiste, dit-il d'une voix rauque en crispant ses doigts dans son dos.
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