Introduction: Le béton pour ciel et le silence pour compagnon.
Cela aurait pu être inscrit dans les étoiles. Elles auraient pu briller pour montrer le chemin. Comme une route éternellement disponible pour ceux qui avaient la curiosité de lever la tête et observer le monde.
Pourtant, la route de Namjoon restait sombre à cause du plafond de la pièce. Le béton bien trop épais et l'absence de fenêtres l'empêchaient de pouvoir lever les yeux et de voir. Il n'avait que le noir comme camarade et le silence comme compagnon.
Cela n'a pourtant pas toujours été ainsi. Il y a plus de dix ans, il pouvait laisser ses mains toucher l'herbe fraiche, sentir l'odeur des pins et avoir la lune comme guide. Le silence était souvent brisé par les cris, les rires et les chuchotements de sa famille et ses amis. Namjoon faisait partit d'une meute assez grande à l'époque. Plus d'une cinquantaine d'individus vivaient ensemble dans un village perdu au flan d'une montagne. Ses parents n'étaient pas les plus hauts dans la hiérarchie mais ils étaient respectés pour leur sagesse et leur savoir. La famille de Namjoon était connue pour engendrer des loups forts et braves. Des loups prêts à tout pour protéger les leurs. Son grand-père fut le Grand Alpha de la meute avant de laisser sa place à un autre : plus fort, plus jeune et prêt à aider la meute à vivre de mieux en mieux. Le père de Namjoon n'avait pas la carrure d'un Grand Alpha, bien qu'il en soit un Alpha. Et il n'était pas coutume que le titre de Grand Alpha se passe de père en fils mais de compétent en compétent. On ne nait pas Grand Alpha, lui disait son grand-père, on le devient.
Namjoon n'avait jamais eu le temps de rêver d'une grande vie. À dix ans, on ne pense pas vraiment à ce que l'on deviendra, avec qui l'on sera : cela nous semble naturel que tout soit comme dans le présent mais juste un petit peu différent.
Mais à regarder la pièce dans laquelle il était enfermé depuis treize ans, il n'aurait jamais pu imaginer ça. Vivre entre quatre murs, sous les coups de plus nombreux que lui, bougeant dès que la liberté s'approchait trop près de lui, caché à l'abris des yeux du monde et servant un homme plus avide et cruel que ce qu'il avait imaginé en le voyant pour la première fois.
Ce serait mentir que de dire qu'il n'a pas peur de l'homme qui tient sa vie au bout d'une chaine. Ce serait mentir que de dire que son corps ne tremble pas quand l'homme ressert le cuir autour de son cou lorsqu'il est en colère. Mais ce serait mentir que de dire que Namjoon ne rêve pas de planter ses crocs dans la gorge de l'homme dès qu'une occasion se présente.
Namjoon avait dix ans lorsqu'en jouant avec ses amis, il avait vu ses parents se faire assassiner. La journée avait pourtant bien démarré. Il faisait beau, chaud et il jouait dans son jardin avec Yoongi, Jungkook, Jin, Taehyung et Jimin. Un match de foot improvisé sous la chaleur écrasante de l'été. La maison de Namjoon étant un peu plus éloigné du village, personne n'avait entendu les hurlements ni sentit la mort. Par contre, ils avaient fini par entendre les coups de feu. Et plus les assassins se rapprochaient d'eux, plus l'odeur de la mort tâchant leurs vêtements se sentait. Ils étaient cinq quand sa mère sortit dans le jardin, les yeux remplis de larmes, de peur, de rage et de résignation. Elle hurla à son fils unique de partir et de prendre les plus jeunes dans leur bras pour aller plus vite.
Namjoon attrapa Jungkook quand Jin prit Jimin et Yoongi enroula ses bras autour de Taehyung. Ils avaient couru jusqu'à la cave construite par le grand-père de Namjoon pour son petit-fils. Une cave imprenable dont plusieurs sorties étaient possibles. Comme un véritable terrier, lui avait-il chuchoté.
Il n'était ni le plus vieux, ni le plus adapté mais il avait ressenti cette pulsion à l'intérieur de lui lorsqu'il avait entendu les aboiements des chiens et les cris des hommes à leur poursuite. « Prends Jungkook » avait-il dit tout en mettant dans les bras d'Hoseok l'enfant en pleurs. Il leur avait dit de descendre dans la cave pendant qu'il faisait le guet. En leur indiquant de bien prendre le quatrième tunnel en partant de la gauche. Yoongi fut le dernier à descendre et Namjoon avait planté ses yeux dans les siens « qu'importe ce qu'il se passe, vous ne vous retournez pas et vous ne faites pas marche arrière. »
Namjoon avait dix ans lorsqu'il avait décidé de fermer la trappe derrière Yoongi, de la recouvrir de feuille et de s'écorcher la main pour que l'odeur de son sang soit plus attirante pour les chiens que l'odeur de ses amis. Namjoon n'avait que dix ans lorsqu'il s'était mis à courir ni trop vite ni trop lentement pour ne pas éveiller les soupçons mais les attirer vers lui. Namjoon n'avait que dix ans lorsque le premier chien lui avait mordu le mollet et qu'il avait découvert que les chasseurs ne tuaient pas forcément tous les demi-loups qu'ils chassaient.
De tous les hommes pointant leurs armes sur lui, il n'y en avait qu'un qui avait baissé son fusil et ordonné aux autres de faire de même. Il avait vu dans le regard du jeune Namjoon que l'enfant avait accepté la mort mais qu'il ne supplierait pas ni pour qu'on l'achève ni pour qu'on l'épargne. Et c'était exactement ce genre de demi-loups que l'homme cherchait.
Et Namjoon avait survécu. Les chasseurs l'avaient amené avec lui et en avait fait une bête de compétition. Plusieurs fois par mois, il devait combattre dans une arène d'autres loups. Un combat qui pouvait se terminer par la mort. Namjoon avait déjà sentit la mort d'autres loups avant que lui-même ne doive se battre. Namjoon avait lui-même était le bourreau de quelques loups bien trop agressifs pour être juste maitrisés.
Et aujourd'hui, dans cette prison faite de béton, il sentait sa propre mort. La veille, la combat avait été bien trop violent. Son adversaire s'était acharné sur sa patte arrière gauche. Il l'avait mordu jusqu'à l'os, retirant chaire, muscle et tendu. Puis il avait visé sa patte avant droite en refermant fermement sa mâchoire dessus pour briser les os. Il n'avait pu répliquer que pour planter ses crocs dans la jugulaire du loup. Namjoon avait gagné le combat mais perdu la vie. Car l'homme qui le possédait l'avait ramené, forcé à reprendre forme humaine et un docteur véreux l'avait examiné avant de dire que son pied droit serait inutilisable. Il était destiné à devenir handicapé. Namjoon ne pourrait plus gagner avec une telle blessure. Et pour la première fois, il avait vu le désir de meurtre dans les yeux de son propriétaire.
Alors, quand la porte de la pièce s'ouvrit, qu'il sentit qu'on lui tirait la chaine de son cou pour le réveiller, il savait. Son propriétaire était accroupi en face de lui. Tirant sur la chaine pour soulever le corps du demi-loup jusqu'à son visage. Son autre main se rapprocha doucement de ses cheveux pour le caresser comme le chien qu'il était.
« J'aurai préféré te garder encore quelques années. Tu n'es pas vieux. C'est tellement dommage. »
Dans cette caresse, Namjoon sentait une compassion étrange. Comme si son ennemis, l'homme ayant participé au massacre de ses parents et de sa meute, regrettait réellement de vouloir le tuer.
« Tu as été un bon loup. Un enfant plein de force et de caractère. J'aurai aimé pouvoir t'avoir encore un peu avec moi. »
Il relâcha, pour la première fois, délicatement la chaine et Namjoon se rattrapa sur sa main valide.
« Tuez-le ce soir. Je ne veux pas l'entendre gémir. »
Et la porte se referma sur sa condamnation à mort.
Le plus ironique pour lui, c'était de ne pas savoir quand la mort viendrait. Dans cette pièce sans fenêtre, il n'avait aucune idée du temps. Il s'était allongé sur le sol. Son t-shirt plus rouge que blanc et son jogging gris comme seule protection. Les morsures qu'il avait sur tout le corps et la douleur de son pied et sa main le tenaient réveillé. Il n'avait pas envie de mourir. Il avait toujours cru qu'un jour où il pourrait tuer l'homme qui l'avait capturé, torturé et forcé à se battre.
La porte s'ouvrit et il ne prit même pas la peine de lever les yeux pour regarder les hommes qui venaient l'achever. Pourtant, son nez renifla une odeur qu'il n'avait pas sentie depuis son dernier combat. Une odeur qu'il n'avait jamais sentie ici. C'était un mélange de pin et de terre. Cela respirait la forêt. Sans lever la tête, il la bougea à même le sol pour voir les silhouettes noires à cause du contre-jour. Elles l'observaient de toute leur hauteur.
« C'est un miracle qu'il soit encore en vie. »
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