Chapitre 28 : Tyrannie et harcèlement (1)
A l'oral, la langue chinoise, avait cette particularité d'user de mots presque identiques, qui ne se différenciaient que par des subtilités de prononciation. Ces homophones, selon que l'on accentuait telle ou telle voyelle, endossaient des sens et des concepts très différents. Ainsi, par un curieux hasard, il se trouvait que l'expression « Yin wei » signifiait à la fois « obscène, indécent » mais aussi « abus d'autorité, comportement tyrannique ».
Ces deux petits mots suffisaient à caractériser les comportements que s'opposaient Li-Bai et Lily. Chacun avait sa manière d'être « Yin wei ».
Depuis le fameux incident de la « chaise tournante », la jeune femme faisait preuve d'un relâchement volontaire, consistant à occulter certaines des règles que le tyran lui avait imposées. Et malgré un admirable jeu d'actrice qui feignait la négligence, le jeune officier devina rapidement qu'elle agissait à dessein. Lequel se révélait de plus en plus évident et pernicieux au fil des jours...
Tout commença quand elle fit semblant d'oublier l'interdiction de boire au robinet.
Il se souvenait s'être précipité sur elle pour l'empêcher de justesse de poser ses lèvres à même le filet d'eau courante. Elle avait alors agrippé ses petites mains arachnéennes sur ses bras et l'avait regardé avec de grands yeux écarquillés :
- Oh la vache, j'avais complètement oublié. Heureusement que tu es là, Li-Bai. Je ne sais pas ce je que ferais sans toi.
Au lieu de son ironie habituelle, elle lui avait servi un air de biche aux abois, de ceux qui avaient le pouvoir de lui retourner agréablement l'estomac.
Cette fois-là, il s'était demandé quelle mouche l'avait piquée, et s'il s'était agi d'un cas isolé, il n'y aurait pas attaché grande importance. Seulement, ça n'avait été que les prémices d'un plan de séduction hautement machiavélique.
Sous couvert d'une fausse étourderie, elle opéra bien vite d'autres manquements au règlement.
Ainsi, quand elle s'asseyait près de la baie vitrée, il lui fallait aller la relever et se poster comme un garde fou devant la fenêtre pour lui en condamner l'accès. Lorsqu'elle trouvait le moyen de chiper un des portables de Cheng ou de Guo, il le lui ôtait des mains dans l'éventualité où elle essayerait de joindre quelqu'un de l'extérieur, bien qu'au final, ce qu'il interrompait le plus souvent n'était que d'innocentes parties de Candy Crush. Et enfin, quand elle se changeait dans sa chambre sans se préoccuper d'exhiber son corps en plein milieu de l'encadrement, elle le forçait à s'approcher de sa silhouette nue pour claquer les portes derrière elle.
Le plus étonnant, c'était qu'au lieu de contrer son autorité, elle s'y soumettait chaque fois avec complaisance, ne perdant pas une occasion de flatter ses épaules de ses mains douces et appuyées, comme pour le remercier.
Cette fourbe friponne savait très bien ce qu'elle faisait. Et à n'en pas douter, sa docilité était un prix dérisoire qu'elle acceptait de payer pour mieux se délecter de l'affolement qu'elle lui causait au quotidien. Car avec toutes ses prétendues inadvertances, du matin au soir, elle s'accaparait l'entièreté de son attention.
Quand Li-Bai commença à cerner son petit manège, il était déjà trop tard. Le carrousel s'était déjà lancé dans un cercle vicieux pour le faire tourner en bourrique.
La ritournelle de railleries habituelles avait également succédé à une farandole de flatteries, juste assez tendancieuses pour être délicieusement suggestives, mais pas assez osées pour qu'il puisse s'indigner.
« Comment tu fais pour avoir une aussi belle peau ? Pas une seule imperfection, et elle a l'air si douce... », s'était-elle extasiée un soir où il sortait de la salle de bain.
« Tu cuisines drôlement bien tu sais. Tu me donnes vraiment l'eau à la bouche... », lui avait-elle dit un midi alors qu'il préparait le repas. Et au lieu de se concentrer sur la nourriture qui cuisait, les yeux de jade de cette renarde s'étaient attardés brièvement sur ses lèvres...
Lors des séances de Tai-Chi, il avait droit au même cinéma :
« Oh s'il te plaît, montre-moi encore le « dragon vert émergeant de l'eau » et puis « le pas qui enfourche le tigre » aussi ! » lui avait-elle réclamé avec enthousiasme.
Plutôt impressionné qu'elle ait retenu les noms des mouvements, il s'était exécuté, se laissant observer à loisir par son regard appréciateur et pénétrant :
« Tu es vraiment souple et endurant. Je suis sûre que ça doit forcer l'admiration de tes partenaires... » l'avait-elle complimenté d'un air songeur.
Et avant qu'il ne puisse s'offusquer de sa remarque éhontée, elle s'était empressée d'ajouter :
«... tes partenaires de Tai-Chi, bien sûr. »
Loin d'être dupe, Li-Bai devait au moins lui reconnaître qu'elle savait se montrer fine et stratège. Bien qu'à choisir, il préférait la Lily brute de décoffrage. Au moins, ses boutades et ses coups de colère, il savait les gérer. Pas comme ses pernicieuses tentatives de séduction, qui malgré les apparences, ne le laissaient pas du tout indifférent.
Le plus dur, avait sans doute été ce jour où, alors qu'il surveillait ses moindres faits et gestes, elle avait commencé à le gratifier de clins d'œil aguicheurs. Puis, dès que Cheng et Guo avaient eu le dos tourné, avec le charme d'une femme-enfant, elle avait osé lui envoyer de petits baisers volants, aussi malicieux qu'adorables, avant de se détourner comme si de rien était. Ce jour-là, il s'était imaginé prendre sa bouche avec assez de ferveur et de sadisme pour lui voler son souffle et faire tomber son masque.
Car, à son plus grand dam, elle était foutrement douée. Une magistrale simulatrice qui excellait à tester les limites de sa patience. Et pour son air de ne pas y toucher, elle aurait presque mérité un oscar. Mais au fond de son regard, la lueur d'indécence et de défi n'y trompait pas : elle se jouait de lui, le prenait pour un idiot. Et désormais, à la moindre de leurs interactions, le jeune officier se faisait alerte, attendant et redoutant de voir jusqu'où elle allait pousser sa comédie.
Pour faire face, il s'était retranché dans une forteresse de glace. Et de sa haute tour murée de sévérité, sans cesse, il demeurait prêt à brider l'affolement de son rythme cardiaque et à repousser les vagues de frissons que lui provoquait la conduite de Lily.
En conséquence, dès qu'il s'adressait à elle, son ton se faisait plus âpre et plus dur que jamais et son visage plus froid que le marbre. Intérieurement en revanche, c'était une autre paire de manches : il brûlait, se consumait lentement mais sûrement...
Il était effaré de sentir la haine se mélanger au désir. Et il craignait que dans cette lutte acharné de sentiments contraires, sa raison ne devienne le premier dommage collatéral.
À la longue, cette femme faisait ressortir la part la plus sombre de son inconscient, éveillant en lui des pensées honteuses et perverses qu'il ne se serait jamais cru capable d'inventer. Si encore elle ne lui avait donné que des envies de meurtre, sa conscience aurait pu le supporter. Mais tard le soir, quand il se repassait le film de ses frasques sournoises, il ne parvenait à se calmer qu'en s'imaginant la punir.
Le seul endroit où il pouvait lui administrer le traitement qu'elle méritait, c'était dans les tréfonds de son esprit, alors qu'enfoncé dans son duvet, il se laissait aller à ses fantasmes nocturnes. Et sa seule occasion de purger sa frustration et son ressentiment, était d'étrangler sa verge douloureuse pendant que son imagination travaillait à infliger à Lily de sensuels tourments.
Il s'autorisait alors à la prendre à son propre jeu, la piégeant dans sa chambre et l'acculant sur son lit. Il se plaisait ainsi à effacer son sourire sournois en la basculant sur ses genoux. La paume infatigable, il la fessait avec mesure, jusqu'à ce qu'elle se mette à pleurer de honte et de plaisir. Et à sa bouche trop souvent inconsciente et acerbe, il arrachait mille suppliques et gémissements qu'il finissait toujours par étouffer de ses baisers. Il ne résistait pas non plus à habiller son corps impudique et indécent d'une pluie de cordes, se réservant le droit de l'admirer dans la contrainte, de le mordre et de l'assujettir à son toucher. Il attendait qu'elle le réclame et que sa voix éperdue se brise, puis il la punissait encore pour son impatience. Et enfin, seulement après l'avoir plongé dans l'agonie d'une intolérable attente, il s'emparait d'elle et la prenait avec passion.
À ce moment-là, en général, il se répandait silencieusement dans sa main. Puis, le souffle court et le corps apaisé, il s'essuyait dans un mouchoir avant de faire disparaître les preuves accablantes de son vice.
Chaque fois, passé les bienfaits de la jouissance, il éprouvait un profond dégoût de lui-même. Il jugeait le recours à cette sombre pratique comme une chose indigne et déshonorante. Et le fait qu'elle lui soit pourtant indispensable, prouvait bien qu'il perdait petit à petit le contrôle sur ses pensées.
Je trouvais ça vraiment intéressant de tirer partie de la double signification de Yin Wei ^^ Et on finit bien par comprendre que notre tyran finit par se laisser contaminer par le côté "obscéne" de la force :)
Si Li-Bai vit plutôt mal la situation, on verra dans la deuxième partie de ce chapitre que Lily y prend au contraire beaucoup de plaisir ;)
Sur ce à bientôt et prenez bien soin de vous <3
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