Chapitre 8

***

Claire remonta les jambes contre son torse, les serrant dans ses bras. Elle s'était assise sur un muret bordant un platane dont elle profitait de l'ombre et Olivier se tenait juste à côté d'elle. En face d'eux, un groupe jouait une musique entrainante tout en chantant en occitan, au pied des bâtiments colorés et des terrasses de bars du centre-ville d'Aix en Provence.

– Ça a été, quand tu es rentrée chez toi ? lui demanda Olivier.

– A peu près. J'étais contente que mes colloc's ne soient pas là.

Et, pour cause : elle avait pu prendre un long bain puis s'user longuement à détailler les marques striant sa peau. Et à tâcher de ne pas les trouver choquantes.

Elle avait bien sûr échoué.

Trois jours étaient passés, depuis.

– Tes fesses te font encore mal ?

– Non.

– Et tes cuisses ?

C'était celles-ci qui l'avaient le plus fait souffrir. Claire avait sous-estimé la manière dont les coups sur l'arrière de celles-ci avaient pu être douloureux. Aujourd'hui encore, elle était étonnée d'avoir enduré ça. Et étonnée de s'être sentie autant bouleversée. Et plus encore étonnée d'avoir eu à ce point envie d'être prise par Mathieu, après, soumise à cette possession extrême dont lui aussi, avait exprimé le besoin.

– Ça va, répondit-elle sans détailler.

En apprenant par Mathieu qu'elle se trouvait à Aix pour la journée, Olivier l'avait appelée. Lui-même était venu y acheter des affaires, et elle faisait des recherches de logement pour l'année scolaire à venir, son école de journalisme y étant située. L'idée de quitter le havre de paix que représentait l'appartement qu'elle partageait en collocation avec ses meilleures amies lui était à la limite du supportable, mais elle tâchait de s'en accommoder. Elle faisait bonne figure... Le fait que la chaleur ambiante ait diminué ces derniers jours lui avait laissé l'excuse idéale pour porter un pantalon fluide plutôt qu'un short ou une jupe. Depuis sa dernière entrevue avec Mathieu, elle n'avait traîné qu'ainsi. Bien que ses meilleures amies se soient montrées tolérantes vis-à-vis de sa relation avec ce dernier, il aurait été inenvisageable qu'elles puissent voir l'état de sa peau. Elles en auraient été horrifiées.

Un peu plus loin, une fontaine projetait des gouttes d'eau sur les pavés désunis de la place. Elle y perdit un instant son regard.

Bientôt, elle serait loin de tout : plus encore de son ex, Thomas, ce qui représentait probablement le seul éloignement bénéfique à venir, plus encore de ses parents, et même de ses amies. Quant à Mathieu, il serait encore à une heure de voiture. Seul le club, finalement, se rapprocherait d'elle. Elle refusait d'y voir un quelconque signe, un témoignage du fait qu'elle n'allait qu'en s'enfonçant dans cette sexualité. C'était ce qu'elle avait voulu découvrir en se dirigeant vers ce milieu, après tout : cette part sombre, latente, de ce qu'elle était.

Olivier eut un sourire.

– Les soumis n'aiment que rarement les marques, dit-il, avant de préciser : En même temps, c'est normal.

Claire tourna la tête vers lui, mais ne lui demanda rien. Elle attendit juste que la suite sorte.

– Notre corps nous donne des informations, expliqua Olivier. Une peau qui bleuit, des rougeurs qui s'installent, des traces qui restent plusieurs jours, c'est toujours un avertissement. C'est une manière qu'il a de nous montrer qu'il arrive à ses limites.

Les paroles d'Olivier étaient pleines de sens.

Elle repensa à sa soumise.

– Et Vanessa ? Elle les aime ?

Mathieu lui avait parlé du rapport que la soumise d'Olivier avait avec la douleur.

– Oui. Mais tu n'es pas obligée d'être comme elle.

– Non...

Elle prit un temps, puis ajouta :

– Bien sûr.

Elle ne poursuivit pas.

– Tiens, lui dit Olivier en lui tendant un petit carton à l'aspect brillant.

Elle le prit en mains. Il s'agissait d'une invitation au club à son nom. Elle le retourna. Une date – celle du lendemain – et une heure y étaient inscrites.

– C'est l'heure à laquelle il faut que je m'y rende ?

– Oui. Mathieu m'a chargé de te dire que Véronique t'y attendra.

Elle chercha dans sa mémoire, essayant de se remémorer à qui avait pu appartenir ce nom dans les membres du club qu'elle avait rencontrées la première fois.

– La dominatrice qui avait une tenue de cuir rouge ?

– Oui, confirma Olivier. Celle qui était venue te chercher pour t'emmener dans la salle des maîtres.

Elle se rappelait bien, oui. Tout comme pour l'autre dominatrice, Isabelle, dont attitude l'avait mise mal à l'aise.

– Elle s'occupera de toi, ajouta-t-il.

Claire acquiesça, pensive.

– Olivier ? lança-t-elle soudainement.

– Oui.

Elle prit une petite inspiration. Depuis sa rencontre avec Mathieu, elle avait eu beaucoup à affronter ses propres démons : sa peur de se retrouver de nouveau dans une relation sous influence, comme avec son précédent compagnon, ses interrogations quant à ses tendances, sa crainte d'être anormale... Mais c'était Mathieu qui, désormais, lui avait renvoyé toutes ces inquiétudes dans la figure. Mathieu qui avait semblé si troublé, soudain, à la fin de leur dernière séance, lui qu'elle avait toujours vu si solide et si assuré, jusque-là...

– Qu'est-ce qu'il se passe, avec Mathieu ? lui demanda-t-elle d'un coup.

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