Chapitre 37
– Détache-moi, redit-elle.
Cette fois, il n'attendit pas. A peine ouvrit-il les menottes qui retenaient ses poignets que Claire ramena ses mains devant elle, se massant la peau.
Elle s'assit sur le cheval d'arçon. Ses fesses lui firent aussitôt mal. Elles avaient été tellement sollicitées ! Elle pouvait sentir encore les claques que lui avait mis Mathieu, la tension due à la manière dont il l'avait ouverte... Elle redescendit précautionneusement pour poser les pieds au sol et ce fut comme si elle touchait la terre ferme après une traversée secouée de tempêtes, et qu'elle continuait néanmoins de tanguer.
Mathieu était parti vers un lavabo, plus loin, et il passait son sexe sous l'eau. Claire le trouva beau dans ce geste commun. Elle éprouva la proximité d'Isabelle, tout juste contre son corps, avec un émoi curieux. C'était très différent de ce qu'elle avait ressenti auparavant avec elle... Une connivence, dans la contemplation de Mathieu. Une forme d'intimité. Lorsqu'elle tourna le visage vers Isabelle, elle remarqua que cette dernière paraissait désormais s'intéresser à elle non plus comme une rivale ou une soumise à manier à son gré, mais en tant que personne... Claire s'arqua légèrement en arrière, prenant appui sur le cheval d'arçon devant lequel elle se tenait. Lorsqu'elle sentit la semence de Mathieu menacer de couler entre ses cuisses, elle eut une première réaction de gêne, mais elle refusa de s'en laisser embarrasser. C'était ça aussi d'avoir cessé de porter des protections, ça de se donner chair à chair, l'un à l'autre. C'était normal.
– Je la veux maintenant, dit Isabelle à l'intention de Mathieu, mais sans cesser de la fixer.
– Je le sais, répondit ce dernier.
Il les rejoignit en refermant son pantalon.
Le regard d'Isabelle possédait toujours ce quelque chose d'hautain qu'elle avait en permanence, cette façon de toiser les autres qui avait dérangé Claire dès les premiers instants, mais d'autres sentiments le diluaient : de l'intérêt, sincère. Et de l'attrait. Quand le doigt d'Isabelle se posa sur son sein pour suivre le tour de son aréole, Claire se laissa faire. Elle se crispa juste légèrement lorsqu'elle appuya sur son mamelon encore sensible, le faisant se plisser. Les mots sortirent d'eux-mêmes de sa bouche :
– Pourquoi ?
Isabelle haussa un sourcil. Elle ne s'arrêta pas de la toucher pour autant et fit même rouler son téton, doucement d'abord, suscitant des sensations chaudes dans sa poitrine qui se transformèrent en douleur lorsqu'elle le pinça plus fort, la faisant même ouvrir la bouche pour haleter tandis que Mathieu se rapprochait d'elle. La manière dont il posa la tête contre la sienne apaisa son émoi, celle dont il l'inclina pour humer l'odeur de ses cheveux et de sa peau l'enivra... Isabelle relâcha son mamelon.
– Je ne t'ai jamais vu comme ça, dit-elle à Mathieu.
– Jamais, confirma-t-il.
Il baisa le cou de Claire. Elle s'en laissa emporter. Ses gestes étaient devenus si tendres...
Quand il s'écarta légèrement pour s'appuyer d'une main sur l'assise du cheval d'arçon à côté d'elle, Claire remarqua le regard d'Isabelle sur eux. Il était toujours hautain, incisif à excès.
Claire était toujours nue, sans le moindre rempart pour se protéger.
– Tu ne m'aimes pas, dit-elle.
Isabelle haussa une épaule assortie d'une moue dubitative, comme si elle aurait eu du mal à lui répondre.
– Il n'est pas nécessaire d'aimer pour vouloir.
Et elle se retourna pour se diriger vers un râtelier accroché au mur. Quand elle se saisit d'une cravache, Claire eut du mal à en encaisser la vision. Elle sentit le stress monter en elle, rampant sous sa peau jusqu'à la faire se hérisser.
Elle adressa un regard à Mathieu. Il était collé à son épaule et son regard dégageait une douceur qui tranchait avec la volonté ferme dont il avait fait preuve jusque-là. Ou alors la complétait. Elle n'aurait su le dire. Elle pouvait voir l'homme souriant, amusé de tout, en lui, mais aussi le dominant : celui aux yeux d'un noir d'abîmes qui imposait ses désirs d'un simple souffle, à qui elle avait décidé de s'offrir, sans craintes et sans réserves...
Sans doutes.
Elle en était pétrie, pourtant.
Elle en avait toujours été pétrie mais parfois plus vivement que d'autres. Quand il avait voulu qu'elle se soumette à Olivier, ça avait été difficile mais en aucune manière similaire au fait de le faire avec Isabelle. Olivier était agréable, rassurant... même si dur, dans l'acte, comme Mathieu. Isabelle, elle, l'avait toujours traitée comme l'intruse, celle qu'elle aurait voulu ne pas voir là. Que cette dernière veuille la dominer, maintenant, était tout sauf ce à quoi Claire s'était préparée. Que Mathieu ne s'y oppose pas non plus. A aucun moment, il n'avait freiné ses gestes, pas plus qu'il ne l'avait fait plus tôt avec la maîtresse.
La rébellion monta en elle, le besoin de comprendre. Elle fixa Isabelle.
– C'est quoi, le problème ? lança-t-elle soudainement.
Son ton avait été moins calme qu'elle ne l'aurait voulu, mais le stress ne l'aidait pas à se maîtriser.
– Avec quoi ? répondit Isabelle.
– Avec moi.
Isabelle eut un rictus, plus amusé que de rejet, toutefois, comme si elle n'était pas surprise de la voir se permettre une telle question.
Mathieu continuait à observer la scène, ne poussant ni dans un sens ni dans un autre, juste gardien des évènements, juste échauffant Claire de par la manière dont il effleurait son cou de son souffle, la propulsant dans un contraste vif, mais ce n'était pas neuf, avec lui. Être avec Mathieu était se tenir sur un fil, en permanence, vivre de contradictions et aimer autant que craindre le déséquilibre constant dans lequel il la projetait.
Isabelle leva les yeux au ciel, comme si elle réfléchissait à comment présenter les choses. Elle prit une inspiration.
– Il y a que j'ai toujours voulu Mathieu, lâcha-t-elle en testant le claquant de sa cravache dans sa main.
Le son sec fit se crisper Claire. Mathieu lécha son cou, majorant son émoi.
Le regard que lui adressa Isabelle fut autant acéré qu'attentif.
– Et, puisque je ne peux pas l'avoir, c'est toi que je veux.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top