Chapitre 15




Malia leva les yeux sur le soleil brûlant tout en se penchant en avant pour admirer les vagues que le bateau fouettait à vive allure. Cela faisait deux jours qu'ils traversaient l'océan Atlantique et Malia avait jusqu'ici passé plus de temps à contempler le cheikh qu'à lui parler. Distant et loin l'un de l'autre, elle mettait pourtant tout en œuvre pour lui arracher quelques phrases de sa bouche scellée. Cependant ce qu'il ignorait, c'est que les deux nuits précédentes elle ne dormait pas quand il s'était glissé dans la chambre discrètement pour venir poser une main dans ses cheveux. Cet homme agissait la nuit comme si l'obscurité était un pouvoir que personne ne pouvait lui ôter. Désireuse de comprendre ses agissements, Malia monta les ponts supérieurs bien décidé à braver l'interdit et provoquer le destin...

Assis sur le siège en cuir il fixait l'horizon le regard dissimulé derrière ses lunettes de soleil. Immédiatement elle se liquéfia sans trop savoir par où commencer.

- Que voulez-vous Malia ?

Elle se raidit en le fixant, choquée par sa facilité à sentir sa présence où qu'elle soit.

Déterminée Malia s'approcha et s'installa sur le siège passager. Il quitta l'horizon pour lui offrir toute son attention.

- Quand vous avez dit je veux du silence et votre présence est-ce que ça voulait dire que je devais moi aussi rester silencieuse ?

L'intéressé resta immobile et elle vit son front se plisser. Caleb observa la jeune femme derrière ses lunettes de soleil et ne put s'empêcher d'éprouver un violent désir qu'il avait mis deux jours à dominer tant bien que mal. Voilà la raison pour laquelle il s'était mis volontairement à distance d'elle. D'un autre côté, Caleb se sentait étrangement apaisé en sa présence. C'était comme si tout son corps se relâchait. La rage s'estompait, la colère se dissipait plus rapidement que lorsqu'il la combattait seul et il s'était même surpris à sourire.

Devait-il lui mentir ou bien lui dire la vérité ?

Caleb détestait le mensonge ce qui le poussait à choisir l'honnêteté.

- Je suis navré si je me suis montré si distant avec vous, je suis le seul responsable et non je ne veux pas que vous restiez silencieuse.

La jeune femme en fut surprise si bien qu'elle entrouvrit ses lèvres pour mieux les refermer.

- En réalité j'éprouvais le désir indescriptible de vous embrasser et j'ai pensé qu'il valait mieux pour moi de rester à l'écart.

La jeune femme s'empourpra si violemment qu'il n'eut aucun mal à décrire le cramoisi qui lui montait aux joues à travers ses lunettes.

- Mais vous n'êtes pas sans savoir que les circonstances ne sont pas en ma faveur il aurait été mal venu de ma part d'accéder à ce désir lancinant.

Comme elle ne disait rien, Caleb décida de poursuivre pour extraire de lui tout ce qu'il voulait lui dire.

- Alors je me suis contenté d'attendre la nuit pour venir dans votre chambre pour vous regarder dormir.

- Et vous n'essayez même pas de le nier ? S'enquit enfin Malia sous le choc devant une telle honnêteté.

Un fugace sourire se glissa sur ses lèvres dures.

- À quoi bon le nier puisque vous le savez déjà ? S'enquit le cheikh en retirant ses lunettes pour lui imposer un regard presque amusé ; n'est-ce pas Malia ?

Embarrassée Malia se leva du siège pour prendre un peu de hauteur mais remarqua que ce n'était pas suffisant. Néanmoins elle croisa les bras, décidée à feindre l'évidence.

- Je ne vois pas de quoi vous, vous parlez.

- Vraiment ? Vous êtes sûre Malia ?

Butée elle acquiesça.

- Il y a un miroir ovale posé sur les meubles à droite de votre lit. Tournée vers celui-ci, vous m'exposiez votre visage ainsi que vos yeux grands ouverts.

Les yeux clos, Malia fronça des sourcils incapable de dominer les rougeurs d'embarras qui emplissaient déjà son visage.

- Et même s'il n'y avait pas eu de miroir pour m'aider, je sais lorsque vous dormez et quand vous essayer de feindre de dormir, ajouta le cheikh en la dévisageant avec une intensité qui lui coupa le souffle.

- Ah oui ? Je serais curieuse de savoir comment.

Il lâcha les commandes du yacht pour pivoter le siège dans sa direction. Ils étaient si proche l'un de l'autre qu'elle pouvait sentir les effluves de son parfum.

- Lorsque je vous ai...

Il s'interrompit en soupirant l'air agacé puis reprit ;

- Lorsque j'ai pénétré dans votre appartement et que je vous ai délicatement emporté avec moi, j'ai étudié votre respiration avant d'envisager quoi que ce soit, expliqua-t-il en glissant son regard sur sa bouche.

Malia s'approcha plus près, le menton levé.

- Dit comme cela, ça paraît presque poétique monsieur Al-Eydhar, dit-elle avec sarcasme ; mais vous avez oublié de mentionner le passage où vous avez fractionné ma porte d'entrée.

Subjugué par l'incarnat de ses lèvres, Caleb inspira péniblement pour échapper à la tentation de les couvrir d'un baiser possessif.

- En réalité, je n'ai pas eu besoin de fractionner votre porte, déclara Caleb d'une voix rauque.

La jeune femme se redressa lentement, interloquée.

- Ah oui ? Et puis-je savoir comment vous avez fait pour rentrer ?

- Vous tenez vraiment à le savoir ?

La jeune femme s'empressa de hocher la tête, les lèvres scellées.

- Vous vous souvenez sans doute du soir où je vous ai raccompagné chez vous ?

- Comment aurais-je bien pu l'oublier ? Rétorqua-t-elle en étouffant un rire sec.

Caleb évita soigneusement la réponse de Malia pour poursuivre.

- Lorsque vous étiez perdu avec vos clés et que je vous ai proposé mon aide, j'ai profité de votre torpeur silencieuse pour prendre les empreintes de votre clé, ensuite j'ai fait en sorte d'obtenir un double assez rapidement.

Tel un poisson hors de l'eau la jeune femme le fusilla du regard. Caleb retint un sourire, transporté par le spectacle qui se jouait devant lui. Les cheveux de la jeune femme virevoltaient autour de son visage et quelques mèches s'enroulèrent autour de son cou. Ses yeux azurés étaient voilé d'un filet d'or grâce à la clarté du ciel. Caleb détourna les yeux un instant pour résister à cette folle envie de l'embrasser et qui demeurait persistante. En dépit des sept années qu'il avait passée reclus dans les ténèbres, il se souvenait avec précision de sa vie d'autrefois et des femmes qui avaient fréquenté sa vie. De toutes celles qui avaient partagé un bref passage de sa vie, pas une seule n'était à la hauteur de celle qui se dressait devant lui avec courage et candeur. Jamais une femme n'avait attiré son attention comme elle l'avait fait d'un simple regard....et il y avait bien plus, Caleb le ressentait au plus profond de lui et rien ne l'arrêterait pour le découvrir.

Il s'en fit la promesse.

- Donc vous pouvez cesser de vous inquiéter pour votre porte, elle est intacte, conclut Caleb en quittant sa torpeur.

- Donc si je vous suis bien, vous aviez déjà l'intention de m'enlever à ce moment-là ?

Caleb braqua son regard dans le sien avant d'acquiescer.

- Disons qu'à ce moment-là j'étais lentement en train de l'envisager, déclara-t-il d'une voix égale.

- Et à quel moment vous avez pris la décision de passer à l'action ? S'enquit-elle l'air intriguée.

Caleb se redressa en courbant son dos douloureux ce qui l'incita en faire un pas en arrière et il le regretta. Cependant, Caleb ne voulait pas introduire de la colère dans cet échange inespéré. Alors il se contenta de rester immobile malgré l'appel de sa main qui n'avait qu'un désir, l'attirer vers lui...

- J'ai décidé de passer à l'action après la boite de nuit, croyez-moi ça n'a pas été facile pour moi de prendre une telle décision mais plus le temps passe plus je commence à me délier du regret.

Sa sincérité la fit rougir, ce qui le poussait à croire qu'elle ne le voyait pas totalement comme un monstre dénué de tendresse. Caleb savait que cette tendresse était là quelque part en lui, seulement elle semblait enfouie quelque part, et sans le savoir Malia l'aidait à la faire ressortir.

- À présent cette discussion est terminée.

- Parce que vous l'avez décidé ? Demanda la jeune femme visiblement en colère.

- Oui, affirma-t-il d'une voix neutre.

Le regard éclatant de colère et de crainte mêlées elle poursuivit sa bravoure sans peser le danger.

- Et si moi je n'ai pas fini ?

Son audace le fit sourire.

- Un mot de plus et je vous scotch la bouche, articula Caleb d'une voix assombrie par le désir qu'il tentait de dissimuler.

Les joues empourprées elle semblait saisir la menace mais continuait de froncer les sourcils comme si elle tentait le déchiffrer.

- Êtes-vous lunatique ? Avez-vous un double maléfique ? Parce que je suis déconcertée par votre changement d'humeur. Puis-je savoir pour quelle raison vous êtes si changeant ? Est-ce que ça cache quelque chose ? Un autre piège ?

Alors qu'elle le bombardait de questions Caleb s'était levé pour atteindre les tiroirs de la cabine. La tonalité de la voix de la jeune femme commençait peu à peu à prendre des tons de panique alors qu'il s'emparait d'un rouleau de scotch. Ses questions n'étaient plus lisibles ni même crédibles tant elle se perdait dans une imagination digne d'un vieux polar.

Caleb déchira un morceau en tirant sur la bande opaque et revint pour lui plaquer sur la bouche. Surprise, ses grands yeux bleus s'élargirent puis devinrent timide comme au premier jour de leur rencontre.

- Pour répondre à votre question, les deux dernières nuits ont été les plus apaisantes que j'ai passé en sept ans d'obscurité, articula Caleb d'une voix rauque en appuyant ses pouces sur les extrémités du scotch.

- Et j'ai comme l'impression que vous n'y êtes pas pour rien, ajouta-t-il en se penchant pour déposer un baiser sur le rempart qui l'empêchait d'accéder à ses lèvres...

Malia sentit une faible pression sur ses lèvres mais le scotch les renfermait dans un étau...comme une barrière que l'homme avait volontairement mis pour ne pas fléchir et accéder aux révélations qu'il lui avait fait dix minutes plus tôt. Malia ferma les yeux quand il lui ôta avec douceur. Libérée elle se pinça les lèvres, et baissa les yeux pour lui dissimuler ses pensées et le désir inarrêtable qu'elle devinait déjà prendre forme dans les profondeurs de ses yeux.

Il broya le morceau d'adhésif dans son poing et s'éloigna en la laissant seule avec ses pensées inavouables...

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