Chapitre 31 : Eureka
Le mythe voudrait que la formule Eurêka nous vienne d'Archimède, éminent scientifique de son état et exhibitionniste notoire de la Grèce Antique.
On raconte qu'en barbotant dans son bain, il aurait été pris de fulgurance et aurait ainsi théorisé le principe des corps flottants. Probablement emporté par l'effervescence de sa découverte, il serait sorti, nu comme un ver, pour se mêler aux honnêtes citoyens de Syracuse.
« J'ai trouvé ! » aurait-il hurlé en sillonnant l'Agora, exhibant de ce fait son énorme génie et accessoirement son thermomètre à moustache, dont la légende se garde bien de mentionner la taille...
Ce qu'il arriva à Lily sous la douche fut en quelques points similaires à cette histoire.
Dans un plaisir ni innocent ni proprement pervers, elle se remémorait les hilarantes réactions du tyran. Dès qu'elle heurtait sa pudeur, son aura glaciale et impavide fondait comme neige au soleil. Et elle ne se lassait pas d'ébranler toujours un peu plus sa complexion fière et stoïque de dangereux combattant.
Se félicitant de la manière dont elle était parvenue à inverser la tendance avec Li-Bai, ses méninges s'illuminèrent soudain avec l'éclat d'une guirlande de noël.
« Inverser la tendance... Retourner la situation... Mais c'est bien sûr ! »
La peau ruisselante et les cheveux à peine rincés, elle déferla hors de la cabine. Dans un réflexe précipité, elle enfila son peignoir et ouvrit la porte avec fracas.
Le jeune officier qui attendait sur le seuil, manqua de se faire éborgner. Et vu ce que ses yeux eurent la surprise de découvrir, sans doute aurait-il préféré :
Lily, l'obscène, l'infernale, se tenait devant lui.Visiblement trop trépignante pour avoir conscience de la vision qu'elle lui imposait, à mi-chemin entre la sensualité d'une nymphe sortie des eaux et la liesse du chien qui vient de faire un plongeon. Et tandis qu'elle s'agitait, entre les pans de sa sortie-de-bain, il aperçut ses deux seins blancs et bondissants, au galbe lisse et aux tétons ornés de perles humides, avant qu'elle ne lui crie d'une voix triomphale :
- J'ai trouvé ! Je sais comment traduire l'énigme !
- Wo kao* ! C'est une raison pour t'exhiber !? la réprimanda-t-il en lui faisant les gros yeux.
D'un geste sec, il réajusta le peignoir qui glissait de ses épaules et le referma sur sa sublime poitrine.
- Mais on s'en fout ! Je te dis que j'ai trouvé ! fit-elle en agrippant le tee-shirt du tyran, levant sa mine exaltée juste sous son nez.
- Me touche pas avec tes mains trempées. Reste tranquille, ordonna-t-il alors qu'il s'acharnait à nouer fermement la ceinture du vêtement autour de sa taille.
- T'es le pire rabat-joie que je connaisse. Mais sans toi j'aurais peut-être pas trouvé la solution. On fait la paix Tiger Guy ?
Même si sa désinvolture et son impudeur l'insupportaient, il se vit bien incapable de résister à la sincérité toute adorable et enfantine de sa demande.
- Mn, maugréa-t-il d'un air renfrogné en relâchant sa sortie-de-bain.
- Je prends ça pour un oui. Bon allez, je file. Et quand je reviendrai, ce sera avec la traduction de cette putain d'énigme !
Li-Bai trouva son sourire désarmant, radicalement plus magnifique que ses habituels rictus railleurs et sournois. Et en la regardant s'éloigner, pour la première fois, il se sentit en accord avec la tendresse inavouable qu'il ressentait pour elle. Du moins, jusqu'à ce qu'il remarque les flaques d'eau qu'elle avait répandues sur son sillage le long du couloir...
Non, vraiment, cette fille n'était pas faite pour lui.
De retour dans sa chambre, assise à son bureau, Lily s'étira, fit craquer ses doigts et roula des épaules comme une boxeuse prête au combat.
« à nous deux le Petit Prince. Prépare-toi à me cracher tous tes secrets mon filou . »
Depuis tout ce temps, elle n'était pas parvenue à donner du sens aux mots et aux symboles traduits. Si bien qu'elle avait commencé à remettre en question tout son avancement.
Sa seule erreur avait en fait été de chercher une traduction aux chiffres inscrits entre les lignes. Or, elle venait de comprendre que ces suites allant de 1 à 4 et qui se répétaient dans un ordre aléatoire ne correspondaient à aucune lettre ou à aucun mot. Il s'agissait en fait d'un sens de lecture extrêmement complexe.
Ce qui l'avait mise sur la voie, c'était bien évidemment cette idée d'inversion et de retournement.
Il existait en effet des modes d'écriture très anciens, comme le boustrophédon qui consistait à inverser alternativement le sens d'écriture. Étymologiquement « bous » signifiait « boeuf » et « strophé » référait à « l'action de tourner ». Ainsi, le système s'inspirait du bœuf qui sillonne le champ en zigzag, se retournant d'un pan à l'autre pour creuser les sillons dans la terre fertile. On pouvait donc observer, dans certains textes grecs du Ve siècle avant Jésus-Christ, une écriture qui allait sans interruption de gauche à droite, puis de droite à gauche.
Ici, Lan avait poussé le vice en recréant quatre sens de lecture différents. Ne restait plus qu'à déterminer quel sens devait indiquer tel ou tel chiffre. Elle se retrouvait donc avec quatre sens différents pour quatre chiffres, ce qui lui laissait seize possibilités à explorer. Ça allait être long, affreusement répétitif et prise de tête... À moins que...
Lily se souvint subitement de cette petite pendule dessinée au début du chapitre. Elle avait cru que Lan lui signifiait que le temps lui était compté. Mais sans doute voulait-il lui indiquer qu'elle devait tourner le livre dans le sens des aiguilles d'une montre. Ce qui donnait l'ordre suivant : 1, tourner vers le Nord ; 2, virer à l'Est ; 3, descendre au Sud ; et 4, s'orienter vers l'Ouest.
C'était un travail de longue haleine, mais si près du but, elle ne s'arrêterait que quand elle aurait mit un point final à sa traduction.
Pour la première fois, Li-Bai l'autorisa à passer une nuit blanche. Et des heures durant, elle tourna son livre en se dévissant le cou pour retranscrire le message caché.
Au petit matin, un cri de victoire retentit dans tout l'appartement.
En alerte dans la cuisine, les trois agents suspendirent leur petit-déjeuner en attendant de voir débarquer une Lily aussi échevelée qu'enthousiaste, arborant toujours son peignoir de bain.
Elle leur offrit un sourire éclatant de victoire et comme auréolée d'une couronne de laurier, elle se donna l'importance d'une conquérante en grimpant sur une chaise. Tenant le papier qui recelait ses découvertes devant son nez, elle leur déclama alors avec l'emphase d'un annonceur public :
« Lily, félicitations pour avoir découvert cette énigme, premier jalon de ton jeu de piste. J'espère que tu n'entameras pas ce voyage seule et qu'à l'instar de Frodon tu auras su trouver de valeureux alliés... ».
Passablement abrutie et surexcitée par sa nuit blanche, la jeune femme s'interrompit brusquement pour oser une comparaison plus qu'hasardeuse :
- Bon, on est clairement pas assez nombreux pour reformer la communauté de l'anneau, mais disons que toi Cheng, tu seras Pipin, c'est de loin le plus marrant. Toi Guo, tu seras Gimli parce que c'est toi le plus râleur. Et puis toi Li-Bai, disons que tu seras Legolas, le beau gosse de service ultra agile...
Visiblement impatient et sans doute peu satisfait du rôle qu'elle lui avait attribué, Guo la pressa d'une voix agacée :
- Tu t'égares là, viens-en au fait bon sang !
- Tu vois, c'est ce que je disais, toujours le premier à râler ! Mais pardon je m'emballe. C'est juste que c'est tellement excitant de se dire qu'on va enfin quitter cette piaule pour partir à l'aventure... Enfin bref, je disais donc :
« La première fois que je t'ai emmené voir ce film au cinéma... Nin nin nin... Le Seigneur des anneaux... bla bla bla... »
- Je vais peut-être vous épargner le préambule du vieux fou, statua-t-elle en parcourant le texte pour directement sauter à l'énigme tant attendue. Ah, voilà ce qui nous intéresse !
Ménageant un certain suspens, juste le temps de s'éclaircir la gorge pour charger sa voix de mystère, elle énonça enfin :
« Sur le chemin de l'éternité, Brocéliande regarde les forêts qui bordent la grande muraille. Le dragon couronné d'or et ses femmes prisonnières des murs, envient l'eau de la coupe du roi Arthur. Les saules pleurent la mort et leurs larmes ont le pouvoir de réveiller la voie des esprits. Car sous leurs racines, derrière la chimère qui hurle à minuit sous le vent d'est, germe encore le secret de l'immortalité. »
Le vieux loup de mer se leva aussitôt :
- Bien. Je vais tout de suite informer nos supérieurs de cette découverte.
- Hey mais reviens ! lui cria Lily. On a pas rejoué la scène où vous me prêtez tous allégeance. Li-Bai doit dire avec sa voix de bellâtre : « Mon arc est vôtre » ; et toi tu dois répliquer d'un ton bourru « Et ma hache ! ».
Essayant d'attirer l'attention de Guo, elle s'agita et manqua de perdre l'équilibre avant de s'agripper au dossier de sa chaise pour se stabiliser.
En retrait, adossé au plan de travail, Li-Bai s'était figé en l'imaginant s'étaler sur le sol. Bien que soulagé que la catastrophe ait été évitée de justesse, l'inquiétude rendit sa voix plus rude que d'ordinaire :
- Arrête de faire le pitre. Descends de là.
Lily se retourna vers lui, le visage illuminé de malice :
- Je descendrai quand tu m'auras prêté allégeance Legolas... Si tu veux, tu peux transformer un peu ta réplique et dire quelque chose comme : « Je banderai mon arc pour vous Frodon », ça me va aussi...
Le Tiger Guy secoua la tête de dépit alors que le Puppy Boy explosa d'un rire incontrôlé, ses gloussements ridicules ajoutant à l'indignation de Li-Bai.
D'un pas contrarié, il se dirigea vers la comique de service pour la faire descendre de son perchoir, mais Cheng le devança. Dans un simulacre de révérence, il tendit la main à la jeune femme et lui déclama avec complaisance la réplique du hobbit auquel elle l'avait identifié :
- « Vous avez besoin de gens intelligents pour ce genre de mission... quête... chose ? »
- Ah merci mon brave Pipin Boy. Ravie de voir que je peux au moins compter sur toi.
Quand, tout sourire, elle glissa ses petits doigts dans la paume du jeune homme et prit appui sur son épaule, les yeux de Li-Bai s'échauffèrent dans leur orbite.
Cheng passa son bras autour de la taille de Lily et continua à citer Le Seigneur des anneaux pour la distraire alors qu'il la soulevait de sa chaise :
- « Vous avez notre destin à tous entre les mains, petit homme... » Alors il ne faudrait pas vous casser une jambe en ce moment de liesse.
- Ah non, ça c'est Boromir ! Et je t'interdit de tenir le rôle du seul membre de la communauté qui crève en chemin ! s'écria la jeune professeure en s'accrochant à lui alors qu'il la déposait sur le sol.
Attentif au moindre rapprochement physique qui s'opérait entre eux, le jeune officier déglutit péniblement. La jalousie avait rendu sa salive aussi lourde qu'un parpaing coincé en travers de sa gorge et quand il s'approcha des deux idiots, il réalisa que pour une fois, son corps avait agi sous le coup de l'impulsion. Comme pour répondre à l'urgence de s'interposer pour les séparer, il se dressa entre son ami et sa protégée.
- Vous êtes ridicules, leur fit-il remarquer avec autant d'irritation que de condescendance, puis il se saisit du papier que tenait Lily. Au lieu de plaisanter, il est impératif de donner un sens à cette énigme.
Alors qu'il leur tournait le dos et commençait à s'éloigner, Lily ne résista pas à lui témoigner à quel point son attitude froide et renfrognée l'agaçait :
- T'es affligeant. Jamais ça t'arrive de te lâcher ? Tu sais, rire c'est comme baiser, ça aide à relâcher la pression. Tu devrais essayer de temps en temps.
- Yin wei... grinça Li-Bai par-dessus son épaule, avant de partir s'isoler dans le salon.
Plus encore qu'être la cible de ses reproches, il détestait l'entendre utiliser des mots aussi grossiers et obscènes que « baiser ». Cela allait à l'encontre des conceptions idéalistes et intransigeantes qu'il nourrissait à l'égard de l'acte sexuel. Mais ce qui l'énervait plus encore, c'était qu'elle mette sur le même plan, rire et avoir des rapports intimes. Car celui avec qui elle riait et se détendait quelques instants plus tôt, ce n'était pas lui et ça ne le serait jamais.
En sa présence, pour quelque raison que ce soit, il ne baisserait jamais sa garde. Pas tant qu'il était en mission. Parce que les seules choses dont Lily avait vraiment besoin, c'était de sa protection et de sa rigueur. Tout le reste, que ce soit le désir, la tendresse ou la jalousie, il s'efforcerait de l'éradiquer.
Wo Kao : Putain/ WTF
Et voilà la première énigme est lancée, elle sera élucidée dans le chapitre suivant :)
Concernant le boustrophédon, j'ai vraiment essayé de vulgariser le truc. Dites moi si les concepts ne sont pas clairs. ^^
J'espère que toute cette histoire vous intrigue et aussi que les refs au Seigneurs des anneaux sont bien placées (même si ça demande de bien se souvenir du premier film de la trilogie. Et surtout de la scène du conseil ^^ )
Sur ce prenez bien soin de vous. <3
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