Chapitre 46



Note d'autrice : Nouveau chapitre ! On change un peu de contexte, en passant du côté de Claire et de son entourage.

***


Claire décrocha de l'activité à laquelle elle s'adonnait pour penser à Mathieu. Elle n'arrêtait pas...

Elle appuya son dos contre le dossier du siège de l'ordinateur, y dénouant ses tensions en poussant. Ça faisait des heures qu'elle écumait les annonces de logement. Ça faisait des heures qu'elle peinait à se concentrer. Elle avait trouvé plusieurs appartements viables mais les loyers restaient délirants et il lui faudrait de toute façon se déplacer pour les visiter. Et puis, c'était loin. Ça lui faisait tellement bizarre de se préparer à quitter Orange... Et à s'installer ailleurs, ainsi. Aix-en-Provence n'était pas une ville inconnue : Claire avait bien eu l'occasion d'y mettre les pieds, mais elle ne lui était pas familière pour autant. Claire n'y avait aucun ami, pas même de simple contact. Sa fac s'y trouvait, par contre : cette faculté de journalisme qu'elle avait tant voulu rejoindre, dont elle était s'étant échinée à réussir le concours d'entrée.

Elle étira ses bras, fit craquer ses épaules et se leva, en baillant, pour aller rejoindre Béné qui s'adonnait à sa passion numéro deux, après le sport, soit se coller devant des programmes débilitants à la télé. Elle ne prêta pas attention à ce que c'était ; entendre l'une de ces pseudo-interviews qui réexpliquait en commentaires ce qui avait déjà été montré dans l'émission ne laissait aucun doute sur le fait que Béné regardait une télé-réalité. A peine arriva-t-elle devant le canapé faisant face au fauteuil où s'était installée Béné qu'elle s'y laissa tomber, le nez dans les coussins, façon zombie.

– Je n'en peux plus...

– Oh, tu voudrais dire qu'Aix est une ville bourgeoise dans laquelle on ne peut pas se loger à moins de vendre un rein ? réagit Béné d'un ton pince sans rire. Tu déconnes !

Claire étouffa un sourire amusé dans les coussins. Elle se retourna pour se retrouver allongée sur le dos.

– C'est encore plus cher qu'Avignon...

– Parce que tu veux t'y installer ?

L'enthousiasme de Béné la mit mal à l'aise, en plus de la faire se rendre compte qu'elle avait, encore, songé à Mathieu.

– Non...

Elle jeta un œil gêné à son amie et ajouta :

– Je disais juste ça comme ça.

Elle avait seulement regardé les prix des loyers. Comme ça. Avignon et Aix étaient l'une comme l'autre à deux heures de route, de toute façon. Mathieu serait à deux heures de route. Ils seraient encore plus éloignés et... est-ce que ça avait du sens, d'abord, quand elle ne le voyait de toute façon que pour coucher avec lui ?

Elle ferma les paupières, se morigénant aussitôt pour la stupidité de cette pensée.

Ils avaient fait le test... Il était le seul avec qui elle ne se protégeait plus. Et le seul avec qui elle avait des relations sexuelles, aussi. Le seul qui occupait ainsi son esprit. Tout le temps.

– Et pourquoi pas ?

Elle rouvrit les yeux en soupirant.

– Comme si je pouvais faire tous les jours quatre heures de bagnole aller-retour pour aller à la fac...

– Mouais...

Comme si elle pouvait se pointer chez lui pour s'y installer, comme ça... Et ça marcherait comment ? Et est-ce que ça marcherait, seulement ?

– Et Mathieu en dit quoi ? la relança Béné.

Un nouveau soupir s'arracha à la gorge de Claire. A croire qu'elle ne faisait que ça.

– Eh bien...

Elle haussa une épaule. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien dire ? Mathieu ne disait rien ! Ni lui ni elle n'évoquait la question de l'avenir, jamais, Mathieu parce qu'il était ainsi : toujours dans l'instant, elle commençait à le connaître à ce sujet, et elle parce que le faire aurait été se brûler... Ils avaient pourtant parlé des heures, au téléphone, depuis la dernière fois. Des heures. A en avoir les bras usés et l'oreille douloureuse. Raccrocher n'en avait pas été moins difficile , à chaque fois.

Elle n'avait rien à répondre à cette question. Elle tourna la tête vers la télé. Les publicités venaient de se mettre en route et le volume sonore avait monté d'un cran.

Béné la relança :

– Et trouver d'autres colocataires, tu y as pensé ?

– Non, je ne me vois pas m'installer avec d'autres, vraiment...

Béné eut un sourire en coin, moqueur, qui répondait à la tendresse avec laquelle Claire venait de prononcer ces derniers mots.

– Putain... Tu vas me manquer, connasse.

Claire se redressa d'un coup, en riant.

– Mais comment tu me parles !

– Comme à une lâcheuse...

Elle lui lança un coussin. Béné l'évita, hilare. Claire s'avachit de nouveau sur le canapé.

– Comme si tu n'en avais pas marre de me voir squatter là...

Béné ne dit rien mais le coin de sa bouche resta remonté en un petit sourire. Elle lâcha finalement :

– Tu te rends compte qu'on va vivre ensemble, avec Hugo ?

– C'est génial.

– J'aimerais pouvoir dire la même chose pour toi.

Claire sentit l'affection l'envahir aux mots de son amie.

– Un jour, peut-être...

Et rien que le fait qu'elle puisse de nouveau l'envisager était énorme. Et qu'elle puisse de nouveau le vouloir, et qu'elle puisse y rêver... Et, dans chacun de ses rêves, Mathieu était là. Mathieu comme un besoin, Mathieu comme une présence, Mathieu comme un morceau d'elle-même qui lui avait manqué jusque-là et qui la faisait se sentir entière quand elle était à ses côtés... Que sa vision de l'avenir ne soit plus constitué d'elle, d'un mur solide, et puis des autres de l'autre côté, était un profond bouleversement. Elle ne pouvait pas faire comme s'il s'agissait de quelque chose d'anodin.

Bénédicte ne la loupa pas, d'ailleurs, car une lueur maligne brilla dans son regard.

– Ne dis rien de plus ! anticipa Claire.

Béné réagit d'un rire, puis sauta sur ses pieds pour aller farfouiller dans le placard de la cuisine.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top