Chapitre 52

Après avoir fraîchement repassé ses vêtements, Lyly monta à l'étage ses bras chargés d'affaires, et déposa le tout sur son lit. Elle laissa son téléphone portable sonner, et mit à pendre deux de ses vestes ainsi que trois de ses pantalons. Elle cala ses pulls en-dessous l'une des piles, rangea minutieusement tous ses sous-vêtements dans la commode et ignora le second appel.

Il n'était que neuf heures du matin, et le soleil commençait déjà à taper à travers la vitre de la chambre. Lyly s'avança, ouvrit la fenêtre et s'appuya contre le rebord afin de profiter de la chaleur que lui offrait le soleil. Elle ferma les yeux un moment, sourit en entendant les oiseaux chanter, et se demanda ce qu'ils pouvaient bien être en train de dire.

Elle laissa sa fenêtre ouverte et rangea le reste de ses vêtements qui l'attendaient sur son lit. Elle n'avait rien de prévu ce week-end. Théo avait des copies à finir de corriger, et Lyly n'avait pas de très grandes amies à appeler pour aller se balader ensemble. Son plus grand ami, Chris, habitait trop loin, à son plus grand regret.

Lyly se retourna en entendant toquer à sa porte. Ashley la poussa de sa main et entra dans la chambre, un air fatigué sur le visage. Elle la referma derrière elle.

— Tu as bien dormi ?

— J'ai pas trop dormi cette nuit, avoua Ashley, de légers cernes sous les yeux. Je me demandais comment j'allais pouvoir parler à John.

— Tu ne lui as pas dit ?

— Je viens de lui dire.

Ashley s'assit sur le rebord du lit.

— Il a dit quoi ?

Lyly referma son armoire et s'y adossa afin de faire face à sa cousine.

— Il était très surpris, admit-elle d'un ton bas. Au départ il a pas mal réagi. Mais quand je lui ai dit que j'avais déjà été voir mon médecin pour aller me renseigner, il a commencé à se buter et à s'énerver.

— Il aurait voulu venir avec toi ?

— Je crois que c'est plus que ça. Il voulait pas que je traverse ça seule, oui, mais il a été surpris de voir que j'avais pas osé lui en parler et que j'avais osé commencer les démarches alors qu'il était pas au courant...

— Et tu comprends sa réaction ?

— Oui et non... Je comprends qu'il aurait voulu que je lui en parle avant, mais le fait d'aller voir mon médecin m'engageait pas. C'était juste pour avoir des informations, pour savoir quoi faire si on choisissait cette option. C'est pas comme si j'avais déjà pris un autre rendez-vous et que les démarches avaient déjà été lancées.

— Il est où là ?

— À la douche.

Lyly s'approcha et s'assit près de sa cousine. Elle l'attira vers elle et sentit Ashley poser sa tête sur son épaule.

— Ça va s'arranger. Ne t'en fais pas, Ashley.

— J'espère. C'est juste que... Elle soupira. En agissant comme ça, il me donne l'impression d'avoir tort, il me donne l'impression de vouloir garder cet enfant, alors que je le veux pas. Ça me fait mal de voir que John puisse m'en vouloir à cause d'un sujet qu'on avait déjà abordé et qui était aussi clair pour lui que pour moi.

— Je ne pense pas que le problème c'est le fait que tu sois enceinte, je pense juste qu'il aurait aimé que tu lui dises avant et que tu n'ailles pas voir un médecin avant qu'il soit au courant.

— La peur fait faire beaucoup de conneries, Lyly...

— Je ne vois pas ça comme une connerie. Tu devrais juste lui dire ce que tu ressentais à ce moment-là, au moment où tu l'as appris et as appelé ton médecin pour prendre rendez-vous.

— Il va me trouver stupide.

— Hey.

Lyly tourna son visage vers Ashley.

— On parle de John là, reprit Lyly. Ton fiancé. Jamais il ne te trouvera stupide pour ça.

— Et si c'est le cas ?

— Si c'est le cas, la stupidité n'a jamais tué personne. Mais connaissant John, il ne réagira pas comme ça, et tu le sais encore mieux que moi.

Les deux jeunes cousines restèrent un instant assises sur le lit, dans le silence, à observer le sol de la chambre. Lorsque la jeune femme blonde se releva enfin, quelques minutes plus tard, elle se tourna vers Lyly, la mine triste.

— Je vais aller faire du café, ça m'empêchera de penser.

— Tu as besoin d'aide?

Ashley hocha la tête que non.

— Tu vas voir Théo aujourd'hui ?

— Non, il a beaucoup de travail.

— On peut regarder un film ensemble cet après-midi, si tu veux...

— Avec plaisir, Ashley.

La concernée sourit faiblement à Lyly, et sortit silencieusement de la chambre avant de refermer la porte derrière elle.




Lyly ne se préoccupa pas du numéro qui l'avait appelé à deux reprises en fin de semaine dernière, et alla même jusqu'à oublier son existence avant qu'il ne tente de la recontacter, le mardi midi, juste après le repas. Elle resta à regarder son téléphone sonner entre ses mains, perplexe, et resta de marbre, devant le réfrigérateur de la cuisine. Ce numéro ne lui disait toujours rien, et il ne semblait pas être celui de son ancien beau-père, alors à qui pouvait-il appartenir ? Et pourquoi ne lui laissait-on pas de message vocal ?

Elle marcha aveuglément jusqu'au couloir, et s'y arrêta, le regard maintenant tourné vers la porte d'entrée. Lyly était seule dans la maison. Ashley et John étaient tous deux partis voir le médecin afin de discuter avec elle de l'avortement. Mais leur dispute était-elle terminée ? Ce n'était pas sûr, John semblait encore froid, distant.

Pourquoi fallait-il que ce numéro tente de la rappeler lorsqu'elle était seule ? Son téléphone se replongea dans le silence, et l'écran principal s'éteignit. Elle resta immobile, les bras le long du corps, le regard toujours planté sur la porte, et elle monta rapidement les escaliers afin de se rendre dans sa chambre. Elle ferma la porte et s'assit sur le rebord de son lit, son téléphone entre les mains. Cela ne pouvait pas être une université qui tentait de la contacter, il était encore trop tôt. Ou bien aurait-elle probablement laissé un message pour lui demander de la rappeler afin d'échanger. Non ?

Cela faisait un peu plus de quatre jours que Théo et elle ne s'étaient pas vus. Même s'ils communiquaient fréquemment par message, ou bien s'appelaient le soir, Lyly aurait souhaité l'avoir à ses côtés maintenant afin de lui demander son avis. Elle ne lui avait même pas parlé de ce numéro.

Elle se releva précipitamment, enfila sa veste qu'elle avait déposé sur le dos de sa chaise, et sortit de sa chambre. Elle descendit rapidement les escaliers, passa ses chaussures aux pieds, et sortit de la maison afin d'aller faire un tour. Rester dans cette habitation seule lui faisait peur, surtout qu'elle avait déjà été cambriolée il y a de cela quelques mois, et qu'on lui avait volé son téléphone dans sa propre chambre. Certes, tout cela avait probablement été l'œuvre de Ludo, mais elle le connaissait et savait qu'il pourrait recommencer, surtout s'il souhaitait obtenir quelque chose d'elle. Elle ferma la porte d'entrée à clé et jeta un œil dans les alentours. Rien de louche à l'horizon. Lyly marcha quelques mètres, légèrement soulagée, et s'arrêta sous l'arrêt de bus.

La jeune étudiante passa près d'une heure dans le bus et ne se décida à descendre qu'une fois arrivée au terminus. Elle prit une grande bouffée d'air, fit quelques boutiques aléatoirement, et passa dans le fast-food du coin pour s'acheter un chocolat chaud. Il avait beau être seize heures dix, les places étaient pour la plupart occupées, certains mangeant même leur repas du midi à l'heure du goûter. Elle sortit du bâtiment, le gobelet entre les mains, et s'assit à une table de l'extérieur qui appartenait au fast-food. Il faisait très bon. Peut-être aurait-elle dû prendre une boisson fraîche ?

Elle posa son téléphone sur la table, et avala doucement une petite gorgée de son chocolat bouillant qui lui brûla la langue. Alors qu'elle était en train de jurer contre elle-même, elle vit l'écran de son téléphone afficher un nouveau message. Celui ou celle qui l'avait appelé à plusieurs reprises avait-il enfin compris qu'elle ne rappellerait pas avant de savoir à qui elle pouvait bien avoir à faire ? Elle prit son téléphone dans sa main encore chaude qui avait reposé la boisson chocolatée, et tapota sur son écran afin d'afficher le message de ce numéro qu'elle ne connaissait pas.

Je serai au Jane's Coffee à dix-sept heures. Il faut qu'on parle. Viens seule. -Fabio

Lyly regarda l'heure, bondit de son siège, et vérifia que le bus était encore à l'arrêt. Elle attrapa avec précipitation son chocolat qu'elle failli renverser, et trottina jusqu'au véhicule qui avait déjà son moteur rallumé depuis deux bonnes minutes. Elle salua une seconde fois le chauffeur, ce que beaucoup ne prenaient pas le temps de faire, et se faufila jusqu'au fond du bus, où elle était encore seule.

Son cœur bondissait. Comment ça son père l'attendait au Jane's Coffee ? Avait-il été dans sa ville depuis tout ce temps, où était-il revenu exprès pour lui parler ? Et de quoi ? C'était donc lui qui tentait de la joindre depuis tout ce temps !

Elle écrivit une longue réponse, les mains tremblantes, puis l'effaça finalement, et rangea son téléphone dans l'une des poches de sa veste. De toute façon, qu'aurait-elle pu répondre ? Et il l'attendait à dix-sept heures. Le bus allait arriver quelques minutes en retard. Eh merde.

« Viens seule. » Pourquoi voulait-il lui parler en tête à tête ? Craignait-il autant Théo ? Lors de leur dernière discussion, qui avait rapidement dérivé en dispute, son père lui avait clairement dit qu'il avait fait suivre certains de ses proches, dont Théo. Elle avait même ressenti une certaine crainte de Fabio envers Théo, comme si celui-ci représentait un danger pour elle. Un danger. Lyly secoua la tête et regarda de l'autre côté de la route, alors que le bus démarrait.

Théo, un danger ? Pas pour elle en tout cas. Elle reprit sa boisson qu'elle avait calé entre ses cuisses, et en ravala une gorgée avant de sentir la brûlure se raviver sur sa langue. Elle avait d'ailleurs l'impression que c'était elle le danger. Depuis qu'elle le connaissait, elle ne faisait que se découvrir, et pas que dans le bon sens du terme. Elle crevait de jalousie lorsque Laure lui tournait autour. Ce qui la rassurait légèrement était de savoir qu'elle ne ressentait autant de jalousie que lorsqu'il s'agissait de Laure, et non pas d'autres femmes. Cette femme dégageait quelque chose de mauvais. Il lui était impossible de savoir quoi, mais son instinct lui disait de rester sur ses gardes, d'où ses mini crises de jalousie que Théo semblait ne pas apprécier. Lyly était donc bel et bien le danger dans l'histoire, et non pas son petit ami. Surtout depuis que sa mère avait fait la rencontre de Ludo et qu'il avait commencé son acharnement sur elles.



Sa montre affichait dix-sept heures quinze. Lyly descendit précipitamment du bus, son gobelet désormais vide dans la main gauche, le jeta dans la poubelle la plus proche, et sprinta sur le trottoir. Elle frôla les passants, ses cheveux virevoltant dans les airs, contourna une famille de quatre enfants sur le trottoir, et accéléra son allure. Si Fabio était parti... Elle tourna à gauche, le souffle déjà court, et s'arrêta brusquement devant l'entrée du café. Lyly se passa la main dans les cheveux, ôta les quelques mèches qui lui barraient la vue, et expira profondément avant de passer la porte. Le stress mêlé à son faible cardio faisait battre son cœur à tout rompre. Elle jeta un œil dans les alentours, et se dirigea rapidement vers la table où elle cru apercevoir son père, de dos. Lorsqu'elle s'arrêta en face de lui, elle croisa son regard et s'assit en maintenant ses yeux dans les siens.

Il semblait très fatigué. Sa barbe brune ne semblait pas entretenue, et de petits cernes avaient pris place sous ses petits yeux.

— Bonjour Lyd-

Il s'arrêta, confus, et baissa les yeux.

— Bonjour. Désolée pour le retard, j'étais dans le bus, dit-elle machinalement.

Elle fit glisser sa veste et la posa sur le dos de sa chaise aveuglément.

— C'est toi qui as essayé de m'appeler ?

Fabio releva les yeux et acquiesça.

— Pourquoi ?

— J'ai beaucoup de choses à t'expliquer, Lyly. Mais avant ça... Il hésita. J'aimerais m'excuser pour mon comportement la dernière fois. Je n'ai pas été très...

Il chercha dans les yeux de Lyly une trace de compassion, mais elle semblait le regarder fixement, impassiblement. Peut-être lui en voulait-elle encore...

— Je suis désolé, reprit-il, confus. Je n'ai pas été très aimable avec ton copain... Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu, et le fait de te voir avec un copain m'a fait réaliser à quel point tu avais fait ta vie, et que tu te débrouillais bien. J'ai été un peu perturbé par tout ça, et... Il soupira et se gratta inconsciemment le dos de la main, nerveux. Et je ne pensais pas, enfin si, mais, ça fait toujours bizarre de voir sa propre fille se faire aimer par un autre homme que son propre père. On était très proches, toi et moi.

Lyly resta silencieuse. Elle se souvenait parfaitement de tous les éclats de rire qu'elle avait eu avec son père. Cela semblait si loin, et en même temps si proche... Elle tenta de masquer sa mélancolie et resta de marbre.

— Et il y a eu cette histoire avec ta mère, et le fait que j'engage quelqu'un pour faire une enquête. Quand j'ai vu que ton copain était celui sur les photos, j'ai été surpris, je ne m'y attendais pas du tout. Je ne pensais pas le croiser.

— Il s'appelle Théo, rectifia-t-elle.

— Théo, se reprit-il aussitôt, bien sûr, Théo.

— Où tu étais pendant tout ce temps ? J'ai essayé de t'appeler, je t'ai envoyé des messages, mais tu ne m'as jamais répondu.

Voir son père en face d'elle la rassurait. Même si elle lui en voulait d'avoir douté de Théo et de ne pas l'avoir retrouvé avant, elle était rassurée de voir qu'il allait bien.

— J'ai dû changer de numéro, je n'ai reçu aucun de tes appels, ni aucun de tes messages, Lyly...

— Tu étais encore ici ?

Fabio hocha la tête que non et baissa les yeux vers ses mains. Il semblait nerveux. Qu'avait-il fait pendant tout ce temps ?

— Est-ce que...

Lyly se ravisa et observa machinalement les tables aux alentours. En réalité, elle n'était pas sûre de vouloir entendre la réponse.

— Il y a....

— Est-ce que tu as refait ta vie ? le coupa-t-elle, malgré elle.

Gênée, Lyly releva aussitôt la tête et croisa le regard perturbé de Fabio. Cela lui avait échappé. Bordel. Ils se fixèrent un moment en silence, avant que son père ose enfin acquiescer la tête.

Elle ne le lâcha pas des yeux, et resta silencieuse. Même si le contraire lui aurait étonné, cela lui faisait mal de le savoir. Son père avait refait sa vie. Sans elle. Pendant que Lyly s'inquiétait de la soudaine disparition de son père après le repas de sa cousine, lui était probablement en train de se la couler douce avec sa nouvelle famille. Lyly soupira et baissa les yeux vers la tasse vide de son père.

Non seulement elle n'avait plus aucun contact avec sa mère, mais maintenant Lyly apprenait que son père était passé à autre chose. Cela était dur à encaisser. Elle était remplaçable. Comme toujours.

Pendant qu'elle avait vécu l'enfer avec sa mère à cause de Ludo, lui, était parvenu à refaire sa vie. Il avait trouvé quelqu'un d'autre à aimer, peut-être même avait-il des... Des enfants ? Lyly avait-elle un demi-frère ? Une demi-sœur ?

Fabio tenta de poser sa main sur celles de Lyly afin de la rassurer, mais elle ôta aussitôt ses mains de la table et les posa sur ses cuisses. A quoi s'attendait-elle ? Qu'il reste seul ? Non. La vie continuait. Avec ou sans elle.

— Lyly, je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça.

— Laisse tomber.

Elle papillonna des cils et inspira lentement afin d'éloigner son envie de pleurer. Elle ne pouvait plus se morfondre sur son sort. Désormais, elle devait être forte.

— Pourquoi tu voulais me voir ? demanda-t-elle, d'un ton bas.

— Je voulais qu'on parle de ta mère. Il y a d'autres choses que tu dois savoir.

Lyly se laissa légèrement glisser le long de la chaise, et garda ses yeux rivés sur la table. Elle aurait aimé pouvoir claquer des doigts et se retrouver devant monsieur Kurmin. Certains de ses agissements lui faisaient peur, et elle avait besoin d'explications. Elle aurait aimé être heureuse pour son père, après tout, il méritait d'être heureux, c'était un homme bien. Mais comme cela était le cas avec Théo, elle avait peur. Peut qu'on se lasse d'elle. Peur qu'on la remplace. Et tout cela était survenu lorsqu'elle était tombée malade et que son père avait brutalement disparu de sa vie. Elle avait foutrement peur qu'on l'oublie. Qu'on l'abandonne. Comment pouvait-elle aller à l'encontre de ces sentiments ? Comment pouvait-elle se libérer de toutes ses peurs qui lui gâchaient littéralement la vie ?

Lyly aurait aimé se laisser aller. Ne plus analyser, ne plus paniquer, ne plus douter. Elle aurait aimé se sentir libre, en paix, rien qu'une fois. Et elle allait devoir y parvenir.

— Elle est de nouveau en contact avec Ludo ? marmonna-t-elle, presque à elle-même.

— Comment tu le sais ?

Lyly haussa les épaules. Comme quoi, parfois, les commérages et indiscrétions d'Ashley pouvaient servir.

— Ils se sont vu trois fois ces derniers mois.

— Tu es au courant de quoi, au juste ?

Lyly se redressa et releva les yeux.

— Comment ça ?

— Pourquoi tu fais cette enquête ?

Fabio jeta un coup d'œil aux personnes autour d'eux, et s'assit sur le bout de sa chaise afin de se rapprocher de Lyly.

— J'ai un ami qui avait déjà fait appel à un enquêteur, alors je l'ai contacté pour voir s'il pouvait retrouver votre trace, reprit-il plus bas. Au bout de deux mois il est revenu avec tout un dossier, et m'a appris où tu vivais, où vivait ta mère. Quand je lui ai demandé d'en apprendre plus sur Ludovic, j'ai appris que ta mère était lui étaient séparés, et qu'elle cherchait à rassembler des preuves contre lui pour qu'il soit condamné. Après avoir lu tous les documents, j'ai compris à quel point il trempait dans de sacrées magouilles, et à quel point il était difficilement touchable. Il ne fait pas ça seul.

Lyly croisa ses bras, les yeux rivés dans ceux de son père. Sa mère et elle savaient déjà que Ludo n'était pas net, mais comment ça « il ne fait pas ça seul » ? Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ?

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Celui qui a été pris en photo avec Théo, celui qui conduit la Mercedes grise.

Lyly décroisa ses bras, maintenant suspendue aux lèvres de Fabio. Cet homme lui avait fait vivre l'enfer. Il l'avait renversé en voiture, l'avait frappé. Allait-elle enfin en savoir plus sur lui ?

— C'est le seul et unique bras droit de Ludo.

— Le seul ?

Fabio hocha la tête verticalement.

— Et c'est aussi son seul frère.

— Quoi ?

Lyly l'interrogea du regard. Son frère ? À aucun moment Ludo n'avait fait référence à un frère lorsque sa mère et elle vivaient avec lui. Mais pourquoi ?

— Il doit y avoir une erreur, répondit-elle, paumée. Il ne nous a jamais dit qu'il avait un frère quand on vivait avec lui.

— Ils se protègent mutuellement, c'est normal. Son frère, Rudy, travaille dans un commissariat, il est au courant de tout ce qui se passe et de tout ce qui a un lien avec son frère.

Lyly secoua la tête, abasourdie.

— Tu veux dire qu'il sait quand quelqu'un porte plainte contre Ludo ?

— Tout à fait. Mais les gens qui craignent Ludovic et qui veulent se plaindre au commissariat savent que son frère travaille là-dedans, ils savent que ça va leur retomber dessus s'ils osent porter plainte contre lui. Ils ont peur.

— C'est insensé, marmonna-t-elle.

— C'est pourtant vrai.

Lyly indiqua à la serveuse qu'elle ne souhaitait rien prendre, et la suivit des yeux jusqu'à la caisse enregistreuse.

— Et pourquoi tu voulais me voir seule ?

Elle fit face à son regard.

— J'essaye de comprendre pourquoi ta mère a repris contact avec lui, j'essaye de savoir si elle a laissé tomber la plainte ou non, et je n'y arriverai pas sans ton aide.

— Mais qu'est-ce que ça changera ?

— Ça changera que si elle est retournée avec lui, on ne pourra rien faire pour le faire enfermer. L'enquête doit continuer, ta mère ne doit pas se faire manipuler par lui, pas encore.

— Je ne pense pas que ce soit le cas...

— Tu ne penses pas, ou tu n'espères pas ?

Ils restèrent à se fixer tous deux dans le blanc des yeux, le visage impassible.

— Et si l'enquête continue, qu'est-ce que ça changera ?

— Je peux essayer d'aller porter plainte contre lui, à mon tour.

— Qu'est-ce que tu vas dire ? Tu ne l'as quasiment pas connu.

— Qu'il m'a menacé. C'est à cause de lui que je t'ai perdu de vue, Lyly. Je ne peux pas laisser passer ça, j'irai jusqu'au bout. Il doit payer ! lâcha-t-il fermement, à la limite de l'énervement. Il fait du mal autour du lui !

Lyly baissa les yeux sur la serviette tâchée de son père posée près de la tasse. Savoir que Ludo leur avait menti ne l'étonnait plus, mais de là à cacher l'existence de son frère... Il avait fait fort. Comme si tout avait été prévu... Était-il autant tordu que cela ?

— Il y a un détail auquel tu n'as pas pensé, reprit Lyly.

— Lequel ?

Lyly releva les yeux vers son père.

— Je ne parle plus à maman.

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