Chapitre 6




Malia n'avait pas eu tort d'appréhender cette soirée. Une fois dans les vestiaires, Malia prit d'une main nerveuse la tenue du soir qui était différente de celle qu'elle portait la journée. La jupe crayon devait s'attacher par une ceinture avec des lacets. Elle enfila le débardeur blanc et le rentra dans la jupe puis serra les lacets pour souligner sa taille. Immédiatement Malia eut le souffle coupé mais très vite elle s'y habitua comme chaque soir. Elle tressa ses cheveux devant le grand miroir alors que Stacy sa collègue maquillait ses yeux avec précision.

- Tu pourrais me prêter ton mascara ? J'ai oublié le mien.

Stacy lui tendit sans un mot.

Malia avait pris l'habitude du mépris qui régnait dans le vestiaire chaque soir. C'était comme une guère sans merci qu'elles se livraient. Une concurrence redoutable avec un seul et unique but...

Attirer le regard de n'importe quel homme fortuné.

Malia recourba ses cils d'une main tremblante qui n'échappa pas à l'œil de Stacy.

- Tu es nerveuse ma belle ?

- Un peu oui, murmura-t-elle en lui rendant son mascara.

- Tu peux l'être, lança-t-elle avec un sourire presque malfaisant ; D'après le patron c'est une soirée spéciale ce soir.

Stacy s'en alla en griffant le sol avec ses talons.

Malia observa son reflet en expirant longuement puis fouilla dans son sac à la recherche de son rouge à lèvres. Avec précision elle peignit ses lèvres d'un rouge carmin comme chaque soir et une fois prête rejoignit les autres dans l'arrière salle. Le directeur fit son apparition alors qu'elle se glissait près de Scott.

- Tu es très belle Malia, commenta-t-il d'un petit chuchotement.

- Merci Scott, dit-elle en retour.

Malia savait qu'il n'était pas indifférent, les signes étaient là et ne pouvaient pas tromper. Pourtant, depuis quatre mois, elle cherchait à les ignorer par peur de se tromper, encore une fois Cependant chaque fois qu'elle regardait Scott, elle n'arrêtait pas de se dire qu'il était peut-être le seul garçon accessible et compatible à son monde. Il était serveur comme elle, et ne s'attendait pas à être la cible d'une femme fortuné.

Il connaissait sa place comme elle, il connaissait les mêmes difficultés financières qu'elle traversait et savait avec évidence qu'ils étaient tous les deux rien de plus que des serveurs au milieu d'un monde bercé d'opulence.

Cependant, Malia n'éprouvait pas d'attirance particulière pour lui...du moins elle ne ressentait pas de désir. Pourtant charmant, Scott avait une petite réputation de mauvais garçon ce qui l'empêchait de saisir l'énorme perche qu'il lui tendait. Peut-être qu'elle le devrait, songea-t-elle en jouant avec ses mains.

Le directeur rompit le cours de ses pensées en entrant dans la salle. Il prononça son discours habituel qu'elle écouta attentivement.

- Ce soir il y aura des clients particuliers et je tiens à ce qu'ils requiert votre attention.

- Qui est-ce ? demanda Stacy avec un lent sourire.

- Il s'agit du cheikh Al-Eydhar et quelques uns de ses amis.

Malia releva les yeux en sentant l'évidence la gifler. Il ne lui fallut pas plus d'une seconde pour faire le rapprochement entre l'inconnu au teint bronzé et le nom qui venait d'être prononcé.

Très vite son pouls s'affola, son corps rentra en collision avec un feu jaillissant des ténèbres, tout l'inverse de ce que Scott lui faisait ressentir.

Son ouïe ne distinguait plus les explications du directeur jusqu'à ce que Scott la ramène à la réalité.

- C'est le cheikh qui a disparu il y a sept ans, lui expliqua-t-il en se penchant à son oreille.

Malia releva précipitamment la tête.

- Disparu ? Répéta-t-elle.

Scott lui adressa un regard curieux.

- Tu ne lis pas la presse ? Pourtant cette histoire a fait le tour du monde pendant plusieurs semaines. C'est le cheikh Al-Eydhar, il est à la tête de Zyarhan. Son demi-frère Tahar a organisé son enlèvement il y a sept ans. À ce qu'on raconte il a été torturé pendant plusieurs mois avant de retourner les hommes de Tahar en sa faveur. Ensuite, il a passé sept ans dans les gorges profondes des montagnes pour élaborer la plus effroyable des vengeances.

Scott marqua une pause pour faire mine d'écouter le directeur. Malia sentit son sang se glacer, sa vision se brouilla.

- C'est un sniper de haute pointe, un logisticien de taille et un combattant redoutable, poursuivit Scott en chuchotant ; Tu te rends compte à quel point il faut avoir une force mental d'acier pour décider de rester au milieu de nulle part pendant des années.

Scott semblait fasciné alors que Malia sentait ses tempes bourdonner violemment.

- Il y a des rumeurs qui court comme quoi il se comporte sauvagement depuis son retour, il a tué plus de cent-cinquante hommes dans la guerre contre son demi-frère mais le pire n'est pas là.

Assez ! Malia en avait suffisamment entendu et pourtant, elle était comme suspendu aux lèvres du narrateur.

- Apparemment, il a arraché la gorge de son demi-frère à main nue, une vraie boucherie.

- Ça suffit ! Arrête ! S'écria Malia avant de réaliser que tous les regards étaient sur elle.

- Mademoiselle Hunter ? Est-ce tout va bien ? Demanda le directeur en levant un sourcil.

La respiration erratique Malia acquiesça en détournant les yeux.

- Alors si tout est clair pour tout le monde il est temps de se mettre au travail.

Malia tenta de réprimer les assauts de son cœur. Scott la quitta avec un sourire en coin comme s'il était satisfait de lui avoir fait peur. Ce qu'il ignorait, c'est que pour elle ces révélations n'étaient pas sans lui créer une angoisse. Elle connaissait que trop bien Zyarhan et d'insupportables souvenirs lui revinrent en mémoire. Déstabilisée, elle soupçonnait presque l'inconnu d'être l'un de ses agresseurs et l'effroyable histoire que venait de lui raconter Scott lui glaçait le sang. Des tas de questions la submergeaient mais elle dut très vite se reprendre. Le service allait commencer, et les chances qu'elle croise le cheikh étaient au maximum. Rassemblant son courage elle quitta les vestiaires pour rejoindre le bar.

- Je t'ai fait peur ? Demanda Scott l'air enfin désolé.

- Un peu oui, admit-elle sèchement en alignant les bouteilles d'alcool alors que les premiers clients prenaient d'assaut le casino.

- Pardon Malia, je ne faisais que relater des faits.

- Tu ignores s'il s'agit de rumeurs, contrat-elle concentrée sur les bouteilles.

- Tu en es sûre ? Lança Scott d'une voix traînante.

Malia se redressa et leva son regard sur lui mais remarqua qu'il regardait fixement l'entrée du casino. Malia suivit la trajectoire qu'il fixait et reconnu l'homme noir qui avait accompagné l'inconnu plus tôt dans la matinée. Son cœur se mit à s'accélérer dangereusement à mesure qu'il pénétrait dans le casino au côté d'un homme tatoué dans le cou. Elle aurait voulu que ça s'arrête là, mais derrière eux, l'inconnu au regard impitoyable émergea entre les portes, vêtu sombrement.

Malia s'empressa de se retourner par peur de croiser son regard. Elle ferma les yeux pour se reprendre.

- Il te regarde Malia, méfie-toi, tu es peut-être sa nouvelle proie.

- Ça t'amuse de me faire peur Scott ? Demanda-t-elle sèchement.

Il haussa des épaules négligemment ce qui la mit hors d'elle.

- Quand je pense que j'ai été assez stupide pour envisager de te proposer de prendre un verre avec moi, explosa-t-elle dents serrées.

- Tu es sérieuse Malia ? S'enquit Scott en recouvrant son sérieux.

Malia le fusilla du regard et attrapa son plateau.

- Je suis professionnelle, affirma-t-elle en évitant de lui répondre ; je ne suis pas payée pour avoir peur.

Pivotant les talons Malia s'enfonça dans l'abîme...C'est-à-dire le carré VIP où venaient de s'asseoir les trois hommes parés de costumes sombres. À travers les néons tamisés elle put sentir le regard du cheikh et la peur se mêla à une chaleur étouffante. Malgré tout, en bonne professionnelle elle s'arrêta à leur hauteur et s'arma de son bloc-notes.

- Vous désirez messieurs ?

L'homme tatoué lui adressa un lent sourire tout en la déshabillant du regard. Malia jeta un furtif coup d'oeil à ses mains tatouées puis releva la tête la joue droite en feu, comme si l'inconnu à sa droite était en train de la caresser.

- Qu'as-tu à nous proposer ma belle ? Lança l'homme aux tatouages avec un accent qui laissait penser qu'il était italien.

- Vodka, whisky, champagne, cocktail, énuméra Malia prête à prendre leur commande.

- Amène-nous donc une bouteille de Whisky qui a de l'âge, répondit L'Italien sans la quitter des yeux.

Malia oublia d'être polie et s'éloigna sans un mot. Une sensation de vertige la saisie, un sentiment étrange d'être observée l'obligea à se retourner une fois derrière le comptoir. Elle sursauta avec un hoquet en découvrant le cheikh en face d'elle, armé du même regard intense de noirceur.

- Votre pouls s'accélère, je devine que quelqu'un vous a parlé de moi ? Lâcha-t-il d'une voix gutturale.

Que devait-elle répondre ? La vérité ? Alors qu'elle avait l'impression que le sol s'ouvrait sous ses pieds ?

- Pourquoi ne pas m'avoir dit que vous veniez de Zyarhan ? Demanda-t-elle d'une voix qu'elle espérait calme.

Ses mâchoires convulsèrent et ses yeux brillaient de mécontentement. Il se mit à parcourir la foule de monde comme s'il recherchait un traître.

- Parce que je n'en voyais pas l'utilité après m'avoir confié votre expérience sur mes terres.

Troublée, Malia suivit la ligne de sa gorge large, attirée par les veines exposées en relief.

- Ça aurait été plus honnête de votre part.

- Je doute que mon honnêteté vous procure du soulagement mademoiselle Hunter.

Alertée par l'épais mystère de sa phrase Malia inspira imperceptiblement.

- Hunter ? Répéta-t-elle les yeux aimantés aux siens.

Impassible, il resta silencieux, puis son regard aiguisé s'attarda sur sa bouche.

- Vous voulez de l'honnêteté ? Posez-moi une question et j'y répondrai.

C'était un défi auquel il ne tirait pas plaisir, constata-t-elle en croisant les bras.

- Est-il vrai que vous avez arraché la gorge de votre....

Il leva la main pour la stopper, mâchoires serrées. L'autorité qui émanait de son regard l'immobilisa.

- Oui, répondit-il d'un murmure féroce.

Livide, Malia déglutit péniblement. Ses battements de cœur irréguliers l'empêchaient presque de respirer.

- C'est impossible, ça ne peux pas être possible, dit-elle en refusant d'y croire.

- Croyez-moi mademoiselle Hunter, vous n'avez aucune idée de ce qu'un homme peut faire avec un peu d'adrénaline et de rage mêlées.

Ses grands yeux glacés la quittèrent un instant puis revinrent aimanter les siens.

- Tout est vrai à mon sujet, ajouta-t-il en la couvrant du regard ; Mais je ne fais pas de mal aux femmes.

- C'est censé me rassurer ? S'enquit-elle incapable de trouver la force requise pour détacher son regard du sien.

- Non, répondit-il d'une voix rauque en se redressant, les mains dans les poches de son pantalon ; Cependant ça pourrait soulager votre rythme cardiaque.


Tendue comme une arbalète Malia était presque en colère contre elle car la peur qui lui nouait l'estomac était à présent dominé par le désir. L'aura qui l'entourait était si puissante qu'il attirait les regards d'hommes et de femmes...le pire c'est qu'il semblait s'en satisfaire. En revanche ce qu'elle ne parvenait pas à comprendre c'est pour quelle raison il lui vouait un intérêt particulier au point même qu'elle commençait à croire qu'elle était devenu sa proie...

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