Chapitre 88

Mathieu ne dit rien et la façon dont il s'abandonnait aurait pu, à elle seule, précipiter Claire dans le vertige.

Elle baissa les yeux sur son buste.

– Je veux te toucher, souffla-t-elle.

Elle descendit les mains sur le corps de Mathieu, longeant ses flancs, aux bords de son torse, esquivant précautionneusement la surface de son dos qu'elle ne voulait pas blesser davantage. Et elle baisa ses tétons, s'agenouillant progressivement, lécha les lignes de ses muscles sur lesquels les lumières des bougies dansaient, embrassa ses abdominaux qui durcirent sous ses attentions... Jusqu'à ce qu'elle se trouve, enfin, devant son bassin dont la proéminence était visible sous le tissu du pantalon. Elle en fit aussi vite sauter les boutons. C'était maintenant, qu'elle le voulait. Son sexe, sa chair. Elle baissa son vêtement, délesta le corps de Mathieu du moindre tissu embarrassant jusqu'à le voir nu devant elle, pur et offert.

Alors, elle prit sa verge dans sa bouche.

L'expiration qu'en lâcha Mathieu témoigna de la tension sexuelle de l'instant, si vive que Claire dut poser les mains des deux côtés de son bassin pour le maintenir en place tandis qu'elle faisait entrer et ressortir son membre en elle, au gré de ses envies et de ses pulsions. C'était elle qui tenait les rênes. C'était elle qui prenait. Et c'était si fascinant, de se saisir, ainsi. Avec langueur, elle fit glisser le sexe de Mathieu dans sa bouche, le couvrant de salive, frottant son méat de sa langue, l'embrassant de ses lèvres, galvanisée par ce pouvoir qu'elle possédait avec Mathieu, attaché. Elle le fit trembler et haleter, et sentit chacun de ses muscles se raidir, et entendit la chaîne tinter... Et lorsqu'il parvint aux lisières de l'orgasme, elle le vit à la tension de ses muscles et à la lourdeur de ses soupirs, et qu'il aurait pu lui donner ce qu'elle attendait, elle s'arrêta. Non pas qu'elle n'ait plus le désir de le voir jouir. Mais l'avoir ainsi à sa merci la fascinait trop vivement. Elle sortit son sexe de sa bouche pour le caresser avec sa joue, et leva les yeux sur le visage de Mathieu. Il semblait prêt à la dévorer.

– Détache-moi.

C'était un grondement, plein de langueur, de désir et d'impatience, et c'était la première fois qu'il lui faisait cette demande.

Elle répondit :

– Non.

Elle faillit ajouter qu'il avait des safewords, parce qu'il aurait pu en user à cet instant, ou même juste insister, mais elle n'était pas encore prête à dire de telles paroles, et puis Mathieu savait déjà. Il la laissait explorer ce pouvoir nouveau pour elle en toute conscience, avec ces nouvelles règles.

– Je croyais que tu voulais me voir jouir, objecta-t-il avec tendresse.

Elle sourit.

– Oui.

Dans une pulsion, elle se redressa, non sans garder sa verge en main, qu'elle sentait pulsante et humide de salive. Elle approcha avec envie son visage de celui de Mathieu et contempla son expression tandis qu'elle faisait des va-et-vient sur son sexe, fascinée par le mélange de plaisir et de souffrance à être maintenu ainsi sur les berges de l'orgasme qui s'afficha sur ses traits. Lorsqu'il pencha la tête vers elle, approchant ses lèvres des siennes, elle ressentit avec émoi tout ce qu'il y avait de fabuleux à éprouver son souffle contre le sien, et le frôlement de leurs peaux... Et à quel point cette vérité-là balayait toutes les autres, unique et suffisante.

– Détache-moi, haleta Mathieu de cet air frondeur qu'elle aimait tant, chez lui.

– Pourquoi ?

– Tu sais pourquoi.

Elle ralentit ses mouvements sur sa verge.

Hésitante, elle cessa même de le caresser pour se mordre les lèvres dans un instant d'interrogation.

Oui, elle savait pourquoi.

Et elle en avait envie.

Elle leva les yeux sur les bracelets de cuir qui emprisonnaient les poignets de Mathieu. Ils étaient simplement refermés avec des boucles de métal. Et ils étaient trop hauts pour qu'elle les atteigne.

–Le mécanisme est là ? lui demanda-t-elle de confirmer en observant l'endroit où elle avait vu la maîtresse s'activer plus tôt.

– Oui.

Quelques secondes encore, elle s'interrogea sur ce qu'elle faisait : si elle poursuivait encore ce jeu, cette exploration si exaltante du pouvoir qu'elle possédait, ou si elle cédait au besoin qu'elle avait de Mathieu.

Elle alla vers le mur. Tandis qu'elle actionnait le système de poulie qui permettant de faire descendre la chaîne, elle demanda à Mathieu, la question revenant d'un coup dans son esprit:

– C'est au Petit Prince, que font référence tes safewords ?

Mathieu prit un temps de latence puis il souffla :

– Oui.

Elle ne dit rien de plus.

Elle le contempla juste tandis que la chaîne s'abaissait et que ses poignets redescendaient.

La tension sexuelle, quand elle revint s'en occuper, était intense.

A peine l'eut-elle libéré qu'elle perdit la main sur ce qu'il se passait, et elle la perdit avec envie et délectation. Mathieu la plaqua contre lui et ses mains furent aussi vite sur ses fesses et ses lèvres sur les siennes, et son bassin contre le sien... chaud, brulant, extatique. Lorsqu'il la souleva pour la porter jusqu'au mur attenant, elle s'accrocha avec force à son cou. La pierre râpa son dos mais ce fut sans importance, la bretelle de sa robe dégringola sur son épaule, son décolleté s'ouvrit, et la bouche de Mathieu fut sur son cou, son sein, la faisant se tordre et s'accrocher à ses épaules... Et après, ce fut plus rapide encore, mais ça aussi, ce fut sans importance. Sa culotte glissa sur ses jambes, sa robe remonta autour de sa taille et enfin, enfin, Mathieu souleva ses cuisses pour entrer profondément en elle. Son corps l'accueillit avec facilité, comme s'il n'attendait que ça. Comme si c'était ce qu'ils devaient vivre... Et ça l'était : ce qui devait se passer entre eux. Alors, Claire s'agrippa à lui, gémissant sous chacune de ses allées et venues, et la manière dont leurs corps se mêlèrent et dont leurs souffles se mélangèrent, dont leurs bassins se heurtèrent, dont leurs plaisirs se répondirent, avaient des airs de vérité. Tout fut vrai, sur l'instant. Tout fut intense : la force avec laquelle Mathieu la prit, celle avec laquelle il atteignit l'orgasme, la lourdeur de ses râles, ses tremblements dans l'extase, et le contact de cette tempe qu'il posa contre la sienne, ce lien, puissant : au-delà du plaisir. Elle le maintint serré contre elle, l'entourant de ses bras et de ses jambes ouvertes, s'abandonnant à lui, comme il s'était abandonné à elle.

– Tu n'as pas joui, lui souffla-t-il enfin, intime et doux, malgré ses halètements.

– Non.

Mais elle n'en avait pas besoin.

– C'est assez comme ça, dit-elle.

C'était bien assez. Bien suffisant. Elle était submergée à tous les niveaux : de plaisir, d'émoi et de cette prise de conscience qu'elle avait repoussée jusque-là.

Il y aurait d'autres fois...

Ce fut ce qu'elle se dit tandis qu'elle se laissait glisser au sol, avec Mathieu qui l'accompagnait. D'autres occasions de jouir, d'autres expériences, entre eux, d'autres échanges de pouvoir, d'autres étreintes, lentes ou rapides, amusées ou empressées, d'autres plongées dans la fascination, le besoin, le jeu, l'émotion et ces sentiments fous et merveilleux à la fois qui l'étreignaient avec lui. Ce n'était pas une fin, juste un commencement.

Et ce le fut plus encore quand elle répéta ces mots, sachant alors parfaitement ce qu'ils signifiaient :

– Je suis à toi.

C'était une libération, curieuse. Quelque chose de doux et d'apaisant. Quelque chose de puissant qui disait : « alors, ça y est, tu vois, Claire ? C'est passé. Tu n'as plus besoin de te battre ou de te forcer à avancer. Tu peux vivre, maintenant. » Et elle eut les larmes aux yeux en constatant à quel point, maintenant que ce poids était parti, il avait été dur à porter jusque-là, et quel avait été ce fardeau qu'elle avait trainé durant tout ce temps.

Un long frisson remonta en elle et ses lèvres tremblèrent.

Elle leva le regard sur Mathieu.

Le sourire tendre qu'il lui adressa était la plus belle chose qu'elle ait pu contempler.

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