4 ° Retour à l'état sauvage °
Ce matin, il pleut averse. Je me suis installée dans la cuisine pour lire. Comme il ne fait pas froid, j'ai pu laisser la porte ouverte sur le jardin et le bruit de la pluie et des oiseaux vient jusqu'à moi. Ici, c'est encore plus fort car le silence est parfait. J'entends la porte de la cuisine s'entrouvrir. Je relève la tête. C'est Charlotte. Je lance un regard au livre qu'elle a entre ses mains. C'est un des carnets de Charles. Je lui montre le mien. Cela nous fait rire. Elle vient s'asseoir en face de moi et se sert une tasse de thé.
- Il parle de choses... étranges.
Je penche la tête sur le côté, curieuse de savoir ce qu'elle entendait par là. Pour ma part, j'ai continué à lire de façon chronologique tandis que Charlotte, après les avoir classé par date, a jeté son dévolu sur un des derniers.
- Il expose une curieuse théorie sur l'équilibre de notre monde, si j'ai bien compris. Comme quoi le balancement entre la lumière et l'obscurité serait nécessaire et donc éternelle.
J'ai un petit rire. Je tendis la main et elle me donna le carnet. Je tournais les pages, hypnotisée par l'écriture manuscrite de l'homme.
- Je le lirais. Ce sera plus simple.
- C'est ce que j'allais te dire.
Elle lève le nez pour regarder dehors et grimace.
- Il ne s'arrête pas de pleuvoir depuis ce matin, ronchonne-t-elle. On doit vraiment aller s'occuper du bois ?
Je hausse les épaules.
- On n'a pas acheté nos magnifiques imperméables pour les regarder pendre sur le porte-manteau.
Elle rigole.
Dans la remise nous récupérons une hache en bon état et nous rejoignons le cabanon un peu à l'écart. Derrière, de grosses bûches y ont entassées. Largement de quoi tenir pour nous mais il nous faut d'abord les débiter en morceaux raisonnables. Après avoir difficilement tirés et positionnés la première souche, Charlotte s'attèle à la tâche. Pendant ce temps, je prépare des petits fagots avec les brindilles. Cela nous aidera à faire démarrer les feux.
Au bout de deux bonnes heures à nous relayer, la pluie finit par se calmer. Charlotte me propose d'aller nous promener un peu. Il est vrai que nous n'avons pas encore eu le temps d'explorer le domaine dans son intégralité. Nous nous enfonçons donc, sans pour autant quitter le sentier, émerveillées par la nature sauvage qui nous entoure, les perles d'eau qui scintillent et le bruissement de l'eau.
Alors que nous déambulions, nous tombons sur un spectacle étonnant. Devant nous, un marais s'étale formant un dédale sublime entre terre et eau. Bien à l'abri dans nos bottes, nous slalomons au milieu de ses flaques argentées avec une joie enfantine. Nous sommes bien loin de la civilisation. Ce décor fantastique nous a transporté dans un monde oublié où les contes et les légendes peuvent prendre vie avec une aisance merveilleuse.
Nous chuchotons, comme si nous avions peur de déranger. Charlotte a lu que les marais dégage parfois un gaz qui peut s'enflammer et faire ces petites flammèches bleues qu'on a longtemps prit pour des farfadets. Je ne tiens plus en place. Malheureusement, nous n'avons pas le plaisir d'en voir. Peut-être a-t-il trop plu?
Nous rentrons joyeusement, les yeux brillants, fantasmant sur un chocolat chaud et le diner de ce soir.
Charlotte tombait de fatigue et m'a abandonnée dans le salon. La nuit est tombée et la pluie a reprit de plus belle. J'ai décidé de m'atteler aux carnets. Il me faut d'abord un peu de temps pour m'habituer à l'écriture manuscrite et puis très vite, je me fais happer par ce que cet homme raconte. Je ne prends d'abord pas très au sérieux ses élucubrations dignes d'un bon roman. Mais plus j'avance, plus je me prête au jeu et me laisse convaincre. Charles semble essayer de traduire quelque chose à demi mot. Comme s'il ne savait comment le transcrire. Mais les rares descriptions qu'il laisse entraperçoit sont intrigantes.
Le sommeil me prit subitement en traitre et je glissais dans les bras de Morphée sans même m'en rendre compte, la tête encore pleine des mots étranges de cet homme d'un autre temps.
Carnet de Charles
« C'est à partir de ce jour que j'ai commencé à écrire. Comme si au plus profond de moi, quelque chose avait senti que c'était nécessaire. Parmi les rares choses que je comprends, c'est que ce manoir, cet endroit, fait partie du processus. Ce que je vais vous dire s'apparente à de la magie même si il n'en est rien. Mais pour quelqu'un qui n'a jamais expérimenté la chose, je comprendrais parfaitement son aberration.
Je sens que des choses graves vont arriver. Je sens que je change. Profondément. Je sens que ces lieux ont un impact que je ressens. La plupart du temps, nous ne nous rendons pas compte des choses et des évènements qui nous impact. Ici c'est différent. Je le sens qui roule, glisse, souffle et je me sens changer. C'est troublant. Presque terrifiant. Mais malgré tout, je sais que cela n'est pas mauvais. Enfin, je l'espère.
Le monde est en équilibre. Cela a toujours été ainsi. Et c'est le lent balancement entre toutes ses forces qui régule le monde, fait pulser la vie. Il faut maintenir le balancement. Toujours. Plonger dans l'un ou dans l'autre ne nous mènera qu'à notre perte. Rien ne peut être absolu sans devenir nocif. »
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