Chapitre 56
Ashley ne comprenait pas la détermination de sa cousine à vouloir se rendre à tout prix dans la même ville que sa mère. Certes, elle avait besoin de réponses, mais pouvait-elle mettre sa vie en danger juste pour les obtenir ? Se voilait-elle la face ou avait-elle conscience du danger ?
Inquiète, Ashley avait appelé Théo le dimanche midi afin d'avoir son avis, mais son échange avec le jeune professeur ne lui avait pas tant apporté que cela. Théo allait rester près de son téléphone afin de rester le plus proche possible de Lyly malgré la distance, mais était-ce suffisant ? Certainement pas. Théo avait tenté de la rassurer, lui avait assuré qu'il suivait de près le plan de Lyly et qu'il lui ordonnerait d'activer sa position sur son téléphone afin qu'il puisse la suivre sur GPS au cas où quelque chose venait à arriver, mais Ashley n'était pas si rassurée que cela. Elle ne comprenait pas comment Théo pouvait rester aussi calme face à cette situation.
Ce qu'elle ne savait pas, c'était que Théo était tout aussi inquiet pour Lyly. Voire même trois fois plus. Mais que pouvait-il fait face à la soudaine envie de Lyly ? Lui prendre la tête jusqu'à ce qu'elle laisse tomber son idée ? La séquestrer chez lui afin de s'assurer qu'elle ne partirait pas ? Non. Cela lui tenait à cœur. Il ne pouvait pas se mettre en travers de son chemin. Il devait être à ses côtés. La soutenir.
Le dimanche midi, Lyly reçut un appel de Chris afin de lui confirmer qu'une chambre d'hôtel l'attendrait à son arrivée. Le soir tombé, juste après le repas, elle appela son père et resta près d'une heure au téléphone avec lui. Lorsqu'elle raccrocha, elle se sentit rassurée de voir que son père allait s'occuper des billets d'avion, et elle s'étendit sur son lit, dans le noir, légèrement anxieuse. Elle n'avait pas toutes les cartes en main pour que la situation évolue en sa faveur. Elle allait devoir agir avec perspicacité, et intelligence. Encore plus que d'habitude.
Le lundi matin, Fabio appela sa fille afin de lui indiquer que les billets avaient été achetés et que le vol ne serait pas plus tard que le mercredi midi, à onze heures trente. Après avoir transmis à John et sa fiancée l'information, Lyly remonta dans sa chambre et se réinstalla devant son bureau et ses deux feuilles blanches désormais gribouillées de toutes parts.
L'adresse de sa mère était entourée en rouge, tout comme l'adresse de l'hôtel dans lequel elle allait loger quelques jours. Elle mâchouilla le bout de son crayon, perplexe. Théo n'allait pas aimer l'idée qu'elle n'ait que le billet aller, et non retour. Il n'allait pas non plus apprécier le fait que Chris l'ait aidé à trouver son hôtel et qu'il soit donc impliqué dans l'histoire.
Elle attrapa son téléphone, laissa son crayon pendre entre ses lèvres, et envoya un message à Chris pour lui indiquer sa venue le mercredi, en fin d'après-midi. Elle proposa par message à Théo de venir chez lui le lendemain afin de passer la soirée avec lui, et elle reposa son téléphone, bien décidée à ne rien laisser lui échapper.
D'après ce que lui avait raconté Ashley le lundi soir, et d'après la façon dont John se comportait désormais avec sa fiancée, la tension était retombée. Lyly n'avait pu contenir sa joie et lui avait dit à quel point elle était rassurée pour eux. Ce n'est que lorsqu'elle se retrouva seule dans sa chambre que la réalité lui sauta aux yeux. Elle eut beau tenter de chasser l'image de son esprit, celle-ci plana toute la soirée dans sa tête, bien décidée à ne pas la laisser en paix. Elle ne prenait pas de moyens de contraception. Elle aussi pouvait tomber enceinte. Peut-être faisait-elle d'ailleurs déjà un déni de grossesse...
Lyly se tourna dans son lit, les jambes recroquevillées. Enceinte. Elle. Elle secoua la tête et rouvrit les yeux. L'idée qu'elle puisse un jour attendre un enfant la mettait mal à l'aise. Elle ne savait même pas si elle en serait un jour capable. Avoir un enfant impliquait de grandes responsabilités, et elle ne se sentait pas si responsable que cela. Certes, elle était mature, mais ce n'était pas suffisant. Et puis elle avait encore besoin d'évoluer, elle ne pouvait pas avoir un enfant dans son état. Elle devait prendre davantage confiance en elle. Avoir une meilleure situation...
Elle ferma les yeux, et remonta sa couette jusqu'au-dessus de son nez. Lorsque sa cousine avait abordé le thème de la grossesse en la présence de Théo, Lyly s'était sentie gênée, et elle avait également ressentit le malaise de son petit ami. Elle n'avait trouvé rien d'autre de mieux à faire que de baisser les yeux, et de laisser Théo répondre aux questions d'Ashley. Si ça, ce n'était pas un signe...
En même temps, il était encore trop tôt pour parler de grossesse. Même si sa relation avec Théo était sérieuse, cela ne faisait pas si longtemps qu'ils étaient ensemble. Il était clair que chacun avançait à son rythme, et que si un couple souhaitait avoir un enfant au bout de cinq ou six mois de relation, cela était leur choix, mais Lyly ne faisait pas partie de ces gens-là. Cela faisait quasiment quatre mois que Lyly et Théo sortaient ensemble. Quatre mois qu'elle avait décidé de le laisser entrer dans sa vie, ou plutôt qu'il avait décidé d'y entrer alors qu'elle ne souhaitait accorder sa confiance à personne. Quatre mois qu'il lui prouvait qu'ils avaient eu raison de tenter.
Elle allait devoir assurer. Pas seulement pour elle, mais aussi et surtout pour Théo. Elle ne pouvait pas tout foutre en l'air.
Lyly suivit des yeux Théo lorsqu'il pénétra dans le bureau. Il fit un tour sur lui-même, les mains serrées dans les poches, et s'arrêta face à la jeune femme.
— Alors, tu en penses quoi ?
Elle lui fit signe de se retourner, alors il pivota sur ses talons, et se stoppa, dos à elle, les bras désormais le long du corps.
Théo avait acheté quelques nouveaux vêtements la veille, et souhaitait avoir l'avis de Lyly. C'était le deuxième jean qu'il lui présentait, et celui-ci lui allait aussi bien que le premier, voire un peu mieux. Lyly aimait quand les pantalons des hommes étaient légèrement près du corps. Cela leur permettait de mettre leurs jambes en valeur, et Théo était plutôt bien foutu...
— Je préfère celui-là.
Théo se tourna, un sourire en coin.
— Je savais que tu dirais ça.
— Ah bon ?
Il acquiesça la tête, et baissa les yeux vers son jean.
— Il moule un peu plus que l'autre, expliqua-t-il.
Théo tenta d'étirer le tissu de ses cuisses, mais il resta collé sur sa peau. Il grimaça légèrement.
— Heu, un peu trop d'ailleurs.
Il releva les yeux vers Lyly, embarrassé.
— Je crois que je vais le ramener celui-là, il colle vraiment trop.
— Il te va bien pourtant.
Il jeta de nouveau un œil à son pantalon, et hocha finalement la tête que non.
— Mais tu l'avais essayé, non ?
— Ouais, mais... Je trouvais qu'il serrait trop, mais je savais que tu allais aimer. Et je pensais m'y faire. Sauf que je crois que si je le garde, je ne le mettrai jamais. On dirait qu'il va exploser le truc.
Lyly pouffa.
— Pas du tout, tu as encore de la marge. Regarde au niveau de tes mollets, ça ne te sert pas.
— Oui... mais non. Je vais garder le premier, pas celui-là. Je suis trop à l'étroit. A tous les coups, si je me baisse, il va craquer quelque part.
— Mais il te va bien, lui assura-t-elle. Je te promets que tu te fais une fixation là, il te va parfaitement.
Théo tourna les talons en hochant la tête et se dirigea vers le couloir afin de sortir du bureau.
— Regarde-moi comment il te va bien derrière aussi. Si tu avais la vue que j'ai de toi maintenant, tu peux être sûr que tu le garderais.
— Ôte tes yeux de mes fesses, plaisanta-t-il avant de disparaître dans le couloir.
Elle rigola, et se redressa sur la chaise de bureau de Théo afin de se tenir le dos droit.
Théo avait donc acheté ce jean en pensant qu'elle l'aimerait. Et il avait eu raison. Elle secoua la tête d'amusement, et se mordilla la lèvre inférieure, pensive. Plus les jours passaient, et plus la jeune femme se rendait compte d'à quel point Théo pouvait la cerner, et la connaître. Mais elle, le connaissait-elle autant ? Le cernait-elle aussi bien que lui ?
C'était un homme très observateur, attentif et méticuleux. Peu de choses lui échappaient. Mais était-il comme cela depuis son plus jeune âge ? Ou l'avait-il développé depuis le décès de ses parents ? Depuis son adoption ?
— Et ça ?
Elle tourna la tête et retrouva Théo en caleçon rouge à petits points blancs. Elle ne pu s'empêcher d'éclater de rire et se plaqua les mains sur la bouche.
— T'as vraiment osé acheter ce caleçon ?
— Bah oui, pour le fun, tu n'aimes pas ?
Elle se mordilla l'intérieur de la bouche afin de s'empêcher de rire, et hocha vivement la tête que si.
— Tu te fous de moi là, je le sais.
Elle hocha la tête que non en tentant de maintenir son sérieux, et ôta ses mains de sa bouche.
— Non non, il est très bien...
— De toute façon, tu te focalises sur la mauvaise partie du corps. Tu es trop pervertie. Lève les yeux, j'ai enfilé une nouvelle chemise...
Lyly releva aussitôt les yeux, et découvrit qu'il ne mentait pas. Il avait bien enfilé une nouvelle chemise bleu foncé.
— Par contre, elle, elle te va vraiment parfaitement.
— Je suis d'accord. J'en ai acheté une autre comme ça, mais blanche.
— Tu as bien choisi. Elle est vraiment jolie.
Théo lui sourit.
— Ne bouge pas, je reviens.
Il sortit de la pièce, et revint dix secondes après, un t-shirt couleur crème plié entre les mains. Il s'arrêta face à Lyly, toujours en caleçon et chemise, et lui tendit ce qu'il avait dans les mains.
— Je t'ai acheté un petit truc, aussi.
Elle le dévisagea, surprise, et lui prit le t-shirt. Elle le déplia et le tendit devant elle afin de l'observer.
— Bon, il est assez simple. Mais j'aimais bien la dentelle au niveau des épaules. Je le voyais très bien sur toi.
Elle continua de le regarder, silencieuse.
— Tu aimes bien ?
Lorsqu'elle quitta des yeux son t-shirt et croisa le regard inquiet de Théo, elle lui sourit aussitôt.
— J'aime beaucoup. Je n'en ai pas des comme ça.
— Tu es sûre ? Je peux aller l'échanger si tu veux.
— Non, il est très bien, vraiment... Elle réfléchit. Attend.
Elle se redressa sur ses jambes, lui tourna le dos, légèrement gênée, et ôta la chemise qu'elle portait. Elle la balança sur la chaise, et enfila d'un vif mouvement son t-shirt, qui lui tomba pile poil le long du corps.
— Alors ? demanda-t-elle.
Elle refit face à Théo, qui observa rapidement le vêtement sur sa petite amie. Il lui tombait parfaitement sur les épaules, le décolleté en forme de V n'était pas trop plongeant, et le bas du t-shirt s'arrêtait juste au-dessus des fesses.
— La taille est bonne.
— Et je l'aime beaucoup, assura-t-elle en souriant.
Elle se rapprocha timidement de Théo, et passa ses bras autour de son cou.
— Merci, Théo. C'est adorable.
Il détailla son visage en souriant.
— J'ai voulu te prendre une culotte assortie avec mon caleçon, mais je me suis dit que tu n'allais pas trop aimer.
Lyly laissa échapper un petit rire et le repoussa des épaules.
— Je préfère largement mon t-shirt.
Théo explosa de rire et tourna les talons.
— Je reviens, je vais ramasser tout ça.
Lyly le suivit des yeux en souriant, et renfila sa chemise lorsqu'elle se retrouva seule dans la pièce.
Aujourd'hui, c'était la dernière journée qu'elle passait en la compagnie de Théo. La dernière journée avant qu'elle ne prenne l'avion avec son père, et qu'elle s'éloigne de son petit ami. Maintenant qu'elle y pensait, elle ne s'était jamais trop éloignée de Théo depuis qu'elle le connaissait. Allait-elle lui manquer ? Beaucoup ?
Elle ferma les yeux et laissa les doigts de Théo continuer de lui malaxer l'arrière du crâne. Cela devait bien faire trente minutes qu'elle était là, allongée sur le canapé tournée vers la télévision, la tête posée sur les cuisses de Théo.
Cela faisait trente minutes qu'elle suivait le film qu'ils avaient mis juste après le repas et qu'elle perdait régulièrement le fil de l'histoire. Elle ne comprenait plus rien. Elle rouvrit les yeux et vit une voiture foncer dans le vide. Elle plana un instant dans les airs, puis chuta brusquement en direction de l'océan.
Depuis qu'elle connaissait Théo, elle aussi planait. Même si elle avait vécu de nombreux hauts et bas, Théo avait toujours su comment la calmer, la rassurer, ou bien la faire réagir. C'était la première fois qu'elle rencontrait quelqu'un qui la complétait autant. Certes, ils avaient parfois des avis différents et des désaccords, mais ce n'était que maintenant qu'elle comprenait le sens de la phrase « il n'y a pas de hasards, il n'y a que des rendez-vous. » Théo et elle avaient eu rendez-vous, sans le savoir. Tout avait été planifié, il n'y avait pas d'autres explications.
Elle pivota, le dos désormais posé sur le canapé, et observa le visage de Théo, mais cette fois-ci d'en bas. Il parvint à retrouver aveuglément un chemin vers le sommet de son crâne, sans quitter la télévision des yeux, et continua de lui malaxer la tête.
Théo semblait totalement concentré sur le film. Peut-être ne remarquait-il même pas qu'elle le regardait à cet instant précis, les yeux pétillants.
Lyly détailla la forme de son menton et la barbe de quelques jours qu'il n'avait pas pris le temps de raser. Désormais, ce qui lui faisait peur n'était plus de s'ouvrir à lui, mais de le perdre. Pour un tas de raisons, ils pourraient se perdre, et ne plus jamais se retrouver. S'il lui arrivait quelque chose, là-bas, chez sa mère, comment allait pouvoir réagir Théo ? Parviendrait-il à s'en remettre ? Cela allait le briser. Une fois de plus, il allait perdre un être cher, et bordel, Théo ne devait pas se laisser aller comme il l'avait fait auparavant. Cela ne devrait pas lui être fatal. Il devra se relever, plus fort que jamais.
Et s'il lui arrivait quelque chose ici, quand elle serait partie ? Et si...
— Tu peux me promettre quelque chose ? lança-t-elle soudainement.
— Mhhh ?
Ne l'entendant pas continuer, Théo baissa les yeux, et se surprit à la retrouver entièrement tournée vers lui, les yeux ancrés sur son visage.
— Te promettre quoi ? demanda-t-il, intrigué.
Elle paraissait préoccupée. Était-il donc le seul à suivre le film ? Depuis quand le regardait-elle comme cela ?
— S'il m'arrive quelque chose là-bas, à cause de Ludovic...
Théo fronça légèrement les sourcils, mais n'intervient pas afin de la laisser continuer.
— S'il m'arrive quelque chose, reprit-elle, promet-moi que tu continueras d'avancer, et que tu ne baisseras pas les bras.
— Lyly...
— S'il te plaît.
Ils restèrent à se fixer en silence, le son de la télévision en fond sonore.
— Théo...
— Je ne peux pas te promettre quelque chose que je ne suis pas sûr de pouvoir tenir, avoua-t-il enfin, après un moment.
— Mais....
— Je ne veux pas penser à ça.
— Je...
— Arrête, Lyly, la coupa-t-il en relevant les yeux vers la télévision.
Il paraissait désormais plus tendu.
Lyly resta à l'observer, embarrassée, mais ne dit rien. Si elle continuait, il allait forcément s'emporter, et lui dire ce qu'il gardait pour lui à cet instant présent. Elle ressentait qu'il avait des choses à dire. Elles étaient à deux doigts de sortir. Mais souhait-elle vraiment qu'il se lâche ? Que ne lui disait-il pas ?
— Il y a des tonnes de choses que j'aime chez toi, reprit-elle, mais je crois que ce que j'aime le plus, c'est ta façon de préméditer les choses. Tu sais ce qui va me faire plaisir, tu sais comment t'y prendre pour minimiser les dégâts. Tu sais quoi dire, quoi faire, et comment le faire. Elle réfléchit. Quand j'ai fait des crises de panique, tu as su quoi faire pour me calmer. Quand je t'ai parlé de ma maladie, tu as su quoi dire et comment agir. Quand Ashley t'a parlé de sa grossesse, tu as su ce qu'elle avait besoin d'entendre, tu as su la rassurer et la guider.
Même si Théo ne lâchait pas la télévision des yeux, elle savait qu'il l'écoutait. Il ne pouvait que l'écouter...
— Je ne veux plus avoir peur de ressentir ce que je ressens pour toi. Je ne veux plus avoir peur de m'ouvrir à toi. Je veux te faire entièrement confiance, parce que c'est ce que tu me donnes comme impression. J'ai l'impression que tu as totalement confiance en moi. Depuis le début.
— C'est le cas, finit-il enfin par dire.
Lyly le regarda en silence.
— Pourquoi ?
— Pourquoi quoi ?
Il baissa les yeux vers elle.
— Pourquoi tu me fais confiance depuis le début ? J'aurais pu cacher mon jeu et te faire du mal.
Théo hocha la tête que non.
— Du moins, ce n'est pas ce que j'ai ressenti quand je t'ai vu la première fois.
Elle le vit légèrement sourire.
— La première fois que je t'ai vu, c'est quand ta cousine t'a présenté à Justin et moi, reprit-il. Et ce qui m'a sauté aux yeux, c'était ton absence. Tu étais physiquement là, mais mentalement, tu étais vraiment loin. Très loin même. Quand quelqu'un te parlait, tu redescendais partiellement, puis tu repartais.
Lyly se souvenait parfaitement de ce jour-ci. Sa cousine l'avait forcé à venir avec elle parce qu'elle avait des amis à lui présenter. Elle avait voulu refuser pour pouvoir rentrer chez Ashley, mais elle avait accepté. Elle avait accepté, et elle l'avait rencontré.
— Et à chaque fois que je te voyais, je ressentais que tu avais vécu quelque chose qui t'éloignait des gens. Tu ne voulais pas trop parler, tu ne voulais pas trop en dire sur toi, tu fuyais.
— C'est pour ça que tu t'es intéressé à moi ?
— Disons que tu m'intriguais, dit-il en haussant les épaules. Je voulais comprendre. J'avais l'impression que tu avais besoin d'aide, mais que tu n'osais pas forcément le demander. Je pense même que tu n'en avais pas conscience... Et plus je creusais, plus je me rendais compte que je ne pouvais pas m'arrêter, tu m'intriguais de plus en plus. Tu avais un comportement qui m'échappait totalement. Et Ashley semblait vraiment inquiète pour toi.
— Tu as réagi comment quand tu as su que j'étais une de tes étudiantes ?
Théo secoua la tête et regarda en direction de la télévision.
— Je me suis senti con. J'étais tellement préoccupé à vouloir te comprendre que le fait que tu puisses être une étudiante ne m'avait même pas traversé l'esprit. Et quand je t'ai vu dans mon cours, je me suis dit que ce n'était pas possible, que je ne pouvais pas continuer à te côtoyer. Ça allait à l'encontre de mes principes.
— Je n'ai pas le souvenir que tu te sois éloigné, dit-elle en réfléchissant.
— Parce que je ne l'ai pas fait, répondit-il. Pas longtemps après, je t'ai croisé un soir alors que je faisais un footing. Tu étais seule dehors, et tu semblais encore perdue dans tes pensées. J'ai appris que tu dormais peu la nuit, ça m'a encore plus intrigué, et je n'ai pas pu m'éloigner de toi. Je le voulais, mais je n'y arrivais pas. Je ne comprenais même pas ce que tu pouvais faire dehors à cette heure-là, seule.
Lyly acquiesça la tête.
— Et peu à peu, j'ai vu que la porte fermée que tu présentais à tout le monde s'ouvrait devant moi. J'avais l'impression que tu me laissais une chance et que tu avais peut-être une légère attirance envers moi, mais que tu avais trop peur de t'y aventurer.
— Parce que je ne comprenais pas pourquoi un homme comme toi pouvait s'intéresser à une fille perdue comme moi.
— Et maintenant tu as compris ?
— Non, et je ne cherche plus à comprendre. Je ne veux plus me prendre la tête avec ça. Tu m'as prouvé des tonnes de fois que je pouvais avoir confiance en toi et que tu étais sincère avec moi.
Théo baissa son visage vers Lyly.
— Des fois, j'ai l'impression que je te rends dingue... Je ne sais pas comment le dire, mais, j'ai l'impression que je te mets hors de toi...
— A propos de quoi ?
— Avant qu'on aille plus loin ensemble, je t'ai arrêté plusieurs fois. J'avais l'impression que je te frustrais quand je disais non, même si tu m'assurais que ce n'était rien, qu'il n'y avait pas de problème. Ce qui me perturbait c'est que j'avais l'impression que je ne faisais rien pour que ça aille aussi loin... Je ne comprenais pas pourquoi. Je ne savais pas si je t'envoyais des signes, inconsciemment.
— Ce n'est pas de la mauvaise frustration, la corrigea-t-il. Je n'étais pas autant frustré que tu le crois.
Il glissa sa main le long du visage de Lyly, et arrêta son pouce sur ses lèvres afin de les caresser.
— Lyly... soupira-t-il. Je pense que tu n'imagines même pas à quel point tu me fais de l'effet... Quand on s'embrasse, quand on se touche... Le jour où tu as retiré ton haut quand tu m'as appelé en appel vidéo depuis ta cuisine, ça m'a frustré. Le jour où on s'est embrassé près du lac, c'était pareil. Mais ce n'est pas une grosse frustration. C'est juste que quand on s'accorde ces moments, je te sens totalement connectée à moi, je te sens totalement éveillée, et j'aime te voir comme ça. J'aime te voir l'esprit vidé, j'aime quand tu te laisses aller, quand tu es près de moi. Tu penses beaucoup trop, tu as besoin de ce genre de moment pour faire une pause, pour reposer ton esprit. Tu es tout le temps en train de cogiter, de t'imaginer des scénarios loufoques.
Théo glissa lentement son pouce le long de ses lèvres et posa sa main sur son cou.
— Moi aussi j'ai été frustrée quand on s'embrassait, près du lac...
Théo pencha légèrement sa tête, intrigué.
— Ah oui ?
— Oui... Elle hésita. Quand on s'embrassait j'étais bien sur le moment. Je ne pensais à rien, c'était juste un moment que l'on passait, toi et moi. Puis tu as arrêté, et je n'ai pas compris pourquoi.
Théo l'observa, un petit sourire en coin.
— Parce que si on avait continué, une de mes mains aurait forcément glissé en-dessous ton t-shirt, et tu sais très bien comment ça se serait terminé.
Lyly pouffa.
— Tu ne l'aurais pas fait là-bas, dit-elle, incrédule.
— Quand je te dis que tu me fais de l'effet, je pense vraiment que tu ne te rends pas compte d'à quel point c'est vrai. Mais je pense que j'aurais su m'arrêter au bon moment. Ou tu m'aurais arrêté. Tu aurais été trop gênée de le faire là-bas.
Lyly secoua la tête d'amusement, et tourna son visage vers la télévision qu'elle avait totalement ignoré ces dernières minutes.
Théo parlait avec tant de facilité, tant de légèreté, qu'elle se rendait désormais compte qu'elle aurait aimé être comme lui. Elle aurait aimé pouvoir s'ouvrir autant que lui. Certes, elle avait déjà énormément évolué, mais elle avait encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais elle y croyait. Elle pouvait le faire.
— Je ne sais pas comment on a fait pour que personne ne découvre notre relation, reprit-elle.
— Ce n'était pas très voyant. On se parlait peu à l'université.
— Je pense que si des gens avaient eu des doutes, ils auraient pu le remarquer.
— Comment ?
Elle tourna son visage vers Théo, et croisa son regard.
— D'après ce que disaient Ashley, John, ou même ma mère.
Théo arqua un sourcil en réfléchissant.
— Ah oui, la façon dont je te regarde...
— Oui... Ou peut-être que tu as réussi à contrôler la façon dont tu me regardais.
— Je ne sais pas. Je pense que c'est dur de cacher ces choses-là. Mais je faisais de mon mieux. Par contre, quand tu as rougi le jour où tu m'as remis ta copie, là ça aurait pu nous cramer.
Lyly cacha son visage de ses deux mains. Théo sourit.
— Quand j'ai senti mes joues rougir, j'étais tellement gênée, avoua-t-elle. Ça m'a tellement déstabilisé que quand on parlait de toi avec Olivia et Mathilde, juste après, ton prénom m'a échappé.
— Tu m'as appelé Théo devant elles ?
— Oui... admit-elle, gênée.
— Elles n'ont rien dit ?
— Si, elles étaient surprises que je t'appelle comme ça, mais j'ai trouvé une excuse, et elles sont passées à autre chose.
Théo leva les yeux en l'air.
— Tu n'es pas mieux que moi, finalement.
— Il faut croire qu'on se complète.
Théo rigola.
— Je ne te le fais pas dire.
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