6 ° Folie et blessure °
« J'ai cru que la folie me guettait. Je suis allé voir le médecin. Il m'a dit que je manquais de soleil et de compagnie. Que la solitude n'était pas bonne pour l'esprit et que l'humidité était mauvaise pour le corps.
Je n'ai pas osé lui parler de « ça ». Il m'aurait prit pour un fou. Il m'aurait fait interner. Or je ne suis pas fou. N'est-ce pas ?
J'ai tellement peur. Des fois, je maudis ce manoir car je sais qu'il en ait la cause. J'accuse une maison. Un objet inerte. La folie me guette donc réellement ?
Pourtant...
J'ai quitté le manoir. Je suis allée rendre visite à de la famille dans le sud. C'est là que je réalisais que je n'avais plus vue le soleil depuis longtemps.
Par certains aspects, ce voyage fut révélateur. J'étais bien sous l'emprise de quelque chose. On me trouva changé. On accusa la solitude de m'avoir rendu taciturne. Mais au fond de moi, les choses étaient bien différentes.
A vrai dire, je fus percuté par le fossé qui me séparait désormais des autres. Je les voyais vivre dans une forme d'insouciance... d'absurdité qui me donnait la nausée. Je ne comprenais pas comment ils faisaient. Je n'arrivais plus à faire semblant. Que m'avait donc fait ce manoir ?
Pourtant au lieu de le fuir, j'y rentrais. On m'intima de ne pas y rester seul trop longtemps et de revenir souvent. Je mentis en leur disant que nous nous reverrions bientôt. C'était la dernière fois. Mais je ne le savais pas moi-même.
Je suis revenue malgré toute la souffrance que je savais y trouver. Car là-bas, j'avais peut-être mal mais je voyais avec une clarté éblouissante. Je savais d'où venait la douleur et je pouvais chercher comment la guérir. Tandis que là-bas, tout devenait flou et j'étouffais, j'agonisais sans pouvoir arrêter l'hémorragie. C'était intolérable.
Au moins, ici, je voyais la blessure. Je la voyais. Cette déchirure dans mon âme. Et après des efforts acharnés, je fus récompensé. Même si j'étais encore loin de la vérité. Triste vérité. »
***
Ces carnets avaient ouverts une brèche. D'abord invisible, elle grandissait de jours en jours. Je n'en pris moi-même conscience que très tardivement. Un processus invisible était en branle et nous étions maintenant des pions. Chaque matin, je me levais avec ce sentiment poisseux de tourner en rond. Chaque matin, le mur de l'absurdité était un peu plus douloureux. Chaque matin, je me sentais un peu plus perdue.
Au début, je l'ignorais. Je me lançais corps et âmes dans mon travail et j'arrivais à faire abstraction. Mais la musique se fit de plus en plus forte. Si bien qu'il nous fut impossible de l'ignorer. Notre mal être nous explosa au visage en même temps, dans un chaos douloureux.
Elle réveilla la colère de Charlotte. Elle réveilla ma frustration.
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