Chapitre 8 : Des petits pains à la vapeur


Trop absorbée par les révélations de Cheng, Lily n'avait même pas remarqué que l'objet de leur conversation venait de surgir de nulle part. Pourtant, entre son aura glaciale, son regard sauvage et son air impavide, il n'était certainement pas le genre à passer inaperçu. Aussi mit-elle sa discrétion féline sur le compte d'une furtivité à toute épreuve. Sans doute un autre talent à ajouter à la longue liste de ses aptitudes dangereusement mortelles...

Dans un petit rictus, plus figé qu'amusé, Lily échappa tout haut :

- J'ai vraiment l'impression d'avoir débarqué dans un putain de film d'espionnage à la Jason Bourne...

- Tu verras que Matt Damon n'arrive pas à la cheville de notre « Hu zi ».

En s'entendant appeler « petit tigre », l'intéressé intervint d'une voix tranchante, qui frôlait l'exaspération : « Cheng. Ça suffit ».

- Quoi ? Tu devrais être content que je te couvre de louanges devant notre protégée.

Son ton malicieux dénotait une certaine complicité, dressant indubitablement le portrait de deux potes aussi différents que le jour et la nuit.

Lorsqu'il remarqua le plateau-repas que Li-Bai avait apporté avec lui, Cheng s'exclama avec un enthousiasme débordant : « Wow, des baozis et de la galette aux œufs ! »

- Pas pour toi, précisa laconiquement le « Hu zï » avec un regard d'avertissement.

- Pitié, dis-moi qu'il en reste. C'est l'hôtesse qui t'en a servi ?

Li-Bai se contenta de lui répondre par un « Mnn » assertif, avant que Cheng ne se précipite à la queue de l'avion.

En observant leurs interactions, deux surnoms se mirent à clignoter involontairement dans l'esprit de Lily : « Puppy Boy et Tiger Guy. ».

« Ça leur va plutôt bien » pensa-t-elle avant de se donner une énorme claque mentale. Elle devait vraiment être au bout du rouleau pour surnommer affectueusement deux hommes qui venaient de l'enlever !

Soudain, la désagréable sensation d'être observée lui pesa sur les épaules.

Levant les yeux, elle rencontra ceux de Li-Bai, noirs et insondables. Avant même qu'elle n'ait le temps de se sentir mal à l'aise devant sa beauté froide et patibulaire, le jeune homme déposa le plateau repas sur ses genoux.

« Mange. » ordonna-t-il en allant prendre place sur le siège vacant de son ami.

L'ordre laconique hérissa les cheveux de Lily et elle se demanda si quelqu'un avait un jour prit la peine d'avertir ce pantin inexpressif que les phrases de type « sujet-verbe-complément » c'était pas juste pour faire joli. Cependant, devant son visage sinistre et résolument fermé, elle n'osa pas lui en faire la remarque et se contenta d'afficher une politesse de façade :

- Merci, mais j'en veux pas.

Il haussa un sourcil noir, particulièrement mobile et bien dessiné, avant de lui demander platement :

- Tu n'aimes pas ?

- Si, j'ai juste pas faim.

- Alors force-toi.

- Pas envie que je te dis. .

- J'insiste.

Au fur et à mesure de leur échange, la voix du Tiger Guy se fit de plus en plus lourde et appuyée. Et son regard d'inflexible paternaliste commençait doucement à exaspérer Lily.

- Écoute, t'es bien mignon, mais je te dis que j'ai pas faim, alors fous-moi la paix !

- Tu n'as rien mangé depuis plus de 20 heures. Ce n'est pas sain.

- Non mais de quoi je me mêle ?

Devant l'air scandalisé de son interlocutrice, un soupir presque imperceptible s'échappa des lèvres épaisses de Li-Bai. Ses traits jusque-là impénétrables se contractèrent légèrement, comme si faire l'effort de lui donner une explication allait lui être pénible ou douloureux.

- Ma mission me donne la charge de ta santé physique. Ce qui implique de veiller à ton sommeil, tes maladies, tes blessures éventuelles et ton alimentation.

- Je me fous royalement de ta mission ou de ton excès de zèle. Je vais pas me laisser crever si ça peut te rassurer, alors lâche-moi un peu, tu veux.

Dans une expression ombrageuse, la mâchoire de Li-Bai se crispa, ses lèvres se serrèrent et ses sourcils se joignirent sur son front en un pli inquiétant.

- Pour la dernière fois, mange, articula-t-il lentement.

Au lieu de saisir la menace implicite, Lily se félicita intérieurement d'avoir enfin éveillé un semblant d'émotion sur ses traits marmoréens. Autant par curiosité que par défiance, elle croisa les bras, se cala dans son siège et se para de son air le plus narquois :

- Sinon quoi ? Tu vas me donner la becquée comme une maman oiseau ? Franchement, cette discussion est ridicule.

Dans un mouvement d'épaules, elle ponctua sa réplique en levant théâtralement les yeux. Ce qu'elle regretta aussitôt...

Juste le temps que le contact visuel ne soit rompu, Li-Bai bondit de son siège avec la souplesse et l'agilité d'un homme fauve.

En un battement de cils, il se retrouva penché sur elle. D'une main il attrapa son menton et de l'autre saisit un petit pain à la vapeur entre deux baguettes. Impassible, il appuya son pouce sous la courbe des lèvres de Lily et approcha la nourriture de sa bouche.

Les yeux ronds comme des billes de jade, la jeune femme s'enfonça dans son siège avec la prestance d'un chaton devant un tsunami. L'étouffante proximité de cet homme tyrannique générait en elle une gêne intense. Et malgré les inclinations de son tempérament rebelle, elle ne tenait pas à ce qu'il lui disloque la mâchoire pour la gaver de petits pains de viande. Alors en trois secondes chrono, elle capitula :

- Ok, c'est bon. On se calme. Je vais les manger tes baozis tout moisis !

« Bien. » conclut-il en relâchant enfin son visage.

Il lui tendit les baguettes et elle s'en saisit sans broncher. Puis, aussi rapidement qu'il s'était levé, il retourna s'asseoir avec dignité. Pendant qu'il la surveillait d'un œil inquisiteur, il ne manqua pas de lui souhaiter « màn màn chi », ou « un bon appétit » en chinois.

« Il se fout de ma gueule ? » se demanda un instant Lily.

Pourtant, elle devinait que ce type n'était sans doute pas le genre à faire preuve d'humour ou d'ironie. Aucune trace de plaisanterie ne traversait son visage dur et froid. La remarque ne se voulait rien d'autre que formelle et polie comme s'il s'accordait à respecter un code social plus par convenance que par sollicitude.

En vérité, si elle mettait bout à bout ses actions froides, son tempérament impérieux et son manque flagrant d'expression, il lui semblait fort probable que cet homme soit un véritable psychopathe. Et autant il était rassurant de savoir qu'il couvrait ses arrières, autant elle n'osait imaginer à quel point cela allait être insupportable de l'avoir constamment dans les pattes.

Embrochant vivement un petit pain à la vapeur au bout d'une baguette, elle se conforta en ce disant que reprendre des forces l'aiderait sûrement à se tenir prête pour une nouvelle confrontation. Il avait peu être remporté la bataille, mais qu'à cela ne tienne, dès qu'elle irait mieux, elle lui ferait comprendre qu'elle n'était pas femme à se laisser dicter sa conduite. 



J'espère que cette confrontation vous a plu. Lily n'est pas encore au meilleur de sa forme donc elle capitule vite, mais je vous promet de nombreux coups d'éclat pour la suite. 

Quand à Li-Bai, il ne sera pas toujours aussi inflexible et innébranlable, dans le fond c'est quelqu'un de gentil et de prévenant, avec des facettes surprenantes, mais je vous laisserez le découvrir. ^^

Sur ce je vous remercie de me lire et de me donner vos avis :)

Prenez bien soin de vous <3 

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