Chapitre 3



Ignorant son téléphone qui n'arrêtait pas de vibrer dans sa poche intérieure Caleb entra dans le hall de l'hôtel d'un pas déterminé et s'approcha de l'accueil où une hôtesse remettait déjà ses cheveux en ordre, lèvres pincées.

Il s'approcha du comptoir bouillonnant d'impatience.

- Je recherche des informations sur une jeune femme qui travaille ici.

Rougissante et presque haletante l'hôtesse d'accueil lui sourit.

- Je suis navrée mais je ne peux pas vous donner d'informations concernant notre personnels.

- Je doute que le directeur soit de votre avis, rétorqua-t-il froidement.

Ôtant ce sourire ridicule qu'elle arborait depuis plus d'une minute elle se précipita vers son ordinateur.

- Elle s'appelle Malia Hunter, ajouta Caleb en roulant des épaules pour calmer son impatience.

Prenant tout son temps, l'hôtesse semblait perdue ou bien désireuse de faire durer l'instant.

Caleb poussa un juron en s'appliquant à faire le tour du comptoir.

- Ça traîne...ça traîne, grogna-t-il en investissant son espace personnel ; Poussez-vous.

Prenant les commandes de l'ordinateur Caleb tapa le nom et prénom de la jeune femme dans la base donnée. Une fiche complète apparut, lui donnant exactement ce qu'il voulait. Elle travaillait au bar du casino, et la fiche indiquait même ses horaires.

- Mais qu'est-ce que vous faites ! S'exclama l'hôtesse d'une voix aiguë.

- Votre travail, répondit Caleb en attrapant la feuille qui venait de sortir de l'imprimante.

Après l'avoir plier en deux, Caleb la glissa dans sa poche intérieure puis traversa le hall pour prendre l'ascenseur. Il profita de ce moment de silence pour poser l'arrière de sa tête contre la paroi de l'ascenseur et ferma les yeux. Il ne parvenait pas à y croire et pourtant cela semblait bien réel. Il croyait peu au destin ni même au hasard mais ce soir il était sûr d'une chose.

Cette jeune femme n'avait pas été mise sur son chemin sans raison.

Caleb quitta l'ascenseur dans un élan de rapidité comme si l'adrénaline ne le quittait plus.

Il ouvrit la porte et se retrouva nez à nez avec Seth qui enfilait son manteau avec hâte.

- Bon sang Caleb ! J'étais sur le point de retourner l'hôtel pour te retrouver ! Pourquoi tu n'as pas répondu à mes appels ?

Au lieu de lui répondre, Caleb jeta un coup d'œil vers le salon.

- Elle est partie ?

- Tu l'as fait fuir.

- Tant mieux, lâcha Caleb sans regrets.

Il ôta son manteau puis poursuivit.

- J'ai survécu sept ans au milieu de nul part Seth, je suis capable de gérer seul tu as compris ?

- J'en suis convaincu mais tu as encore du mal à gérer tes accès de colère, répliqua Seth en le suivant dans le salon.

Caleb l'ignora, car il est trop occupé à songer.

- Je l'ai retrouvé, dit-il enfin en dépliant la feuille sur la table.

- Qui ? Qui as-tu trouvé ? S'enquit Seth en fronçant des sourcils.

- La fille, l'inconnue que nous cherchons depuis des semaines, expliqua-t-il en étudiant la fiche d'informations : Je l'ai vu elle était là, dans le hall. C'était elle Seth je l'ai suivi pour m'en assurer.

Relevant la tête il constata que son ami avait l'expression d'un homme inquiet.

- Pourquoi es-tu pâle ?

- Comment peux-tu savoir si je suis pâle ? Je suis noir, répondit Seth en faisant mine de ne pas comprendre.

- Je n'ai pas besoin de me référer à ta peau pour le savoir, j'ai un sens aiguë de l'observation.

L'intéressé poussa un soupir résigné.

- Qu'as-tu fais d'elle Caleb ? Où est-elle ?

Caleb se redressa lentement et prit une expression impassible pour mieux rentrer dans son jeu.

- Je l'ai ligotée, bâillonnée, et jetée dans le coffre de la voiture, j'ai pensé qu'un café me ferait du bien avant de prendre la route.

Seth secoua de la tête mi-figue mi-raisin.

- Le pire c'est que tu en serais capable.

Oui, songea Caleb en reportant son regard sur le planning qu'il avait en sa possession.

- Comment est-ce possible ? Reprit son ami en peinant à y croire.

- Je l'ignore, peut-être qu'elle est destinée à être sur mon chemin.

- C'est une coïncidence Caleb, rien de plus, lança Seth avec prudence ; Comment s'appelle-t-elle ?

- Malia Hunter, répondit-il avec l'impression que ses lèvres brûlaient de l'avoir énoncé.

- Et que comptes-tu faire ?

Caleb voulait à tout prix la rencontrer et la voir de plus près, à la lumière du jour pour explorer chaque millimètre de son visage.

- D'après-toi ? Elle ne saura pas qui je suis de toute façon, je portais un keffieh ce jour-là. Seuls mes yeux étaient visibles et je doute qu'elle ait pu les distinguer dans la nuit.

Seth ne lui cacha même pas ses doutes ce qui avait le don de le mettre hors de lui.

- Fais attention Caleb c'est tout ce que je te demande.

- De quoi as-tu peur ? Tu me regardes comme si j'étais un tueur en série.

- Non, je te regarde comme un frère qui s'inquiète. Je sais à quel point ta vie loin de tout t'a changé et j'en prend peu à peu conscience seulement tu es imprévisible et je ne veux que tu regrettes quoi que ce soit.

Caleb soupira bruyamment par les narines sans masquer son agacement mais dans le fond il prenait les paroles de Seth très au sérieux.

- Je ferais ce que me dicte mon esprit, jusqu'ici mon instinct et mes déterminations m'ont été très bénéfiques. Je suivrais mon instinct quel qu'en soit le prix.

Sa détermination réduisit Seth au silence et c'est exactement ce qui voulait. Même piégé au tréfonds inquiétant des montagnes, il avait toujours suivi son instinct obstinément et la détermination lui avait permis de retourner une dizaine d'hommes contre leur chef. Il avait appris à ne plus faire dans les sentiments parce qu'ils l'avaient rendu faible...assez pour croire que Tahar était un soutien de taille lors de son accession au pouvoir. Chaque brûlure, chaque cicatrice prouvait ce dont il était capable. En sept ans il avait usé de ces blessures pour apprendre sur ce qu'il était vraiment. Il avait appris à se repérer dans un désert aride, appris à devenir un tireur d'élite. Chaque jour il s'était infligé un entraînement physique intraitable. Il avait dû supporter l'odeur humide et infect du campement...supporter de traverser ce couloir obscur qui renfermait cette pièce dans laquelle il avait été torturé. Pas un seul instant il s'était surpris à vouloir goûter de nouveau au plaisir charnel, trop occupé à élaborer sa vengeance. Jusqu'à ce qu'il croise ce regard azuré...cette fille piégée dans cette rue étroite entourée de ces deux hommes pétris de désir, comblés d'avidité à la seule pensée qu'ils puissent se l'approprier.

S'il n'étais pas intervenu l'épilogue de ce rapt aurait désastreux car après d'ultimes recherches, de lourdes informations lui étaient revenus. Tahar n'avait pas seulement investi sa demeure en imposant sa loi, il en avait fait un harem vivant pour lui et ses hommes et il ne faisait aucun doute que Malia Hunter avait été repéré pour tenir le rôle de favorite.

À cette pensée écœurante Caleb sentit ses lèvres formaient un rictus amer. Depuis ce jour, il regrettait son immobilité devant la jeune femme qui s'était enfuie dans la nuit noire, malheureusement il n'avait pas su...ou du moins oublier comment se comporter et par peur d'être aussi monstrueux que ceux qui l'avaient attaqué, Caleb s'était résigné.

Mais aujourd'hui il était persuadé que le destin qui jouait un rôle clé dans ce hasard avec ses raisons.

- Caleb ? Tu m'écoutes ?

Quittant ses torpeurs presque maladives Caleb releva la tête et acquiesça vaguement. Avide, pressé de la connaître Caleb pianota ses doigts sur la table pour se calmer au grès d'un effort surhumain.

- Essaye de te reposer, lui conseilla Seth en enfilant son manteau ; Demain sera plus éclairé.

- Demain sera différent effectivement, confirma Caleb en s'emparant de la feuille pour la replier.

Seth le dévisagea longuement puis récupéra sa veste sur le portant.

- Où vas-tu ?

- Explorer le bar.

Il n'en fallut pas plus pour qu'il comprenne très vite qu'il allait chasser comme un prédateur impatient.

- C'est dommage que tu ne viennes pas, de vieilles connaissances avaient hâte de te voir.

Autrement dit ces anciennes connaissances étaient des membres très connu de la mafia sicilienne.

- Ils voulaient en apprendre plus sur ton savoir-faire, ajouta Seth en espérant pouvoir le convaincre de changer d'avis.

- Je regrette, dis-leur que j'ai d'autres...projets, répondit-il aigrement.

Déçu, il quitta la suite et le laissa seul.

Enfin.

Caleb se glissa dans la douche pour rafraîchir son corps et aussi son esprit. Aussi fou que cela puisse paraître il avait toujours l'impression de sentir son corps brûler mais ce soir il ne brûlait pas les mêmes raisons....

~

Jetant un regard vers le ciel grisonnant, Malia accéléra le pas avant de subir l'averse qui se profilait au-dessus de sa tête. Elle poussa la porte tambour pour se réfugier dans le hall de l'hôtel et fut immédiatement accueilli par Flora Mc call.

- Ce n'est pas trop tôt ! Tu as cinq minutes de retard.

- Deux minutes de retard, rectifia Malia en la dépassant pour rejoindre son lieu de travail.

- Il y a des règles stricts ici, c'est un hôtel luxueux et les clients n'ont pas le temps d'attendre, insista-t-elle sèchement.

Malia préféra ignorer les remarques incessantes de Flora qui passait son temps à réajuster son chignon pour attirer le regard des hommes d'affaires et se faufila dans l'arrière salle pour se changer en vitesse. Lorsqu'elle avait accepté ce travail il y a deux ans, Malia ne s'était pas préparée à accueillir des hommes fortunés terminant parfois ivres morts contre le comptoir. L'argent coulait à flot, le casino rempli de joueurs insatiables. Le pire moment pour elle n'était pas seulement le soir mais aussi le matin quand la nuit de débauche touchait à sa fin. Elle avait affaires à des hommes ivres qui se vautraient sur le comptoir, des femmes hystériques, des âmes en peine, des dragueurs qui repartaient bredouilles, des joueur addicts aux jeux qui ne comptaient pas leur argent et se promettaient de revenir le soir même pour agrandir leur ardoise. Pour finir, il y avait les hommes intraitables et arrogants qui dominaient les lieux comme s'ils leur appartenaient.

Enfilant sa chemise qu'elle rentra dans sa jupe crayon, Malia attacha ses cheveux en un chignon désordonné et enfila les escarpin noire qui finissaient par lui brûler les pieds à la fin de la soirée.

Prenant une grande inspiration, elle se jeta dans la fosse aux lions et fit le tour du comptoir en acier pour changer les fut à bière vide alors qu'un première client faisaient l'angle du bar, se remettant difficilement d'une lourde cuite.

- Un café ? Proposa-t-elle poliment.

Il la pointa du doigt en riant.

- Seulement si vous êtes en supplément, dit-il avec difficulté.

Habituée à ce genre de remarques déplacées, Malia demeura silencieuse puis revint avec un expresso.

Hâtivement elle se pressa pour nettoyer les verres avant que le bar devienne le théâtre d'un brouhaha assourdissant.

Alors qu'elle s'activait elle sentit une présence juste derrière elle. Cette présence semblait lourde, imposante. Malia s'attendait déjà à découvrir un autre homme aussi éméché que son premier client.

Alors elle se retourna après avoir pris l'inspiration nécessaire pour l'affronter mais au lieu d'arborer un sourire forcé et figé elle réprima un sursaut.

L'homme qu'elle découvrit n'était ni ivre, ni éméché mais en possession d'un esprit clair, paré sombrement et dont le regard semblait aussi féroce que celui d'un faucon...

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