Chapitre 84
Elle ne fut pas moins bouleversée en découvrant enfin ce que sa position dans la pièce avait caché à son regard. Et ce fut inquiétant, et ce fut alarmant, et ce fut terrible, et ce fut beau, aussi, parce que le dos de Mathieu, en lui-même, était un tableau, parce qu'il s'était donné volontairement à ce jeu-là, parce que pas une fois il n'avait essayé ou même marqué la moindre volonté de se soustraire à son sort et parce qu'il se tenait droit... Et les longues lignes qui striaient les reliefs de son dos étaient autant affolantes que captivantes : traits purs de pinceaux qui en majoraient l'attrait.
– Je veux que tu regardes comment je m'y prends, dit la maitresse.
Claire essaya de s'extirper du vertige qui la possédait mais c'était difficile. Elle était tellement perdue... Et elle le fut plus encore quand la voix de Mathieu s'éleva, rompant ses expirations erratiques pour émettre un avertissement :
– Catherine...
Mais la maitresse le fit taire d'un simple « chut », qui semblait dire autant « attends de voir » que « je sais ce que je fais ». Le soupir que poussa Mathieu marqua, plus que son acceptation, son besoin de se détendre, et de se préparer mentalement au coup à venir. Claire n'oubliait pas qu'il restait celui de la maitresse. Encore un, au moins ; elle ne savait pas ce qu'il se produirait ensuite.
La maitresse parla d'un phrasé lent, comme pour être sûre que Claire aurait bien le temps d'intégrer toutes les consignes, mais aussi pour l'inciter à se connecter puis attentivement. Claire mit toute son attention sur elle, les sens aux aguets.
– La première qualité, c'est la précision, expliqua la maitresse.
Quand elle fit claquer le fouet dans l'air, Claire en fut impressionnée mais elle ne bougea pas pour autant : elle l'écouta recommencer en commentant ses actes.
– Il ne sert à rien d'y mettre de la force. Cet objet, notamment, est largement assez « fort » en lui-même. Par contre, il faut être précis donc chaque geste mérite d'être répété au préalable, chaque objet d'être maitrisé. Entre une caresse et une entaille, ça peut se jouer au millimètre.
Elle plongea dans les yeux de Claire.
– Tu connais le risque de contournement ?
Claire fit « non » de la tête. Elle essaya de trouver ce qu'il pouvait y avoir derrière ce mot.
– Regarde, reprit la maitresse.
D'un coup, elle abattit son fouet sur le côté d'un poteau. La démonstration fut édifiante : à peine le virage engagé, son extrémité fusa.
– Tu as vu ? demanda-t-elle en se tournant.
Claire acquiesça.
– Jamais la pointe du fouet ne doit opérer de contournement en bout de course, précisa la maitresse. Là, tu peux vraiment avoir des dégâts, autant par la vitesse acquise que par l'atteinte d'endroits non voulus. Et, bien sûr, il y a des zones interdites. On ne frappe jamais sur la colonne vertébrale avec un objet dur. Tu dois soit utiliser la cravache, comme Vanessa, mais alors là, ou là...
Et elle s'approcha du corps de Mathieu pour bien montrer les secteurs des deux côtés de la colonne où l'objet pouvait s'abattre sans risque. Claire eut envie d'y poser la main. De toucher sa chair, d'en éprouver le contact.
– Soit prendre un objet souple comme celui-ci, continua la maitresse, mais il faut alors une maitrise véritable.
Et, ce disant, elle repoussa Claire d'une main et dit « regarde », ce qui fit s'accélérer brutalement sa respiration et son corps se couvrir de frissons tandis que la maitresse étirait le bras en arrière, prolongé par cette arme stupéfiante qu'elle avait dans la main. Une ultime fois, le fouet trancha l'air dans une vision qui fut plus effrayante encore que les précédentes – Claire voyait tout et elle en était si proche – et, en même temps, plus fascinante que jamais.
Le fouet cingla la peau, le corps entier de Mathieu en frémit et un son douloureux s'arracha de sa gorge, suivi d'un halètement qui marqua non seulement les répercussions de ce coup mais aussi celles, cumulées, de tous les précédents. Quand Mathieu se relâcha enfin, ce fut pour reposer son visage contre son bras et chercher à retrouver son souffle, faisant penser à Claire que ça suffisait ainsi. Qu'il avait bien assez subi cette punition. Elle ne voyait pas ce que pourrait apporter un coup de plus.
Mais la maitresse tendit le bras vers elle, avec le même geste désinvolte qu'elle l'avait fait avec Vanessa, sans même lâcher le dos de Mathieu du regard. Et lorsque Claire baissa les yeux dessus, ce fut pour voir, avec une confusion inégalée, le fouet lui être présenté.
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