Chapitre 63
Hello tout le monde,
Voici l'avant dernier chapitre de ce premier tome. 😭 Cela me fait un peu bizarre de me dire que je n'aurai bientôt plus aucun chapitre à publier ici...
Durant ce chapitre, vous devriez faire face à certaines (GROSSES) révélations. N'hésitez surtout pas à me dire ce que vous en avez pensé, et surtout, si vous voulez faire des suppositions sur le prochain et dernier chapitre, faites-le (dans les commentaires ou bien dans les messages privés). Je serais ravie de pouvoir vous lire.
Etant donné que le prochain chapitre clôturera le premier tome et qu'il compte vraiment beauuuucoup pour moi, je ne le publierai que lorsque ce chapitre aura reçu plusieurs votes/commentaires. Je tiens vraiment à clôturer ce tome comme il se doit, alors, autant attendre un petit peu afin d'être encouragée à poster la suite. :)
Je vous embrasse, à trèssss bientôt.
Bonne lecture ! :)
-G
_____________________________________
La nuit était-elle parvenue à porter conseil à Théo ? Lyly n'en était pas si sûre. Même si elle l'avait retrouvé un peu plus calme que la veille, le jeune homme semblait toujours autant déterminé à se rendre chez Anne en fin de matinée, et plus réservé que jamais.
Lyly aurait aimé reculer la confrontation de vingt-quatre heures, demander à Théo de se détendre et de passer la journée à ses côtés. Elle aurait aimé lui demander de se balader en ville main dans la main, chose qu'elle ne pouvait pas encore faire dans leur propre centre-ville par peur de croiser un étudiant ou bien un collègue de Théo. Elle aurait aimé le rassurer, lui dire qu'ils allaient bien finir par les coincer, et que si cela ne se passait pas aujourd'hui, cela se passerait peut-être le lendemain, ou le surlendemain, mais elle n'avait pas osé, et s'était contentée de pénétrer dans le taxi, Théo sur ses talons, tendu, peu après onze heures.
Il était clair que Théo prenait très à cœur cette histoire, mais Lyly ressentait bien que le comportement du jeune homme allait bien au-delà de l'histoire. Son comportement de la veille avait un lien avec son passé, avec le décès de ses parents, avec cette tragique nuit où ses parents avaient été assassinés devant ses petits yeux bruns innocents et pétillants de malice, Lyly en était persuadée. Mais comment pouvait-elle l'inciter à parler ?
Le taxi s'était arrêté à cinq minutes de la maison d'Anne. Lyly avait payé le chauffeur, et ils s'étaient engagés sur le trottoir, en silence. Tous deux ignorèrent la jeune femme présente dans l'un des jardins environnants, et continuèrent leur marche, côte à côte, les muscles de leur corps raides. Théo ne lui avait pas fait part de son plan, ni la veille, ni dans le taxi, alors, en avait-il un ? Ou comptait-il improviser ? Lyly remonta la fermeture de sa veste et vit Théo tourner la tête vers elle, le visage fermé. Il répondit vaguement à son sourire et retrouva son sérieux lorsqu'il fit signe à sa petite amie de traverser la route avec lui.
Lorsqu'ils passèrent à l'endroit où la voiture de Fabio avait été garée quelques jours auparavant, Lyly se surprit à regretter son absence et se frotta l'arête du nez qui lui picotait légèrement. Peut-être serait-il parvenu à faire parler Théo, peut-être aurait-il même pu les aider à peaufiner son plan dont elle n'avait pas connaissance, s'il y en avait un... Quand ils montèrent les quelques marches du perron d'Anne, Lyly se décida et attrapa subitement l'une des manches de la doudoune de Théo. Il se tourna et l'interrogea du regard, surpris.
- Qu'est-ce que tu comptes lui dire ? demanda-t-elle précipitamment. Est-ce que tu as un plan ? Une quelconque idée de ce qu'on va faire une fois chez elle ?
Il lui détacha délicatement la main de son manteau.
- Lyly...
- S'il te plaît, dis-moi que tu sais ce que tu fais, lança-t-elle, presque suppliante.
Ce n'est que lorsque son dernier mot parti dans les aigus et que sa voix dérapa qu'elle prit conscience de sa peur. Son corps trembla durant l'espace d'un instant, alors elle baissa la tête et expira fortement pour se donner du courage. Le fait qu'elle ne sache pas comment Théo allait faire pour forcer sa mère à parler et ce qu'elle allait pouvoir leur avouer lui foutait terriblement la trouille. Elle n'aimait pas foncer dans l'inconnu avec Théo en sachant que Rudy et Ludo avaient un lien étroit avec celui-ci. L'inconnu. Un mot qui lui faisait désormais plus peur que jamais.
Théo se rapprocha d'un pas et lui frotta énergiquement le bas des épaules.
- Ça va aller, Lyly. D'accord ? Ça va aller.
Elle retrouva rapidement son regard.
Théo ressentit une once de regret de l'entraîner dans une telle confrontation avec sa mère, mais il se contenta de lui frotter les épaules pour tenter de la rassurer. C'était la seule chose qu'il était capable de faire maintenant qu'ils se trouvaient près de la porte. Ils ne pouvaient pas reculer. Pas maintenant.
- Je suis persuadée que tu ne fais pas ça que pour moi, Théo, avoua-t-elle en évitant son regard.
Théo arqua un sourcil.
- Toute cette rage que tu as en toi... Je suis sûre que ça a un lien avec ton passé, avec le décès de tes parents.
Le jeune homme ôta aussitôt ses mains des épaules de Lyly et se tourna vers la porte d'entrée. Il s'apprêtait à frapper de son poing lorsqu'elle s'interposa brutalement entre lui et la porte, ce qui l'obligea à reculer d'un pas. Il la fixa, les sourcils froncés.
- Je ne sais pas pourquoi tu penses ça, mais... ce n'est pas de ta faute ce qui est arrivé à tes parents. Tu n'es pas responsable.
Elle vit la mâchoire de Théo se resserrer et il jeta soudainement un œil dans les alentours afin de s'assurer qu'ils étaient bien seuls. Qu'Anne n'était pas là, dans un coin, à les observer. Ni même Rudy. Ou bien Fabio.
- Je t'assure que ce n'est pas de ta faute, répéta-t-elle. Tu...
- Pas maintenant, la coupa-t-il catégoriquement.
Lyly se plongea dans le silence, à la fois honteuse et vexée du ton qu'il venait d'employer.
- Surtout pas maintenant, ajouta-t-il sèchement.
- Comment tout ça a pu nous échapper ?
- De quoi tu parles ?
Elle le dévisagea un moment, les bras ballants. Éberluée. Tout ça n'avait aucun sens.
Après un instant de silence, elle le contourna, déçue, et s'assit sur le perron. Depuis que Théo l'avait rejoint ici, plus rien n'était comme avant. Tout avait changé. Avoir l'impression de découvrir un nouveau Théo la terrifiait. Tout semblait lui échapper, elle ne comprenait plus rien. Pourquoi était-il si dur avec elle ? Pourquoi ne voulait-il plus se confier à elle ? Pourquoi était-il si froid ? Si autoritaire ?
Théo regarda Lyly de dos, les bras désormais le long du corps. Il hésita un moment, le regard passant simultanément de la porte d'entrée à Lyly, puis pivota finalement pour la rejoindre. Il prit place à ses côtés et se malaxa nerveusement les genoux en se rendant compte de la mine déconfite et attristée de Lyly.
Il avala difficilement sa salive et la regarda de nouveau, cherchant à croiser son regard, mais il n'en fut rien. Lyly resta les yeux plantés sur la maison située à quelques mètres de celle d'Anne, en face d'eux.
- Depuis qu'on se connaît, j'ai toujours essayé de faire en sorte de contrôler la situation, dit-il, de prendre les choses en main pour que rien ne nous affecte. J'ai toujours essayé de tout maîtriser, même quand ça me semblait impossible...
- Je crois qu'on n'a jamais rien vraiment maîtrisé depuis qu'on se connaît... Ce n'était pas possible de toute manière.
Théo tenta une seconde fois de rencontrer le regard de Lyly, mais elle persista à éviter le sien, et les baissa vers ses baskets grises sales.
- Même si on a beaucoup galéré, je ne regrette rien, Lyly, assura-t-il d'un ton sûr. Absolument rien.
- Moi non plus, mais...
- Mais ? s'empressa-t-il de demander.
Il sentit son cœur se serrer.
Il attendit que Lyly reprenne sa phrase, qu'elle lui explique ce qu'elle souhaitait dire avant de s'abstenir, mais elle resta immobile, les lèvres de nouveau jointes. Tout ne pouvait pas recommencer. Elle ne pouvait pas baisser les bras, elle ne pouvait pas le quitter, pas une fois de plus. Il se pliait en quatre pour elle. Pour eux.
- Bébé, lâcha-t-il en se tournant entièrement vers elle, la bouche désormais sèche.
- Depuis que tu es arrivé, j'ai l'impression que tout nous échappe. J'ai beau prendre sur moi, me dire que ce n'est qu'un passage, mais tu me prouves encore et toujours le contraire. S'il y avait bien une chose qu'on maîtrisait avant, c'était nous. C'était le respect que l'on avait l'un pour l'autre. L'écoute. La patience. Mais depuis que tu m'as rejoint, tu te renfermes sur toi-même, tu ne m'écoutes plus. Tu es froid, distant. Tu es tellement borné que j'ai l'impression de ne pas te reconnaître... et ça me fait peur.
Il se rapprocha pour avaler la distance qui les séparait et observa les doigts de la jeune fille légèrement tremblants entre ses jambes. Avait-elle peur de lui ? Il tenta de tempérer la peur qui montait en lui et s'insulta intérieurement de tous les noms. Comment avait-il pu laisser les choses se dégrader en si peu de temps ? Comment avait-il pu ne pas déceler la détresser de Lyly ?
Il prit une grande inspiration, tenta de se remémorer tous les échanges qu'ils avaient eu depuis qu'ils s'étaient retrouvés, tous les moments qu'ils avaient pu passer ensemble, les paupières closes.
- Est-ce que tu...
Il rouvrit les yeux et s'arrêta, hésitant.
- Est-ce que tu as peur de moi ?
Et même s'il redoutait la réponse, il continua de la fixer, en attente d'une réponse, d'un signe.
Mais Lyly resta quelques secondes silencieuse, les mains encore tremblantes. Jointes.
- Je ne te ferai jamais de mal, Lyly, lui assura-t-il à mi-voix. Je te promets que je ne te veux aucun mal, je...
Il se plongea dans le silence, gêné. Abattu.
- Je sais, dit-elle finalement. Je... J'ai confiance en toi.
Elle pivota légèrement et lui fit enfin face. Une vague de soulagement traversa le corps de Théo, et il avança délicatement sa main droite du visage de la jeune femme afin de glisser deux mèches de cheveux à l'arrière de ses petites oreilles.
- Je n'ai jamais eu peur de toi, reprit-elle. Pas comme tu le penses en tout cas. J'ai eu peur de te perdre, j'ai eu peur de te décevoir, et j'ai peur de me rendre compte que je ne te connaissais pas, mais je n'ai jamais eu peur de toi.
- Mais tu me connais, Lyly. Tu es même celle qui me connaît le mieux maintenant. C'est juste que ces derniers temps... Il réfléchit. Ça a été compliqué. J'ai... Je veux te protéger, je ne veux pas te perdre, pas comme...
- Tes parents, termina-t-elle.
Théo resta silencieux.
- Je ne sais pas pour quelle raison tu penses ça, mais tu n'es pas responsable Théo. Tu n'aurais pas pu les sauver, pas à ton âge, pas face à une telle situation.
- Si j'avais...
- Peu importe ce que tu aurais fait, tu n'aurais pas pu les sauver, le coupa-t-elle doucement. Celui qui a fait ça avait pris sa décision, si tu avais tenté quelque chose, peut-être qu'il t'aurait aussi tiré dessus.
- C'est peut-être ce qu'il aurait dû faire, lâcha-t-il malgré lui.
Lorsqu'il se rendit compte que sa pensée lui avait échappé en la présence de Lyly, il fut pris d'un rictus.
- Mais je t'interdis de dire ça ! s'exclama-t-elle, scandalisée. Mon dieu, Théo, je t'interdis de penser une chose pareille !
Elle leva son bras droit et passa sa main dans la chevelure de Théo. Elle la fit glisser jusqu'à ses épaules.
- Tu étais un petit bonhomme de huit ans quand ce drame est arrivé. Tu as beau penser que tu aurais pu faire quelque chose, ça n'aurait pas été possible, c'est un fait. Tes parents ont tenté de porter secours à ta voisine, et c'est un si beau geste que tu ne pourrais être que fier d'eux, de leur empathie, de leur altruisme. Tu ne peux pas te haïr de quelque chose qui n'était pas à la portée de tes mains. Tu n'es pas responsable de la connerie humaine.
- Pendant des années je me suis repassé la scène en tête, concéda-t-il à mi-voix. J'ai imaginé tous les scénarios possibles. Je voulais absolument trouver la faille, trouver ce que j'aurais pu faire pour les sauver tous les deux.
- Théo, est-ce que tu as conscience que, même si tu trouvais la faille, ce serait inutile ? dit-elle le plus doucement possible. Tu ne peux pas changer le passé. J'aimerais tellement pouvoir te dire que c'est possible, mais ce n'est pas le cas. La seule chose que tu peux faire c'est te focaliser sur le présent, sur le futur. Sur ce que tu peux changer dans ta vie pour la rendre la plus en adéquation possible avec tes valeurs, tes envies.
- C'est pour ça que je ne veux pas que ça se reproduise.
- De quoi ?
- Je ne veux pas revivre ce que j'ai vécu avec mes parents. Je ne veux pas que ces cinglés te mettent la main dessus.
- Ça n'arrivera pas.
- Laisse-moi te protéger, alors, dit-il d'un ton suppliant. Laisse-moi faire ce que je n'ai pas pu faire avec mes parents. Il la fixa profondément, les yeux figés dans les siens. S'il te plaît.
Lyly ne pu détourner ses yeux du regard sincère de Théo. Il la fixait intensément, presque au bord du supplice. Elle resta un instant silencieuse, étonnée de la profondeur de son regard brun, et acquiesça finalement lentement la tête.
- Je suis désolé pour tout ce qui s'est passé, avoua-t-il. Ça ne se reproduira pas. Et si ça se reproduit, insulte-moi, fais ce que tu veux. Mais ne laisse pas tout ça t'éloigner de moi. C'est la dernière chose que je souhaite.
Lyly attira Théo vers elle, le cœur bombardant d'amour pour lui, et l'enlaça le plus fort possible contre elle.
Après s'être relevée du perron, Lyly avait constaté l'absence de la voiture de sa mère devant la maison et sa probable absence du domicile. Théo frappa tout de même deux fois afin de s'en assurer, et laissa Lyly ouvrir la porte d'entrée avec le trousseau de clés que sa mère lui avait prêté lors de son passage ici durant ses vacances universitaires précédentes.
Dans un premier temps, ils décidèrent seulement de jeter un œil dans l'habitation, à la recherche du moindre indice, d'un quelconque élément pouvant leur prouver la corruption d'Anne ou bien la magouille dans laquelle étaient plongés Rudy et Ludo, mais il n'en fut rien. Ils ne trouvèrent aucun papier dans le salon, ni aucune lettre dans la chambre. A la fois dépitée et déterminée, elle fit signe à Théo de la suivre, et ils s'arrêtèrent devant la porte du bureau d'Anne. Lyly sortit de nouveau son trousseau de clés et essaya quelques clés, avant de tomber sur la bonne. Elle déverrouilla la porte, inspira un bon coup pour se donner du courage, et la poussa lentement.
Pénétrer dans cette maison sans l'accord d'Anne rendait Lyly mal à l'aise. Mais cela était rien comparé à ce qu'elle ressentait désormais depuis qu'elle avait mis le pied dans ce bureau. Elle n'y était jamais entrée auparavant, même pas lors de ses précédentes vacances. Elle suivit Théo des yeux qui observait déjà les lieux, à l'affût, et se mit à son tour au travail en fouillant les recoins et alentours. Elle ne savait même pas quoi chercher, ni même à quel endroit elle allait bien pouvoir trouver la moindre preuve, mais elle s'activa.
Lyly vérifia que rien n'était caché entre les livres de la bibliothèque, passa aux classeurs et chemises dans lesquels elle chercha un quelconque indice, pendant que Théo jetait un œil aux affaires présentes sur le bureau d'angle logé dans le fond de la pièce. Le bureau couleur anthracite doté d'un revêtement anti-traces et anti-rayures qui permettait de garder le meuble dans un état proche du neuf et impeccable, supportait des dizaines de dossiers. Il lut en diagonale des tas de feuilles posés près de l'ordinateur et s'attarda un instant sur l'écran. Celui-ci semblait neuf et devait bien faire plus de 25 pouces. Son écran était si fin, si grand, que Théo resta immobile à l'observer.
Il sortit de ses pensées et s'abaissa rapidement vers les deux grands et profonds tiroirs du meuble, probablement fermés à clé. Il tenta de tirer sur les poignées en métal, mais le second tiroir verrouillé à l'aide de deux serrures ne roula pas sur les rails télescopiques et resta statique. Le premier tiroir était empli de feuilles blanches vierges. Théo secoua la tête, insatisfait, et chercha d'un vif coup d'œil un petit trousseau de clés afin de pouvoir ouvrir le second tiroir. Il fit glisser ses mains sous le dessous du bureau afin de voir si une clé n'était pas cachée, mais sans succès.
- Tu sais où je peux trouver les clés de ce tiroir ?
- Il est fermé ?
Lyly reposa le livre dont la dorure tapait à l'œil dans la bibliothèque et le rejoignit derrière le bureau. Elle s'agenouilla.
- L'autre est ouvert, mais pas celui-là.
Lyly se redressa et jeta un œil à son trousseau de clés. Aucune de celles présentes entre ses mains ne faisait la taille adéquate. Toutes semblaient beaucoup trop grandes.
- Non... Elle a forcément les clés avec elle.
Théo se redressa à son tour, légèrement irrité.
- Il faut qu'on trouve un moyen de l'ouvrir. Il y a forcément des documents importants.
Il attrapa un tas de feuilles présent sur le bureau et montra la première page à Lyly. Il lui indiqua une ligne en particulier du bout du doigt.
- Il y a des tas de groupes sanguins annotés. Et le tas près de l'ordinateur récapitule le nom de tout un tas d'armes.
- Quoi ?
Lyly tourna sa tête vers Théo et l'interrogea du regard.
- Colt M1911, Beretta86, Fusil à pompe SPAS-12, et j'en passe. Ta mère a l'air vraiment intéressé par les armes.
- Je ne comprends rien, marmonna-t-elle.
Elle posa sa main sur l'épaule de Théo, perturbée. Cela était insensé. Pourquoi sa mère aurait-elle de tels documents dans son bureau ? Dans le passé, lorsque Lyly habitait encore avec sa mère, celle-ci n'avait jamais fait allusion à un nom d'arme, ni même à un quelconque pistolet en sa présence. Elles n'avaient jamais eu ce type de conversation, alors qu'est-ce que tout cela signifiait ? Était-ce peut-être un piège ?
- Ton père n'a pas blagué, reprit Théo. C'est une sacrée magouille... Il doit y avoir une histoire de trafic ou quelque chose comme ça.
- Trafic d'armes ?
Théo approuva d'un hochement de tête.
- Je ne vois que ça.
- Et les groupes sanguins ?
Lyly et Théo levèrent brusquement les yeux lorsque la porte s'ouvrit et laissa apparaître Anne au pas de la porte. Son visage se décomposa lorsqu'elle les vit près de son bureau, un tas de feuilles dans les mains, et elle s'arrêta, la bouche entrouverte. Elle balança son regard d'un visage à un autre, tentant de comprendre la situation, et referma aveuglément la porte derrière elle en analysant ce qui avait été fouillé dans son bureau.
A ce moment précis, Lyly se sentit troublée de ne pas savoir de quelle manière allait agir sa mère. Elle possédait des documents recensant des tonnes de groupes sanguins, des feuilles répertoriant des noms d'armes dont elle ne connaissait même pas l'existence jusqu'à aujourd'hui. Anne voulut parler, décontenancée, mais elle ne parvient qu'à rester immobile, la bouche à moitié ouverte. Elle tenta d'émettre un son, alors elle ouvrit la bouche, mais elle la referma aussitôt.
Théo sentit la main de Lyly quitter son épaule.
- Qu'est-ce que c'est tout ça ? tenta Lyly, d'un ton froid.
Théo fut impressionné de la réaction de Lyly et n'intervint pas. Il y a de cela quelques instants il l'avait senti sonnée, perdue, mais elle était visiblement parvenue à reprendre le dessus sur ses émotions. Anne baissa les yeux vers les documents que tenait Théo et retrouva son regard brun, qu'elle n'avait pas revu depuis un long moment.
- On sait très bien que tu nous caches des choses, et on ne sortira pas d'ici tant que l'on aura pas de réponses.
Anne resta à fixer Lyly nerveusement.
- Si tu tiens vraiment à moi, tu sais ce qui te reste à faire, ajouta-t-elle froidement.
Théo osa jeter un rapide coup d'œil vers Lyly et la découvrit droite, raide, le visage fermé et les yeux pointés sur sa mère. De sa place il vit les lèvres de la jeune femme se pincer légèrement afin de garder son air dur.
Il n'osa rien dire, de peur de se mêler de quelque chose qui ne le regardait pas, et analysa Anne, qui n'avait pas bougé. Il ne pouvait pas se perdre dans tout cela, il devait rester lucide. Il jeta un œil à la grosseur des poches de sa veste en cuir, observa les mains à moitié refermées d'Anne, et remonta ses yeux sur le visage de la mère de Lyly.
Peut-être avait-elle glissé une arme à l'arrière de sa veste. Si tel était le cas, il ne pourrait pas la discerner, par de sa place. Mais, parviendrait-elle à porter un pistolet ou un couteau sur elle ? Et si cela était le cas, parviendrait-elle à s'en servir ? Avait-elle déjà tiré avec ?
Lorsque Anne sortit de sa léthargie et jeta un vif regard vers la fenêtre de son bureau, Théo sentit son cœur bondir de surprise en lui. L'expression faciale d'Anne renvoyait une sorte d'inquiétude, de peur, que Théo ne comprenait pas. Quand elle s'approcha brusquement d'eux d'un pas agité, tous deux restèrent immobiles, sur leurs gardes. Ce n'est que lorsqu'ils la virent s'agenouiller vers le tiroir fermé à clé qu'ils comprirent ce qu'elle allait faire. Ils reculèrent d'un pas pour lui laisser un libre accès et suivirent minutieusement ses mouvements.
Anne sortit précipitamment un trousseau de clés de sa poche de pantalon et pénétra l'une des petites clés argentées dans la serrure, pendant que Théo fixait l'arrière de sa veste, désormais légèrement remontée à cause de sa position. Il ne perçut aucune arme, mais resta sur ses gardes. Elle tourna la petite clé argentée, puis la retira de la serrure. Elle chercha une seconde clé et l'entra dans le second verrou. Après un instant de silence, elle posa sa main sur la petite poignée en métal et tira dessus afin de laisser le profond tiroir s'ouvrir sous leurs yeux.
A leur plus grande surprise, ce n'est pas un tas de feuilles qu'ils découvrirent, mais un énorme coffre noir, qu'il n'était possible d'ouvrir qu'à partir d'un code. Anne se rapprocha un peu plus et tourna la molette afin d'entrer le numéro qui déverrouilla la porte quelques secondes plus tard. Elle l'ouvrit entièrement, et rentra ses mains dans le coffre.
Hésitant et suspicieux, Théo prit le bras de Lyly dans sa main et la fit reculer derrière lui. A son plus grand soulagement, ce n'est pas une arme qu'Anne sortit, mais une liasse d'autres documents, qu'elle déposa sur le bureau, avant de laisser la place à Théo et Lyly. Lyly n'en revint pas du coffre que contenait sa mère et sortit de son immobilité que lorsqu'elle vit Théo faire un pas en avant afin de regarder les documents. Anne était retournée de l'autre côté du bureau, agitée.
Les nombreux regards que lança Anne vers la fenêtre laissèrent penser à Lyly que sa mère était nerveuse, voire apeurée. Tout cela ne présageait rien de bon. Tout cela ne présageait rien de bon, et pourtant, ils étaient là, dans ce bureau, à la recherche d'indices. De la vérité. Mais pourquoi était-elle si apeurée ? Que cherchait-elle à fuir ?
- Lyly.
Elle s'approcha de Théo et jeta un œil sur les feuilles par-dessus l'épaule du jeune homme en prenant bien soin de surveiller les mouvements de sa mère. Il s'agissait sûrement des documents dont sa mère lui avait parlé un jour. Ceux que Ludo avait volé, en ne sachant pas que les originaux se trouvaient encore chez sa mère.
- Mais, qu'est-ce que c'est ce que ce bordel, lâcha-t-il en levant les yeux vers Anne.
Anne ne répondit pas. Elle se contenta de le regarder en se mordillant la lèvre inférieure de nervosité.
- Colt M1911 avec capacité de 7 cartouches, Smith & Wesson Model 360, Pistolet-mitrailleur Uzi, Heckler & Koch MP5, AK-K7, Fusil à pompe SPAS-12, Beretta 86, P14-45... Mais c'est quoi toute cette liste ? l'interrogea Théo. Qu'est-ce que ça veut dire exactement ? Pourquoi toute cette liste ?
Anne jeta un énième regard vers la fenêtre et croisa les yeux verts de sa fille. Sa fille. Celle qui avait fait tout ce chemin parce qu'elle n'avait jamais eu le courage de lui révéler tout ce qu'elle savait afin de la protéger. Sa fille qu'elle mettait en danger de par sa faute.
-Maman, insista Lyly.
- Vous ne deviez pas savoir tout ça, répondit-elle enfin, à demi voix. Vous n'auriez pas dû venir ici. Lyly...
Elle sembla réagir et s'avança rapidement vers eux. Elle prit les documents des mains de Théo et les trifouilla. Théo lança un regard interrogateur vers Lyly, les sourcils froncés, et regarda Anne chercher quelque chose sur les feuilles. Elle partagea le tas en deux et passa les feuilles une par une, d'un tas à l'autre, jusqu'à ce qu'elle tombe sur ce qu'elle cherchait, et tendit la liasse de documents à Théo.
Il baissa les yeux sur ce qu'il avait en main, lu quelques lignes, et releva aussitôt les yeux vers Anne, sa bouche formant un petit o de surprise, avant de les baisser de nouveau. Il lu le plus rapidement possible ce qu'il avait sous les yeux, et tourna la première feuille. Toutes les feuilles semblaient avoir la même présentation de base, mais les informations semblaient changer d'une feuille à une autre. Des noms et prénoms défilaient sous ses yeux, des groupes sanguins, des nationalités, des signatures, des noms de chirurgiens, des prix...
- Putain, laissa échapper Théo.
Il releva les yeux vers Anne, livide.
- Un trafic d'organes, marmonna-t-il. Il tourna son regard vers Lyly, qui le fixait. Ce mec est impliqué dans un trafic d'armes et d'organes.
Lyly regarda sa mère, apeurée.
- Il y a l'identité du donneur, le prix de l'opération, l'organe qui sera retiré, celui qui va en bénéficier... Il y a absolument tout, continua Théo, horrifié.
Il continua d'analyser les documents, pendant qu'Anne baissait désormais les yeux.
- Tu savais tout ça et tu ne me l'as jamais dit ? lança Lyly, pâle, à deux doigts d'exploser de rage.
Anne leva la tête et regarda sa fille.
- Quand j'ai découvert qu'il était impliqué dans des trafics d'armes, nous sommes aussitôt parties, expliqua précipitamment Anne. Le trafic d'organes est très récent, quand on habitait ensemble, ils étaient surtout impliqués dans les trafics d'armes...
- « Ils étaient ? » Tu étais au courant pour son frère ?
Lyly continua de fixer sa mère, le corps bouillonnant de rage.
- Je savais qu'il était en contact avec un certain Rudy, mais je ne savais pas qui il était.
- Ils n'ont jamais fait de trafics d'organes ? demanda Théo.
- Si, une vingtaine, mais ce n'est rien comparé à ce qu'ils font avec les armes.
- Mais, quels organes ? rajouta Lyly.
- Cœur, foie, pancréas, rein, poumons, répondit Théo, le nez plongé dans les documents. Et encore...
Lyly recula en se passant les mains derrière son cou. Comment pouvaient-ils être impliqués dans de tels trafics ? Étaient-ils tous consentants ? Ou obligeaient-ils des personnes à se faire opérer ?
Lyly repensa soudainement au jeune homme qu'elle avait aperçu lorsqu'elle était accompagnée de son père dans sa voiture. Ce jeune homme qui avait paru mal à l'aise, apeuré, à deux doigts de s'enfuir. Pourtant, malgré tout, il était entré dans ce bâtiment, la tête basse. Était-il entré dedans pour vendre l'un de ses organes ? Pourquoi ? Parce qu'il avait besoin d'argent ? Son identité était-elle sur l'un de ces documents ?
Lyly fixa sa mère, écœurée, et suivit le regard d'Anne qui était de nouveau dirigé vers la fenêtre.
- Il faut qu'on s'en aille, ordonna brusquement Lyly.
Théo releva la tête des documents.
- Quand ? Maintenant ?
- On ne peut pas rester ici.
Elle contourna le bureau.
- S'ils savent qu'on sait tout ça, ils...
Anne attrapa fermement le poignet de Lyly lorsqu'elle passa à ses côtés et la fixa droit dans les yeux.
- Ils sont déjà au courant.
- Quoi ?
- C'est trop tard.
Lyly se tourna vers Théo, apeurée, et le vit prendre quelques photos des documents posés sur le bureau, avant de le contourner et de se précipiter vers elles. Il attrapa le poignet de Lyly en évitant le regard d'Anne et força sa petite amie à se tourner vers lui.
- Tu sais tout ce que tu voulais savoir ?
- Je...
Lyly tourna son regard vers sa mère, qui la regardait, le visage blanc, inquiet.
- Lyly, reprit brusquement Théo. Si tu as des questions, c'est maintenant.
Théo semblait avoir pris conscience de la situation et semblait désormais tout aussi inquiet qu'Anne. Ils ne pouvaient plus traîner dans cette maison. Pas depuis qu'ils étaient au courant de leur présence ici. Pas depuis que le jeune couple avait eu accès à ces informations.
-T-tous ces documents, toutes ces preuves, qu'est-ce que tu vas en faire ?
- Je dois les présenter à mon avocat dans quelques jours, mais...
- Tu es sûre qu'ils ne peuvent pas les récupérer ?
- Il faut qu'on y aille, Lyly !
Théo laissa sa main glisser le long du poignet de sa petite amie et lui empoigna la main. Lyly croisa le regard inquiet de Théo et acquiesça la tête. Celui-ci se dirigea aussitôt vers la sortie, la main de la jeune femme toujours dans la sienne, et ouvrit lentement la porte afin de s'assurer que personne ne se trouvait dans le couloir.
Ils ne se retournèrent pas vers Anne, qui les suivait des yeux, apeurée, et filèrent à l'extérieur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top