Chapitre 12



  - Pourquoi ? Demanda-t-elle en le dévisageant.

Au fond de lui il savait de quoi retournait sa question, elle le vit dans ses yeux.

- Peu après avoir repris le contrôle du palais j'ai tenté de mettre un nom sur votre visage, je voulais...du moins j'éprouvais le désir de savoir qui vous étiez. Les recherches pour vous retrouver on duré plusieurs semaines et ce fut un échec jusqu'à ce que le destin me donne un coup de pouce.

Malia déglutit péniblement et resta attentive mais pour combien de temps ?

- Je n'ai jamais cru au destin jusqu'ici mais aujourd'hui, je pense que je serais tenté d'y croire, ajouta-t-il en la perçant d'un regard déterminé.

- C'est pour cette raison que vous m'avez enlevée ? Demanda-t-elle en le dévisageant froidement.

- Croyez-moi j'ai essayé d'autres alternatives mais elles se sont avérés être un échec, dit-il rictus aux lèvres ; vous n'êtes pas sans savoir que je me suis coupé du monde pendant de longues années et cet isolement n'a pas été sans conséquence quelles soient psychologiques ou physiques comme mon corps peut en témoigner.

La bouche sèche, Malia glissa ses yeux sur son avant-bras marqué. Qu'en était-il du reste de son corps ? Se demanda-t-elle le ventre noué.

Malia préférait ne pas le savoir.

- Je peine à me compléter avec la civilisation et les bruits qui m'entourent, c'est comme si je le rejetais sans cesse. C'est insupportable, une véritable torture que j'ai tenté de combattre pour vous approcher sans avoir l'air...

Il dévia son regard noir vers l'horizon sans terminer sa phrase. Malia remarqua qu'il tremblait de tout son être comme s'il essayait de combattre un sentiment de colère.

- J'ai échoué, reprit-il en remportant son attention sur elle ; Mais ici, le bruit n'est pas là et il y a personne pour se mettre en travers de ma route vous comprenez ?

- Vous savez qu'il y avait d'autres alternatives que le kidnapping ? Vous auriez pu...

- M'auriez-vous accordé cette chance mademoiselle Hunter alors qu'à l'instant même où votre regard s'est posé sur le mien vous m'avez fait très clairement comprendre que vous aviez peur de moi.

- Qui n'aurait pas peur de vous ? Rétorqua-t-elle en le confrontant sans ciller.

- Je suis désolé, croyez mes paroles car elles sont sincères mais je ne peux pas changer ce que je suis ni le contrôler.

Malia résista à la chaleur que lui provoquait ses mots qui sonnaient comme un avertissement.

- Comment avez-vous fait pour me...

- J'ai mes méthodes et il faut dire que vous m'avez facilité la tâche car votre sommeil était si lourd que je n'ai pas eu besoin de vous endormir davantage.

Il se leva et contourna la table, lui arrachant la liberté de respirer convenablement.

- Que voulez-vous de moi ? S'enquit Malia en osant à peine respirer.

Il se figea soudain, en reculant d'un pas. Avait-il sondé ses pensées même les plus sombres ?

- Je ne vous ai pas sauvé de Tahar pour reproduire ce qu'il voulait de vous, déclara-t-il sèchement ; Tout ce que je veux c'est quelques jours avec vous, seulement quelques jours.

Il était modeste dans ses réponses beaucoup trop vague pour qu'elle lui donne une bribe de sa confiance.

- C'est une explication édulcorée monsieur Al-Eydhar, je veux...

- Votre peur altère votre raison, si je vous expliquais, vous ne saurez pas le comprendre.

Un éclat brilla dans ses prunelles sombres.

- Ma mère va s'inquiéter, protesta Malia comme dernier recours à sa détresse.

- Vous l'avez prévenu par message que vous passiez quelques jours de vacances loin de New-York. Quant à votre travail, je me suis chargé de tout.

Malia écarquilla les yeux avant que la fureur s'empare d'elle.

- C'est vous qui est l'auteur de ce message ! Pas moi !

Malia se leva pour se rebeller mais par où devait-elle commencer ?

Ses yeux furent happés par son torse, elle était si petite qu'elle lui arrivait à peine aux épaules. Il avait deux bonnes têtes de plus qu'elle et s'imposait sans effort.

- Je vous ai sauvé la vie deux fois, vous me devez au moins ça, articula-t-il comme s'il luttait contre la colère qu'elle venait de faire naître en lui ; Tout ce que je désire c'est votre présence, rien de plus.

Il s'approcha plus près et Malia fut contrainte de se rasseoir, le cœur battant à la chamade.

- Je ne vous ferais aucun mal, vous avez ma parole.

Sur ces mots il s'éloigna d'un pas rageur alors qu'elle expulsait l'air bloqué dans ses poumons. Seule, elle porta une main à son cœur pour évacuer ce sentiment de peur qui l'assaillait. Cette situation était surréaliste, impossible et pourtant elle se trouvait bel et bien au milieu de la mer, sur un yacht avec un homme qu'elle connaissait à peine et qui exigeait d'elle sa présence.

Cependant elle ignorait pourquoi.

Elle se retourna pour voir s'il se trouvait derrière elle mais il semblait avoir disparu. Encore. Malia posa une main sur sa gorge et leva à la quête d'une d'une issue de secours. Elle parcourut le pont seule, et monta de nombreux escaliers sans succès. Engourdie, elle se massa le cou avant de regagner la chambre dans laquelle elle s'était réveillée.

Épuisée, elle se laissa tomber au sol alors que des images de son agression tournaient en boucle dans sa tête. Plus particulièrement elle revoyait le regard du cheikh et se souvenait maintenant avec précision de son intervention face à au destin monstrueux que lui avait réservé Tahar. Une myriade de questions l'envahissait alors qu'elle tentait de mettre un mot sur ce qu'elle ressentait.

Sa raison lui criait de partir à l'inverse de son cœur qui lui soufflait de rester pour comprendre ce qu'il attendait réellement d'elle. Le doute l'emplissait d'heure en heure. Elle fouilla dans la chambre à la recherche de son téléphone mais comprit que c'est lui qu'il l'avait en sa possession.

Malia posa sa main sur son front puis sur sa gorge et se remémora cette main qui deux jours plus tôt lui avait saisi la gorge pour lui murmurer des mots en arabe avec rudesse.

Sa raison prit le dessus, il fallait à tout prix qu'elle s'éloigne de cet homme dangereux car même s'il lui avait sauvé la vie, il n'en demeurait pas moins un danger, et cette aura ténébreuse qui l'enveloppait en était une preuve suffisante.

Le cœur battant à la chamade elle attendait que les heures s'estompent allongée sur le lit, le dos tourné à la baie vitrée. À tout instant elle craignait qu'il surgisse de nulle part mais il n'en fit rien. Elle resta seule, toute la journée, jusqu'à ce que la nuit renverse la lumière étincelante du soleil. Elle sentit derrière son dos raide une présence. Malia ferma les yeux pour faire mine de dormir, mais sa présence lui imposait des frissons qui frémissaient sur sa peau. Elle entendit un bruit puis un long silence jusqu'à ce que la baie vitrée se referme. Malia demeura immobile de longues minutes puis se retourna lentement dans l'obscurité. Elle remarqua une assiette posée sur la table en verre mais résista à l'idée de se lever même si son estomac grondait. Ce geste lui ôta l'idée qu'il puisse être un tortionnaire insensible mais elle était toujours persuadée qu'elle était en danger. Ce faisant, elle attendit d'être au milieu de la nuit pour quitter la chambre toujours vêtue de son pyjama. Elle prit un manteau au hasard, enfila des chaussures à la hâte et se glissa sur le pont silencieux. Le vent frais fouettait son visage, elle entendait que le bruit des vagues. Avec des pas silencieux Malia se glissa vers le pont inférieur tout en prenant soin de vérifier chaque baies vitrées qui donnaient sur de luxueuses pièces. Arrivée à la moitié du pont Malia pencha sa tête vers une baie vitrée et posa instinctivement une main sur sa bouche lorsqu'elle découvrit le cheikh allongé sur un lit majestueux et sombre. Le cœur battant à la chamade elle se mit haleter comme si elle venait de courir un marathon. Elle se pencha à nouveau pour l'observer. De loin, elle pouvait distinguer ses yeux fermés. À travers les rideaux qui flottaient, elle décela une partie de son torse massif.

- Mon dieu, souffla-t-elle les yeux écarquillés devant ce corps écorché.

Malia aurait voulu décrocher ses jambes du sol pour s'enfuir mais la lune qui reflétait sur le corps du cheikh l'empêchait de faire un pas en direction de la liberté.

Le cœur pincé elle suivit la balafre qui lézardait ses côtes avant de détourner les yeux, les doigts sur sa bouche.

" Cet isolement n'a pas été sans conséquence quelles soient psychologiques ou physiques comme mon corps peut en témoigner. "

En se souvenant des paroles de l'homme Malia sentit une affreuse douleur lui comprimer la poitrine alors qu'elle poursuivait son chemin en quête de la liberté. Une fois sur le point inférieur elle s'aida des faibles halo de lumière et de la lune pour monter dans le bateau à moteur. Il suffisait déclencher la manette sur le côté pour qu'il s'affaisse sur l'océan.

Malia posa sa main sur le levier qu'elle avait étudié toute l'après-midi alors que son regard s'arrêta sur une lampe torche posé sur le banc. Les sourcils froncés, Malia la prit et l'alluma en jurant qu'elle n'y était pas quelques heures plus tôt. Les tempes bourdonnante elle rompit sa respiration en étudiant le bateau à moteur. Un gilet de sauvetage était posé à l'arrière ainsi qu'un bidon de réserve. Malia releva son regard perdu dans la nuit noire et se leva lentement sans quitter du regard l'éclairage au loin. Il s'agissait du port, constata Malia en se laissant tomber sur le banc. Elle comprit alors qu'il avait chargé le bateau à moteur, visiblement préparé à ce qu'elle s'échappe. C'était comme s'il lui donnait la liberté de partir, comme s'il voulait lui donner le choix jusqu'à rapprocher le yacht des côtes pour réduire la distance qui la séparait du port.

Malia sentit son corps trembler, alors que son regard perdu dévisageait le gilet de sauvetage. Il lui suffisait d'actionner le levier et faire les quelques mètres qui la séparait de sa liberté...et pourtant Malia était comme paralysée. C'était comme si tout son être désirait quelque chose d'irresponsable. Elle n'arrêtait pas de revoir la scène de son rapt en imaginant ce qu'elle aurait pu devenir sans l'aide de cet homme aux yeux sauvage. Les cicatrices qu'elle venait de distinguer sur une partie de son corps lui brûlaient l'estomac, lui rongeait le cœur alors qu'elle se laissait envahir par la culpabilité de le laisser seul avec ses propres démons. Il avait été seul pendant de longues années, se soumettant au silence, perdu dans les gorges des montagnes les plus dangereuses de son pays pour sauver son pays et tout ce qu'il réclamait aujourd'hui c'était sa présence et du silence.

Devait-elle accepter ou écouter la prudence que n'importe quelle femme dans sa situation aurait choisie. Elle ferma les yeux aussi fort que possibles, les mains sur la tête et une fois de plus les yeux opaque de l'homme vinrent se dresser dans son esprit. Malia ouvrit les yeux, la respiration erratique et sentit son pied se poser sur le sol du yacht.

Elle quitta le bateau à moteur en sachant que la chance qu'il venait de lui donner ne se représenterait sans doute jamais. Malia rebroussa chemin, et éteignit la lampe torche quand elle dut passer devant sa chambre. Elle osa poser de nouveau son regard dans les ténèbres et vit un homme toujours endormi, au regard marqué d'une douleur nocturne.

Malia précipita le pas et disparut sur yacht.

La respiration forte, sans bouger, Caleb ouvrit les yeux quand la silhouette de Malia repassa devant sa chambre. Il ignorait s'il devait en être soulagé ou bien le contraire. Un sentiment étrange lui comprima le ventre alors qu'il se redressait sur le lit pour prendre sa tête entre ses mains. Il venait de lui offrir une chance de partir et elle ne l'avait pas fait. Dans l'incompréhension la plus totale Caleb se leva du lit pour faire les cents pas. Pourquoi avait-elle laissé cette chance lui échapper ? Pourquoi n'avait-elle tout simplement pas couvert les trois cents mètres qui la séparaient de la liberté ?

Dès lors qu'il avait affronté son regard apeuré Caleb avait compris qu'elle ne lui laisserait jamais une chance de s'expliquer. En forçant le destin Caleb avait enfin pu se libérer d'un poids en lui dévoilant son identité mais tout avait un prix. En la quittant sur le pont, le dernier regard qu'il gardait d'elle était rempli de peur et de colère mêlées. Mais pendant un bref instant, en fouillant dans ses yeux azurés il avait pu constater qu'elle l'observait comme il voulait être regardé. C'était comme si elle avait décelé en lui l'homme qui oscillait sans cesse et avec difficulté entre l'homme civilisé et l'instinct animal.

Gagné par des questions sans réponses Caleb savait qu'il allait devoir attendre l'aube pour qu'elle lui donne une explication.

Malia ouvrit difficilement les yeux quand un filtre de lumière se posa sur son visage. Elle avait l'impression d'être démunie de toutes ses forces mais son esprit lui, avait suffisamment de force pour se rappeler de la veille. Son cœur se mit à battre à la chamade quand elle entendit des pas lourds gagner sa direction.

- Pourquoi ? S'enquit-il d'une voix neutre dont les vibrations le trahissaient.

Malia roula sur le dos et le vit, assis sur une chaise en face du lit, le regard profond.

Et il réitéra sa question.

- Pourquoi n'avez-vous pas saisi l'opportunité de partir ?

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