Chapitre 38




Les mains croisées derrière le dos, Malia surveillait l'entrée du palais en se pinçant les lèvres presque à sang. Le ventre noué à l'idée de revoir sa mère après de long mois de séparation elle redoutait qu'elle lui livre une mauvaise nouvelle. Elles s'aimaient, il n'y avait aucun doute là-dessus. En revanche Malia ne supportait plus ses mensonges concernant son père et leur incessantes retrouvailles qui finissaient toujours par se terminer en séparation.

Toute son enfance avait été bercé par ce rythme terrible et qui l'avait affecté jusqu'au cœur.

Malia quitta sa torpeur quand elle vit enfin la voiture du cheikh passer les portes de sécurité. Au ralenti, elle descendit les marches, une main posée en visière contre son front chaud. Son cœur se mit à s'affoler dangereusement quand Caleb quitta la voiture vêtu d'une tenue similaire à celle qu'il portait le soir où elle l'avait sauvé. Plus effrayant encore...son keffieh.

Au petit matin, seul un mot posé sur l'oreiller avait accompagné son réveil. C'était la première fois qu'elle le voyait depuis la veille où elle s'était endormie dans ses bras. Sa paire d'yeux opaque était aussi sombre qu'un ciel d'orage. Malgré la peur qui l'animait, Malia s'avança vers ce guerrier aux allures menaçantes en se rappelant qu'il s'agissait de son amant.

- Tu as peur habibti ?

Sa voix...fut si profonde et rauque qu'elle faillit vaciller.

- C'est impressionnant, ça me rappelle des souvenirs, avoua Malia alors qu'il se dirigeait vers elle.

Il glissa sa main dans ses cheveux pourtant noué en tresse tout en l'observant avec gravité. Malia secoua imperceptiblement la tête en se rappelant soudain que sa mère se trouvait dans la voiture.

Mais lorsqu'elle tourna la tête, elle constata qu'elle était vide. Très vite son sourire s'effaça alors qu'elle sentait sur la paume de main du cheikh qui caressait inlassablement ses cheveux, une envie de la protéger.

- Elle n'est pas venue n'est-ce pas ?

Le regard désolé qu'il lui adressa lui fut suffisant.

- Elle m'a dit qu'une affaire urgente la retenait et qu'elle n'avait pas pu prendre son vol.

Malia esquissa un sourire sans émotion alors qu'en réalité son cœur était douloureux.

- Je suis désolé Malia, je vais trouver un autre moyen. Si elle ne vient pas à nous alors nous irons à elle.

Malia étouffa un rire sec.

- Et prendre le risque de découvrir que la raison qui la retenu est celle qui l'a retenu des années en arrière ou bien celle qui l'a obligé à fermer sa boutique pour rembourser les crédits de mon père ?

Avec amertume, elle se retourna pour regagner l'escalier.

- Malia !

Avant qu'elle n'ait eu le temps d'exprimer son premier sanglot une main la rattrapa avant la chute. De peu, sa tête effleura les marches en pierre avant qu'il ne la soulève dans ses bras.

- Tu aurais pu te blesser ! Gronda-t-il en montant l'escalier pour la mettre à l'abris.

Une larme solitaire roula sur sa joue mais elle l'ignora alors qu'il s'enfonçait dans les tréfonds couloirs du palais.

Il la déposa sur un canapé et entreprit d'examiner son genou légèrement égratigné.

- Une chose doit être extrêmement clair Malia, je ne laisserais personne te faire souffrir peu m'importe s'il s'agit de ta propre mère.

Malia évitait son regard alors qu'il retirait son keffieh d'une main rageuse.

Son index l'invita à relever les yeux d'une légère pression sur le menton.

- Nous irons la voir et elle te donnera une explication qui j'espère affaiblira tes doutes.

- Je n'ai pas besoin d'explication Caleb, je connais ma mère suffisamment pour savoir qu'il s'agit encore de mon père, dit-elle d'une voix tremblante de colère et de tristesse mêlées.

Le regard du cheikh devint alors menaçant alors que sa main posée sur son genou exprimait de la douceur.

- Nous verrons ça lorsque le moment sera venu, mais pour l'heure je ne veux plus te voir triste, ça m'est insupportable.

Caleb tenta d'essuyer toutes les larmes qui ruisselaient sur ses joues les mâchoires serrées. Sa tristesse était à la hauteur de la déception qu'il avait ressenti à l'aéroport.

Malia semblait si heureuse la veille que la voir si triste à présent le mettait en colère.

- Tu as mal ?

- Non, ce n'est rien, répondit-elle en reniflant.

Par précaution, Caleb décida de désinfecter sa légère blessure et une fois terminé déposa un baiser sur ses lèvres humides.

- Je viens de découvrir que je déteste te voir pleurer, murmura-t-il contre sa joue.

Enfin Caleb vit un sourire illuminer faiblement son visage.

- Il va falloir t'y habituer car je risque encore de pleurer dans les prochains mois, déclara-t-elle en enfouissant son visage contre son épaule.

Mois ? Caleb misait plutôt sur des années.

Malia se redressa en essuyant d'un revers de main son visage. Pendant une brève seconde elle se sentit honteuse d'avoir pleuré ainsi. Après tout ce n'était ni la première et encore moins la dernière fois que sa mère se conduisait de la sorte.

Soudain deux mains fortes encadra son visage. Malia posa son regard dans le sien et put entrevoir une vive lueur passer dans le regard du cheikh...hélas celle-ci semblait indéchiffrable.

- Changement de plan, murmura-t-il d'une voix basse mais déterminée.

Malia fronça des sourcils, interloquée.

Sans un mot il prit sa main et l'entraîna avec lui dans ses appartements, une fois à l'intérieur il disparut dans le grand dressing puis revint avec un caftan couleur émeraude.

- Je t'emmène voir l'une des tribus dès aujourd'hui, lui expliqua-t-il en faisant glisser les bretelles de sa robe.

Malia frissonna au contact de ses doigts contre sa peau si sensible.

Il lui enfila le caftan puis s'éloigna pour mieux revenir avec un sac de voyage.

- Nous dormirons dans ma tente, au milieu du désert.

Malia ne put s'empêcher de pâlir à l'idée de dormir au beau milieu de nulle part.

- Une tente ? Seuls ? Caleb depuis une sortie scolaire assez désastreuse je me suis découvert une peur noir du camping, l'idée de passer une nuit dans un minuscule étau me donne des crises d'angoisses.

Un rire rauque s'ensuivit.

Piquée qu'il puisse se moquer d'elle ainsi, Malia le fusilla du regard.

- Je suis sérieuse Caleb, je...

- Crois-moi chérie, lorsque tu verras ma tente, ta claustrophobie va disparaître en un rien de temps.

La bouche entrouverte, Malia le dévisagea avec méfiance alors qu'il s'avançait vers elle comme un prédateur excité de voir sa proie plongée dans l'incertitude.

Il déposa un baiser sur ses lèvres puis remit son keffieh avec une lenteur délibérée.

- Si tu essayes de me faire peur sache que c'est réussi.

- Est-ce là un mensonge ? Car je n'ai pas l'impression de lire de la peur dans tes yeux en ce moment même.

Malia se pinça les lèvres en rougissant.

Il disait vrai, ce n'était pas de la peur qu'elle ressentait mais une furieuse envie de crier au monde qu'elle était à cet homme. Soudain elle se rendit compte qu'il avait le pouvoir de lui faire oublier ses chagrins, ses doutes en une fraction de seconde.

- Viens, tu verras, ça va te plaire.

Malia le suivit sans mot dire.

Ils quittèrent le palais dans une voiture différente et capable de chevaucher le désert avec aisance.

- As-tu un cheval ? Demanda-t-elle en étudiant le paysage pourvue de dunes spectaculaires.

- Oui, j'en ai même plusieurs.

Caleb détourna les yeux et fut profondément heureux de voir ses yeux bleus s'illuminer.

- Je te les montrerai à notre retour, lui promit-il en prenant sa main.

Pour l'heure il avait hâte de rejoindre ses hommes qui avaient risqué leurs vies à ses côtés.

Quand ils arrivèrent à hauteur du campement, il fut très vite assailli par de vifs souvenirs. Ils se levèrent puis s'inclinèrent avec respect. Malia quitta la voiture timidement et demeura absente de tout mouvement. Pour la rassurer, Caleb prit sa main pour la guider vers le campement. Peu à peu, la jeune femme se montra plus détendue, plus souriante et avide de cultiver leur savoir-faire.

- Est-elle au courant ? Lança Yaziz discrètement.

Caleb braqua son regard sur la jeune femme qui tentait de s'initier à la musique.

- Non, murmura-t-il d'une voix sombre.

Yaziz esquissa un sourire comme si cette nouvelle le ravissait presque.

- Je peine à en revenir, comment as-tu pu la retrouver en un temps record sans même levé le petit doigt.

- Le destin, un cadeau, je l'ignore Yaziz, tout ce que je sais c'est qu'elle est celle qui est parvenu à m'apaiser même si je sais que je ne pourrais jamais me défaire de mon passé.

- Elle est jeune et très belle, méfie-toi, beaucoup vont t'envier et tu sais que l'être humain peut parfois se montrer sans pitié.

L'avertissement de Yaziz lui monta le sang à la tête. Il serra les poings si fort qu'il sentait les jointures céder à la douleur.

- Je défie quiconque qui osera s'y tenter, articula-t-il d'une voix menaçante.

Caleb ne quitta pas Malia du regard alors que les paroles de Yaziz tournaient en boucles dans sa tête.

Il avait raison, songea-t-il lorsqu'elle riva ses yeux aux siens. Malia allait susciter l'intérêt et sa beauté allait nourrir de la jalousie et probablement un défi pour des hommes fortunés. Il connaissait la technique, son père l'avait initié avant même d'avoir sa première expérience sexuelle.

" Ils chercheront à la séduire au beau milieu d'un banquet sous une foule d'invités avec lesquels tu seras forcé de discuter. Ils chercheront à la faire craquer pour qu'elle cède au désir pour te prouver qu'elle est malheureuse à tes côtés "

Mâchoires serrées, Caleb fit craquer sa nuque, sans la quitter des yeux puis se leva pour lui prendre la main, désireux de se retrouver seul avec elle.

- Il est temps que je te montre cette fameuse tente...

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