(3) Mariage forcé

C'est une tragédie, une histoire qui finit mal. Une histoire vraie.

Après les cours du lycée, la jeune femme de seize ans rentra chez elle. Dès que P. passa la porte de la maison, elle enleva ses chaussures, mais aperçus d'autres paires de sandales qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Étonnée, elle avança dans le salon pour découvrir ses parents assis au sol devant un étranger.

L'homme bien habillé tenait dans ses mains un livret. Dans ses pages se trouvaient des formes géométriques et des lettres dévoilant son avenir à quiconque savait le déchiffrer. C'était un avenir qui l'angoissait. Elle ne pensait pas que ses parents feraient aussi vite un choix. Juste après que sa sœur soit partie loin d'elle.

Quand ses parents lui dirent de s'assoir, elle obéit. Elle ne voulait pas montrer de l'irrespect face à leur invité. Elle se tut et écouta d'une oreille distraite la voix de cet homme qui débitait son futur. Au lieu de l'écouter attentivement, elle pensa à sa grande sœur M.. Celle qui était partie.

Ses parents l'avaient mariée de force à un homme qui avait dix années de plus qu'elle. Elle qui n'avait que dix-huit ans s'était retrouvée dans un pays étranger, ne sachant pas parler la langue ni les coutumes de l'endroit. P. repensa à ce mariage triste qu'elle n'avait pas réussi à empêcher. Elle s'en était voulu. Tout comme ses deux autres petites sœurs. Mais elles étaient petites, que pouvaient-elles faire ? Rien à part subir.

C'était ce qu'il se passait en ce moment. Elle aussi subissait les décisions de ses parents. Ils savaient pourtant qu'elle ne voulait pas se marier comme sa sœur, qu'elle ne voulait pas aller à l'étranger. Mais ses parents n'en avaient cure. Elle devait se marier. Comme sa grande sœur l'avait été. Une grande alliance avec des personnes du même caste.

Les minutes puis les heures passèrent tandis que la rage de P. grandit dans son esprit. Elle mettrait un terme à cet arrangement avant qu'il ne soit conclu. Elle se promit de ne pas se marier et elle ferait tout pour accomplir cette promesse.

Le soir même, elle cria sur ses parents. Elle voulait continuer ses études. Elle voulait travailler. Elle voulait bien gagner sa vie comme une femme non soumise. Elle voulait être libre.

Mais ses parents la réprimandèrent, essayèrent de lui faire changer d'avis, jusqu'à lui obliger un mariage de force. Une nuit de cris que ses petites sœurs avaient écoutés avec peur. P. s'enferma dans une chambre, ne faisant pas attention à sa famille.

Les yeux vides, elle se regarda dans le miroir. Son visage pourtant joli montrait l'épuisement et la tristesse. Elle ne s'était pas rendu compte à quel point ses parents étaient aussi décisifs. Si elle avait su, elle se serait rebellée plus tôt, quand sa grande sœur avait accepté ce mariage forcé au lieu de continuer ses études comme elle l'aurait souhaité.

Mais maintenant, c'était trop tard. Ses parents voulaient la marier. Ils s'en fichaient de ses projets à elle. Ils ne voulaient rien entendre de son désir de connaissance. P. était une jeune fille qui adorait étudier et surtout apprendre. Elle avait eu le bonheur d'avoir une bonne mémoire ainsi qu'une aisance à l'apprentissage. Et elle appréciait ce qu'elle était. Elle mettait en avant ses talents, mais pas assez apparemment. Ses parents n'avaient pas vu sa force à l'intérieur d'elle. Ils n'avaient rien vu. Ils ne voulaient rien voir.

P. avait un trou béant dans son coeur. La trahison de ses parents était l'ultime coup. Un mariage forcé. Jamais elle n'aurait pensé subir. Jamais. Aussi en cette nuit, elle décida de passer à l'acte. Elle ne pouvait pas s'enfuir, où irait-elle ? Elle ne pouvait pas faire changer d'avis ses parents, ils avaient déjà décidé. Elle ne pouvait pas vivre avec un homme, elle ne savait pas qui il était.

Elle fit le seul acte qui lui permettrait d'être libre. Elle ouvrit le placard et prit une boîte de médicaments. Elle avala des comprimés jusqu'à n'en plus savoir combien. Les larmes ruisselaient sur ses joues tandis que sa gorge brûlait, mais c'était le seul choix qu'elle pouvait faire.

Elle pria. Elle pensa à ses sœurs et leur demanda de la pardonner pour cet acte égoïste. Elle pensait qu'en partant définitivement de cette terre, ses parents se remettraient en question et ne feraient pas subir un mariage à ses deux petites sœurs. Et elle avait eu raison.

Le lendemain, on la retrouva dans la chambre avec des comprimés à terre. Ses parents pleurèrent sur son corps sans vie. Ses sœurs aussi. Des journées atroces suivirent cette mort. Mais comme P. l'avait espéré, une de ses petites sœurs continua ses études jusqu'avoir plusieurs diplômes. Elle ne se maria que plus tard.

Mais la grande sœur M. souffrait encore maintenant. M. aurait pu éviter cette tragédie si elle avait été au pays. Elle n'arrêtait pas d'y penser. Malheureusement.

Les parents trop meurtris par le décès de leur fille ne s'adressèrent plus la parole. Même jusqu'à maintenant.

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