Mathieu était décidément beau, ainsi, dans cette maîtrise extrême. Il l'était en permanence, mais le voir aussi concentré, avec ses bras tendus vers le haut, son torse étiré et son menton baissé, donnait de lui une image biblique, renforcée par l'éclat chaud des bougies autour d'eux.
Et il était libre. Cela pouvait paraître surprenant de penser ainsi, mais ce fut pourtant ce que Claire remarqua. Il était attaché, mais libre en lui-même, et sauvage, et c'était comme un spectacle venu d'un autre monde qui s'offrait à elle, fantasque et puissant.
Elle eut envie de voir à quoi ressemblait désormais son dos : si la cravache avait laissé une marque rouge, si on voyait sa forme rectangulaire sur la peau dorée de Mathieu. Elle en fut obnubilée. Et se dire qu'il y en aurait au moins six autres lui fit bizarre, et que, si Mathieu avait aimé ça, dans le passé, peut-être qu'il l'aimait encore... ou peut-être qu'il n'aimait pas vraiment ça lui non plus, parce que Claire ne pouvait pas dire que ce soit quelque chose qu'elle appréciait elle-même, mais c'était tout ce qu'il y avait autour qui rendait cet acte particulier : tout ce que ça voulait dire, tout ce que ça faisait ressortir... Cette jubilation dans le don et la possession.
Elle aurait donné n'importe quoi pour avoir accès à ses pensées, mais rien que les siennes étaient floues. Elle ne savait toujours pas exprimer ce qu'elle ressentait par rapport à tout ça. C'était dur, de mettre des mots dessus et Mathieu avait raison, à ce sujet : probablement ne le saurait-elle jamais véritablement. Il le lui avait dit, que les interrogations restaient toujours, qu'on ne s'en débarrassait pas, qu'elles faisaient partie de cette sexualité et que c'était des compagnes avec lesquelles il fallait apprendre à vivre... De bien curieuses compagnes. Un fardeau à porter, en contrepartie de celui dont on se délestait.
Les interrogations resteraient là.
Elles resteraient.
Elle n'en prit véritablement conscience qu'à ce moment, repassant dans sa tête tous les questionnements qu'elle avait eus ces derniers temps, tous ses besoins de réponses. Accepter qu'il ne puisse pas forcément y en avoir, qu'il fallait juste vivre avec faisait partie des étapes à passer.
S'accepter soi-même. Tel que l'on est.
Captivée, elle observa Vanessa revenir vers la maitresse pour lui tendre la cravache mais celle-ci refusa pour lui indiquer Olivier d'un mouvement de menton. Sans ne plus attendre, Vanessa vint lui mettre l'objet dans les mains.
Olivier ne traina pas.
Il afficha un petit sourire en coin, en dessous du masque qui recouvrait partiellement son visage, et s'avança d'une allure décidé.
A peine eut-il pris position derrière Mathieu qu'il fit un pas en avant jusqu'à se trouver juste derrière sa nuque. Ce qu'il lui chuchota alors à l'oreille, Claire ne put l'entendre, mais ce fut suffisant pour sortir Mathieu de sa concentration en lui arrachant un sourire. Puis Olivier recula pour se mettre en place et abattit sa cravache en un coup fort, qui fit émettre à Mathieu une grimace qui affola Claire mais portait en même temps une part d'amusement devant la mauvaise blague que venait de lui faire son ami. Le « enflure », complice, que Mathieu grogna à l'intention de son ami alors qu'il repartait finit de dédramatiser la scène. Olivier retourna à sa place dans une expression d'amusement.
Claire en fut stupéfaite. Elle n'aurait pas imaginé assister à ça : cette espièglerie, tranchant dans la gravité, cette façon de se jouer des règles pour transformer un tel acte en un instant de jeu.
Sans plus attendre, Olivier tendit la cravache à Isabelle. Cette dernière ne bougea cependant pas. Elle resta bras croisés à l'observer, sans rien dire, tandis qu'Olivier fronçait les sourcils. Isabelle finit par décliner d'un mouvement négatif de la tête. Quand elle se dirigea vers l'un des placards muraux, Claire sentit son pouls s'accélérer. Elle n'avait pas prêté attention à ces éléments de la pièce, jusque-là, tant ils faisaient du décor, tant... elle n'avait pas songé qu'ils puissent être utilisés.
La voir y fouiller un moment dedans n'eut rien de rassurant.
Mais ce ne fut rien par rapport à ce que Claire éprouva en voyant Isabelle en sortir cet objet terrifiant et fascinant à la fois qu'était le fouet dont ils avaient déjà parlé avec Mathieu. Celui, mythique, qui ne distillait pas sa force en plusieurs queues. Celui qui n'en possédait qu'une, unique, celle où se concentrait toute la puissance du coup.
Isabelle ne prit toutefois pas d'initiative sans attendre l'appui de la maitresse, et elle resta immobile face à celle-ci en l'interrogeant du regard.
La maitresse acquiesça.
Le silence, bercé seulement par les pas d'Isabelle, était étouffant. Les bougies faisaient danser des lumières changeantes dans la pièce, rendant le moment grave et solennel.
Claire se demanda, même, pourquoi personne ne parlait, mais en jetant un regard à la maitresse, elle le comprit. Parce que tout le monde était concentré à l'excès. La maitresse observait Mathieu comme si elle était à l'affut de la moindre goutte de sueur qui pourrait poindre sur ses tempes, et Mathieu opérait un centrage sur lui-même qui ne souffrait pas de distraction.
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