Chapitre 48

Lyly repassa en boucle ce qui s'était passé dès son retour chez Ashley, étendue sous sa couette. Au premier abord, celle-ci avait sauté de joie en voyant sa petite cousine revenir, puis elle avait senti que Lyly lui cachait quelque chose. Même si elle avait tenté de la tromper, de lui sourire et de lui dire que tout allait bien, Lyly n'était pas parvenue à duper sa grande cousine. John, lui, avait essayé de faire comprendre à sa fiancée qu'elle ne pouvait pas forcer sa petite cousine à lui dévoiler ce qui la chagrinait, mais elle avait insisté, et Lyly avait tout sorti, telle une bombe à retardement. Elle avait dévoilé son angoisse de savoir Laure chez Théo. Avait fait part de son incompréhension quant au regard que celle-ci lui renvoyait à chaque fois qu'elle la croisait quelque part. Puis avait finalement dit que ce n'était pas grave, et elle était montée à l'étage pour déposer ses affaires dans sa chambre.

Ashley était revenue à la charge durant le repas, et c'est scandalisée qu'elle s'était levée pour aller répondre à son téléphone, en répétant ne pas comprendre pourquoi il l'avait laissé partir au lieu de la retenir. Lorsqu'elle était réapparut dans le salon, son téléphone à la main, elle avait chuchoté que c'était Théo au bout du fil et qu'il souhaitait lui parler, mais Lyly avait décliné la demande, et avait laissé sa cousine se débrouiller.

Peut-être aurait-elle dû répondre. Mais elle n'en avait pas eu la force. La semaine d'examens l'avait littéralement anéanti, et elle avait juste ressenti le besoin d'aller se reposer, et non pas de se prendre la tête avec Théo. Au départ, elle avait trouvé cela bizarre que Théo demande à lui parler via le téléphone d'Ashley, puis ce n'est que lorsqu'elle était remontée dans sa chambre après le repas qu'elle avait vu deux appels manqués de son petit ami ainsi que quatre messages non lus.

Lyly soupira. Théo faisait de son mieux, elle en avait conscience. Mais elle aussi. Elle aussi faisait de son mieux. Et elle ne pouvait pas tout laisser passer par amour. Non. Elle ne supportait pas Laure. Elle ne supportait pas toutes celles qui gravitaient autour de l'homme dont elle était amoureuse. Et voir que Théo pouvait accueillir Ashley comme cela alors que Lyly elle-même dormait chez lui lui échappait. Jamais elle n'aurait laissé Théo s'en aller. Sa cousine avait raison.

John et Ashley avaient proposé à Lyly de passer la soirée avec eux devant la télévision, mais celle-ci avait gentiment refusé l'invitation, et était montée dans sa chambre pour se coucher.

Mais voilà, cela faisait déjà trois heures qu'elle était allongée sur son lit, le regard planté vers le plafond, et qu'elle ne parvenait pas à dormir. Elle s'était tournée, étendue sur le ventre, puis de nouveau tournée, toujours insatisfaite de sa position, et avait fini par rester le regard figé dans le vide. Elle aurait aimé pouvoir répondre aux messages de Théo, mais elle ne le souhaitait pas. De toute façon, elle ne savait même pas quoi lui répondre. Oui, elle aurait dû le prévenir quand elle était arrivée afin qu'il soit rassuré, oui elle aurait dû lui dire que tout allait bien de son côté, mais elle ne le voulait pas. Pas maintenant.

Lyly ignora la voix d'Ashley dans le salon, et se contenta d'observer le plafond, une boule au bas du ventre. Que pouvait bien faire Théo ? Et Laure ? Avait-elle déjà tenté de l'embrasser depuis qu'elle avait quitté l'appartement ? Étaient-ils en train de parler en ce moment-même ?D'ailleurs, où dormait-elle ? Lyly secoua la tête, blasée, et se frotta les yeux. Elle était fatiguée. Totalement crevée. Mais elle ne parvenait pas à fermer les yeux, son crâne bouillonnait bien trop. N'y avait-il pas un bouton sur lequel appuyer pour l'éteindre? Le mettre en mode veille ?

La jeune étudiante tourna la tête à l'entente de bouts de doigts toquant discrètement à la porte de sa chambre. Elle aperçut la poignée se baisser, la porte s'entrouvrir lentement, et un brin de lumière provenant de l'ampoule du couloir lui permit de distinguer la tête de Théo se glisser à l'intérieur de la chambre. Lorsqu'il aperçut la silhouette de Lyly accoudée sur son oreiller, battant des cils afin d'adapter ses yeux à la lumière, il passa rapidement son corps dans la pièce et referma la porte derrière lui pendant que Lyly allumait sa lampe de chevet qui se trouvait à sa droite. Elle le vit se défaire de son sac à dos, le déposer sur le sol, et lui faire face, les cheveux en bataille, l'air inquiet.

Il jeta un œil vers le téléphone de sa petite amie posé sur la table de chevet, et reposa ses yeux sur Lyly.

— C'est bien ce que je me disais, dit-il, peiné, tu m'ignorais.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Sa boule au bas du ventre lui faisait désormais un mal de chien. Pourquoi était-elle si stressée de le voir ? N'était-ce pas une bonne nouvelle, justement, qu'il soit là ?

— Tu ne voulais pas rester là-bas avec moi, alors je viens à toi.

Remarquant qu'elle allait se contenter de le fixer et non pas de lui répondre, il se passa les mains dans les cheveux, anxieux.

— Tu m'en veux à quel point ?

Lyly se mordilla l'intérieur de la joue et décrocha son regard du sien. Ce n'était pas qu'elle lui en voulait. Le fait que Laure débarque chez lui n'était, en soit, pas de sa faute. Mais elle aurait peut-être juste aimé qu'il la retienne davantage, ou bien qu'il propose une autre alternative à Laure. Elle était mitigée. Mais en même temps, il était maintenant devant elle, à une heure du matin. N'était-ce pas une preuve qu'il avait fait son choix ?

— Je peux rester ?

Lyly hocha lentement la tête que oui. Malgré tout cela, elle ne souhaitait pas qu'il s'en aille. Non. Il était là, c'était ce qui comptait. Au moins, il n'était pas avec l'autre énergumène blonde.

Théo s'abaissa vers son sac, dos à la jeune femme, fit glisser la fermeture et en sortit habilement une tenue. Il ôta rapidement sa doudoune et son pull, les posèrent sur le dos de la chaise, puis décrocha sa ceinture pendant qu'il faisait passer son t-shirt par dessus sa tête. Il enfila un simple t-shirt bleu foncé, fit glisser son jean, ôta ses chaussettes et passa ses jambes dans un pantalon jogging noir, sous le regard médusé deLyly, qui le regardait faire, en silence.

Il déposa le reste sur la chaise, tourna les talons, et refit face à Lyly, le regard attristé. Il avança doucement, de peur de la voir se braquer, et s'assit en face d'elle lorsqu'elle replia ses jambes en tailleur.

— Je suppose que tu m'en veux que je l'accueille chez moi, et je comprends, mais c'est une ancienne amie, je ne pouvais pas la laisser dormir dehors, c'est trop dangereux. Encore plus pour une femme...

— Elle aurait pu aller voir ailleurs, Théo. Ne me fais pas croire qu'elle ne connaît que toi ici.

— Je ne sais pas, elle m'a dit qu'elle n'avait aucun endroit où aller.

— Comme si tous les hôtels étaient remplis...

— Je t'avoue que je me contrefous de si elle m'a menti ou non, ce soir c'est avec toi que je suis, pas avec elle.

— Pourquoi tu es ici ?

— Je te l'ai dit. Tu ne voulais pas rester là-bas avec moi, alors je viens à toi.

— Non, je veux dire... Pourquoi tu viens à une heure du matin ? Je suis partie vers dix-huit heures. Pourquoi tu reviens autant d'heures après ?

Théo fronça légèrement les sourcils.

— Je ne voulais pas que tu penses que je la faisais passer avant toi... Parce que ce n'est pas vrai.

Lyly acquiesça lentement la tête. Il déposa doucement l'une de ses mains sur les jambes de Lyly recouvertes de la couette.

— Qu'est-ce qui s'est passé quand je suis partie ?

Théo réfléchit un instant en silence, puis finit par soupirer.

— Elle a dû t'entendre partir, et je suis revenu dans le salon quelques minutes après. Je lui ai dit que j'avais des copies à corriger, qu'elle pouvait laisser son sac là et que je repasserai dans le salon dans un moment pour changer le canapé en lit. Elle m'a remercié, m'a demandé pourquoi j'avais l'air triste. Je n'ai pas voulu lui répondre, et j'ai voulu quitter le salon, mais elle m'a attrapé le bras. Tu sais, je n'avais vraiment pas envie de la voir, avoua-t-il, ni de lui parler, mais elle m'a contourné et m'a demandé si elle pouvait faire quelque chose.

Théo se pinça les lèvres, gêné.

— Quand j'ai senti qu'elle me caressait le bras, j'ai reculé et je lui ai expliqué qui tu étais.

— Moi ?

Théo acquiesça.

— Je ne lui avais pas encore parlé de nous deux. Alors, je l'ai fait. Je lui ai dit qu'on était en couple, toi et moi, et qu'elle devait arrêter de me toucher comme ça, que ce n'était pas correct vis-à-vis de toi.

— Et elle a dit quoi ?

— Pas grand chose, en fait. Elle m'a regardé avec des yeux ronds, et est restée silencieuse. J'en ai profité pour partir dans mon bureau.

Lyly sortit une de ses mains de sous la couette et la posa sur celle de Théo.

— Je voulais te rejoindre, mais je ne pouvais pas partir comme ça, je voulais au moins qu'elle soit bien installée. Donc j'ai commandé deux pizzas, on a mangé ensemble, elle m'a posé quelques questions, mais rien de plus. Il fronça les sourcils. Je crois qu'elle ne s'attendait pas à ce que je lui dise que j'étais en couple.

— Et après ?

— Après j'ai fait mon sac, je me suis préparé, et je lui ai laissé une clé de chez moi. Je lui ai dit de m'appeler s'il y avait un problème dans l'appartement, je lui ai expliqué quelques trucs, et je suis parti.

— Mais ça se trouve elle va dormir dans ton lit, grimaça Lyly. Ça se trouve elle va fouiller partout chez toi.

— Je ne pense pas. Tu sais, malgré ce que tu crois, ce n'est pas un monstre. Certes, elle joue avec mon passé pour se rapprocher de moi, mais je ne crois pas qu'elle irait jusque là. Et puis si ça lui fait plaisir, qu'elle fouille. Elle ne trouvera pas grand chose.

— Tu sous-estimes vraiment les femmes, répondit Lyly. Si elle est à fond sur toi, elle serait capable de faire des trucs bizarres avec tes affaires.

Théo lâcha un petit rire.

— Si ça lui fait plaisir.

Il lâcha la main de Lyly et leva le bras afin de lui caresser la joue du bout des doigts.

— Je suis désolé si tu as cru que je te faisais passer après elle. J'avais juste besoin de temps pour réfléchir.

Lyly acquiesça lentement la tête.

— Et j'ai beau adorer ta cousine, je t'avoue que parfois elle me fait rager. A quel moment elle peut penser qu'elle peut me faire la morale ? demanda-t-il en roulant des yeux.

— Elle t'a dit quoi ?

— Que je n'avais pas à la faire passer avant toi, que j'aurais dû te retenir. Ce genre de choses.

— Elle me l'a dit aussi.

Théo secoua la tête, sérieux.

— Je me doute que tu avais besoin d'en parler, mais évite de lui parler de nos prises de tête. Tu sais aussi bien que moi qu'elle adore se mêler de la vie des autres, et sincèrement, je n'ai pas envie de l'avoir sur le dos. Je n'ai pas besoin qu'elle me fasse la morale.

— C'est ma garde du corps, plaisanta Lyly en baillant.

—Super garde du corps, ironisa-t-il.

Lyly vit Théo s'installer à ses côtés et se glisser habilement sous la couette. Il passa son bras gauche sur les épaules de la jeune femme et l'attira vers lui. Elle résista un instant, se pencha pour éteindre la lampe de chevet, et se coucha sur son flanc droit afin de poser sa tête sur l'épaule du jeune homme et sa fine main sur son torse.

— Tu as l'air crevé.

— Je le suis, mais je n'arrivais pas à dormir.

— Ton deuxième garde du corps est près de toi, tu peux dormir.

Lyly pouffa et ferma les yeux sous les lentes caresses de Théo qui faisait glisser ses doigts sur la taille de la jeune femme.

— Bonne nuit, marmonna-t-elle.

Et malgré les heures passées à chercher le sommeil avant l'arrivée de Théo, elle parvint cette fois-ci à lâcher prise, et à s'endormir.



Le lendemain matin, Lyly fut surprise de voir à quel point Laure pouvait être culottée d'envoyer un message à Théo, et se rappela qu'elle l'avait vu à plusieurs reprises débarquer à l'université avec des robes qui lui moulaient divinement bien le corps, ce qui, au final, n'était pas étonnant venant de sa part. Mais, ce qui changeait désormais, était le fait que Laure était dorénavant au courant que Théo était en couple, alors, allait-elle continuer de le draguer ? Ou allait-elle laisser tomber ?

Lyly secoua la tête et disparut dans la salle de bains pendant que Théo répondait à son message. Il était évident qu'il allait refuser sa demande. Pourquoi irait-il manger en sa compagnie alors qu'il avait rejoint sa petite amie en pleine nuit ? Le peu de neurones que possédait Laure ne parvenaient pas à fonctionner correctement ?

Quand elle sortit de la pièce, propre, parfumée, les cheveux séchés au sèche-cheveux, vêtue d'un chemisier et d'un jean noir, elle croisa John qui filait dans la chambre d'Ashley, le téléphone à l'oreille. Elle alla déposer ses affaires dans sa chambre, plia son pyjama, et alla se brosser les cheveux, face au miroir.

— Je vais passer chez moi pour récupérer mon ordinateur, je l'ai oublié hier soir.

Lyly pivota pour faire face à Théo qui pénétrait dans la chambre, sa doudoune sur le dos.

— Quand ? Ce midi ?

— Oui, je vais juste passer rapidement. Et il faut que je passe à mon bureau à l'université aussi.

— Tout seul ?

Théo acquiesça.

— Ou tu peux venir avec moi chercher mon ordinateur, si tu veux.

— Ça va aller.

Elle rangea sa brosse dans sa commode sous le regard de Théo, s'attacha habilement les cheveux en une queue de cheval, et se tourna vers le jeune homme, qui n'avait pas bougé.

— Ou... Peut-être que tu peux y aller avec Ashley ?

— Chez moi ?

Théo pouffa.

— Je n'ai pas besoin de ta garde du corps, Lyly.

— Je serais plus rassurée...

Il plissa légèrement les yeux et expira finalement longuement en remarquant que la jeune femme semblait totalement sérieuse.

— Je vais lui demander, répondit-il d'un ton froid. Mais sache que ça me gave de voir que tu n'as pas confiance en moi.

— Ce n'est pas de toi que je me méfie, mais d'elle. Les femmes sont vicieuses. Si elle souhaite te conquérir, elle va tout essayer, et je ne veux pas que tu te fasses avoir.

— Je suis un peu plus futé que ce que tu crois, répondit-il en soupirant. D'accord, on a eu une aventure, mais c'est fini, alors détend-toi, Lyly. Je la connais mieux que ce que tu crois. Elle est prévisible.

— Alors ne le sois pas, et va avec Ashley.

Théo secoua la tête, agacé, tourna les talons et sortit de la chambre, sous les yeux de Lyly, désormais contrariée.

Lyly avait confiance en lui. La question n'était pas là. Laure devait bien connaître d'autres personnes dans cette ville, alors le fait qu'elle demande à rester chez Théo lui semblait louche et prémédité. D'ailleurs, s'il y avait bien une personne en qui elle avait le plus confiance en ce moment était bien Théo, alors pourquoi ne parvenait-il pas à comprendre que le problème était Laure, et non lui ? Il arrivait à Lyly de ne pas suivre son instinct et de l'ignorer, mais pas cette fois-ci. Elle se devait de s'écouter, au  moins concernant Laure.

Lyly sortit de la chambre en enfilant une petite veste en laine, et se rendit dans le salon, où John se trouvait, seul. Il était assis sur l'une des chaises du salon et était en train de lacer sa nouvelle paire de baskets.

— Tu vas quelque part ?

John releva la tête vers Lyly.

— Ouais, on a commandé un meuble pour la chambre. Il vient d'arriver, il faut que j'aille le chercher.

Il laça sa dernière chaussure et se redressa sur ses jambes.

— Je peux venir avec toi ?

— Si tu veux, mais je pars maintenant, t'es prête ?

— Je mets mes chaussures, mon manteau et c'est bon !

Lyly courut dans sa chambre chercher l'un de ses manteaux, réapparut dans le salon en train de l'enfiler, et sa chaussa rapidement, sous le regard surpris de John, qui n'avait jamais vu Ashley se préparer aussi vite que Lyly.



Vingt minutes plus tard, John claqua le coffre, l'énorme carton calé maladroitement à l'intérieur de la voiture, sur les sièges abaissés pour l'occasion, et Lyly prit place sur le siège passager, près du conducteur. John la rejoignit rapidement, rassuré, et mit le moteur en route.

— Tu crois que j'ai fait fort en demandant à Ashley d'aller avec Théo ?

John jeta un œil au rétroviseur, et s'engagea sur la route.

— Je suis mitigé, je t'avoue.

— Pourquoi ?

— Théo est pas le genre de mec à aller voir ailleurs quand il est en couple, et...

— Mais pourquoi personne ne comprend mon point de vue ? Si j'ai demandé ça c'est parce que je n'ai pas confiance en Laure. Ça n'a rien à voir avec Théo.

— Ouais, j'imagine.

John mit son clignotant, et s'arrêta au feu rouge.

— Je comprends, reprit-il. Mais ça doit le saouler de voir que tu veux pas le laisser faire les choses. C'est peut-être même un peu humiliant pour lui de voir que tu demandes à ce qu'il aille chez lui accompagné d'Ashley.

— Humiliant ?

— Dans le sens où c'est pas un gosse. Il a pas besoin d'aller quelque part avec quelqu'un pour s'assurer que rien va se passer.

Lyly acquiesça lentement la tête. John appuya sur la pédale et tourna directement à droite.

— Mais je comprends que tu te méfies de Laure. Je sais pas ce qu'aurait fait Ashley si les rôles avaient été inversés. Peut-être qu'elle aurait même fait pire, qui sait.

—Elle ne m'aurait sûrement pas demandé de t'accompagner, elle serait venue directement avec toi.

John ricana.

— Ouais, c'est possible. C'est bien ma chérie, ça.

— J'aurais préféré ne jamais la rencontrer, cette Laure. Je ne la sens pas du tout.

— Et encore, toi tu la connais que depuis quelques mois. Nous ça fait des années, et elle en a fait des choses.

— Comme quoi ? demanda Lyly, intriguée.

— Bah, on a jamais su s'ils étaient sortis ensemble, Théo et elle, mais ils ont pas mal traîné ensemble. Théo nous a affirmé qu'il y a jamais rien eu de sérieux entre eux, mais à chaque fois qu'elle croisait le regard de Théo, on remarquait à quel point elle était à fond sur lui. Et on a toujours trouvé ça bizarre qu'elle le regarde comme ça s'il y a jamais rien eu.

— Ils ont sûrement passé beaucoup de temps ensemble, tenta Lyly.

— Ça c'est sûr. Théo semblait même bien l'apprécier.

John tourna aussitôt la tête vers Lyly.

— Désolé.

Il se concentra de nouveau sur la route, et s'engagea sur le rond point.

— Mais, reprit-il, il a jamais semblé amoureux d'elle. Je crois que l'attirance de Laure était pas réciproque.

— Pourquoi elle continue de forcer, alors ?

— J'en sais rien, peut-être qu'elle est vachement amoureuse de lui.

John prit la quatrième sortie.

— Théo lui a parlé de moi, avoua Lyly. Il lui a dit qu'on était ensemble.

— Ah ouais ?

John jeta un coup d'œil surpris à Lyly.

— Pourquoi tu as l'air si surpris ?

— Bah, le connaissant, s'il a fait ça, c'est qu'il veut vraiment mettre les choses au clair avec elle, et qu'il croit en vous.

— J'ai l'impression que depuis le début il croit en nous, répondit Lyly, soudainement surprise de s'en rendre compte. Il a toujours fait de son mieux pour que ça marche, pour me rassurer...

— Je sais que ça me regarde absolument pas, mais étant fiancé avec ta cousine, je crois qu'à force elle déteint sur moi, rigola John, et je pense que tu devrais lui montrer que tu as confiance en lui, et que tu crois en vous, aussi. Je sais pas comment votre couple fonctionne, si vous vous dites les choses, si vous êtes plus démonstratifs dans les gestes. Mais c'est important que les efforts se fassent des deux côtés. Parfois, avec Théo, t'as l'impression qu'il maîtrise totalement la situation, alors qu'en vrai pas du tout. Il essaye juste de prendre les choses en main et de tenter, même s'il a totalement la trouille. Parce que c'est comme ça qu'on évolue et qu'on avance. On tente, et si ça marche pas, on essaye d'une autre façon. Ou on laisse tomber si ça en vaut pas la peine.

Lyly tourna son regard vers la fenêtre, pensive. Il est vrai qu'elle n'avait jamais encore eu l'impression que Théo ne maîtrisait pas la situation. Peu importe ce qui se passait, il parlait d'un ton posé mais convaincant, et tentait. Jamais elle n'avait ressenti qu'il ne contrôlait pas la situation. Jamais. Même pas quand il l'avait vu en pleine crise de panique. Ou en pleurs.

— Et toi, avec Ashley, ajouta Lyly, comment vous faites ?

John la regarda rapidement et reporta ses yeux sur la route, avant de prendre la première à gauche.

— Concernant quoi ?

— Pour que ça marche. Quand vous n'êtes pas d'accord.

Le jeune homme sembla réfléchir un moment.

— Je crois qu'on se connaît tellement qu'on sait comment va réagir l'autre, donc quand on sait que si on fait telle chose on va contrarier l'autre, on fait attention. On fait attention à comment on se parle. Si un jour je reviens du travail énervé, j'ai pas à m'en prendre à elle et à mettre mes nerfs sur elle.

— Comment tu fais ?

— Je me mets un peu en retrait. Et quand je le fais, elle sait pourquoi, et elle me laisse me calmer. En règle générale ça marche plutôt pas mal. Puis, reprit-il, je sais qu'Ashley c'est le genre de femme à sortir tout ce qu'elle a sur le cœur et à aimer que la personne soit directe et honnête avec elle, alors j'essaye d'en faire autant et de l'être. Mais quand je peux pas, elle sait que de base c'est pas mon tempérament d'être comme ça, alors elle essaye de prendre sur elle et de me laisser le temps nécessaire.

Il fronça les sourcils.

— En fait, je pense qu'il y a pas une meilleure façon de faire qu'une autre. Faut juste comprendre comment fonctionne l'autre, essayer de s'adapter et faire des efforts des deux côtés. S'il y a des efforts des deux côtés, je pense que le couple peut aller très loin. Mais si les deux personnes ont trop de fierté ou veulent que l'autre change, ça marchera pas. C'est impossible.

— Ça t'est déjà arrivé ?

— De quoi ?

— De sortir avec quelqu'un qui avait trop de fierté, ou qui voulait te changer.

John acquiesça et ralentit pour laisser deux piétons traverser.

— J'ai eu une relation plutôt sérieuse avant de rencontrer ta cousine. On a dû rester ensemble un peu plus d'un an, je crois. Mais ça a pas marché, parce qu'elle voulait que je change. Il réfléchit et relâcha légèrement la pédale. Je suis d'accord sur le fait qu'on peut tous faire des efforts et changer un peu pour l'autre, mais de là à vouloir limite me reprogrammer de A à Z, c'est pas possible.

— Quelle horreur...

— Ouais, donc on a fini par se séparer. Et je dis pas qu'avec Ashley c'est parfait, loin de là, mais on fait des tonnes d'efforts parce qu'on sait que ça vaut le coup. Elle a aussi pas mal de fierté, mais elle a beaucoup évolué depuis qu'on se connaît. Elle arrive, parfois, à la mettre de côté, surtout quand elle sent que je vais pas céder.

Lyly acquiesça.

— Au début j'ai eu du mal avec Ashley, avoua Lyly. Je ne comprenais pas pourquoi elle se mêlait de tout, et j'avoue que parfois ça me surprend encore un peu, mais elle est tellement bienveillante que c'est impossible de la détester ou de lui en vouloir totalement.

— C'est clair. Même si parfois elle s'énerve et t'engueule jusqu'à te blesser, sur le coup elle se rendra pas compte de ses mots, mais avec du recul elle va prendre peu à peu conscience de ce qui s'est passé, et elle va revenir vers toi pour s'excuser. Mais ça, elle le fait qu'avec les gens qu'elle aime. Parce que ça demande un sacré courage de revenir vers l'autre quand on a beaucoup de fierté.

Lyly hocha la tête.

— Donc t'en fais pas, reprit John. Garde juste à l'esprit que Théo est un mec bien et qu'il ira pas voir ailleurs. C'est pas dans ses valeurs.

— Oui enfin les valeurs... répondit Lyly, évasive. Ma mère disait en avoir alors qu'elle n'en a pas du tout.

— Tu devrais éviter de tout confondre. C'est pas parce que ta mère a trompé ton père que tout le monde va le faire aussi. Si on commence à psychoter à cause de tout ce qui s'est déjà passé dans le monde, entre les meurtres, les viols, les vols, les agressions et j'en passe, on sortirait plus de chez nous et on ferait confiance à personne. Il faut juste voir à qui tu veux laisser une chance, et tu tentes.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top