8 ° L'orage éclate °
Les nuages sont devenus noirs comme l'acier. Le vent est tombé, annonciateur d'une bonne tempête. Tous les habitants du port ont senti la menace qui pèse et nous les voyons filer jusque dans leur maison la tête basse.
Nous en faisons de même, retournant dans la coquille rassurante de la voiture. Nous sommes en plein milieu de l'après-midi mais il nous faut mettre les phares tellement il fait sombre. Il n'y a pas un chat sur la route. L'atmosphère est électrique.
Nous arrivons au manoir sans encombre. Les braises ne se sont pas éteintes et nous pouvons les rallumer facilement en soufflant dessus. Charlotte est étrangement silencieuse. Je vois bien qu'elle réfléchit mais je n'ose briser le silence.
Soudain un éclair blanc ébloui le salon pendant une fraction de seconde. Je lève le nez. Le tonnerre tonne. Je sens mes poils se hérisser. Le vent souffle d'un seul coup, fort. On entend les arbres grincer et le vent gémir en s'engouffrant dans les interstices de la maison. Nous nous approchons d'une fenêtre, à la fois fascinées et inquiètes. Bien au chaud à l'abri des intempéries, nous regardons la tempête prendre possession du ciel.
Il y a encore quelques éclaires qui viennent zébrer le ciel, accompagnés des tambours roulant toujours plus forts. Et puis la pluie se met à tomber d'un seul coup. Des trombes d'eau. C'est diluvien. Des rigoles se forment, des mares envahissent les moindres trous d'herbes. La vitre devient flou tellement l'eau ruisselle dessus. L'orage.
Je suis allée prendre une douche brûlante avant d'attraper la crève. En redescendant, je m'attendais à tous sauf à voir Charlotte en train de jeter les carnets dans le feu de la cheminée.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? je m'écris en me précipitant pour l'empêcher de continuer.
Je lui arrache les carnets des mains et récupère tant bien que mal ceux qui commencent à brûler. Malheureusement, pour certains c'est trop tard. Je sens mon cœur se serrer.
- Pourquoi tu as fait ca ?
Je suis en colère. Mais surtout je ne comprends pas ce qui lui prend. Je la fixe avec dureté. Elle soutient mon regard.
- Ce ne sont que des contes stupides, déclare-t-elle. Les élucubrations d'un fou. J'ai repensé à ce que nous disons au café. Nous ne sommes pas folles. Tout du moins pas encore. Mais ce que fait cet homme dans ces carnets... C'est mal.
L'orage gronde au dessus de nos têtes. Je m'énerve.
- En quoi est-ce mal ?
- Il ment. Il nous fait croire qu'il y une solution à tout cela. Mais la vérité c'est qu'il n'y en a pas. Le monde est juste cruel, mauvais... Absurde !
Je ne suis pas d'accord mais je la laisse finir.
- Mieux vaut arrêter de rêver ou alors nous finirons folles.
Je reste silencieuse. Nous nous observons longuement. Je la vois doucement perdre de sa morgue. Soudain, un éclair ébloui l'intérieur du salon avant d'être suivit par le rugissement du tonnerre. Je réalise que les plombs ont sauté et que sans les flammes dansantes de la cheminée nous serions plongées dans l'obscurité.
Je ne sais pas ce qui se passa dans ma tête. J'aime à croire que le destin était en marche et qu'il avait prit les rennes. Sans un mot, je pars dans la cuisine remplir un casserole d'eau froide. Charlotte ne bouge pas du salon, encore sonnée par sa crise. Elle me regarde revenir avec la casserole pleine mais n'esquisse pas le moindre geste pour m'empêcher de faire la chose la plus évidente et la plus absurde à la fois.
- Il faut éteindre la lumière, dis-je comme si cela pouvait tout expliquer.
Alors dans le silence profond du manoir, dans ce lieu gorgé d'histoire, je verse l'eau sur le feu créant un panache de fumée qui nous fit tousser. Quand je rouvrais les yeux, les ténèbres m'accueillirent sous les roulements du tonnerre et le crépitement de la pluie sur les vitres.
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