Chapitre 59

Le samedi matin, alors que Lyly prenait sa douche, elle prit la décision de se rendre chez sa mère dans l'après-midi. Certes, elle ne savait pas ce qu'elle allait pouvoir lui dire, ni même ce qu'elle allait pouvoir faire, mais elle devait avancer, prendre les choses en main. Lorsqu'elle enfila son t-shirt, juste après le repas, elle ignora l'appel de son père, prit sa veste dans la foulée, et sortit de sa chambre en la fermant à clé. Elle descendit rapidement les escaliers, prête à faire face à sa génitrice, salua Bruno, et sortit de l'hôtel.

Au moment où elle attendit le bus, elle se demanda si elle devait intervenir pour rapprocher Chris et Bruno, mais le bus s'arrêta à son arrêt, et l'idée lui échappa aussitôt.
Si elle s'était bien renseignée, le bus allait mettre une quinzaine de minutes avant d'atteindre son arrêt. Seize arrêts de bus la séparaient désormais de la maison de sa mère. Seize petits arrêts...

Le vibreur de son téléphone la sortit de ses pensées. Elle jeta un œil à son écran et refusa l'appel. Elle ne pouvait pas laisser son père réapparaître une énième fois. Il lui avait prouvé qu'elle ne pouvait pas compter sur lui, elle ne pouvait plus céder... pas encore... Elle orienta son visage vers la fenêtre du bus, à sa droite et regarda les paysages défiler. Plus le temps passait et plus la nature reprenait de ses droits. De la verdure, des champs, des vaches, des tournesols, des tracteurs. Il n'y avait pas de doute, le bus se dirigeait bien vers la maison de sa mère.

Quand son téléphone vibra une seconde fois, elle était sur le point de l'éteindre lorsqu'elle remarqua que l'émetteur du nouveau message qu'elle venait de recevoir n'était personne d'autre que Théo. Elle appuya rapidement sur son nom et le message s'ouvrit.

Tu m'as dit qu'on n'avait pas beaucoup de photos ensemble ? Regarde ce que m'a envoyé ta cousine ce matin...

Lyly appuya sur la photo afin de l'agrandir et l'image prit aussitôt la largeur de son écran, à son plus grand plaisir. Visiblement, celle-ci avait été prise lors de l'une de leurs soirées chez sa cousine. Lyly, tournée vers Théo, semblait en pleine conversation avec lui. Comme à son habitude, Théo la regardait, un petit sourire au coin des lèvres. Elle n'avait jamais vu cette photo.

Je crois que ça va devenir ma photo préférée...

Son téléphone vibra aussitôt.

C'est déjà mon cas.

Lyly sourit et jeta un œil aux arrêts inscrits sur l'un des écrans du bus. Ceux-ci servaient à renseigner les usagers sur les prochains arrêts ou bien sur les événements du moment qui avaient ou allaient avoir lieu dans la ville.

Je ne savais même pas qu'Ashley avait des photos de nous.

Elle observa les personnes monter dans le bus et baissa ses yeux sur son écran lorsque son téléphone vibra.

— Moi non plus. Mais pour une fois, ça ne me dérange pas qu'elle ait fait quelque chose en douce. Je l'ai même remercié.

Wow. Théo qui remercie Ashley de se mêler de la vie des gens ? Il va pleuvoir demain, c'est certain.

Je crois aussi. Elle m'a envoyé cette photo après m'avoir dit que tu lui manquais. Tu lui donnes de tes nouvelles ?

Un peu moins qu'à toi, mais oui. On a parlé au téléphone dernièrement.

Lyly leva la tête lorsque le bus s'arrêta. Un groupe de jeunes pénétra dans le bus en rigolant. L'un d'eux demanda à Lyly s'il pouvait s'asseoir près d'elle, alors elle se leva pour le laisser s'asseoir près de la fenêtre, et elle s'installa à côté de lui, en silence.

Son téléphone vibra de nouveau.

Fais attention quand tu seras arrivée chez ta mère. Appelle-moi si tu as un problème.

Lyly lui promit que cela serait le cas et elle verrouilla son téléphone afin de le glisser dans sa poche. Son arrêt approchait, elle ne pouvait pas le louper.

Le bus passa à quelques mètres de la piscine dans laquelle Lyly, sa cousine, John et Théo s'étaient rendus. Elle esquissa un sourire en se rappelant de la fois où Théo avait avalé de l'eau de travers, et se rendit compte du chemin parcouru depuis ce jour-ci. Théo et elle s'étaient rapprochés. Beaucoup. Mais revenir ici lui rappelait également la fois où elle avait décidé de rompre avec lui. Cela avait été une bien belle connerie. Elle hocha la tête, exacerbée par sa décision et appuya sur l'un des boutons du bus afin de demander l'arrêt.

Si Théo ne lui avait pas laissé de seconde chance, jamais elle n'aurait pu autant évoluer. Jamais elle n'aurait pu connaître ce qu'était l'Amour. Pas celui toxique, dans lequel le partenaire peut être follement jaloux, violent ou bien rabaissant. Non. Théo n'était rien de tout cela et elle remerciait chaque nouveau jour le destin de l'avoir mis sur son chemin.

Si seulement il pouvait être là, à ses côtés... Cela ne faisait que quelques jours qu'elle était ici, et pourtant, il lui manquait déjà. Il était parvenu à se faire une place si considérable dans sa vie qu'elle ne se voyait désormais plus sans lui. C'était ahurissant, et même quelque part effrayant. Elle ne pouvait pas être autant dépendante de quelqu'un. Elle n'en avait pas l'habitude.

Elle se leva de son siège, s'assura que son téléphone se trouvait bien dans sa poche et sortit du bus lorsque la porte s'ouvrit automatiquement.

Lyly reconnaissait l'endroit. Durant sa dernière venue, elle n'avait même pas remarqué cet arrêt de bus. Était-il nouveau ou bien avait-il toujours été là ? Elle respira profondément et se mit en route. Si elle se souvenait bien, la maison devrait se trouver à un peu moins de cinq minutes.

Lyly marcha lentement, pesant le pour et le contre sur ce qu'elle souhaitait demander à sa mère et traversa la route. Elle prit un petit chemin et continua sa marche, les mains dans les poches. L'endroit était plongé dans le calme. Même le chant des oiseaux n'était pas au rendez-vous. Elle observa les champs à sa droite, respira l'odeur des champs de blé et s'engagea sur la prochaine route goudronnée. La maison de sa mère n'était plus très loin.

Son téléphone se mit à sonner, mais elle l'ignora, bien trop décidée à aller jusqu'au bout. Elle continuait d'avancer, les sourcils légèrement froncés, lorsqu'une voiture accéléra, sortit d'un petit parking extérieur et se stoppa brusquement devant elle, la fenêtre du conducteur désormais ouverte.

— Monte dans la voiture, Lyly.

Lyly tenta de cacher sa surprise et contourna la voiture de son père, qui sortit rapidement de l'automobile pour lui attraper le poignet.

— Juste cinq minutes. S'il te plaît, la supplia-t-il.

Lyly ferma les yeux, inspira lentement pour tenter de garder son calme, et pivota sur ses talons.

— Je ne veux plus te voir.

— Juste cinq minutes, répéta-t-il.

Lyly jeta un œil à la maison qui cachait celle de sa mère et reporta son regard sur Fabio.

— Je peux répondre à certaines de tes questions. Mais il faut que tu montes dans cette voiture. Maintenant.

Fabio lâcha le poignet de sa fille, maintint son regard un instant dans celui de Lyly et fit demi-tour afin de grimper dans sa voiture.

Il ouvrit la portière de Lyly depuis sa place et observa sa fille qui restait immobile, les bras le long du corps.

— Lyly, cinq minutes.

Il l'entendit souffler, mais elle changea de direction, prit place à ses côtés et claqua la porte.





Fabio avait manœuvré le plus rapidement possible, avait repris la place sur laquelle sa voiture était garée avant d'avoir rejoint Lyly au milieu de la route, et avait finalement coupé le moteur pour ne pas attirer l'attention.

Les fenêtres entrouvertes permettaient de laisser passer un filet d'air frais.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu me suis ?

Elle laissa son regard braqué devant elle, les bras croisés sur sa poitrine. Le passage de voitures se faisait rare.

— Je savais que tu viendrais voir ta mère. Ce n'était qu'une question de temps...

— Dis-moi ce que tu as à me dire, ordonna-t-elle d'un ton sec.

Fabio se racla la gorge et se gratta la tête nerveusement.

— Pour répondre à ta question, j'ai quelqu'un dans ma vie, oui... Mais je ne suis pas marié.

Il jeta un œil discrètement vers Lyly afin de jauger sa réaction. Mais elle n'avait pas bougé. Il lui était même difficile de dire avec certitude qu'elle avait bien entendu ce qu'il venait de dire.

— Et... tu as un frère et une sœur.

Il tourna aussitôt son visage vers Lyly.

La respiration de la jeune femme se coupa et elle dû lutter de toutes ses forces pour ne pas montrer que cette nouvelle la blessait. La répugnait même, quelque part. Un frère. Et une sœur. Non. Ce n'était pas possible... Il en était hors de question. Ils ne pouvaient pas faire partie de sa vie.

— Si tu le souhaites, je te les présenter...

— Non, trancha-t-elle.

Elle décroisa ses bras et tourna brutalement son visage vers son père.

— Je ne veux ni les voir, ni les connaître. Jamais.

Elle plaça sa main sur la poignée, prête à sortir en trombe, mais elle resta immobile, comme pétrifiée.

Fabio acquiesça lentement la tête, légèrement blessé.

— Je... Il se redressa sur son siège. Il s'appelle Valentin, et elle Judith. Et...

Fabio laissa sa phrase en suspend lorsqu'il vit le regard sombre que Lyly lui renvoya en se tournant brusquement vers lui.

— Ils ne font et ne feront jamais partie de ma vie, je ne le répéterai pas, cracha Lyly en le pointant du doigt. Je n'ai rien à faire dans ta nouvelle vie, je veux juste que tu me foutes la paix !

— Tu ne te trouves pas injuste envers eux ? Ils ne t'ont rien fait. Ils...

— J'ai grandi en étant fille unique, tu crois vraiment que c'est à vingt-quatre ans que j'ai besoin de voir débarquer un frère et une sœur dans ma vie ? Au lieu de me retrouver plus tôt, pendant que je me demandais ce que tu devenais, tu as fait deux autres enfants, je crois que le message est clair. Tu n'avais plus besoin de moi dans ta vie, tu as comblé le manque. Point final.

Lyly recroisa ses bras et tourna entièrement son visage vers la vitre.

— Je t'ai déjà dit que je t'ai cherché pendant des années. Jamais je ne t'ai oublié, Lyly. Jamais je n'ai essayé de te remplacer en faisant deux autres enfants !

— Au lieu de passer ton temps à les élever, tu aurais pu le passer à mieux me chercher, répondit-elle sèchement.

— Ce n'est pas si simple que ça, je t'ai dit que je ne savais pas où vous étiez, soupira-t-il. Je vous ai cherché mais je n'avais aucune information, rien. Tout ce que j'entreprenais ne menait nulle part...

— Visiblement tu es plus doué pour engrosser une femme que pour retrouver les traces de ta fille malade.

Fabio ouvra la bouche, puis la referma, sans mot. Il baissa les yeux sur ses jambes, profondément blessé et avala lentement sa salive.

Lyly avait fait fort. Et ce n'est qu'en s'apercevant du lourd silence dans lequel fut plongée la voiture qu'elle s'en rendit compte. Depuis quand était-elle si cassante ? Si mauvaise ? Pourquoi voulait-elle à tout prix blesser son père ? Il était évident que Valentin et Judith n'y étaient pour rien. Mais elle avait grandi en se sentant abandonnée, et cela, elle ne parvenait pas à passer au-dessus.

Si Théo avait été là, il n' avait aucun doute qu'elle aurait eu le droit à l'un de ses regards réprobateurs. Théo aurait peut-être même pris la défense de Fabio. Lyly avait été blessante, cassante. Elle avait laissé parler sa rancœur et avait probablement profondément blessé son père...

— Maman est chez elle ? tenta-t-elle pour faire dissiper le malaise.

— Oui, marmonna-t-il, les yeux toujours baissés.

— Je vais aller la voir.

— Rudy était chez elle hier, répondit-il d'un ton à la fois bas et lasse.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Ce n'est pas la première fois...

Lyly ne parvint pas à tourner le visage vers son père. Elle se contenta de regarder la maison qui cachait celle de sa mère.

— Il est resté combien de temps ?

— Dix minutes, environ, bredouilla-t-il, la voix presque éteinte.

Lyly acquiesça la tête.

— Et Ludo, il est aussi passé ?

— Pas à ce que je sache...

Lyly tira sur la poignée et poussa la porte de la voiture.

— Je dois aller lui parler.

Elle passa son corps à l'extérieur, hésita un moment à se baisser pour saluer son père, mais elle se contenta de claquer la portière et de traverser la route, les mains crispées dans les poches.

Fabio s'essuya les yeux d'un revers de main et releva les yeux vers sa fille. Il attrapa la croix qui ne quittait jamais son cou et la sortit de son polo tout en la maintenant fermement entre ses doigts et la paume de sa main droite. Si lui ne parvenait pas à la protéger, une force supérieure se devrait de prendre le relais. Il Lui faisait confiance.





Lyly toqua trois coups à la porte d'entrée de sa mère et patienta un instant en silence. Visiblement, elle se trouvait seule chez elle, aucun bruit ne lui parvenait de l'extérieur.

Elle jeta un œil derrière elle afin de s'assurer que ni son père ni Rudy et Ludo n'allaient débarquer, et reporta ses yeux en face d'elle quand elle entendit la porte s'ouvrir.

— Lyly !

Le visage d'Anne passa par un ensemble d'émotions. L'étonnement, le bonheur, la tristesse, la déception... Tout un tas d'émotions que Lyly pu percevoir depuis sa place, à un mètre de sa mère. Lorsqu'elle remarqua que sa fille était bien seule, elle lui proposa de rentrer, ce que Lyly accepta, sur ses gardes.

Passer le seuil de la porte lui compressa le cœur et un tas de souvenirs lui revinrent soudainement en mémoire. Les retrouvailles avec sa mère pendant qu'elle lui préparait ses gâteaux préférés ; la surprise de sa cousine, John et Théo ; les retrouvailles avec Chris ; le déchirement après avoir dû laisser sa mère, les vacances une fois terminées ; la rupture avec Théo. Tous ces souvenirs lui frappèrent l'esprit et la laissèrent un instant immobile, dans le couloir.

— Lyly ?

La jeune femme sortit de sa léthargie et suivit Anne jusque dans le salon. Elle prit place sur le canapé et Anne ne tarda pas à la rejoindre avec une théière, des tasses et des sachets de thé.

— Je ne sais pas si tu veux boire quelque chose, mais je t'en prie, sers-toi...

Anne ouvrit sa boîte de sachets de thé, en plaça un dans sa tasse et la remplit d'eau, sous le regard scrutateur de Lyly.

— Je ne pensais pas te revoir... avoua Anne, attristée. Elle releva les yeux sur Lyly. Comment tu vas ? Comment se sont passés tes examens ?

— Tu te doutes très bien que je ne suis pas venue te parler de ça, lui répondit Lyly d'un ton sans équivoque. J'ai des choses à te dire. Et je crois bien que toi aussi.

Anne analysa sa fille et enleva à l'aveugle son sachet de thé, qu'elle reposa sur la table, dans l'une des petites coupelles en porcelaine.

— Je t'écoute.

— Avant que tout ne change entre toi et moi, je me suis faite agresser. À plusieurs reprises.

Le visage d'Anne se décomposa.

— Comment ça ? s'empressa-t-elle de demander. Par qui ?

— C'était il y a un moment, mais je ne t'en avais jamais parlé.

— Pourquoi ? demanda-t-elle aussitôt.

— Je ne voulais pas t'inquiéter.

Anne fixa sa fille en silence, le visage légèrement pâle.

— Pour répondre à ta question, je sais qui m'a agressé. Il n'a jamais cherché à cacher son visage.

Anne l'interrogea du regard.

— Rudy, finit-elle par lâcher. C'est Rudy qui m'a renversé avec sa voiture, c'est Rudy qui m'a agressé dans la rue et qui m'a frappé.

— Oh mon dieu.

Anne cacha sa bouche de ses deux mains, horrifiée.

— J'ai perdu connaissance pendant un moment, et quand je me suis réveillée, j'ai rejoint Théo chez lui pour qu'il m'aide. C'est à ce moment que j'ai appris avec qui il s'était battu quand il était venu ici.

Sa mère ne la lâcha pas des yeux, envahie de stupeur.

— Rudy, encore une fois. Il l'avait provoqué et Théo n'a pas eu d'autres choix que de se battre avec lui.

— Comment va-t-il ? demanda-t-elle dans un souffle.

— C'était il y a un moment tout ça.

— Tu aurais dû m'en parler, Lyly. J'aurais peut-être pu faire quelque chose, j'aurais...

— Appelé Ludo sur son téléphone ? Parlé avec Rudy ici ?

Anne interrogea Lyly du regard et laissa ses mains retomber.

— Je sais que tu es encore en contact avec eux. Mais pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu continues de leur parler alors qu'ils nous ont détruit ? Qu'est-ce que tu cherches ? C'est de la folie !

Sa mère soupira et regarda sa tasse de thé fumante posée sur la table.

— Je ne cherche pas à rentrer en contact avec eux, ce sont eux qui viennent toujours vers moi... avoua-t-elle. Rudy vient régulièrement ici pour me mettre la pression, pour que j'arrête la procédure en cours contre eux. Quand il se rend compte que je ne suis pas prête d'arrêter, il renverse tout ce qui se trouve sur son chemin pour m'intimider, et il repart. Regarde sur les meubles. Je n'ai plus rien. Il a tout détruit.

Lyly jeta un rapide coup d'œil sur le dessus des meubles. En effet, ceux-ci ne supportaient plus rien. Les vases, les tableaux, les photos, tout avait disparu.

— Et tu ne fais rien pour l'arrêter ?

— Je ne sais plus quoi faire... Je ne prends même plus la peine de décorer la maison, je sais qu'il va revenir tout détruire.

— Et Ludo ?

Anne soupira.

— Il... Je ne savais pas qu'ils t'avaient fait tout ça, autrement je n'aurais jamais baissé mes gardes...

Lyly l'interrogea des yeux.

— Je ne veux pas te mentir, Lyly, tu finiras bien par le savoir... Un soir, Ludo est passé à la maison pour que l'on s'explique. Il voulait que l'on trouve un accord. Je ne voulais pas de son accord, je ne voulais pas m'arranger avec lui, tout ce que je voulais c'était qu'il aille derrière les barreaux et qu'il nous foute la paix une bonne fois pour toute. Mais... On a longuement parlé, et... il a dormi à la maison.

— Tu plaisantes ? cracha Lyly en montant le ton. Tu as couché avec ce mec ? Tu as osé lui donner une énième chance ? Mais tu es malade !

— Pas coucher, paniqua Anne, il a dormi dans la chambre d'ami ! Mais il avait l'air sincère, il m'a dit qu'il ne souhaitait plus continuer de faire ce qu'il faisait, qu'il souhaitait nous laisser en paix.

Lyly secoua la tête d'agacement et fusilla sa mère du regard.

Comment sa mère pouvait-elle autant se faire avoir ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à passer à autre chose et à le mener devant la justice ?

— Je sais ce que tu penses de moi, marmonna Anne.

— Tu en es loin du compte, répondit-elle sèchement. Tu es tellement naïve. Comment tu peux oser lui pardonner après tout ce qu'il a fait ?

— Je ne lui ai pas pardonné... Je... Elle soupira. Le lendemain, quand j'ai vu qu'il avait volé tous les documents que j'avais rassemblé contre lui, je suis montée dans une rage folle. Heureusement pour nous, il n'avait volé que les copies que je devais remettre à mon avocat. Mais... son agissement m'a blessé. Je le croyais sincère... Il avait tellement l'air de l'être...

Lyly resta silencieuse.

Depuis quand sa mère baissait-elle autant la garde ? Depuis quand pardonnait-elle aussi facilement ? Lyly quitta le regard de sa mère pour regarder la tasse encore légèrement fumante.

— Si j'avais su ce qu'ils t'ont fait subir, ça ne se serait jamais passé comme ça, reprit Anne.

— Ne remet pas la faute sur moi, s'énerva Lyly. Tu es entièrement responsable de tes actes. Comment tu peux reproduire la même erreur, encore et encore ? Si papa et toi vous vous êtes quittés, c'est à cause de ton infidélité. Si on a croisé le chemin de Ludo, c'est encore parce que tu avais besoin de l'affection de quelqu'un. Et là, encore une fois, tu t'es faite avoir. Comment tu peux être aussi naïve ?

Vexée, Anne ne répondit pas.

— Où sont les documents originaux ?

— Je ne peux pas te le dire.

— Pourquoi ? répondit-elle sèchement.

— Personne ne le sait. Je ne peux pas laisser fuiter l'information.

Lyly ricana nerveusement.

— Laisser fuiter l'information ? Mais s'il y a une personne en qui on ne doit pas avoir confiance, c'est envers toi, maman, pas envers moi. Je sais garder ma langue. Je sais contrôler mes pulsions.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Lyly.

— Où sont les documents ? répéta la jeune femme.

— Je ne peux pas te les montrer.

— Qu'est-ce qu'il y a dans ces documents ? tenta Lyly.

— Je ne peux pas encore t'en parler. Seul mon avocat est au courant.

Agacée par le comportement de sa mère, Lyly se releva du canapé.

Elle fixa un moment Anne dans les yeux, les sourcils froncés et secoua la tête d'agacement.

— Tu préfères laisser rentrer chez toi un malade mental plutôt que de renseigner ta fille pour qu'elle puisse t'aider. Je ne sais pas si tu te rends compte de ce que tu es en train de faire, mais tu vas finir par tout perdre. Et je ne serai pas là pour voir ça.

Lyly contourna le canapé, traversa le salon ainsi que le couloir de l'entrée et sortit de la maison en claquant la porte.

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