5 ° Les contes sont pour les enfants °


Je me réveille en sueur avec la nausée. Au vu de l'obscurité, nous sommes en plein milieu de la nuit. Je me lève et je vais aux toilettes pour vomir. Je manque avoir un arrêt cardiaque en tombant sur Charlotte. Elle pousse un cri de frayeur en me voyant. Nous rions, un peu nerveusement.

Elle est toute pâle. Elle aussi est malade. J'ai d'abord peur que nous ayons attrapées froid à travailler sous la pluie. Finalement c'est Charlotte qui trouve la réponse. Ce sont les gaz des marais.

Il est cinq heures et demi. Un peu tôt pour se lever mais je crois qu'aucune de nous n'a envie de retourner se coucher. Nous descendons dans la cuisine et nous mettons à faire de la cuisine. Nous nous lançons dans la confection d'un gâteau et en quelques minutes, cette nuit mouvementé devient un simple mauvais souvenir, entre la chaleur du four et nos rires. Cela entraîne d'ailleurs une longue discussion sur les bienfaits de faire la cuisine et de la catastrophe de notre temps à ce sujet qui bascula sur la question du temps des choses.

Le gâteau est un vrai décile, encore brûlant. Nous l'avons accompagné d'une tisane de plantes trouvées dans la forêt. Charlotte me voit perdu dans mes pensées.

- A quoi penses-tu ?

Je dois avoir un être étrange car elle devient sérieuse. J'ai peur de paraître stupide. Moi-même je n'assume pas. Mais d'un autre côté, j'ai envie de lâcher-prise et je sais que Charlotte me pardonnera.

- Charles dit qu'il faut se plonger dans le noir pour accéder à ce monde étrange.

Charlotte m'écoute en silence. Je me frappe intérieurement mais je continue.

- Et si on essayait ?

Le silence devient lourd. J'ai envie de disparaître sous terre.

- Si tu veux.

Je relève la tête. Elle a un sourire en coin amusé mais aucune moquerie dans le regard. Elle n'y croit pas une seconde mais elle le voudrait. Elle a envie que je donne vie à ce rêve étrange alors elle est prête à me suivre, aussi fou et insensé cela peut-être. Mais si pendant quelques instants, nous pouvons croire aux rêves, cela vaut le coût.

La nuit est encore assez opaque. Il nous faut quelques minutes pour faire le tour de la maison et éteindre toutes les lumières. Plongées dans l'obscurité, je devine la silhouette de Charlotte grâce aux rayons de la lune. Le silence est doux. Nous percevons le bruissement des grands pins et le chant d'un oiseau nocturne. La maison gémit de temps en temps. C'est apaisant et dérangeant à la fois, un brin inquiétant. Mais il ne se passe rien.

Pendant quelques instants, le charme opère. Nous nous mettons à chuchoter et à partager nos rêves, nos secrets les plus profonds comme si l'absence de lumière leur permettait de se dévoiler pour la première fois. Nous murmurons des choses qu'on ne peut dire que dans le noir, loin de la cruauté tranchante et implacable de la lumière qui ne laisse place à aucune ambiguïté. Pendant un temps, nous nous fondons dans l'obscurité.

Mais bientôt, la réalité reprend ses droits et la bulle éclate. Tout cela n'est qu'une vaste blague, les délires d'une vieille homme. Nous rallumons la lumière, clignant des yeux, les rétines agressées et nous rangeons la cuisine ne silence.

Je suis confuse. Charlotte est tout aussi dubitative. Mais ce n'est pas grave. Ce n'est jamais grave. Car au fond, nous n'y croyons pas. Nous savions que ce n'était pas possible. Une rêverie d'enfant. Et d'un commun accord, nous rangeons les carnets à leur place, sur l'étagère du fond de la bibliothèque, à côté de notre naïveté.

Il se passa plusieurs semaines.

Studieuses.

Calmes.

En paix. 

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