Chapitre 11
Les poings serrés contre sa poitrine, Malia se passa la langue sur sa bouche sèche avant d'étendre ses jambes engourdies. Cette nuit, elle avait été encore une fois prisonnière de rêves qui l'avaient plongé dans un état de peur et d'excitation mêlées.
Chaque fois ses rêves étaient presque identiques. Elle allongée sur un lit méconnu, immobile, incapable de répondre à la peur qui lui nouait l'estomac, se soumettant à la sensation de vertige qui l'assaillait chaque fois que le visage de l'homme émergeait des ténèbres pour plaquer sa bouche sur la sienne afin de la ravir tout en enveloppant sa gorge avec sa poigne de fer.
Malia ouvrit les yeux et devant ce brouillard éblouissant cligna des yeux à la hâte pour que l'image devienne nette.
La joue plaquée contre l'oreiller elle s'interdit tout mouvement quand sa vision lui renvoya l'image d'une pièce vaste, un long meuble en bois vernis paré d'un vase avec des fleurs. Malia cligna des yeux encore plus vite en inspirant brutalement avant qu'elle bloque son air après qu'une odeur méconnue imprègne son odorat.
Elle baissa les yeux sur l'oreiller blanc brodée de dentelles et se redressa lentement, le cœur affolé à mesure qu'elle se relevait. Très vite elle prit conscience que ce n'était pas son lit et fit un bond en arrière en étouffant un cri. Sa vision se brouilla de nouveau alors qu'elle lançait des regards circulaires autour d'elle. Les jambes enroulées dans les couvertures elle se redressa alors que ses battements de cœur martelaient ses tempes. La lumière emplissait la pièce de lueurs ensoleillés lui permettant d'y voir plus clair. Composé de meubles immaculés agrémentés par des bordures en bois massif, la pièce était bercée d'opulence et le luxe qui très vite lui suggérait qu'elle rêvait.
- Tu es en train de rêver Malia, se dit-elle en se levant.
Ses pieds nues rentrèrent en contact avec un tapis moelleux. Malia étudia sa tenue et constata qu'elle portait les même vêtements que lorsqu'elle s'était couchée dans son lit.
Malia s'approcha vers la porte coulissante et la poussa en se précipitant à l'extérieur, regardant par-dessus son épaule. Un vent frais fouetta son visage ce qui la poussa à regarder devant elle.
Malia sentit ses propres pas ralentir alors qu'elle haletait de peur en confrontant l'océan qui se dressait devant ses yeux comme un rempart à sa fuite.
L'air marin fouettait son visage alors qu'elle s'approchait sur le pont pour agripper la rambarde. La panique l'emplissait chaque seconde un peu plus alors qu'elle tournait la tête sur sa gauche puis sa droite. Le bateau s'étendait sur des mètres, elle pouvait sentir sous ses pieds les vibrations du moteur jusqu'à ce qu'elle sente le bateau ralentir, dominant la mer à la seul force du courant. Un haut-le-cœur lui monta à la gorge alors qu'elle s'aventurait vers le pont inférieur en dévisageant les parois en verre teinté. Elle pénétra dans une pièce qui semblait être un vaste bureau moderne.
Ne cherchant pas à s'étendre sur les détails elle fouilla l'endroit du regard et haleta quand elle vit une arme posée sur un bureau en bois massif.
Prise de folie, elle s'en saisit et la pointa devant elle. Elle ignorait comment s'en servir et la tenait de ses mains tremblantes tout en avançant dans la pièce à l'affût du danger.
- Bonjour Malia...
À cette voix rauque et graveleuse Malia s'arrêta en ravalant un cri. Elle se retourna violemment pour affronter l'homme qui habitait ses nuits. Avant de pouvoir comprendre ce qu'il se passe elle fut maîtrisée et l'arme ne lui appartenait plus. Calmement, il la rangea derrière son dos sans la quitter du regard.
Les mains enfoncées dans les poches de son pantalon noir, chemise ouverte au col, il portait une paire de lunettes de soleil qui dissimulait son expression mais elle la devinait dure et froide. Malia déglutit, empêchant son corps de réagir à cette image qui aimantait ses yeux.
- Je peux savoir ce qu'il se passe ? Où suis-je ? Demanda-t-elle d'une voix à la limite de la panique.
Il ne bougea pas, mettant à l'épreuve l'angoisse qui nourrissait son adrénaline.
- Nous sommes à bord d'un yacht, répondit-il sans d'autres explications.
- Merci ! Ça je pense l'avoir assimilé ! Ma question est de savoir pourquoi ?
Il fit quelques pas dans sa direction, mâchoires serrées. Peu à peu le doute s'installa et le refus d'y croire s'estompait remplacé par l'évidence de ce qu'il se passait.
Instinctivement Malia recula.
- Vous m'avez enlevé n'est-ce pas ? Je n'étais pas folle, depuis le début...
Malia sentit sa voix s'effacer en reculant davantage jusqu'à ce qu'il déclare ce qu'elle refusait déjà d'entendre.
- Oui c'est le cas mademoiselle Hunter.
Un sursaut d'adrénaline la poussa à courir dans le sens inverse mais un bras de fer entourait déjà sa taille. En un rien de temps elle fut hissée sur son épaule. Malia tenta de se débattre de toute ses forces en agitant ses jambes, frappant son dos alors qu'il marchait tranquillement sans se soucier des coups qu'elle lui portait.
- Courir ne vous servira à rien, déclara-t-il d'une voix aussi rêche que du papier de verre.
Loin de s'avouer vaincue Malia tenta de faire rouler son corps sur le côté mais il resserra son bras contre sa taille jusqu'à la cintrer autour de son biceps.
Il la renversa en arrière pour l'asseoir sur une chaise. Les mains de chaque côté des accoudoirs il maintenait sa position de force en ôtant ses lunettes de soleil pour lui imposer un regard d'avertissement.
- Si vous restiez tranquille je pourrais peut-être vous expliquer mon geste.
- Votre geste ? Répéta Malia la respiration hachée ; Un kidnapping est puni par la loi !
- Vous pensez sincèrement que je me soucie des lois ? S'enquit le cheikh bouche tordue beaucoup trop proche de la sienne.
- Je suis ma propre loi, articula-t-il d'une voix sombre avant de s'écarter lentement.
Il ôta ses lunettes de soleil et elle aurait préféré qu'il ne le fasse pas.
- Laissez-moi cinq minutes, ajouta-t-il d'une voix plus amène ; Laissez-moi juste le temps de m'expliquer.
Malia serra les accoudoirs pour s'empêcher de fuir et la seul chose qui la retenait fut l'expression blessée du cheikh.
Lentement, il prit place en face d'elle, le regard imprégné de douleur.
Affaiblie physiquement par l'effort Malia se contenta de baisser les yeux sur les mains tremblantes du cheikh.
- Vous vous souvenez de la nuit où on a tenté de vous enlever ?
Frigorifiée Malia trouva la force de se lever pour s'enfuir loin de l'un de ses agresseurs.
- C'est moi, l'homme qui s'est interposé.
Malia s'arrête comme si on venait de lui asséner un coup au cœur. Elle dévisagea l'océan à la quête de réponses mais savait que les réponses se trouveraient dans la voix du cheikh.
- Vous portiez une longue robe fleurie et une veste noire, commença-t-il si proche d'elle que les brises marines n'avaient plus la force de l'atteindre ; Deux hommes se sont glissé derrière vous pendant que vous regardiez la vitrine d'une boutique éteinte et sans vie. Les hommes de Tahar vous ont saisi par les chevilles et les bras pour vous glisser dans la ruelle silencieuse.
Malia écarquilla les yeux effrayée en se souvenant de la scène.
- L'un d'entre eux s'est alors mis à parler dans une langue méconnue et s'est penché vers vous, le regard rempli de concupiscence.
Lentement elle se retourna et remarqua qu'il n'avait pas bougé, le regard fixé sur elle.
- Ils se sont mis à jouer avec vous comme deux chats se disputant une souris, reprit-il d'une voix rêche et amère.
Malgré la distance qui les séparait, Malia enfonça son regard dans le sien et enfin se souvint de cette paire d'yeux opaque.
- C'était vous, lâcha-t-elle dans un souffle presque inaudible.
- C'était moi, affirma-t-il en se levant pour venir saisir ses bras.
Il exerça une légère pression pour l'attirer vers lui.
- J'ai tué l'un d'entre eux sous vos yeux, l'autre s'est enfui mais rassurez-vous j'ai eu la chance de recroiser sa route et lui le malheur de rencontrer la mienne.
D'un geste vif il l'obligea à se rasseoir et la prit au piège avec ses longs bras posés sur les accoudoirs.
Sous le choc Malia resta muette, peinant à croire qu'il s'agissait bien de lui mais pourtant ses yeux noirs ne mentaient pas.
- À cet instant, je dois vous paraître monstrueux, mais voulez-vous connaître le sort que mon demi-frère voulait vous réserver ? Demanda-t-il en fixant sa bouche.
- Cela dépend du sort que vous avez l'intention de me réserver, Répondit Malia en affrontant son regard impassible.
Il se redressa, lui imposant sa grandeur puis contourna la table pour s'installer, le regard perdu sur l'océan. Malia serra les accoudoirs pour lutter contre la vague de chaleur qui se mélangeait à sa crainte. Elle détourna les yeux pour chasser l'image du cheikh aussi belle que dangereuse.
- Tahar avait transformé mon palais en un véritable bordel, commença-t-il d'une voix de plus en plus amère.
Malia tourna la tête vers lui, constatant encore une fois qu'il la regardait d'une manière si troublante qu'elle détourna de nouveau les yeux.
- Avez-vous déjà entendu parler d'un harem Malia ?
Le sang glacé elle acquiesça ébranlée. Tout ce qu'elle savait c'est qu'a une époque très ancienne, les hommes de pouvoir possédaient des harems dans lesquels des femmes se battaient pour devenir la favorite. Mais c'était bien plus que ça, car d'après les légendes, certaines femmes n'avaient pas consentis à y être.
- Tahar en avait un, pour lui et ses hommes. En plus d'avoir ravagé mon pays il a ravagé mon toit en le soumettant à ses folies sexuelles. Plusieurs femmes ont été libéré après des mois de captivités et d'autres étaient ravie d'avoir fait partie du harem.
Il poussa un rire sans saveur.
- Les hommes qui vous on agressé avaient pour mission de vous enlever et après avoir fouillé dans ses affaires personnelles deux heures après sa mort nous avons découvert une liste et vous étiez tout en haut de cette liste sous le nom de «l'américaine » et j'ai compris qu'il s'agissait de vous.
Malia vacilla sur sa chaise, le ventre noué d'une affreuse douleur.
- Vous avez dû le rencontrer lors de votre séjour, vous n'avez aucun souvenir ?
Oh si elle en avait, songea-t-elle alors qu'une nausée lui montait aux lèvres.
Un flash lui revint en mémoire. C'était lors d'un marché nocturne. Un homme l'avait abordé et elle se souvenait encore de son sourire charmeur et presque malfaisant et de sa silhouette parée d'un vêtement traditionnel qui cachait en réalité un corps mince...Tout le contraire de l'homme qui se tenait devant elle.
On aurait dit un jeune homme arrogant, tenant entre ses mains deux chiens de gardes derrière lui prêts à bondir en cas d'attaque. Rebutée, Malia était partie dans la masse de personnes qui déambulaient sur le marché et ne l'avait pas revu.
- Je crois l'avoir rencontré oui, s'entendit-elle murmurer en portant une main à son front.
Depuis qu'elle s'était enfuie pour retourner à New-York, Malia avait toujours su qu'une partie du puzzle lui manquait pour comprendre l'origine de son agression. Aujourd'hui il la mettait face à la vérité et elle aurait voulu ne jamais la savoir. Il lui avait sauvé la vie, mais cela n'expliquait pas pourquoi il venait de l'enlever à son tour ?
Et Malia n'était pas sûre de vouloir le savoir...
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