Chapitre 14



Malia agrippa le rebord de la table incapable de détacher ses yeux des siens. En ce moment ce n'était pas la peur qui la guettait mais plutôt une sensation de vertige. Elle n'en revenait toujours pas d'être là, assise en face de son sauveur et kidnappeur. Il n'y avait pas de frontière entre les deux...ils étaient un seul et même homme.

- Comment comptez-vous faire ? Le questionna-t-elle en relâchant la table.

- Je dois obtenir votre confiance, expliqua-t-il comme s'il s'agissait d'une nouvelle mission qu'il s'était donné ; Lorsque je l'obtiendrais, vous n'aurez plus peur.

- Impossible de refluer la peur devant un homme tel que vous, rétorqua-t-elle en toute franchise ; je n'oublierais jamais qui vous êtes et ce que vous avez fait d'ailleurs personne ne pourra l'oublier.

Malia ne lui portait aucune accusation et elle fut soulagée qu'il le comprenne car son regard se plissa.

- Vous avez raison, je suis dangereux mais il vaut mieux l'être et l'assumer que de faire semblant d'être un homme gentil pour mieux frapper ses victimes quand elles ne s'y attendent pas.

Malia frissonna en fronçant des sourcils interloquée par l'évident sous-entendu qu'il venait d'émettre.

- Vous semblez connaître l'un de ces hommes...

Cette fois-ci ce fut à son tour de crisper ses mains sur les rebords de la table jusqu'à faire blanchir ses articulations.

- Oui, un dénommé Tyler, vous le connaissez il me semble, lâcha-t-il d'une voix rêche.

Malia hoqueta, les yeux écarquillés.

- Je...oui...mais je ne comprends pas, balbutia-t-elle en le dévisageant.

- Vous coincer à la sortie des toilettes en essayant de vous forcer à faire une chose qui vous ne vouliez pas n'était pas très intelligent de sa part.

Malia se redressa lentement, la bouche entrouverte mais la voix éteinte.

" Je vous ai sauvé la vie deux fois "

Les yeux noirs du cheikh n'étaient plus que ténèbres ce qui laissait entrevoir ce qu'il s'était passé cette nuit-là.

- Rassurez-vous la dernière fois que je l'ai vu il tentait de reprendre son air sur le sol d'un couloir obscur, ajouta-t-il sans une once de pitié.

Alors elle n'avait pas rêvé, songea-t-elle en baissant les yeux sur la table, la respiration hachée.

- Vous étiez là, vous m'avez suivi mais pourquoi ? Demanda-t-elle d'une voix presque affolée.

Il relâcha la table en lâchant un soupir résigné.

- Je voulais m'assurer que vous étiez en lieu sûr et ce n'était pas le cas. Votre amie n'est visiblement pas très futée et inconsciente des conséquences du danger. Cette boîte de nuit était peu fréquentable, et le jeune fougueux qui vous accompagné n'était pas là pour discuter, je l'ai senti à l'instant même où j'ai sondé son esprit tordu.

Eberluée Malia cilla alors que leurs yeux s'entrechoquaient à chacun de ses mots dit avec rage et amertume.

- Vous avez sondé son esprit ? Répéta-t-elle fascinée, perdue, happée par la fureur de ce dernier si bien qu'elle dut se réprimander pour revenir à elle.

Ses mâchoires se mirent à convulser.

- Ce n'était pas très compliqué Malia, il suffisait de voir comment ses yeux vagabondaient sur vous.

Il se leva et d'instinct elle recula contre le dossier de la chaise. Il contourna la table pour poser sa main sur l'accoudoir et se pencha en avant. Son menton frôla ses cheveux et très vite elle sentit les battements de son cœur s'accélérer. Pas un seul instant son corps lui commanda de le repousser comme elle l'avait fait pour Tyler.

D'ordinaire, Malia se serait jeté en arrière pour s'écarter d'un homme si proche d'elle mais avec Caleb Al-Eydhar, c'était différent, surchargé de sensations contradictoires.

- Je ne vous ai pas arraché des hommes de Tahar pour que vous, vous retrouviez dans un piège tout aussi sordide, ajouta-t-il contre ses cheveux.

Malia ferma les yeux puis les rouvrit pour les braquer dans les siens.

- Et dire que vous disiez ne pas être un ange gardien, lâcha Malia en soutenant son regard étincelant d'amertume mais qui semblait destiné à ses ennemis.

Un vague sourire couvrit ses lèvres pour mieux disparaître dans la noirceur.

- J'ignore où ce voyage nous mènera Malia, murmura-t-il d'une voix basse, l'expression douloureuse qui lui serra le coeur ; mais je vous promets que je ne vous ferais aucun mal.

Malia se mordit la lèvre nerveusement en dévisageant le cheikh qui semblait souffrir d'un mal qui le rongeait de l'intérieur.

Il passa une main nerveuse dans les cheveux puis reprit.

- Je me surprends à penser que si vous êtes restée c'est qu'au fond de vous une partie de vous le voulait.

Soudain il s'abaissa près de sa chaise et plongea son regard dans le sien. Cette fois-ci toute trace de colère avait disparu remplacée par une lueur d'espoir.

- J'espère seulement que ce n'est pas la pitié qui vous a poussé à prendre cette décision.

Malia demeura immobile, envahie par un sentiment étrange alors qu'il attendait impatiemment qu'elle dise quelque chose.

- Ce n'est pas la pitié qui m'a poussé à rester, répondit-elle en toute sincérité ; J'ignore encore ce qui m'a poussé à prendre cette décision et je...

Malia s'interrompit brusquement pour reprendre une inspiration.

- Que voulez-vous de moi ? Demanda Malia en espérant qu'il se montre sincère.

- Je veux apprendre à connaître la jeune femme aux yeux azurés et je sais que vous avoir enlevé n'était pas la meilleure des solutions mais...

Caleb se releva, incapable de détacher ses yeux des siens. Une brise de vent enroula ses cheveux autour de son cou, dressant une image qu'il avait longtemps imaginé. Peu à peu le regret qu'il ressentait se dissipa, laissant place à un cruel sentiment égoïste. Des flashs heurtèrent son esprit et il fut renvoyé mentalement dans les montages, deux jours après l'avoir sauvé, allongé seul à même le sol poussiéreux, le regard plongé vers le ciel obscur. Combien de fois avait-il rêvé d'elle ? Combien de fois cette paire d'yeux azuré s'était dressé dans son esprit et dans ses rêves happant ses cauchemars ?

Il était temps d'arrêter de nier, songea-t-il en caressant la jeune femme d'un regard qu'il espérait doux...Malia Hunter était la seule femme qui avait peut-être le pouvoir de le sauver et il l'avait su la nuit derrière.

Aucun cauchemar n'avait pris possession de son esprit. Il s'était réveillé apaisé, sans gouttes de sueur sur le front, aucune rage l'avait saisie dès le réveil mais un tout autre sentiment.

Il ignorait pourquoi elle et pas une autre et cette question était pour lui une énigme qu'il était déterminé à résoudre.

En sa présence la colère s'éteignait remplacée par un désir fort de la protéger.

Lorsqu'il la regardait, une vive lumière nimbait autour d'elle faisant contraste aux ténèbres qui l'entouraient depuis des années.

- J'ai une question a vous poser Malia, reprit-il en s'obligeant à s'écarter d'elle.

- Je vous écoute.

Caleb s'installa en face d'elle, réprimant le désir qui lui comprimait les muscles.

- Le soir où je vous ai sauvé la vie, pour quelle raison vous vous êtes arrêté de courir ?

Très vite elle baissa les yeux, rougissante.

- Je voulais vous remercier mais la peur était trop forte pour oser le faire alors j'ai poursuivi mon chemin sans m'arrêter.

Cet aveu lui comprima le cœur et il se sentit presque soulagé qu'elle ne se soit pas retourné.

- Vous avez bien fait, murmura-t-il en déviant le regard sur l'océan silencieux.

- Et vous ? Pourquoi vous vous êtes reculé en poussant un grognement digne de l'enfer ?

Caleb tourna violemment la tête pour confronter la jeune femme. Immobile, les yeux brillants d'une lueur inondable elle se pinça les lèvres, l'expression curieuse.

Caleb aurait voulu qu'elle ne se souvienne pas de ce passage car à cet instant, une folie s'était emparé de lui et c'est sa fuite qui l'avait plongé dans une sorte de léthargie qui l'avait aidé à ne pas franchir la ligne rouge. Il avait tout simplement voulu l'emmener avec lui mais sa raison était parvenue à faire fléchir cette pensée.

- Je voudrais gagner votre confiance avant de vous le dire, déclara-t-il en lui offrant un regard rassurant.

Une nuée de mouettes se mirent à virevolter au-dessus du yacht et l'une d'entres elles se posa sur le bord de la rambarde.

Caleb s'en fichait mais pas la jeune femme qui instantanément esquissa un sourire réveillant en lui l'espoir qu'un jour ce sourire lui soit destiné.

- Vous aimez les oiseaux ? Lança-t-il comme elle semblait fascinée.

- J'aime beaucoup, lorsque j'étais petite j'en avait dans ma chambre.

Même s'il essayait de ne rien laisser paraître Caleb savourait la confidence qu'elle venait d'émettre les yeux rivés sur la nuée d'oiseaux.

Elle reporta son intention sur lui.

- Vous ne souriez jamais ? Demanda Malia en contemplant l'homme qui aussitôt détourna les yeux puis la tête vers l'océan. Elle observa les contours volontaires de sa mâchoire qui convulsèrent.

- J'ai oublié ce que c'était de sourire il y a bien longtemps, confia l'homme sans la regarder.

Malia baissa les yeux en comprenant très vite qu'il n'était pas seulement brisé dans ses chairs mais aussi dans son âme. Il avait peut-être gagné la guerre contre Tahar mais les répercutions semblaient terrible. Peu à peu Malia ne le voyait plus comme un kidnappeur mais comme un homme blessé, sauvage et hanté par les douleurs de ce long et interminable combat.

- Vous savez à quel volatile vous me faites penser ? Lança-t-elle le cœur battant.

- Non, mais je serais ravi de le savoir, dit-il de sa voix profonde et âpres.

- À un faucon, votre regard en est la cause.

- Les faucons sont des prédateurs redoutables qui survolent leur proie avec leur regard perçant puis viennent les capturer en effectuant une descente en piqué.

Malia frissonna mais ne lâcha pas son regard.

- Et ils se glissent sur les parois rocheuses des montagnes, murmura Malia en faisant allusion à lui.

Soudain, et même s'il fut fugace, un sourire se forma sur les lèvres du cheikh.

- Vous avez raison, ce rapace me convient parfaitement Malia, reste à savoir si vous acceptez d'être ma seule et unique proie, déclara-t-il d'une voix débordante de tendresse qui la fit frémir de tout son être.

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