Chapitre 61

Lyly ouvrit difficilement les paupières et découvrit le sofa sur lequel elle était étendue. Un canapé vert en cuire. Vu l'odeur qu'il renvoyait et la dureté du sofa, il semblait neuf, voire peu utilisé. Elle n'était pas à l'hôtel, du moins pas dans sa chambre.

Elle jeta un coup d'œil dans le salon, les sourcils froncés et la main sur le crâne, et se redressa lentement, sur ses gardes, à l'affût. Elle discerna quelques bruits de verres s'entrechoquant et des voix murmurer, mais elle ne pu deviner de qui il s'agissait. Lorsqu'elle se remémora brusquement sa course poursuite et son arrivée dans la forêt, elle se releva aussitôt sur ses jambes. Son père. Non, il n'avait pas fait ça.

Elle balança son regard d'un coin à un autre, et ce n'est que quand ses yeux se posèrent sur une photo de famille posée sur l'un des meubles du salon qu'elle sentit un malaise l'envahir. Lyly se laissa aussitôt retomber sur le canapé, le dos contre le dossier, et se prit le visage entre les mains pendant qu'une porte claquait. Elle se compressa le crâne, les yeux fermés, et tenta de réfléchir le plus rapidement possible. Elle ne pouvait être que chez Fabio. Chez lui et sa famille. Elle devait fuir.

-Comment tu te sens ?

Lyly releva aussitôt la tête et vit son père pénétrer dans le salon. Elle tenta de regarder si quelqu'un se trouvait derrière lui, mais il semblait seul.

- Il n'y a que moi dans cette pièce, lui informa-t-il en devinant à quoi elle pensait. Toi et moi.

La jeune femme quitta son regard et vit son téléphone ainsi que son portefeuille posés sur la petite table près du canapé.

- J'ai dû jeter ton sachet, reprit-il. Ça avait pris l'humidité à cause de la terre.

Lyly acquiesça et releva les yeux vers son père.

- Ton bras, ça va mieux ?

Quelque peu déboussolée, elle tourna ses yeux vers son bras et vit sa blessure entourée dans un bandage. Elle ne ressentait plus rien. Aucune douleur.

-Qu'est-ce que tu m'as fait ? Je ne ressens plus rien, lâcha-t-elle.

-Gwenaëlle, ma fiancée, précisa-t-il, a travaillé dans un hôpital pendant quelques années. Elle a soigné ta blessure et t'a donné un médicament pour que la douleur passe.

Lyly ôta difficilement son regard de son bandage, le cœur serré.

Gwenaëlle avait manipulé son bras alors qu'elle était complètement inconsciente. Gwenaëlle avait donc fait connaissance de la première fille de Fabio alors que Lyly n'était pas consciente, le bras en sang. Si ce n'était pas gênant à souhait...

- Je ne me souviens de rien après la voiture, avoua-t-elle à mi-voix. Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

Fabio se rapprocha et prit place sur le canapé, aux côtés de Lyly.

- Tu te souviens du moment où je t'ai récupéré dans la forêt ?

Lyly indiqua que oui d'un mouvement de tête.

- Je t'ai amené dans ma voiture, de l'autre côté de la forêt, pour être sûr que Rudy ne s'y trouve pas. Tu t'es assise à l'arrière, parce que tu avais envie de t'allonger. Je t'ai donné un médicament pour que tu puisses te reposer, tu m'as raconté ce qui s'était passé, et tu t'es endormie pendant le trajet.

- Et après ? demanda-t-elle en le regardant.

- Et après Gwenaëlle m'a aidé. Elle s'est occupée de ta blessure et elle est repartie.

- Elle est ici ?

- Non. Elle est chez le voisin. Je savais que tu ne voulais pas la voir, je ne voulais pas t'infliger ça en plus.

Lyly resta silencieuse et n'osa pas relever les yeux vers la photo de famille présente sur le meuble. Elle mourrait d'envie de lever les yeux, juste par simple curiosité, mais c'était trop dur. Elle ne pouvait pas.

Eux aussi avait eu une photo de famille affichée dans le salon avant qu'elle ne tombe malade. Son père en avait fait développer une en grand format. En un si grand format que lorsqu'une personne pénétrait dans le salon, la photo était la première chose qui lui sautait aux yeux.

- Tu veux que j'appelle Théo ?

Elle sortit de ses pensées et refusa d'un signe de tête. Elle ne voulait pas l'inquiéter. Pas tant qu'il se trouvait aussi loin d'elle et qu'il n'était pas possible de l'avoir à ses côtés.

Alors qu'elle observait son téléphone, la pièce fut plongée dans le silence. Un silence presque désagréable. Elle aurait aimé pouvoir s'excuser, s'excuser de ce qu'elle lui avait craché au visage, mais elle resta muette, les mains calées entre ses cuisses. Malgré ce qu'elle lui avait lancé dans la figure, il était venu l'aider.

- Il faut que je te montre quelque chose, reprit Fabio. Mais avant ça, il faut que tu manges quelques chose. Il est quatorze heures.

Il se releva.

- Tu raffoles toujours autant des patates douces grillées au four ?

Lyly releva brusquement ses yeux vers Fabio, étonnée qu'il s'en souvienne, et l'observa les yeux grands ouverts d'étonnement. Après toutes ces années, comment pouvait-il se souvenir qu'elle idolâtrait les patates douces lorsqu'elle était plus jeune ?

- O-oui.

- J'en ai préparé pendant que tu dormais, avec du poulet. Elles doivent être prêtes. Je nous ramène ça.

Son père contourna le canapé et disparut du salon, laissant Lyly abasourdie.




Fabio gara sa voiture entre deux grosses camionnettes de travail, à l'écart d'un bâtiment noir de deux étages dont les volets de la partie gauche étaient tous baissés. Il coupa le moteur, ajusta ses lunettes de soleil sur le nez et enfonça sa casquette sur la tête.

Lyly se contenta d'enfiler les lunettes que son père lui avait prêté et s'attacha maladroitement les cheveux en une queue de cheval. Malgré les quelques bosses qu'elle vit sur le sommet de son crâne, elle baissa les bras et décida de laisser ses cheveux en paix.

-Qu'est-ce qu'on fait là ?

- Le bâtiment que tu vois là-bas, répondit Fabio en le signalant d'un signe de tête, le plus petit des deux, c'est où Ludo et Rudy travaillent. Ludo ne vient qu'une fois par semaine, mais Rudy s'y rend bien plus régulièrement.

- Rudy n'est pas censé travailler dans un commissariat ?

- Si. Mais il ne fait pas que ça. Quand il peut se libérer, il vient ici.

- Et tu sais ce qu'ils font ?

Le père de Lyly suivit des yeux un jeune homme au teint basané et le montra discrètement du doigt pour que la jeune femme l'observe à son tour. Celui-ci marchait lentement, presque hésitant, les doigts entortillés d'anxiété. Il s'arrêta près de l'énorme porte d'entrée, sembla réfléchir un moment puis soupira longuement. Il jeta un oeil autour de lui, comme s'il ne souhait pas être aperçu à cet endroit-ci, mais pénétra finalement dans le bâtiment, le visage totalement baissé.

- Tu le connais ? demanda Lyly.

- Non. En fait, un bon nombre de personnes entrent dans ce bâtiment. Il existe deux bureaux, celui de Ludo et Rudy, et un cabinet dentaire. Mais on reconnaît facilement ceux qui viennent faire un tour chez le dentiste. Les gens comme ce jeune ne vont pas se faire arracher une dent, ils sont toujours très hésitants quand ils arrivent près de la porte. J'en ai même vu certains s'enfuir en courant. Je suis certain qu'ils allaient voir Rudy.

- Mais ils ont peur de quoi ?

- Là est la question.

- Tu n'as pas une petite idée ?

Elle quitta le bâtiment des yeux et se tourna vers son père.

- Si. Mais je dois confirmer mon hypothèse. Je ne peux pas en parler avant, je préfère être sûr de mon coup.

- Et Ludo, pourquoi il vient seulement une fois par semaine ?

Fabio réfléchit un instant.

- Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que lorsqu'il vient dans ce bâtiment, aucune personne n'est entrée pour rejoindre Rudy. Il n'y a jamais personne. Si tous ces gens sont des patients à eux, tu peux être sûre qu'aucun de ces clients n'a pu rencontrer Ludo en personne. C'est comme s'il souhaitait ne pas être vu.

Lyly fronça les sourcils.

Quelque chose de louche se tramait, mais quoi ? Que faisaient Rudy et Ludo ? Et ce jeune, pourquoi avait-il l'air si effrayé avant d'entrer dans la bâtiment ? Que s'apprêtait-il à faire ?

- Rudy n'est pas encore arrivé, sa voiture n'est pas garée, informa Fabio.

La jeune femme regarda en direction du petit parking situé devant le bâtiment et ne perçut aucune mercedes grise.

- Tu crois qu'ils vont lui faire du mal ? osa demander Lyly. Tu as déjà vu leurs clients ressortir du bâtiment ?

- Jamais par celle-ci. Il y a une porte de sortie à l'arrière. Je me suis déjà posté par là-bas pour voir, et leurs patients ressortent toujours par celle de sortie, jamais par l'entrée principale, celle que tu vois là.

- Mais à quoi ça mène ? Je ne comprends rien. A quoi ils jouent tous les deux ?

- Tu le sauras bientôt, d'ici quelques jours. Mais je t'en prie, la supplia-t-il, évite d'ébruiter tout ce que je t'ai raconté. Tout ne peut pas être foutu en l'air, pas après toutes les recherches menées.




Lyly remonta les escaliers de l'hôtel éreintée et le bas de l'épaule droite douloureuse. Elle passa la porte du couloir et marcha lentement vers sa chambre. Si son père n'était pas venu la chercher et ne lui avait pas donné quelques comprimés pour soulager la douleur, elle ne sait pas comment elle aurait pu arriver jusqu'ici.

Lyly sortit la clé de sa poche et l'enfonça dans la serrure de sa main gauche. Elle la tourna rapidement ouvrit la porte et s'enfonça dans sa chambre en prenant bien soin de fermer la porte à double tours et d'allumer la pièce. Elle jeta son téléphone et son portefeuille sur la table du salon et se laissa tomber sur son lit.

- Merde, mon bras, grimaça-t-elle.

Elle le libéra de sous son corps avec lequel elle l'avait écrasé et plongea son regard sur le plafond.

Après que son père l'ait déposé près de son hôtel, Olivia l'avait contacté et Lyly avait erré dans les rues des alentours, le téléphone à l'oreille, afin d'échanger avec elle et d'écouter ce qu'elle avait à lui dire de si important. D'après ce qu'Olivia lui avait raconté, Antoine avait débarqué à la fête de Mathilde avec quelques uns de ses amis et avait foutu un bazar pas possible. Une bagarre avait éclaté et la police avait dû faire irruption chez Mathilde afin de calmer la situation. Antoine et deux de ses amis avaient finalement été arrêtés par la police et une vidéo de la scène avait tourné sur les réseaux sociaux, provoquant l'indignation de certains internautes.

Olivia avait envoyé le lien de la vidéo afin que Lyly puisse la regarder, mais celle-ci n'avait pas pris le temps de le faire et n'avait pas eu le courage de regarder quoi que ce soit de violent avant d'aller se coucher. Elle s'étira sur son lit d'un seul bras et ferma quelques secondes les paupières. Elle approchait du but. Plus les jours passaient et plus elle parvenait à obtenir davantage d'informations à propos de Rudy et Ludo. Tout semblait encore flou, mais elle en avait suffisamment appris aujourd'hui pour se rendre compte de la magouille dans laquelle les deux frères étaient trempés. Il ne restait plus qu'à savoir de quoi il s'agissait.

Après l'appel d'Olivia, elle avait dû rappeler Théo après avoir remarqué ses deux appels en absence, et n'était pas resté très longtemps au téléphone avec lui. Il avait semblé fatigué à l'autre bout du fil et avait attendu son appel pour pouvoir aller se coucher. De peur de l'inquiéter, elle n'avait pas fait allusion à sa blessure au bras ni à la course poursuite qui avait eu lieu dans la matinée, et encore moins à son passage chez Fabio. Lyly rouvrit les yeux. Elle allait devoir lui en parler, mais par quoi commencer ? Et comment faire pour ne pas l'inquiéter ? Il allait s'inquiéter. Et pester.





Lyly sursauta à l'entente des trois coups donnés dans la porte et regarda l'écran de son téléphone tout en se touchant le sommet du crâne. Midi dix. Elle se redressa furtivement sur son lit, légèrement étourdie, et patienta afin de s'assurer que tout était bien réel, que quelqu'un se trouvait bel et bien derrière cette porte. La première personne qui traversa son esprit fut Bruno. Puis Rudy. A cette idée, son sang ne fit qu'un tour et elle se mura dans le silence. Elle sauta de son lit, son bras atrocement douloureux, enfila rapidement une petite veste en coton qui n'aurait pas non plus fait long feu si elle l'avait porté lors de la course poursuite de la veille, cacha sa veste tâchée de sang au fond de son sac et avança lentement vers la porte.

La personne de l'autre côté de la porte frappa cette fois-ci quatre grands coups. Des coups bien plus forts. Bien plus sûrs. Mais Lyly resta tétanisée. Elle avait ordonné à Bruno de garder pour lui le numéro de sa chambre et lui avait interdit de le transmettre à quelqu'un, sauf si elle demandait le contraire, alors qui pouvait bien frapper à midi dix ? Elle avança à pas de loups et colla son oreille à la porte, mais aucun bruit ne lui parvint de l'autre côté, pas un seul indice. Rien. Même pas une voix.

Elle inspira un grand coup, remplit ses poumons à bloc afin de pouvoir crier si cela était nécessaire, et posa la main sur la clé enfoncée dans la serrure. Elle déverrouilla la porte, maintint une clé fortement dans sa main pour pouvoir l'utiliser en tant qu'arme si elle venait à se faire agresser, et appuya très lentement sur la poignée, le cœur prêt à bondir de sa poitrine. Lyly fut prise d'un haut-le-cœur, apeurée, tétanisée, mais elle tira tout de même la porte vers elle. Si c'était Rudy, elle devait y faire face. Elle était là pour ça.

La porte s'ouvrit sur Théo, un sac de voyage maintenu dans sa main droite. Son regard accrocha instinctivement celui de Lyly, et ils restèrent là, immobiles, à se détailler des pieds à la tête. Cela ne faisait que cinq jours qu'ils ne s'étaient pas vus. Et pourtant, le temps avait semblé si long. Interminable. Théo resta immobile, la bouche sèche, les yeux dans ceux de Lyly, qui semblait ne pas réaliser la venue de son petit ami.

Elle rangea aussitôt la clé dans sa poche, relâcha sa respiration et soupira de soulagement. Il avait une légère barbe de quelques jours, signe qu'il avait été surmené ces cinq derniers journées, et de petits cernes sous les yeux. Ses cheveux en bataille à cause du vent qui soufflait à près de quatre-vingt kilomètres heure lui donnaient un air plus jeune. Plus étourdi.

Elle observa ses mains chargées par le sac de voyage et un téléphone portable, et imagina déjà le bout de ces doigts glisser sur sa joue, puis sur son cou, avant de glisser le long de sa poitrine. Elle les imagina lui agripper les hanches et la rapprocher brusquement de lui afin que son corps enfiévré ne rencontre celui du jeune homme. Lyly releva les yeux vers le visage de Théo, le souffle coupé, et arrêta son regard sur la bouche de Théo, qui était désormais légèrement entrouverte. Ces lèvres qui avaient accédé à des lieux interdits, à des endroits qu'elle n'aurait jamais imaginé pouvoir rendre accessible à un quelconque homme. Ces lèvres dont elle n'avait jamais assez. Qu'elle avait besoin de ressentir sur les siennes. Maintenant.

Elle fit brutalement un pas en arrière afin de le laisser entrer. En deux enjambées il se retrouva à l'intérieur. Il lâcha son sac, pivota sur ses talons et se jeta sur Lyly afin de la prendre dans ses bras. Il agrippa le dos de son t-shirt afin de la rapprocher davantage de son torse et ferma les yeux en sentant Lyly lui caresser le dos. Il poussa aveuglément de son pied la porte d'entrée qui claqua derrière eux et glissa sa main à l'arrière du crâne de la jeune femme, qui ne cessait de le serrer contre elle.

Lyly recula d'un pas et détailla une seconde fois le visage de Théo afin de s'assurer que tout était bien réel. Elle passa son regard de ses yeux à son nez ; de ses joues à sa bouche ; de sa barbe à ses cheveux. Il entoura soudainement le visage de Lyly de ses deux mains et la fit reculer de deux pas avant que son dos ne cogne le mur qui délimitait le couloir de la salle de bains. Elle grimaça et tenta de maintenir son bras le plus éloigné possible du jeune homme. Mais Théo n'en pouvait plus, il ne pouvait plus résister à la distance qui séparait son corps de celui de Lyly. Il avait besoin de la prendre dans ses bras, de la toucher, de l'embrasser...

Il se plaqua brusquement à elle, rencontra son regard vert embrasé et jeta ses lèvres sur celles de la jeune femme, qui répondit aussitôt à son baiser. Elle glissa sa main sous le t-shirt de Théo, à la recherche de la chaleur de son dos, à la recherche de chaque parcelle de son corps pouvant lui prouver qu'il était bel et bien là, dans son hôtel. Il se rapprocha un peu plus d'elle, son torse désormais collé à celui de sa petite amie, et fit passer sa main sous l'arrière de sa culotte.

Une porte du couloir de l'hôtel claqua, mais le jeune couple n'y prêta pas attention, bien trop absorbé par la présence de l'autre. Théo leva lentement sa main droite et glissa suavement le bout de ses doigts sur la joue de Lyly pendant qu'il suivait le mouvement des lèvres humides de Lyly. Son cœur bombardait. Son sang bouillonnait.

Il attrapa les hanches de Lyly pour tenter de la rapprocher davantage de lui, mais la jeune femme se trouvait déjà collée à lui, sa poitrine serrée contre son torse. Ses jambes contre les siennes. Ressentait-elle la même chose que lui ? Parvenait-il à lui faire autant d'effet qu'elle ne lui en faisait ? Son corps était-il autant bouillonnant que le sien ? Lyly aurait aimé laisser les choses se faire. Elle aurait aimé qu'il la porte comme il le faisait si bien, qu'elle enroule ses jambes autour de son bassin et qu'il la dépose sur le lit afin qu'ils puissent se retrouver sans tous ses vêtements qui lui semblaient de trop. Mais il était tard, il devait avoir faim. Et ils devaient parler.

Lyly recula lentement des lèvres de Théo, qui semblait ne pas en avoir eu assez, et plongea ses yeux enfiévrés dans ceux de Théo pendant qu'il entourait sa taille de ses bras. Ils restèrent un instant à se regarder, en silence, incapables de se rendre compte qu'ils étaient bel et bien réunis.

- Il faut que tu manges quelque chose, tu dois avoir faim, chuchota-t-elle, à bout de souffle.

- C'est de toi dont j'ai envie, Lyly, marmonna-t-il, les yeux rivés sur ses lèvres.

Elle lui sourit timidement et sentit Théo lui caresser lentement le dos du bout des doigts.

- Je vais te préparer quelque chose.

Mais elle ne bougea pas et resta le corps enfiévré contre celui du jeune homme.

Comment pouvait-elle oser reculer et échapper aux bras de son petit ami ? Le devait-elle réellement maintenant ? Ne pouvait-elle pas profiter du moment ? Leur corps collé l'un contre l'autre démontrait le désir de leur être de ne faire plus qu'un. Ce désir de vouloir aller plus loin. De céder à la tentation, là, maintenant. Il faisait chaud. Très chaud. Lorsque Lyly entendit le ventre de Théo gargouiller, elle lâcha un petit rire et s'éloigna difficilement d'un pas, presque hésitante.

- Il faut vraiment que je te prépare quelque chose. Tu devrais peut-être vider ton sac, en attendant. Si tu veux.

Elle contourna habilement Théo, déboussolée par ce que son corps lui faisait ressentir en apercevant Théo, et ouvrit le réfrigérateur pendant que le jeune homme posait sa doudoune noire en soupirant.

- Je t'avoue que je n'ai pas grand chose, reprit-elle. Des pâtes, de la sauce tomate en tube... Je peux passer à la supérette si tu ve...

- Ne t'en fais pas, la coupa-t-il, ça me va.

Il n'était pas question qu'elle sorte de cette pièce. Il voulait pouvoir la dévorer du regard lorsqu'elle aurait le dos tourné, il voulait pouvoir l'enlacer si l'envie lui prenait ou bien lui sourire si son regard rencontrait le sien. Elle ne pouvait pas s'éloigner de lui, pas maintenant qu'ils étaient de nouveau réunis. Elle acquiesça, ferma le réfrigérateur et sortit du placard du dessus le tube tout neuf ainsi qu'un sachet de pâtes déjà entamé. Lyly pivota sur ses talons et les posa sur le petit meuble noir en bois qui délimitait la cuisine du salon, et releva les yeux vers Théo qui était désormais agenouillé près du lit, en train de trifouiller dans son sac de voyage. Il portait l'un des derniers jeans qu'il avait essayé devant elle et l'une des chemises préférées de Lyly.

Elle resta immobile, les mains autour du tube et ne parvint pas à détacher son regard de Théo, qu'elle percevait de profil. Il était venu ici pour elle. Il avait tout laissé tomber pour la rejoindre. Malgré les gaffes qu'elle accumulait les unes après les autres, il répondait présent. A chaque fois. Après ses agressions, durant ses crises de panique, pendant ses pleurs... Il n'avait jamais cessé d'être à ses côtés, qu'ils aient été en couple ou non.

Lyly baissa les yeux sur son paquet de pâtes ouvert puis sur la peau de ses bras désormais recouverts de frissons. Comment faisait-il pour lui faire un tel effet sans même la regarder ? Elle reporta ses yeux sur le jeune homme et ouvrit aveuglément le tube de sauce tomate. Son cœur débordait d'amour pour lui, elle ne pouvait pas le nier. Elle lâcha le tube sur le meuble et le contourna afin de rejoindre Théo dans le salon, quelques mètres plus loin. Lyly ne pouvait plus le voir loin d'elle. Elle avait besoin de lui. De sentir son corps contre le sien ; de sentir son parfum ; de passer sa main dans sa chevelure. La voyant approcher, Théo eut à peine le temps de se redresser qu'il la vit glisser l'un de ses bras autour de sa nuque. Il vit son regard détailler lentement son visage avant de s'arrêter sur ses lèvres, puis sur ses yeux.

- Tout va bien ? demanda-t-il.

Lyly acquiesça la tête sérieusement.

- Je n'en reviens pas que tu sois venu, avoua-t-elle. Je ne pensais pas te voir aussi rapidement.

- Tu aurais préféré que je vienne plus tard ?

Elle hocha frénétiquement la tête que non, l'attira vers lui et l'enlaça.

Elle sentit les quelques poils de sa barbe lui grattouiller le haut de l'épaule lorsqu'il se pencha pour déposer ses lèvres au creux de sa nuque. Elle frissonna de plus belle et un sourire se figea sur son visage malgré le douleur lancinante que lui procurait son bras.

- Merci d'être venu, marmonna-t-elle en se sentant désormais en sécurité. Merci d'être là.

Et même si les vêtements semblaient une nouvelle fois de trop, elle resta logée silencieusement dans ses bras, reconnaissante qu'il ait fait tout ce chemin pour elle. Pour eux.

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