9 ° Dans l'obscurité °
Rallumer la lumière... S'il vous plait... Il faut rallumer la lumière.
Je n'en pouvais plus. J'avais l'impression que j'allais mourir. Qu'un monstre allait surgir. Un homme allait me poignarder. Tout cela s'était passé si vite.
Rallumer la lumière.
Je ne savais même plus où étaient la terre et le ciel. J'étais perdue, terrifiée. Lorsque j'avais éteins les dernières braises, l'obscurité était devenue d'une densité presque physique. Nous avions été littéralement englouti. D'abord j'avais été euphorique à l'idée que tout cela soit vrai. L'espoir avait jailli de moi furieusement. Mais elle fut très vite refroidit lorsque je pris conscience des choses rampantes qui glissaient autour de moi. Ma peur sous toutes ses formes. De la terreur liquide, noir, vivante.
Et alors le cauchemar commença.
C'est là que je pris conscience à quel point j'étais dépendante de la lumière. Viscéralement dépendante. Cela me fit l'effet d'une claque. J'étais droguée à l'excès. Droguée à la lumière. Je me recroquevillais, telle une abominable larve.
Donnez-moi de la lumière.
Mais personne ne répondait à mes gémissements. J'étais seule. Personne ne viendrait. Je pouvais ramper misérablement jusqu'à trouver une source de lumière ou je pouvais attendre que l'aube se lève. La lumière finirait toujours par revenir... Je voulais le croire. Je m'y raccrochais comme un naufrager à sa bouée, tentant d'éloigner les horribles chuchotements qui me disait que j'étais perdue à jamais.
Mais il y avait une autre option, aussi terrible fut-elle. Je pouvais tenter de me sevrer. Tenter d'accepter l'obscurité. Mon corps frémit à cette idée. Mais avais-je le choix? N'étais-je pas là pour ça? Alors avec une indicible lenteur je me forçais à me déplier, à m'ouvrir, vulnérable, aux forces de la nuit. Ma respiration était hachée, mon corps contrarié.
Le plus difficile était devant. Attendre. Tenir. Je pris une inspiration. Puis une autre. Buvant ce noir dense. Peur de m'étouffer dedans. Je lâchais prise très doucement. Parfois telle le ressac, la peur reculait pour réattaquer sauvagement, vague furieuse. Mais je tins bon à chaque fois. Le processus était lancé. Je devais me sevrer de la lumière et accepter d'entrer dans la nuit. Le processus fut long, terriblement long. Bien plus que je ne me pensais capable de tenir.
Cela arriva subitement. D'un seul coup, c'était comme si ce qui m'oppressait s'envolait. La seconde d'avant j'étais écrasée par l'angoisse. La seconde d'après, plus rien. Un grand vide. Je me redressais, légère. J'avais l'impression que si je ne faisais pas attention je glisserais dans l'air. Comme si la gravité n'avait plus prise.
Tout était si calme. D'un calme apaisant. J'ouvris les yeux en grand. Un vieux réflexe. Je ne pouvais pas voir dans le noir. Par contre je pouvais sentir.
Je percevais une multitude de courants qui voletaient dans la pièce. C'était extraordinaire. Je me laissais aller, tournoyant lentement sur moi même sur une mélodie que moi seule pouvais percevoir. Si quelqu'un m'avait vu, il aurait pu honnêtement me traiter de folle. C'était la première fois que je touchais l'obscurité et c'était grisant.
Alors je compris. Je vis de quoi il parlait et je compris pourquoi il nous mettait en garde. Je ne voulais pas rentrer. Jamais.
Plus rien n'avait d'importance. D'un seul coup, tout ce qui m'opprimait depuis des années, conscient et inconscient s'envolaient. Je me sentais libre, dans un état d'une pureté intolérable.
J'en pleurais.
Plus de colère. Plus de frustration. Plus d'injustice. Plus d'incohérence.
Pourquoi avions nous perdu cela ? Pourquoi ? Ma détresse éloigna l'euphorie. Je poussais un profond soupir.
J'étais dans la forêt. Je le savais, c'était tout. L'odeur d'humus emplissait mes poumons. L'humidité m'enveloppait de sa fraicheur. Même si je ne voyais pas la lumière de la lune entre les branches des arbres, je percevais leur vibration. Je déambulais silencieusement. J'étais devenu cette ombre frémissante, ce mouvement qui vous donne froid dans le dos, cette présence qui vous fait croire que vous n'êtes pas seule.
J'allais quelque part et nulle part à la fois. Je cherchais quelqu'un ou quelque chose. Je la cherchais et je finis par la retrouver. Une couleur, une vibration, un parfum, une chaleur... Indescriptible. Une humaine. Charlotte. Mais ce simple prénom n'avait que peu de sens ici. Nous étions quelque chose de bien trop complexe.
A son contact, je fus de nouveau submergée par la puissance de l'obscurité. L'euphorie me gagna, me faisant oublié ce pourquoi j'étais là. L'obscurité avait encore plus d'emprise sur elle que sur moi. Je l'admirais. Je pouvais la voir dans ce qu'elle était de plus pure et de plus vraie. Elle tournoyait. Elle vibrait. Elle brillait. Nous étions si belles.
La nuit fut courte et longue à la fois. Grisant et percutant.
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