Chapitre 5
Lyly ferma la fermeture de sa veste, traversant une ruelle pleine de courants d'air, et accéléra son allure afin de se retrouver sur le trottoir principal du centre-ville, où les alentours étaient davantage éclairés grâce aux nombreux lampadaires. Il était trois heures dix, et Lyly errait dans la rue, la tête pleine de pensées. Une fois de plus, elle s'était réveillée en sueur, prise de panique.
Ne souhaitant pas revivre cela, bien trop terrorisée, elle avait enfilé sa tenue de sport qu'elle n'avait pas encore rangé dans son armoire, et était sortie sans réveiller sa cousine. Sa mère lui avait conseillé de voir un psychologue depuis que sa vie avait dérapé, à plusieurs reprises même, mais Lyly, souhaitant montrer qu'elle gérait aussi bien la situation que sa mère, avait refusé.
Pourtant, les problèmes s'étaient enchaînés et voilà que maintenant elle ne passait plus une seule nuit sans faire d'horribles cauchemars, sans faire de crises de panique. Le sommeil s'accumulait dans ses paupières, elle le ressentait davantage de jour en jour, mais elle ne souhaitait pas en faire part à sa mère, ni à sa cousine. Elle souhaitait régler cela seule, comme toujours. Pourtant, le poids des années s'accumulait et il lui arrivait de penser qu'elle était à bout, qu'elle n'était pas loin de s'écrouler et de montrer qu'elle était faible, comme son père, comme tous ces gens qu'elle haïssait aujourd'hui du plus profond de son être.
Elle avait eu une belle enfance, elle ne pouvait pas le nier. Elle avait eu la chance de connaître et voir son père et sa mère liés comme les deux doigts de la main, ou le malheur, elle ne savait pas trop. La situation avait bien trop changé depuis, et c'était toujours avec tristesse et une once de rancœur qu'elle repensait à ces années de bonheur, qui s'étaient tout bonnement transformées en douloureux souvenirs.
- Lyly ?
La jeune fille sortit soudainement de ses pensées mais continua sa marche.
- Lyly, c'est toi ?
Alors qu'une main se posa sur son épaule droite, elle se retourna, prête à lancer son poing dans la figure de la personne qui avait osé la déranger, lorsqu'elle retrouva avec surprise Théo en face d'elle, les pommettes rosées et les cheveux humides de sueur. D'un revers demain il essuya la sueur dégoulinante de son front et observa les alentours.
- Tu es seule ?
- Comme tu peux le voir.
Il acquiesça la tête, surpris.
- Tu as conscience de l'heure qu'il est ?
- Aussi bien que toi, je présume, répondit-elle.
Se rendant compte que ses réponses étaient quelque peu trop sèches et que Théo ne semblait pas comprendre pourquoi elle lui répondait avec tant de haine, elle expira lentement et tenta de se relaxer. Il n'y était pour rien.
- Il est trois heures passées, reprit-elle plus gentiment.
- Ça va ?
Le jogging et le simple débardeur noir que portait Théo permirent à Lyly de percevoir la musculature du jeune homme. Ses pectoraux étaient davantage apparents, la sueur retenant le débardeur sur la peau du jeune homme, et la totalité de ses bras, pour la première fois, étaient visibles aux yeux de la jeune fille. Il faisait sûrement de la musculation.
- Lyly ?
Elle sortit aussitôt de son inspection et sentit la honte monter aux joues lorsqu'elle le vit lui sourire, amusé. Il l'avait pris en flagrant délit.
- J-je pense que je vais rentrer maintenant, il se fait tard.
Alors qu'elle tournait les talons, elle sentit la main du jeune homme lui attraper le poignet avec délicatesse. Sentant ses joues rougir davantage, elle resta immobile, dos à lui. Son toucher était aussi doux que son regard. Bordel, pourquoi était-il aussi délicat ? Son cœur fit un bond.
- Je ne pense pas que tu sois là par hasard. Il est trop tard pour faire une simple balade comme ça, sur un coup de tête. Tu n'arrivais pas à dormir ?
Il lui relâcha le poignet, et Lyly se retourna lentement, piquée au vif. Elle observa un instant les boutiques près d'eux, et ancra enfin son regard dans celui du jeune homme, qui ne la quittait pas des yeux, sérieux. C'était la deuxième fois qu'il touchait en plein dans le mille, c'était la deuxième fois qu'il arrivait à la cerner avec autant de précision, alors qu'Ashley s'en tirait comme un pied.
- Je pourrais te retourner la même question, répondit-elle doucement. Il t'arrive souvent de courir à trois heures du matin ou tu n'arrivais pas non plus à dormir ? Je ne pense pas que tu sois là par hasard.
Surpris d'entendre qu'elle reprenait mot pour mot ce qu'il lui avait dit trente seconde auparavant, il ne pu cacher son sourire amusé.
- T'as raison, je ne suis pas là par hasard. Je cours souvent très tôt le matin.
- Oui, enfin là, ce n'est pas trop le matin, j'ai envie de te dire. C'est plus la nuit qu'autre chose.
Amusé, il plissa un instant les yeux et acquiesça.
- Tu as tout à fait raison. J'ai l'habitude de courir la nuit, je suis plus tranquille, et je peux laisser mes pensées vagabonder un peu partout dans ma tête. En fait, je me sens plus apaisé en courant la nuit, il y a beaucoup moins de monde. C'est très silencieux.
- Tu n'aimes pas les gens ?
Il lâcha un petit rire que Lyly ne pu s'empêcher d'apprécier.
- En réalité je m'en fous des gens. Je veux dire... je n'ai rien contre eux, ils font leur vie et je fais la mienne. Tant qu'on me laisse tranquille, je les laisse tranquille, c'est aussi simple que ça.
- C'est toujours aussi simple que ça dans ta vie ?
Il haussa les épaules.
- Ce n'est pas que c'est simple. J'essaie de rendre la vie plus simple, mais ça ne veut pas dire qu'elle est simple et que la mienne l'est. Je ne veux juste pas me prendre la tête... du moins j'essaie.
Lyly fourra ses mains au fond de ses poches. Il n'y avait littéralement personne auprès d'eux. Tout le monde dormait à cette heure-ci, tout le monde rêvassait, sauf eux.
- Tu ne crois pas que tu vas aussi bien t'en tirer quand même, reprit-il, et toi, qu'est-ce que tu fais là à trois heures du matin ? Ça t'arrive souvent ?
Lyly hocha la tête que non.
- Je n'arrivais pas à dormir, donc je suis sortie faire un tour. Mais non, je ne sors pas souvent à l'heure là, en général je reste dans ma chambre.
- Donc ça t'arrive souvent de ne pas réussir à dormir ?
Là était le problème. Lorsque Lyly commençait à s'ouvrir, à être honnête, autrui souhaitait en savoir plus, posait des questions, encore et encore. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait tenté d'être honnête avec lui, pourquoi elle avait voulu être honnête avec lui...
- Je crois que je vais rentrer. Si Ashley se rend compte que je ne suis pas là, elle va paniquer...
Théo acquiesça lentement la tête et vit la jeune fille face à lui lui tourner les talons.
Alors qu'elle reprit sa marche et s'éloignait peu à peu de lui, il passa sa main sur sa nuque humide, hésitant.
- Lyly !
La jeune étudiante se retourna tout en continuant sa marche à reculons.
- Si ça t'arrive souvent, on peut se faire un footing un soir, si ça te dit ! Le samedi soir j'en fais toujours un dans les heures là. Je t'assure qu'après tu dormiras mieux !
- On verra ça, répondit-elle en souriant légèrement. J'y penserai.
Et sans plus attendre, Lyly tourna les talons et reprit sa marche, observée par Théo qui la regarda s'éloigner en silence.
C'était une jeune fille mystérieuse, bien trop mystérieuse pour qu'il puisse la laisser s'en tirer aussi facilement que ça. Si personne ne souhaitait creuser et apprendre davantage à la connaître, il allait le faire, et cela qu'elle le veuille ou non. Il ne se sentait pas capable de la laisser aussi solitaire, pas dans cette ville, pas tant qu'elle serait autant sur ses gardes. Elle cachait quelque chose, il en était certain.
Étendue sur son lit, Lyly jeta un œil à son téléphone portable. Cinq heures trente. Cela faisait déjà bien une heure trente qu'elle était rentrée, et elle n'était pas parvenue à fermer l'œil, une fois de plus. N'arrivait-elle pas à dormir ou ne souhaitait-elle pas se rendormir ? Lyly elle-même ne le savait pas. Durant ces moments de faiblesse, il était arrivé à plusieurs reprises à la jeune fille de rejoindre sa mère dans son lit, alors que celle-ci était en plein sommeil depuis déjà quelques bonnes heures. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas dormir seule, mais dormir auprès de sa mère la rassurait, et il lui était arrivé à plusieurs reprises de se sentir davantage apaisée auprès d'elle, et de se rendormir.
Pourtant aujourd'hui ce n'était plus possible, et elle ne se voyait pas rejoindre Ashley dans son lit, c'était impensable, elles n'étaient pas assez proches, loin de là. L'esprit fatigué, Lyly soupira et se redressa en tailleur sur le matelas. Elle attrapa son sac posé près du lit, sortit ses affaires de cours et alluma son ordinateur qu'elle installa sur la couette.
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