Chapitre 20




  - Je n'ai rien de mystérieux, déclara Malia effleurant la marguerite dans ses cheveux.

- Je pense le contraire, murmura-t-il en la couvrant d'un regard énigmatique.

Ils furent coupés par Dina qui lui tendit les cartes des menus avec un grand et large sourire.

Malia la survola rapidement et décida de choisir les tagliatelles à la carbonara. Le cheikh lui prit un Osso buco, un ragoût de veau typiquement italien.

Une fois seuls, Malia s'empressa de reprendre là où ils s'étaient arrêté.

- Pourquoi pensez-vous que je suis un mystère ?

- Parce que je peux le sentir, je peux le déceler dans vos yeux, vous avez des secrets inavouables et vous semblez les combattre comme si vous aviez peur de les révéler.

Malia se mordit l'intérieur de sa joue car il n'avait pas complément tort. Or ses secrets concernaient une seule et même personne et elle se trouvait là, devant elle.

Comment pouvait-elle avouer qu'elle ressentait des sensations méconnues en sa présence ? Elle devrait le haïr de l'avoir enlevé au beau milieu de la nuit pour asseoir son pouvoir et sa détermination. Mais à force de le regarder Malia ne voyait pas en lui un kidnappeur mais un homme blessé. Il ne l'avait ni maltraité ni imposé son bon vouloir. Il se comportait comme un protecteur émergeant d'une tempête de sable, dangereux, fait d'acier et désireux de la connaître.

À présent et même s'il lui arrivait de ressentir encore de la peur en sa présence celle-ci semblait se dissiper...remplacée par une autre peur.

Celle de l'inconnu.

Malia était confrontée à l'inconnu. Son cœur martelait sa poitrine, son bas-ventre se contractait sans cesse. Elle était face à des émotions contradictoires, des sensations incontrôlables. Alors comment lui dire ses secrets ? Comment pouvait-elle lui dire qu'elle avait plusieurs fois rêvé de lui jusqu'à se réveiller dans un état comateux, le front perlant de sueur.

- Pourquoi vous êtes attirée par l'art de créer de la lingerie ?

Extirpée de sa torpeur Malia appuya ses coudes sur la table en se raclant la gorge.

- À cause de ma mère, expliqua-t-elle d'une voix tremblante d'hésitation : À l'époque elle tenait une boutique consacrée au mariage, il y avait des robes partout et il y avait une allée spécialement réservée à la lingerie. J'ai toujours été fasciné par son travail et à l'âge de dix-sept ans j'ai dessiné mon premier croquis.

- Qu'est-ce qui vous fascine autant dans la lingerie ? S'enquit l'homme, portant un éclat chaud dans ses yeux opaques.

Gênée Malia se massa la nuque.

- L'art de pouvoir magnifier le corps d'une femme à son image car chaque femme est différente et à besoin d'être sublimée.

- C'est fascinant, nota-t-il d'une voix chaude qui éveilla en elle une nouvelle vague de chaleur.

- Vous devez trouver ça ridicule.

- Non, au contraire, je suis simplement surpris qu'une jeune femme au regard timide soit en réalité une créatrice de lingerie féminines, ce n'est pas le métier que je vous aurais donné au premier regard.

- Je ne suis pas créatrice, rectifia-t-elle en secouant de la tête ; Maintenant c'est juste devenu un passe-temps.

- Je suis sûre que vous avez des croquis quelques parts dans votre appartement et quelques pièces déjà créées je me trompe ?

Malia baissa les yeux puis les releva pour affronter son regard éclatant et presque fiévreux.

Il caressait son visage des yeux et sa main droite était fermée en poing. Très vite, une pensée pernicieuse troubla son esprit. Elle se surprit à s'imaginer dans l'une de ses pièces déjà créée désireuse de lui montrer son talent pour mieux qu'il le réduise en lambeaux...

- En effet, j'en ai créé quelques unes, bredouilla-t-elle en se passa la langue sur ses lèvres sèches.

Caleb sentit son sang chauffer dans ses veines alors qu'il crispait son poing sur la table pour résister à l'envie dévastatrice de l'embrasser. Dans images sensuelles s'entrechoquaient dans son esprit. Des fantasmes enivrant se mirent à envahir sa tête alors qu'il luttait contre la violence de son désir de renverser la table pour capturer ses lèvres. La gorge serrée, Caleb avait maintenant la certitude qu'aucune femme n'avait eu ce pouvoir sur lui jusqu'ici. C'était comme si toutes ses années d'abstinence ressurgissait des ténèbres.

- Et vous ? Est-ce difficile d'être un souverain ?

Caleb braqua son regard dans le sien et la remercia presque d'être intervenue dans la noirceur de ses désirs.

- Non ce n'est pas difficile, c'est une responsabilité qui me convient parfaitement, dit-il d'une voix qu'il tentait de maîtriser.

- Vous êtes monté sur le trône à quel âge ?

- J'ai d'abord fait mon service militaire puis je suis rentré pour accomplir mon devoir, j'avais vingt-quatre ans. À cette époque j'étais tiraillé entre le pouvoir et la responsabilité qui m'incombait. J'étais vif, attiré par l'opulence que m'offrait ce statut jusqu'à ce que je tombe dans la noirceur. C'était un mal pour un bien.

- Vous dites cela comme si vous l'aviez mérité, nota-t-elle en fronçant des sourcils.

Caleb se mit à pianoter ses doigts sur le rebord de la table.

- Non, je dis cela car c'est ce que j'ai ressenti. Chaque douleur m'a rendu plus fort plutôt que de m'affaiblir. J'ai souffert mais cette souffrance m'a aidé à comprendre que la lutte ne commence pas avec l'ennemi mais avec soi-même. À présent je sais qui je suis et qui je ne veux pas être.

Malia préféra se taire lorsqu'elle vit une douleur méconnue briller dans ses yeux noirs. Dina se présenta pour déposer leurs plats...un bref moment de diversion qui l'aida à rassembler ses esprits. Le cheikh parlait de son histoire avec une résonance particulièrement menaçante. C'était comme s'il voulait que tous le monde sache qu'il était devenu l'homme qu'il voulait être et que le jeune souverain de vingt-quatre était mort dans les montagnes de Zyarhan.

- Je vous ai fait peur n'est-ce pas ? S'enquit-il quand Dina fut partie.

- Vous êtes terrifiant, admit-elle en posant ses mains moites sur ses cuisses ; pour dire vrai je n'ai pas pour habitude de côtoyer des hommes tel que vous et ajouté à cela, votre passé regorge de rumeurs assez effrayantes, des rumeurs que vous avez vous-même confirmé...alors je pense qu'il est normal de ressentir de la peur.

- Je ne veux pas que vous ayez peur de moi Malia, dit-il l'air agacé qu'elle puisse encore avoir peur de lui.

Il marqua une pause pour se pencher en avant, les mâchoires serrées.

- Je sais à quel point mon comportement peut parfois vous faire bondir en arrière mais sachez que mon but n'est pas de vous effrayer.

- Je le sais, murmura-t-elle en lui offrant un léger sourire : Mais ce n'est pas tant vos agissements qui m'intimident mais vous, la force qui émane de vous est intimidante et je pense que je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué. Même votre ami Seth qui à la carrure assez suffisante pour vous défier vous regarde avec crainte.

Le cheikh s'agita sur sa chaise, les sourcils froncés, le regard dans le vague.

- Comment puis-je y remédier ? Demanda-t-il en levant son regard sur elle.

- Vous ne pouvez pas y remédier je le crains, cela fait partie de vous, répondit Malia en riant doucement.

Mécontent il grogna en secouant de la tête ce qui la fit sourire. Malia désirait jouer la carte de l'honnêteté et maintenant que c'était fait elle avait l'impression d'être quelque peu soulagée. Elle avait dit la vérité. La force qu'il dégageait était à la fois rassurante et dangereuse, elle la craignait et l'aimait. Peut-être parce qu'elle n'avait jamais vu un homme posséder autant de dangerosité en lui, songea-t-elle en l'étudiant alors qu'il était plongé dans ses pensées. Il nourrissait en elle un sentiment qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Son corps était irrésistiblement attiré par cet homme au regard aussi profond que celui d'un faucon mais son esprit se demandait si d'une seule pression il serait capable de la briser. Très vite, Malia se remémora le moment où sans crier gare il avait saisi sa taille d'un bras puissant pour la bloquer contre son torse. Il l'avait serré si fort que son souffle s'était momentanément coupé. A cet instant une myriade d'émotions l'avait saisi jusqu'à lui serrer la gorge. La peur, le désir, l'envie de rester au creux de ses bras.

- Je suis désolé Malia, je ne peux pas changer même si j'essayais, déclara-t-il enfin.

- Je ne vous demande pas de le faire, je voulais juste vous préciser à quel point vous êtes un homme intimidant.

Une lueur passa dans ses yeux noirs et immédiatement Malia sentit toutes ses raisons s'évanouir.

Pour échapper à ce tumulte d'émotions elle baissa les yeux sur son assiette et décida de commencer son repas pour tromper les assauts de son cœur.

Très vite elle fut transportée par le goût délicieux des pâtes et le cheikh quant à lui lança un sujet plus neutre concernant l'Italie et le repas se termina sur une note plus légère et douce.

Ils remontèrent dans la suite qui malgré son modeste espace respirait le charme de la Sicile. La nuit était tombée, laissant place à une question qui lui nouait l'estomac.

- Allez vous changer, ordonna-t-il d'une voix grave ; Ne vous inquiétez pas Malia, je vais dormir par terre.

- Oh...non, vous n'êtes pas obligé, je vous assure que...

- Croyez-moi Malia, il vaut mieux pour vous que je dorme sur le sol, insista-t-il sur un ton qui ne souffrait d'aucune réplique.

Il se retourna d'elle pour ôter sa veste qu'il balança sur le fauteuil.

Sans un mot Malia s'enferma dans la salle de bain pour troquer sa belle robe pour une longue chemise noire qui lui arrivait aux genoux.

Lorsqu'elle revint il se trouvait par terre à côté du lit et une mince couverture le séparait du sol en bois, vêtu d'un tee-shirt noir et d'un pantalon gris anthracite.

Malia s'empressa de monter sur le lit et s'y allongea, la respiration perdue dans les précipices de ses pensées.

- Ça me gêne de vous savoir par terre, dit-elle en fixant le plafond.

- J'ai dormi sur un sol et un matelas insalubre pendant dans années, je ne vais pas mourir pour si peu.

Malia s'enfonça dans les couvertures et roula sur le côté pour gagner le rebord du matelas afin de le regarder.

La tête sur l'oreiller, son avant-bras sous la nuque il fixait le plafond impassible mais trahi par son torse qui se soulevait rapidement.

- Je peux vous poser une question ? Osa-t-elle en ramenant ses genoux contre son ventre.

- Je vous écoute.

Il se tourna vers elle, fouillant dans ses yeux comme s'il cherchait vainement à connaître sa question avant même qu'elle ne la pose.

- Pourquoi moi et pas une autre ? Hormis que vous m'ayez sauvé la vie, pourquoi moi et pas une autre femme ? J'ai vingt-cinq ans, je suis serveuse et je n'ai pas l'impression d'être le genre de femme que vous avez l'habitude de fréquenter.

L'expression grave il allongea son bras pour s'emparer de sa main abandonnée sur le rebord du lit.

- Vous avez raison, vous n'êtes pas le genre de femme que je fréquentais, vous êtes jeune et aussi délicate qu'une rose.

Malia nota qu'il parlait au passé.

- Après avoir pris le contrôle sur les hommes de Tahar j'ai commencé à faire des cauchemars et l'un d'entre eux revenait sans cesse. Moi suspendu à un vieux câble électrique faisant face au chef que j'ai tué et il s'avance vers moi, je parviens difficilement à le voir car je suis entouré par une sorte de brume puis je me réveille en sursaut.

Il pressa sa main sans aucune émotion dans la voix ni même dans son regard alors qu'elle en avait le cœur serré.

- Peu de temps après vous avoir sauvé j'ai continué à faire ce cauchemar jusqu'à ce qu'il prenne une tournure différente. Chaque fois que le chef s'approchait, votre visage apparaissait devant mes yeux et cette fin différente a continué encore et encore jusqu'à ce que je vous retrouve.

Malia se redressa sans le quitter dans les yeux.

- Voilà la raison pour laquelle c'est vous Malia, chuchota-t-il en approchant sa main pour y déposer un chaste baiser.

Émue, saisie d'une peur inondable mais d'une pulsion guidée par son cœur Malia profita de la faible hauteur du lit pour se pencher en posant sa main sur le sol et posa ses lèvres sur les siennes, le cœur battant à tout rompre.

La sensation fut intense dès qu'elle rentra en contact avec sa bouche dure mais elle la quitta rapidement et se redressa légèrement pour guetter sa réaction. Une fugace surprise passa dans ses yeux puis d'instinct elle se recula doucement, les joues en feu. Figé comme la pierre, le cheikh la dévisagea sans un mot. Gênée, Malia se redressa en baissant les yeux avant qu'une main puissante ne se plaque sur sa nuque. Lâchant un hoquet fébrile Malia n'eut pas le temps de réagir qu'il plaqua son autre main sur son visage puis captura sa bouche en l'attirant à lui. Malia perdit l'équilibre et se retrouva allongée sur son torse alors qui l'embrassait avec ferveur et désespoir.

Comme si le ciel avait enfin répondu à sa prière.

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