Chapitre 68
Claire but une gorgée de sa bière. La fraicheur du goulot trancha sur la chaleur de ses lèvres, brûlantes d'émotion contenue. Elle se les lécha brièvement.
– Il parait que ton Mathieu est sympa, remarqua Hugo avec un sourire amical.
– Bien sûr...
Elle ajouta :
– Quand il ne cravache pas des fesses, il est même adorable.
Hugo lui adressa une œillade amusée.
– Mais toi, tu aimes que tes fesses soient cravachées.
– Oui
Elle n'aurait jamais pensé avouer ça, un jour. Il était curieux que ce soit devenu si naturel, presque « normal » ; un jeu avec lequel blaguer.
– Alors, c'est quoi, le problème ?
– Il n'y en a pas. C'est juste moi.
Elle contempla la piscine, ses amies, et le jardin de la famille d'Hugo qui offrait une vue si jolie sur les alentours.
– C'est juste... juste moi, répéta-t-elle, consciente de cette vérité.
Juste elle. Elle et ses interrogations, elle et sa peur.
Elle but sa bière silencieusement. Béné et Camille discutaient toujours au bord de l'eau.
– Et cet appart', tu le trouves ? la relança Hugo.
– Que dalle...
Elle rit.
– Ça aussi, c'est un signe : je ne pourrais pas chercher moins efficacement.
– Pourtant, je croyais que tu n'attendais que ça, d'entrer dans cette école.
– Bien sûr. C'est toujours mon rêve. C'est juste le reste dans lequel je n'arrive pas à me projeter.
– Dans quel sens ?
Elle haussa une épaule.
– Dans tout.
Elle ne savait même pas comment formuler ses pensées, mais Hugo ne lui en laissa de toute façon pas le loisir.
– Mais, est-ce que c'est important ? embraya-t-il.
– Bonne question.
Peut-être qu'elle se prenait trop la tête, encore. C'était sa « maladie ». L'une de ses faiblesses personnelles, du moins.
– Vous ne vous embêtez pas autant, avec Béné.
– Tu rigoles ? réagit-il en levant un sourcil. Je n'arrête pas de me dire que, si ça se trouve, ça signera la fin de notre vie de couple.
Elle éclata de rire. Ça paraissait tellement saugrenu.
– Mais pourquoi ?
– Ben, tu sais bien, le quotidien, le ménage à faire en commun, les chaussettes qui traînent ou les miettes de chips retrouvées dans le canapé, les magazines posés en vrac et non pas rangés par ordre alphabétique...
– N'importe quoi. Béné est tout sauf maniaque, et toi pareil.
Il lui adressa un sourire complice.
– Bien sûr. Mais c'est dans l'idée. Tu comprends ?
– Oui.
Oui, elle comprenait. Et ça la touchait, qu'Hugo et Béné, qui avaient toujours incarné le couple parfait pour elle, puissent avoir eux aussi des doutes, et avoir peur. C'était rassurant.
– Je n'imagine pas une seule seconde que ça puisse mal se passer, entre vous, commenta-t-elle d'un ton rassurant.
– Moi non plus, dit Hugo, mais ça ne m'empêche pas d'y penser.
Elle but une gorgée.
– Ça serait bien de ne plus avoir peur, souffla-t-elle, pensive.
– Ce serait dangereux.
Elle tourna le visage vers lui.
– Sans peur, pas d'anticipation, poursuivit Hugo. Pas de préparation aux dangers.
– C'est sûr...
– C'est comme les cauchemars : on en a besoin.
– Tu crois ? lui demanda-t-elle, sceptique.
– Oui. Faire un cauchemar, c'est répéter le pire qui pourrait nous arriver. C'est s'entraîner à l'affronter.
Elle sourit. Ce qu'il disait était plein de sens.
– La peur sert à ça, reprit-il : à anticiper le pire et nous offrir la possibilité de l'éviter. Sans peur, pas de capacité à se défendre contre les coups durs de la vie.
– Et tu ne préfèrerais pas ne pas avoir peur, avec Béné ?
– Non.
Il parut réfléchir et répéta :
– Non. Et, même si elle n'en parle pas, je sais que Béné a peur, aussi.
– Elle n'a rien dit, en effet.
– Elle ne dira rien.
Il ajouta :
– Tu la connais.
Claire sourit. Bien sûr que Béné garderait le silence à ce sujet. Sa meilleure amie, son roc, qui portait toujours tout sur ses épaules et paraissait indéfectible, n'était pas aussi solide que ça. Et Hugo et Béné, son couple « parfait », pouvait avoir peur, aussi.
– Qu'est-ce que vous racontez encore tous les deux ? les charria la concernée, en arrivant à leur niveau.
Elle était trempée, avec les longs cheveux pleins d'eau et sa stature athlétique, et elle était belle.
– On parle fessée, répondit Hugo avec un grand sourire.
Béné lui claqua direct l'arrière de la tête.
– N'importe quoi.
Claire pouffa.
Béné renchérit en levant les yeux au ciel :
– Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un mec et une meilleure amie pareille ?
– Et une cousine pareille, compléta Hugo en se frottant le crâne avec un sourire amusé.
– Ne m'en parle pas !
Ce disant, Béné porta un regard de désespérance théâtrale sur Camille, toujours dans l'eau.
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