Chapitre 57


Elle contempla ses lèvres. Tentantes. Aguicheuses.

– Je croyais que c'était à moi de mener le jeu, dit-elle, sans se laisser démonter.

Le trouble, pourtant, restait là. Le trouble puissant, le trouble vibrant.

Mathieu eut un sourire, plus doux que son attitude précédente.

Lorsqu'il la relâcha, elle ne recula pas. Elle resta ainsi à le regarder.

Quelque chose qui ressemblait à du doute, et une maîtrise moins forte, passa dans les yeux de Mathieu.

– Tu m'attendais ? dit-il.

– Peut-être...

Elle se sentit fragilisée, en avouant ça. Et, sur l'instant, Mathieu aussi semblait fragile, comme si le jeu auquel ils s'adonnaient n'était qu'une façon de masquer des profondeurs qu'ils ne voulaient pas s'avouer, de jouer à la lutte de pouvoir comme elle avait voulu jouer à oublier.

Les lèvres de Mathieu étaient si proches, si accessibles...

Avait-elle déjà fait le geste, une fois, de l'embrasser ainsi ? De se tenir au-dessus de son visage et de diriger elle-même l'acte, de décider du moment où leurs lèvres se toucheraient et de la façon dont elles entreraient en contact ? Elle ne le savait plus, mais elle ne savait plus rien, en fait. Elle n'avait plus rien connu, auparavant. Elle était neuve, vierge, et c'était sa première fois.

Elle descendit doucement, effleurant sa bouche de son souffle, sans la toucher.

La question vint d'elle-même, puissante, sortie des souvenirs rémanents des derniers jours. Elle souffla :

– Tu es à moi ?

– Oui, répondit Mathieu.

Et il le fit sans temps d'attente, sans hésitation. Sans gêne, non plus. Comme si c'était si simple de le lui dire, si naturel. Elle-même aurait dû, peut-être... Peut-être dire... Mais son esprit était trop confus et même les mots de Mathieu appartenaient trop au domaine du rêve. A l'imaginaire. Au lointain.

Doucement, elle posa les lèvres sur les siennes et ce fut comme si elles ne s'étaient jamais touchées. Comme si c'était la première fois qu'ils s'embrassaient, la première fois même que sa bouche touchait une autre, comme s'il n'y avait pas eu d'antécédents, comme si... comme si ça devait arriver, et leurs lèvres faites pour être l'une contre l'autre, faites pour s'étreindre. Elle étira la langue et sentit dans un électrochoc la rencontre avec celle de Mathieu. Elle s'en gava. Durant un moment, ils ne firent que ça : s'embrasser, sans même se toucher, se délecter de ce baiser dans lequel passait tout ce qu'elle ne lui avouerait pas, tout ce qu'ils ne se disaient pas. Elle en fut essoufflée.

Lorsqu'elle releva la tête, elle manquait d'air et la tête lui tournait. Elle s'était versée dans ce baiser à en étouffer.

– Ne bouge pas, souffla-t-elle .

Mathieu obtempéra.

Elle observa son cou : cette chair qui l'attirait tant, offerte. Sans plus réfléchir, elle embrassa sa peau, la mordit presque, prit, là, ce qu'il lui donnait, le posséda, et il y avait de ça, en elle : elle était « possédée » dans la manière dont elle s'emparait de lui.

Elle l'observa.

Mathieu avait écarté le visage pour lui laisser plus d'amplitude et s'étendait toujours, sous elle. Il était somptueux dans la domination et magnifique dans la manière dont il s'offrait à ses envies, à égale intensité. Ce qu'il lui donnait était important justement parce qu'il était la puissance, il était l'autorité... Il avait la capacité physique de la retourner dans la seconde. Il aurait pu la prendre, s'il l'avait voulu. Il aurait pu faire ce qu'il voulait. Elle n'aurait pas pu lutter mais elle n'aurait pas cherché à le faire, de toute façon. Peut-être agirait-il ainsi, d'ailleurs.

Mais pour l'instant, là, il se donnait.

Lentement, elle descendit sur son torse et baisa son pectoral, et pressa de sa main le muscle de l'autre côté. Mathieu laissa faire, même lorsqu'elle mordilla un peu trop vivement son téton. Au contraire, il la contemplait avec une curiosité mêlée à quelque chose de brulant dans les yeux, quelque chose qui l'incendiait en retour. Elle lécha le téton qu'elle venait de malmener.

Plus bas, son sexe semblait l'appeler, dressé, tendu, vers elle.

Elle plongea dans le regard de Mathieu.

– Tu veux que je te suce, dit-elle.

– Toujours...

Rêveusement, elle fit glisser son index sur son ventre, suivant les abdominaux sculptés par le travail physique, et la douce ligne de poils blonds, jusqu'à ce qu'elle atteigne la base de son sexe. Elle y entoura les doigts. Puis elle serra.

Mais elle ne bougea pas pour autant.

Elle ne quittait pas Mathieu des yeux. Son sexe pulsait dans sa main, réclamant qu'elle aille plus loin, mais elle restait immobile.

Elle vit le coin des lèvres de Mathieu se relever, comme s'il attendait de voir comment elle allait agir ou bien s'en amusait.

Probablement les deux.

– Prends-le dans ta bouche, dit-il.

Elle ne répondit pas.

Il reprit, avec un ton plus qui aurait pu paraître autoritaire s'il n'avaitpas été empli d'autant de curiosité quant à sa réaction :

– Suce-moi.

Cette façon de lui parler l'enflammait suffisamment pour qu'elle puisse y céder, et ce serait certainement ce qu'elle aurait fait en d'autres circonstances, mais ce qu'il se passait entre eux était différent.

Tout était différent. Elle était loin, leur première fois, guidée par le désir et la curiosité, dans le club. Désormais, ce qui se jouait était lourd de sens, lourd de signification, juste non avouée. Tue, par l'un comme par l'autre. Cachée dans ces interstices invisibles qui sont ceux des non-dits.

Elle plongea dans son regard. Elle s'y noya.

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