Chapitre 60

Hello,

Juste ce petit message pour vous souhaiter un joyeux Halloween et pour vous souhaiter également une très belle journée.

Bonne lectuuure,

-G

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Tout allait bien trop vite pour Lyly. Elle qui était pourtant d'un tempérament très calme ne parvenait pas à contrôler sa colère. Comment sa mère pouvait-elle être aussi naïve ? Pourquoi lui cachait-elle tant de choses ? Et son père, comment avait-il pu refaire sa vie ? L'avait-il réellement cherché, comme il le disait ?

Lyly se sentait totalement désorientée. Elle sortit du bus, la cervelle en compote et fatiguée, et se dirigea lentement vers l'hôtel. Elle avait parlé avec sa mère. Et elle avait échangé avec son père. Que pouvait-elle apprendre de plus désormais ? Visiblement, sa mère n'allait pas lui apporter plus de réponses que cela, et elle avait blessé son géniteur.

Elle ressentit un pincement au cœur en pensant à Fabio et longea le trottoir en silence. Parfois, il lui arrivait d'avoir honte de son comportement. Son cœur fourmillait tant de rancœur qu'il lui arrivait parfois d'exploser, sans que la personne n'ait rien demandé.

Finalement, le fait que Théo soit loin d'elle n'était peut-être pas plus mal. Il était protégé de ses sautes d'humeur. Il ne pouvait pas voir cette version d'elle-même. Elle avait bien trop honte.

— Lyly !

La concernée s'arrêta, lasse, et pivota sur ses talons afin de voir qui pouvait bien l'appeler. Elle vit Bruno débouler, une bière en main et le sourire jusqu'aux oreilles.

— Désolée de t'arrêter comme ça, mais je me suis dit qu'on aurait pu papoter ensemble, si tu as rien à faire.

Lyly regarda l'heure sur sa montre. Il était déjà vingt heures. Et elle n'avait encore rien mangé.

— Je t'avoue que je suis un peu fatiguée, et j'ai très faim, je n'ai pas encore mangé ce soir.

— Tu veux pas me rejoindre ? Je travaille pas ce soir, et je suis en train de boire un coup dans le bar juste derrière. Je peux commander des cacahuètes et des sandwichs, ils les font super bien !

Le visage de Chris se refléta soudainement sur celui de Bruno.

L'occasion ne se présenterait probablement plus. C'était maintenant ou jamais. Elle devait se renseigner, en savoir plus sur ce que ressentait Bruno pour Chris. Elle lui devait bien ça, lui qui l'avait tant aidé...

— D'accord, je capitule, dit-elle en levant les mains. Je te suis.




Lyly engouffra son deuxième sandwich, sous les quelques rires de Bruno qui entamait sa deuxième bière.

— T'avais faim dis-donc ! Tu veux que j'en commande un autre ?

Lyly hocha la tête que non, la bouche pleine, et ricana légèrement.

— Il m'arrive pas mal de venir ici quand je travaille pas. Je connais bien le barman, et un des serveurs est un pote à moi.

La jeune femme avala le reste de son sandwich et acquiesça.

— Tu connais beaucoup de monde dans le coin ?

— Ici et là, ouais. Je travaille dans un hôtel, je vois forcément du monde, et parfois on se lie d'amitié avec certains clients. Ça reste rare, mais ça arrive.

— Et tu as quelqu'un dans la vie ? demanda innocemment Lyly.

— La fameuse question ! plaisanta Bruno. Non, personne. Pas pour le moment en tout cas. Et toi ?

— J'ai un copain, oui.

— Il va te rejoindre ?

— Je ne sais pas, répondit Lyly. J'aimerais bien. Mais il est très occupé ces derniers temps. Il a beaucoup de choses à faire.

— Je comprends. Quand Chris m'a demandé de te trouver une chambre, j'avoue avoir été très surpris... Si Chris me demande ça, c'est qu'il a vraiment besoin d'aide et qu'il trouve pas de solution.

— Pourquoi tu dis ça ?

Bruno haussa les épaules et avala une gorgée de sa bière.

Lyly fit semblant de s'intéresser aux personnes autour d'eux, et décida de revenir doucement à la charge. Il ne fallait pas éveiller les soupçons, elle devait aborder le sujet en douceur.

— Et, tu le connais depuis longtemps Chris ?

— Heu, cinq mois peut-être. Voire six. Je sais plus très bien.

— Tu l'as rencontré comment ?

Bruno rencontra le regard de Lyly et la jaugea un instant.

Il était clair que si Chris avait dit à Bruno que personne n'était au courant pour sa sexualité, il ne lui dirait pas la vérité.

Le concerné quitta le regard de Lyly et prit sa bière dans l'une de ses mains.

— Par hasard. On a parlé, puis on est devenu potes, dit-il, évasif.

Il porta la bière à ses lèvres et en avala deux gorgées successives sous le regard de Lyly. Peut-être était-il gêné. En tout cas, il gagnait un point. Il ne trahissait pas Chris. Il respectait même son « secret ».

— Et toi, avec ton copain ?

Il reposa la bière et sourit à Lyly.

— Il s'appelle Théo. Écoute... Elle hésita. Je suis désolée de te l'annoncer comme ça, mais je suis au courant pour toi et Chris. Je sais qu'il y a eu quelque chose entre vous.

Le sourire de Bruno s'évapora. Il fixa Lyly, les yeux écarquillés, et resta silencieux.

— Il m'en a parlé il n'y a pas longtemps. Je ne savais même pas qu'il était gay. Enfin bon, ce n'est pas la question. Je suis juste contente qu'il ait pu m'en parler. J'espère qu'il parviendra à s'assumer et à être heureux, parce qu'il le mérite.

Bruno fit un signe de tête à l'un des serveurs pour le saluer, et reporta ses yeux sur Lyly, le visage fermé.

— Je ne voulais pas te mentir, reprit-elle, faire semblant que je ne savais pas. Je suis désolée si ça t'a blessé, ou...

— Non, tu as eu raison, la coupa-t-il. Je suis juste étonné qu'il t'en ait parlé.

— On se voit beaucoup moins qu'avant, on a forcément moins le temps de se raconter notre petite vie... Mais j'ai vite compris qu'il y avait eu quelque chose entre vous quand il me parlait de toi.

Bruno tenta de masquer son petit sourire en coin.

— J'imagine que ce n'est pas facile de sortir avec un mec qui ne s'assume pas encore, mais Chris en vaut la peine, tu sais. Il a juste besoin de temps.

— Je sais, répondit-il en acquiesçant. Je sais bien. Mais c'est lui qui m'a repoussé. Je lui avais fait aucune remarque avant qu'il s'ouvre à moi et me révèle qu'il parvenait pas à s'assumer avec un mec.

Il haussa les épaules.

— Mais je lui en veux pas. Je sais que ça peut être compliqué au départ.

Lyly le regarda avaler le reste de sa bière et reposer la bouteille vide sur la table, entre eux.

— Et tu ne peux pas... Elle réfléchit. Je veux dire, tu ne peux pas l'aider ? Tu ne peux pas lui donner des conseils, lui dire comment tu as fait ?

—J'avais déjà essayé, mais il avait refusé.

— Tu devrais réessayer... Je pense qu'il a compris beaucoup de choses depuis votre aventure...

Bruno resta à la regarder en silence.

Peut-être pensait-il qu'elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas. Peut-être même regrettait-il de l'avoir invité à le rejoindre dans ce bar. Mais Lyly se sentait satisfaite. Elle avait fait de son mieux pour semer des indices, pour lui faire comprendre qu'il devait retenter sa chance avec Chris.

Le cellulaire de Lyly vibra. C'était un appel. Elle le sortit de sa poche et vit le nom de Théo s'afficher sur son écran.

— C'est mon copain, indiqua-t-elle à Bruno.

— Tu devrais répondre.

Lyly acquiesça et se leva de sa chaise.

— Je vais le rappeler dans ma chambre. On se voit demain ?

— Sans faute, répondit-il en souriant légèrement.

— Je vais payer et je m'en vais, dit-elle en enfilant sa veste.

— Non, laisse. Je connais le mec, il ne te les fera pas payer.

— Tu es sûr ?

— Certain. On s'arrange comme on peut.

— Merci beaucoup Bruno.

Elle regarda son téléphone vibrer une seconde fois.

— Il faut que j'y aille. A demain !

— A demain, Lyly !

Lyly contourna deux bandes de jeunes et se précipita à la sortie du bar.

Elle déverrouilla son téléphone qui avait arrêté de vibrer et rédigea rapidement un message pour Théo.

Je file à la douche et je te rappelle d'ici trente minutes. Bisous.




Les événements de la journée avaient inlassablement tourné dans la tête de la jeune femme, sous l'eau du pommeau de douche.

Elle avait laissé couler l'eau sur son corps, les cheveux plaqués en arrière et s'était laissée submerger par l'émotion. Lorsqu'elle ressortit de la salle de bains une trentaine de minutes plus tard, c'est démoralisée qu'elle prit place sur son lit, une robe de chambre lui servant de pyjama.

Son comportement avait été immonde. Surtout envers son père. Ce n'était d'ailleurs pas pour rien qu'il n'avait pas tenté de la rappeler pour savoir comment cela s'était passé chez sa mère. Elle avait été méprisante. Hautaine.

Elle soupira, déverrouilla son téléphone et ne vit aucune réponse à son message. Théo attendait  probablement son appel. Ou bien en avait-il eu aussi marre de Lyly... Elle lança un appel vidéo, le cœur serré.

Lorsqu'il décrocha au bout du troisième coup, elle sentit son cœur se compresser davantage, et elle se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher d'éclater en sanglots.

— Tu vas bien ? demanda-t-il aussitôt.

Théo était adossé à sa tête de lit, sa paire de lunettes sur les yeux. Il la retira, intrigué, et la posa sur son lit.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

Elle leva les yeux en l'air pour fixer le plafond afin de s'empêcher de pleurer, et tenta de respirer le plus lentement possible.

— Parle-moi, bébé. Je suis là.

— Je suis désolée, bredouilla-t-elle, la voix tremblante.

— Désolée pour quoi ?

— Je suis immonde comme personne.

Elle lâcha son téléphone sur son lit, et se leva pour tenter de reprendre ses esprits. Elle ouvrit en grand la fenêtre de sa chambre et alla chercher une bouteille d'eau dans le réfrigérateur.

Lyly, reprend ton téléphone. Où est-ce que tu es partie ?

Elle déposa la bouteille près de son lit, les yeux rougies, et s'assit sur le bord. Elle reprit son cellulaire et le plaça face à elle.

Théo semblait très inquiet. Il soupira de soulagement en la voyant réapparaître à son écran, et se passa la main dans les cheveux, anxieux.

— Tu n'es pas immonde, reprit-il. Qu'est-ce qui te fait dire une connerie pareille ?

— Si tu avais vu la façon dont j'ai parlé à mon père... J'ai été dégueulasse avec lui.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ?

Lyly dû inspirer calmement si elle voulait pouvoir lui raconter la situation.

Lorsqu'elle eut fini de lui raconter tout ce qui s'était passé avec son père et sa mère, elle vit Théo se mordiller l'intérieur de la bouche, sérieux. Il parut réfléchir un moment, puis reporta son regard sur Lyly, inexpressif.

— Si tu avais été là, tu m'aurais sûrement demandé de me calmer, avoua-t-elle, honteuse. Tu aurais eu honte de mon comportement.

— Honte ? Théo hocha la tête que non. Ce n'est pas une question de honte. Mais là... Tu y as été fort.

Lyly quitta son regard pour le laisser tomber sur ses jambes serrées l'une contre l'autre.

Bien sûr qu'elle y avait été fort. Le mot était même faible. Comment allait-elle pouvoir se regarder dans un miroir désormais ?

— Tu sais bien que je ne porte pas ton père dans mon cœur, mais je t'avoue que ça me fait de la peine ce que tu lui as dit. Certes, il t'a abandonné, mais ça ne veut pas dire qu'il avait tenté de t'oublier en faisant d'autres enfants.

— Je crois que ça sera un sujet de plus à aborder avec monsieur Kurmin...

— Sans parler de psychologie, Lyly. Même si tu es en colère contre des gens, tu dois faire attention à ce que tu dis. La rage fait dire des atrocités, et après, pour rattraper le coup...

— Tu m'en veux ?

Elle releva les yeux vers Théo, qui ne l'avait pas lâché des yeux depuis son retour à l'écran.

— Ce n'est pas moi que tu as blessé, donc non. Mais c'est probable que ce soit le cas de ton père.

— Tu es déçu ?

Théo hocha la tête que non.

— Et surpris, à peine, avoua-t-il. Tu gardes trop de choses en toi, ce n'est pas étonnant de voir que tu laisses ressortir ta haine par moment. Tu devrais t'en libérer davantage. C'est mauvais de garder toutes ces choses au fond de toi.

Lyly resta immobile, le regard braqué sur son écran. Théo était si loin d'elle. Bordel, si elle avait pu sauter dans un taxi et le rejoindre chez lui, elle l'aurait fait.

— Tu me manques, avoua-t-elle soudainement. J'aimerais tellement que tu sois là... J'ai besoin de toi.

Théo la regarda en silence.

Il était rare d'entendre Lyly dire ce qu'elle ressentait. Certes, il lui arrivait parfois de s'ouvrir, mais l'entendre dire qu'il lui manquait, qu'elle aimerait qu'il soit là et qu'elle avait besoin de lui relevait de l'inédit. Cela était même mauvais signe.

Théo se sentit soudainement impuissant. Comment pouvait-il parvenir à dormir alors que sa petite amie était partie régler une histoire de famille seule ? Il prit une grande inspiration.

— Moi aussi j'aimerais. Je... Il réfléchit. Je vais faire de mon mieux pour me libérer, d'accord ?

Elle acquiesça tristement la tête.

— Mais tu vas te débrouiller sans moi pendant ce temps, reprit-il. Tu peux le faire, il n'y a aucun doute. Tu es forte, tu as juste besoin de te reposer, de faire le point sur tes émotions. Tu as accumulé plein de nouvelles informations aujourd'hui, prend du temps pour toi. Repose-toi. Tu ne vas pas tenir autrement.

— Et pour ma mère ?

— Je vais y réfléchir. Celui qui pourra nous apporter le plus d'informations est ton père. Il en sait bien plus que ce que tu crois, et malgré tout, il semble tenir à toi. Autrement il ne reviendrait pas autant à la charge.

— Il ne m'a pas rappelé depuis que je suis sortie de sa voiture...

— Il a été blessé, c'est normal. Laisse-lui le temps, expliqua-t-il.

Lyly hocha la tête que oui.

— Mais j'insiste. Quand tu es énervée, assure-toi de prendre du recul et de ne pas lâcher toute les atrocités qui traversent ton esprit. Se retenir d'envoyer balader quelqu'un est bien plus simple que de tenter de rattraper une amitié foutue en l'air à cause d'un manque de contrôle. Crois-moi.





Lyly repensa à la conversation qu'elle avait eu avec Théo et s'étira sous sa couverture encore chaude. Elle avait mal dormi. Très mal dormi, à vrai dire. Elle n'avait pas pu s'empêcher de penser à son père envers qui elle avait été injuste. Certes, elle pensait encore à moitié ce qu'elle avait dit, surtout à propos du fait de faire deux enfants au lieu de parvenir à trouver sa première fille malade, mais peut-être avait-il réellement tenté de la retrouver ? Peut-être avait-il été honnête envers elle ?

Elle soupira et regarda vers la fenêtre. Le soleil parvenait à se faufiler sur les côtés du volet et à éclairer légèrement la pièce grâce à quelques rayons lumineux. Elle jeta un œil à son téléphone et vit qu'il était déjà dix heures.

Lyly tourna son regard sur le second coussin du lit posé à sa gauche, près de sa tête, et sentit son cœur se compresser en le retrouvant inoccupé, une fois de plus. Si Théo avait été là, il y a de fortes chances qu'elle l'aurait retrouvé encore endormi, ou bien tourné vers elle, un sourire au coin des lèvres. Il aurait... Elle souleva la couette et baissa les yeux vers le bas de son t-shirt qui s'était remonté dans la nuit et qui laissait la moitié de son ventre à découvert. Si Théo avait été là, il aurait probablement glissé sa main sur son ventre et aurait laisser glisser ses doigts le long de sa peau.

La jeune femme ferma les yeux et laissa la couette retomber. Théo avait toujours se besoin constant de la rapprocher de lui, de la toucher. C'était un homme très tactile, qui faisait passer un bon nombre de messages à travers ses gestes, regards et baisers. Comment ne pouvait-elle pas se sentir aimée lorsqu'il ancrait son regard dans le sien et la dévorait littéralement du regard ? Plus d'une fois ses regards l'avaient mise à nue. Il avait cette façon d'observer et de regarder qui la rendait hors d'elle. Lorsqu'il observait le bas de son t-shirt et remontait lentement vers sa nuque, Lyly avait toujours cette folle impression qu'il parvenait à imaginer chaque parcelle de son corps à travers ce bout de tissu.

Le vibreur de son téléphone la sortit de sa rêverie et elle rouvrit difficilement les yeux. Elle attrapa aveuglément son téléphone et le leva au niveau de son visage afin de lire le message qu'elle venait de recevoir. C'était Olivia.

Salut ma poule ! Tu es disponible ce soir ? Mathilde organise une fête avant de partir en vacances. Il faut trop que tu viennes !

Lyly se redressa légèrement, ajusta son coussin derrière son dos et pianota rapidement sur son écran tactile.

Salut Olivia. J'aurais bien aimé accepter, mais je ne suis pas du tout chez ma cousine. Je suis partie voir ma mère... Tu me raconteras !

Elle n'eut pas le temps de sortir ses jambes de sous sa couette que son téléphone vibra contre la paume de sa main.

Ah merde ! Je voulais pas y aller seule en plus. Antoine sera là, et je sens déjà que ça va être le bordel avec Mathilde... Elle lui a dit de pas venir mais apparemment il va ramener des potes à lui.

Fais attention à toi. Ça peut vite dégénérer entre eux, surtout si Antoine est avec ses potes. Il va vouloir faire le malin.

Comme d'habitude ! S'il se passe quelque chose je te redirai.

Ça marche.

Lyly sortit ses jambes et sauta du lit. Elle ouvrit habilement les volets de la chambre, observa le temps d'un vif coup d'œil et passa à la douche, pensive. Si elle avait eu la possibilité d'aller à cette fête, en fin de compte elle ne sait même pas si elle y serait allée. Elle aurait pu voir Olivia et échanger avec elle, mais ensuite ? Assister à une embrouille entre Mathilde et Antoine ne lui disait rien qui vaille. Elle avait bien trop de choses en tête à gérer, elle n'avait pas besoin de se rajouter un problème supplémentaire.




Elle s'assura d'avoir bien fermé la porte de sa chambre à clé et prit les escaliers pour descendre au rez-de-chaussée. Ses cheveux encore humides la faisaient frissonner, mais elle continua sa descente et parvint près du bureau de l'accueil quelques secondes plus tard, auquel Bruno répondait absent. Lyly le chercha rapidement du regard dans les alentours afin de le saluer, mais elle resta deux bonnes minutes seule, les bras ballants.

Finalement, elle sortit de l'hôtel, légèrement intriguée, et traversa la route en l'absence de voitures roulant vers sa direction. Elle s'assura d'avoir apporté son téléphone et son portefeuille dans ses poches, et continua sa marche, affamée.

Son téléphone lui avait indiqué la veille l'emplacement d'une boulangerie à plusieurs pas de l'hôtel. Les commentaires laissés par les passants et fidèles sur le net vantaient la qualité des viennoiseries vendues, et le commerce avait même été élu deux fois la meilleure boulangerie du pays, ce qui n'était pas rien.

Lorsqu'elle longea l'une des boutiques près de la route et observa les vêtements mis en exposition de l'autre côté de la vitrine, elle aperçut dans le reflet de la vitre quelques voitures en file indienne roulant au ralenti à cause du passage incessant des piétons traversant à n'importe quel endroit la route. Quand son regard se posa sur une mercedes grise prise au piège dans la file, elle sentit son ventre se tordre de douleur et elle accéléra son allure, prise de peur. Elle feint de n'avoir rien aperçu et traversa soudainement la route pour s'éloigner de la voiture. Un automobiliste pila brutalement devant elle et ce n'est que lorsqu'elle vit le devant de la voiture noire à trois portes à ras de ses genoux qu'elle s'écria de peur et se mit à courir.

Elle continua sa course, affolée, et n'osa pas jeter un œil derrière elle. Elle frôla les passants, sauta par dessus la laisse tendue d'un chien qui tentait de rejoindre sa maîtresse dans l'une des boutiques mais qui ne pouvait le faire à cause du poteau qui le retenait, et accéléra encore plus son allure, jusqu'à en avoir le souffle coupé. Quand elle aperçut la boulangerie au loin, elle sprinta une dernière fois et pénétra telle une furie dans le commerce, essoufflée, les cheveux en bataille et les joues cramoisies.

Le souffle roque, elle porta sa main sur son point de côté, et resta penchée en avant un instant en l'absence de salariés pour l'accueillir afin de pouvoir faciliter l'entrée de l'air dans ses poumons.

Elle se redressa quelques instants plus tard, le cœur en transe au fin fond de sa poitrine, et salua l'homme qui venait d'apparaître de l'autre côté de la caisse.

— Que désirez-vous mademoiselle ?

Lyly tenta de cacher son essoufflement et se mit à respirer par le nez. Elle jeta un rapide coup d'œil aux viennoiseries, aux prix, et rejoignit le boulanger dans le coin gauche de la boutique.

— Je... Elle prit une grande inspiration. Je voudrais un pain au chocolat aux amandes s'il vous plaît.

Elle observa au-dessus de la tête de l'homme les offres du moment accrochés au mur, et hésita à prendre un chocolat chaud.

— Ce sera tout ?

Lyly acquiesça et suivit le boulanger des yeux. Elle avait envie de prendre un chocolat chaud, il était d'ailleurs très plébiscité dans les commentaires qu'elle avait pu lire sur internet. Mais comment allait-elle pouvoir courir avec une boisson dans le mains ? Et si elle se faisait agresser, une fois encore, Rudy n'allait-il pas essayer de lui renverser sa boisson afin de la brûler ?

Elle tenta d'écarter les images atroces qui lui traversaient l'esprit et sortit son portefeuille lorsque le boulanger revint se poster devant elle, de l'autre côté de la caisse. Elle paya rapidement, attrapa son sachet, remercia l'homme et tourna les talons vers la sortie.

Lyly avança lentement, la peur lui tordant les boyaux, et passa la porte d'un pas hésitant, sur le point de vomir. Elle n'avait rien mangé, avait mal dormi, et voilà qu'elle se faisait probablement encore suivre par cette mercedes grise ?

Elle s'arrêta au milieu du trottoir, les pensées tourbillonnant dans son crâne, et s'apprêtait à se convaincre que ce n'était peut-être pas Rudy dans cette voiture mais un inconnu, puisqu'elle n'avait même pas pris le temps de regarder le conducteur, lorsqu'elle l'aperçut de l'autre côté de la route, près de sa voiture, visiblement à la recherche de quelqu'un. Quand son regard vert croisa celui de Rudy et qu'il s'écria, elle s'élança dans l'une des ruelles près d'elle afin de prendre de l'avance.

Elle n'était pas folle, c'était donc bien lui. Bordel, comment avait-elle pu penser un seul instant qu'elle avait paniqué pour rien ? Ne pouvait-elle pas se faire confiance, pour une fois ? Lyly courut le plus rapidement possible, son point de côté lui faisant désormais un mal de chien, et tourna à droite. Elle déboula dans un pâté de maisons qu'elle ne connaissait pas.

Paniquée, elle continua sa route, les jambes en surchauffe, et prit le premier petit chemin en terre et monta la petite colline. Elle manqua de trébucher à deux reprises, mais elle continua sa course, des gouttes de sueur perlant sur son front, et multiplia ses enjambées. Lorsqu'elle retrouva un sol plus droit et stable, elle continua de foncer, son sachet qu'elle maintenait fermement dans sa main droite. Elle passa entre une lignée d'arbres, se rappa violemment le bras contre des branches d'arbres en souhaitant s'éloigner le plus rapidement possible et ralentit son allure lorsqu'elle entendit le chant des oiseaux lui caresser l'oreille. Lyly continua de trottiner sur quelques mètres, s'assura que personne ne la suivait, et s'arrêta, en sueur.

Son bras lui picota, mais elle l'ignora un instant, sur ses gardes. Elle analysa les alentours, sur le point de vomir, et se laissa tomber sur les fesses, contre le tronc d'un arbre.

Bruno ne lui avait jamais parlé de cette forêt. Était-elle beaucoup fréquentée ? Rudy la connaissait-il ? Elle se tordit de douleur, posa le sachet sur le sol, et étendit ses jambes devant elle, complètement éreintée. Si Rudy surgissait, elle n'était même pas sûre de pouvoir se relever. Était-il parvenu à suivre sa trace ou avait-elle réussi à le semer ?

Lyly grimaça soudainement de douleur et prit enfin le temps de tourner son regard vers son bras droit en sang. Elle eut un haut-le-cœur en apercevant sa plaie et tourna aussitôt ses yeux à son opposé en se recouvrant la bouche. La blessure semblait profonde et le sang continuait de couler le long de son bras.

Elle eut envie de crier de douleur, de haine et de fatigue, mais elle se retint et ravala également ses larmes. Lyly ferma les yeux quelques secondes afin de tenter de retrouver ses esprits, inspira profondément et confronta ses quelques solutions. Appeler Théo. Appeler Fabio. Appeler Bruno à l'accueil. Se relever et rentrer seule.

Rentrer seule était probablement la dernière chose à faire, surtout si Rudy l'attendait en bas de la colline. Quant à appeler Théo, cela n'était sûrement pas une bonne idée non plus. A quoi cela servirait-il ? Il se trouvait si loin d'elle, il lui serait impossible de la rejoindre pour l'aider...

Sans réfléchir, elle sortit son téléphone de sa poche, jeta un rapide coup d'œil à son bras qui continuait de saigner, et ferma les paupières, dégoûtée. Elle reporta ses yeux sur son écran et sélectionna Fabio dans son répertoire. Était-il préférable d'appeler ou bien de lui envoyer un message ? Elle releva les yeux, observa les alentours, s'assura qu'elle n'entendait aucun bruit de pas ni de branches craquantes et l'appela.

Le téléphone sonna un moment et termina sur le répondeur. Les larmes au bord des yeux, Lyly tenta une seconde fois, la main tremblante, mais le téléphone termina également sur le répondeur au bout de quelques secondes.

Lyly lâcha son téléphone sur la terre humide et ramena ses genoux près de sa poitrine, dévastée. Elle essuya d'un revers de main les larmes qui étaient sur le point de déferler de ses paupières sur son visage et ferma les yeux. Pourquoi fallait-il que Rudy la retrouve ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas les laisser en paix ? Lyly essuya une seconde fois ses yeux humides et les rouvrit.

Les oiseaux continuaient de chanter au-dessus de sa tête. Parfois, il lui arrivait même de percevoir quelques oiseaux virevolter d'une branche à une autre. Soudainement, contre toute attente, son téléphone se mit à sonner. Elle se précipita sur son téléphone, jura de douleur à cause de son bras, et empoigna son cellulaire afin de décrocher.

— Lyly ?

La voix de son père semblait à la fois inquiète et lointaine. Il avait probablement mis le haut parleur.

— P-papa ? Elle sanglota. Rudy m'a retrouvé, il m'a poursuivi et je ne savais pas quoi faire, enchaîna-t-elle sans reprendre son souffle. Je ne sais pas comment il a fait, mais il m'a retrouvé. Il m'a suivi et j'ai couru aussi loin que je le pouvais mais...

— Lyly, du calme, la coupa-t-il d'un ton tranchant et calme. Où est-ce que tu es ?

— Dans une forêt, je suis dans une petite forêt, répondit-elle, paniquée. Je ne sais pas dans quel endroit exactement, mais je suis dans une forêt. Je ne crois pas qu'il ait réussi à me suivre jusqu'ici, mais...

— Tu vas bien ?

Lyly éloigna le téléphone de son visage et renifla. Elle avait envie de s'écrouler, d'éclater en sanglots, mais elle ne le pouvait pas. Elle devait être forte.

— Je saigne, avoua-t-elle en rapprochant le téléphone. Je saigne au bras.

—Beaucoup ?

La jeune femme tourna les yeux vers sa blessure et ravala la bile qui lui remontait dans la gorge.

— Oh mon dieu. Ça n'arrête pas.

— Je suis dans ma voiture, je te rejoins. Reste où tu es. Ne bouge pas.

—Mais...

—Envoie-moi la localisation de ton téléphone, ordonna-t-il.

Elle manipula d'une main son téléphone et la lui envoya en quelques secondes.

— Je l'ai, reprit-il. Ok, Lyly, tu ne bouges pas. Tu ne fais pas de bruit et tu attends que je vienne te chercher. Je serai là dans une dizaine de minutes. Si ta blessure saigne de trop, il faut que tu la compresses avec ta main, d'accord ? Tu dois éviter de faire une hémorragie. Si tu peux, fais-toi un garrot avec quelque chose. Une manche, une ceinture, peu importe. Mais tu dois compresser ta blessure.

Lyly acquiesça la tête sans se rendre compte qu'il ne pouvait pas la voir et ôta maladroitement la petite veste de coton déchirée qu'elle portait et qui n'avait pas su la protéger.

— Reste avec moi au téléphone. Je suis en chemin.

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