Chapitre 47

Les deux partiels tombés le lundi matin ne posèrent pas plus de problèmes que cela à Lyly. Elle parvint à répondre à la totalité des questions de l'examen de neuf heures trente, et ne laissa que deux questions sans réponse à l'examen de onze heures. Normalement, si elle n'avait pas foncé tête la première dans le hors sujet, ces deux matières devraient être validées, et elle ne devrait pas avoir à s'en préoccuper si elle venait à louper ses autres examens et à passer aux rattrapages enfin d'année universitaire.

Elle eut le temps de réviser quelques autres chapitres le mardi, jour sans partiels, et arriva à l'université le mercredi à treize heures trente, un peu moins sûre que le lundi. Elle avait beaucoup réviser, il n'y avait aucun doute là-dessus, mais qu'allait bien pouvoir donner comme examen Théo ? Et si elle le loupait ?

Elle chassa ses pensées de sa tête, pénétra dans le bâtiment, et se dirigea vers l'amphithéâtre où avait lieu son examen. Si elle ne s'était pas trompée, elle était bel et bien dans l'amphithéâtre G3, et Olivia ainsi que Mathilde dans celui juste à côté, le G2. Quant à Antoine, elle l'avait seulement aperçu dans le couloir le lundi matin, avant de rentrer dans son amphithéâtre. Avaient-ils aussi bien géré qu'elle ? Ou bien avaient-ils laissé la moitié des questions sans réponse ?

Lyly poussa la porte de l'amphithéâtre, et s'arrêta à l'entrée afin de trouver à quel endroit s'asseoir. La plupart des étudiants étaient arrivés et s'étaient déjà installés, laissant une place vide entre eux pour éviter la tricherie. Lorsque Lyly aperçut quelques places restantes dans l'une des rangées du centre, elle descendit prudemment les quelques marches, laissa un étudiant passer devant elle, et se faufila sur sa rangée, à la troisième place. Elle s'installa sur sa chaise, posa son sac sur le sol, et observa les jeunes autour d'elle. Pendant que certaines personnes étaient encore plongées dans leurs feuilles de cours, certaines discutaient avec leur voisin ou bien avaient la tête plongée dans leurs bras, pas encore bien réveillés.

Comment parvenaient-ils à réviser avec un barouf pareil ? Lyly prit sa trousse de son sac, en sortit quelques crayons, et vit deux silhouettes descendre rapidement les marches des tas de feuilles en main. Théo monta sur l'estrade, suivit de son collègue, sortit rapidement ses quelques affaires, ôta sa doudoune noire et la posa sur la chaise à côté de celle de l'autre enseignant. Elle les vit échanger quelques mots, se répartir des blocs de feuilles, et Théo jeta un rapide coup d'œil dans la salle.

— L'épreuve commence dans dix minutes, annonça-t-il fortement afin que tous les étudiants puissent l'entendre. On va passer dans les rangs pour vous distribuer les copies et pour vous faire signer une feuille de présence !

Théo portait une chemise noire dont les deux premiers boutons étaient défaits, et un petit foulard autour du cou. Lyly ravala son sourire, consciente que c'était à cause de ce qu'elle lui avait fait il y a de cela quelques jours, et observa l'autre enseignant. Elle ne l'avait jamais vu. Enseignait-il la même matière que Théo ? S'entendaient-ils bien ?

Une fois la feuille de présence signée et les copies déposées aux étudiants, Théo et son collègue passèrent dans les rangs pour distribuer la feuille d'examen. Ils se répartirent la salle en deux afin d'être les plus efficaces possible, et trois minutes plus tard, les étudiants se retrouvèrent la tête plongée dans la feuille, à la découverte des consignes.

L'amphithéâtre était plongé dans le silence. Pendant que certains se lançaient déjà dans la construction de leur plan et notaient leurs idées sur leur feuille de brouillon, d'autres surlignaient les mots clés des consignes, ou bien les relisaient afin de ne pas louper un mot, qui pourrait rapidement les mener dans le hors sujet.

Théo observa les étudiants, à l'affût de la moindre main levée, et stoppa son regard sur Lyly, installée dans l'un des rangs du milieu. Il ne l'avait vu que brièvement le matin même, et avait dû partir avant elle pour surveiller un autre examen dans l'amphithéâtre C4. D'après ce qu'elle lui avait dit, les examens du lundi s'étaient relativement bien passés et elle avait pu répondre à la quasi totalité des questions. Alors, allait-elle aussi gérer son examen à lui ? Il l'espérait. Vraiment. D'après ce qu'il voyait, elle prenait pas mal de notes sur la feuille d'examen, et soulignait quelques mots de différentes couleurs, ce qui était astucieux puisque cela permettait de retrouver les mots importants en un clin d'œil, et donc de gagner du temps.

Il baissa un instant les yeux pour relire les consignes, et tourna son visage vers son collègue qui observait les étudiants du fond. Visiblement, personne n'avait de question. Était-ce bon signe ?

Théo s'assit sur sa chaise, jeta un œil à l'heure de son téléphone et releva les yeux vers les étudiants éparpillés dans l'amphithéâtre. Il leur restait cinquante minutes.



Lyly termina de lire la dernière phrase de la dissertation provenant du quatrième et dernier exercice, inscrivit le nombre de pages sur les deux copies doubles, et rangea son crayon noir, rassurée que cet examen soit enfin terminé. Elle leva les yeux, observa l'heure sur la pendule accrochée au-dessus du tableau, et les laissa inconsciemment glisser vers Théo, qui était installé juste au-dessous, un paquet de copies doubles dans les mains. Visiblement, il échangeait à voix basse avec son collègue, et ce dernier l'écoutait sérieusement, l'air étonné, et acquiesçait parfois la tête.

Lyly aurait aimé quitter la salle, mais il lui était impossible de sortir de sa rangée, les étudiants qui l'entouraient semblaient totalement plongés dans leurs copies et elle ne se sentait pas capable de les déranger, de leur demander de se lever afin de la laisser passer puisqu'ils bloquaient le passage, alors qu'il ne restait que sept minutes avant la remise des copies.

La jeune femme suivit des yeux trois étudiants descendre les marches, inexpressifs. Deux d'entre eux s'arrêtèrent devant Théo afin de rendre leurs copies, pendant que le troisième rendait la sienne. D'après ce qu'elle voyait, ce dernier ne semblait pas avoir répondu à beaucoup de questions, alors, avait-il appris et paniqué devant son examen ? Ou bien n'avait-il pas ouvert son classeur de cours ? Que s'était-il passé ? Elle le suivit des yeux alors qu'il replaçait son sac sur son dos tout en remontant les marches. Elle ne connaissait cet étudiant que de vue, Lyly n'avait donc aucune idée de s'il était quelqu'un de studieux ou au contraire, s'il faisait partie de la même catégorie de personne qu'Antoine. Lorsqu'elle redirigea ses yeux vers les deux enseignants, elle croisa le regard de Théo, et se rendit compte qu'il l'avait probablement vu suivre des yeux ce jeune étudiant, dont elle ne connaissait même pas le prénom. Elle perdit son échange en tournant le regard vers sa voisine de rangée, qui rangeait enfin ses affaires.

Lyly enfila lentement son manteau afin que sa voisine ait le temps d'enfiler le sien, jeta un dernier coup d'œil à ses copies, et releva les yeux vers Théo. Lui aussi semblait être passé à autre chose. Elle ferma la fermeture de son manteau en observant le jeune enseignant, et sentit son pouls s'accélérer, malgré elle. Il lui faisait de l'effet. Bien trop d'effet. Comment faisait-il pour dégager autant de charme ? À le voir comme ça, jamais elle n'aurait pu imaginer tout ce qu'elle savait aujourd'hui sur lui. Le petit Théo orphelin. Son adoption. Sa sœur presque aphone. Il ne laissait rien transparaître. Absolument rien. Et rien n'avait jamais fuité, du moins elle n'avait jamais entendu quelqu'un parler de l'un de ces éléments à l'université.

Lyly se releva en remarquant que le passage était enfin libre sur sa droite, laissa passer une jeune femme devant elle, puis descendit prudemment les marches, en se demandant à qui elle allait bien pouvoir rendre ses feuilles. Théo ? Son collègue ? Arrivée en bas, elle entendit Théo demander à la jeune étudiante si l'examen avait été, tout comme son collègue, qui semblait un peu plus échanger avec la jeune qui se trouvait en face de lui.

Lyly s'arrêta finalement derrière l'étudiante donc le collègue de Théo s'occupait, et baissa les yeux vers sa copie afin de vérifier une énième fois si elle n'avait pas oublié de tout remplir. Numéro d'étudiant. Matière. Année. Date. Nombre de pages. Cela semblait nickel.

— Lyly.

La jeune étudiante releva aussitôt la tête et vit Théo la regarder. La jeune étudiante devant lui avait disparu et montait déjà les escaliers pour sortir de l'amphithéâtre. Il lui fit signe de venir, alors elle approcha rapidement, de peur de le faire attendre, et lui tendit ses copies, gênée, où il jeta un vif coup d'œil.

— Comment ça a été ?

— Ça va.

Théo releva les yeux vers Lyly, et croisa son regard timide. Elle ne pu s'empêcher de jeter un coup d'œil à son foulard qui masquait parfaitement la marque qu'il avait sur le cou, et au crayon qu'il tenait dans sa main gauche, qu'elle avait déjà vu posé sur son bureau, chez lui.

— Bon courage pour la suite.

Lyly le remercia d'un signe de tête, et enfila son sac sur son dos, sous le regard scrutateur de Théo et de son collègue, qui se trouvait désormais seul.

— Au revoir, marmonna-t-elle.

Elle tourna brusquement le dos aux deux enseignants, mal à l'aise de devoir faire semblant de ne pas connaître Théo alors qu'elle avait les joues cramoisies, et monta à son tour les escaliers. Bordel. Qui pouvait deviner ce qui se passait entre eux en écoutant les phrases qu'ils s'échangeaient au sein de l'université ? Son rougissement l'avait-il trahi ? Elle poussa la porte coulissante, et se retrouva enfin dans le couloir du bâtiment G.

Lyly expira calmement, ajusta les sangles de son sac, et se dirigea vers la sortie. Il lui restait un examen le lendemain. Un seul examen et tout serait enfin terminé.

Elle passa la porte derrière un groupe de jeunes, et se fit accoster par Mathilde ainsi qu'Olivia qui étaient assises dehors, sur le petit muret situé près de la porte, une cigarette au bout des lèvres. Lyly les rejoignit, et refusa une cigarette que Mathilde lui tendit.

— Alors, ça a été ? demanda Olivia en écrasant sa cigarette sous sa bottine.

— Je pense que ça devrait le faire, et vous ?

— Pavinkis a abusé avec la troisième question, se plaignit Mathilde. On a quasiment pas parlé de ça en cours.

— Juste une fois je crois, ajouta Olivia.

— C'est la question que j'ai le moins réussi, avoua à son tour Lyly, perplexe. Mais je ne sais pas sûre que ce soit lui tout seul qui fasse l'examen.

— Tu veux que ce soit qui d'autre ? grogna Mathilde.

— Je ne sais pas, il n'y avait pas que notre classe dans l'amphithéâtre, peut-être qu'il y a un autre prof qui avait d'autres groupes, et qu'ils l'ont fait ensemble.

— Mouais.

Mathilde écrasa sa cigarette, mais contrairement à Olivia, elle ne la ramassa pas et la laissa sur le sol.

— S'il était pas aussi sexy, je vous jure que je l'aurais insulté, ajouta Mathilde.

— T'as pas un copain, toi ? plaisanta Olivia.

— Si,mais l'un empêche pas l'autre.

— Tu tromperais ton copain pour Théo ?

Les deux étudiantes dévisagèrent Lyly.

— Théo ?

Lyly tenta de masquer son embarras, stabilisa ses bras pour ne pas montrer qu'elle paniquait, et acquiesça lentement la tête, l'air sûre d'elle, alors que son cœur bombardait dans sa poitrine.

— J'ai entendu une fille l'appeler comme ça tout à l'heure, dans l'amphithéâtre où j'étais. Je trouve ça plus joli de l'appeler comme ça que par son nom.

Mathilde pouffa.

— J'avais complètement oublié que c'était son prénom. Mais ouais, je crois que je pourrais pas refuser les avances de Pavinkis, ça doit être une bête au lit. Vu la carrure qu'il a et les bras qu'il a, il doit pouvoir te porter en deux secondes. Mon mec, lui, galère.

Lyly se retint de sauter au cou de Mathilde, énervée de voir que Théo n'était adoré que pour son physique et horriblement gênée de la voir parler ainsi de son petit ami. Merde quoi. Théo valait bien plus que tout ça.

— Vous savez quoi, je crois que je vais tenter ma chance, lança Mathilde en acquiesçant la tête. Demain, après l'examen, j'aurais plus rien à perdre. Si je croise Pavinkis, je vais le draguer à mort.

— C'est pas trop correct vis-à-vis de ton copain, grimaça Olivia.

— On est pas mariés lui et moi. En plus, il en saura rien, je gère.

Lyly recula d'un pas, furieuse, et rangea ses mains dans ses poches afin de cacher ses poings.

— Je dois y aller, désolée.

Elle leur tourna brutalement le dos, les dents serrées, et dévala les quelques marches avant de se retrouver sur le bitume. Lyly jura intérieurement et se dirigea vers l'arrêt de bus. Elle détestait désormais Mathilde. Elle la haïssait même. Elle ne comprenait pas comment Olivia pouvait traîner avec une fille pareille, elle qui semblait bien plus posée et bien plus réfléchie qu'elle. Merde, était-elle la seule à en vouloir terriblement à Mathilde ? Olivia n'était-elle pas gênée d'entendre Mathilde parler de cette sorte à propos de Théo ?

Lyly tourna à gauche, monta les trois petites marches, avança quelques mètres, et s'arrêta à l'arrêt de bus. En plus de cela, elle avait osé appeler son enseignant Théo devant les filles. Il fallait bien que ça arrive. C'était inévitable.

Elle leva les yeux, agacée, et s'assit sur le petit banc foncé qui permettait d'attendre le bus. Heureusement que l'année était sur le point de se terminer.




Lyly sauta du lit en entendant la porte se refermer et la clé tourner dans la serrure. Elle sortit de la chambre, traversa le couloir, et aperçut Théo ôter ses baskets à l'entrée. Lorsqu'il leva les yeux, il vit la jeune étudiante en train de le regarder, près de la porte du salon.

— Ça va ?

Il rangea ses chaussures, se redressa, et l'interrogea du regard. Elle le regardait profondément, le visage impassible.

— Je vais devoir te reposer une deuxième fois la question, ou...

— Est-ce que tu as croisé Mathilde ? demanda-t-elle, hésitante.

— Mathilde ?

Le jeune homme sembla réfléchir un instant, puis hocha la tête que non lorsqu'il comprit enfin de qui pouvait bien parler Lyly.

— Enfin, je l'ai vu en sortant du bâtiment G après l'examen, elle était avec Olivia et deux autres mecs, je crois. Pourquoi ?

— Elle t'a parlé ?

— Non.

Théo ôta sa doudoune sans quitter la jeune femme des yeux, et la fixa, intrigué, en attachant son manteau au porte-manteau.

— Qu'est-ce qui t'inquiète comme ça ?

— Mathilde, répondit-elle. Tu la trouves comment ?

— Hein ? demanda-t-il, incrédule. Comment ça ? Physiquement ?

Lyly acquiesça.

— Où tu veux en venir ?

Elle soupira et se mit les mains sur les hanches.

— Elle est complètement folle, cette fille. Évite de t'approcher d'elle...

Théo fixa Lyly avec de grands yeux ronds, étonné, et ricana nerveusement.

— Tu es en train de me faire une crise de jalousie à propos d'une étudiante que j'ai en cours et avec qui je n'ai quasiment pas échangé de l'année, à part quand je rendais des copies ?

— Ce n'est pas une crise de jalousie, c'est... Elle secoua la tête. Non mais Théo, elle va venir te draguer, elle est folle.

— Pourquoi elle viendrait me draguer ?

— Parce qu'à chaque fois que je lui parle, elle vient à parler de toi. Tu n'as jamais trouvé qu'elle te regardait bizarrement ?

Théo sembla réfléchir un moment.

— Je l'ai déjà surprise en train de me fixer, si, mais c'est tout, je ne me suis pas attardé là-dessus. Quand je suis sorti du bâtiment G cet après-midi, je sais qu'elle m'a regardé avec insistance, mais elle n'a rien tenté, alors relax, Lyly.

— Si demain tu la vois de loin, essaye de changer de chemin, Théo. Elle a dit qu'elle te draguerait si elle te croisait.

Théo pouffa et ramassa son sac posé sur le sol.

— Il y a un fossé entre ce que les gens disent et font. Tu ne devrais pas t'en faire. Elle ne va rien tenter.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

Théo haussa les épaules et contourna la jeune étudiante, qui le suivit jusque dans le bureau, où il déposa son sac.

— Écoute, si ça peut te rassurer, je la snoberai si je la croise demain, d'accord ?

Théo se retourna et fit face à Lyly qui le regardait, les bras ballants.

— Et tu crois vraiment que si elle tentait quelque chose, je la laisserais faire ?

Théo s'avança et posa ses mains sur les épaules de la jeune femme avant de les compresser légèrement.

— Tu n'as aucun souci à te faire.

— C'est elle qui me fait peur, avoua-t-elle. Elle a des réflexions bizarres.

— Du genre ?

— C'est trop gênant à répéter.

Théo pouffa.

— J'ai envie de rigoler, alors vas-y, dis-moi.

Lyly hésita.

— Du genre... que tu es tellement musclé que tu peux porter une fille sans faire le moindre effort... Que tu dois être une bête au lit. Ce genre de choses.

Théo explosa de rire et ôta son foulard qu'il jeta aveuglement sur la chaise de son bureau.

— Ce n'est pas elle que je prendrais dans mes bras, répondit-il, hilare. Je savais que les étudiants parlaient sur les profs, mais j'avoue que je ne pensais pas qu'on me voyait comme ça.

— C'est écœurant.

— Ça me fait plus rire qu'autre chose, répondit-il calmement. Alors, l'examen, tu l'as trouvé comment ?

Lyly leva les yeux en l'air. Théo changeait si vite de conversation.

— Tu as un peu abusé pour la troisième question, on en parlait avec Olivia. Il y a des choses dont on a plus parlé en cours et dont tu n'as pas du tout fait référence dans les questions.

— Ah bon ? Je n'étais pas le seul à faire cet examen, je l'ai fait avec un autre collègue.

— Celui qui surveillait l'examen avec toi ?

Théo hocha la tête que non.

— Lui c'est un prof de langues. Et, reprit-il, on en avait parlé pendant tout un cours, c'était largement suffisant, à mon avis.

— J'espère ne pas trop être pénalisée à cause de cette question...

— Si tu as géré le reste, tu ne devrais pas t'en faire. Surtout si tu as pris en compte les conseils que je t'avais donné en cours concernant ta dissertation.

Lyly acquiesça la tête.

— Eh bah voilà.

Il glissa ses deux mains autour du visage de Lyly, et lui sourit tendrement afin de la rassurer.

— Concentre-toi sur ton examen de demain. Ne pense plus à celui-là, il est passé.

Les yeux de Lyly glissèrent sur le cou du jeune homme, et un petit sourire apparut sur son visage.

— Je sais à quoi tu penses, répliqua Théo. J'ai dû mettre un foulard pour cacher cette horreur.

— Cette horreur ? répéta Lyly, amusée. Vraiment ?

— Tu m'as compris... Évite de m'en faire d'autres, du moins pas des aussi voyants, c'est assez compliqué à cacher, surtout quand il commence à faire bon dehors. Je ne vais pas pouvoir me trimbaler avec une écharpe ou un foulard en plein été.

— Tu as cas les exhiber fièrement, répondit-elle en pouffant. Oh, d'ailleurs, si Mathilde vient te parler, tu devrais lui montrer ce que tu as au cou, elle devrait comprendre.

— Elle comprendra surtout que, grâce à mon incroyable musculature, j'ai probablement porté une femme dernièrement pour l'amener dans mon lit.

Lyly le frappa dans l'épaule, ce qui fit rire Théo, qui recula en se protégeant le bras de son autre main.

— C'est bon, j'arrête, lâcha-t-il hilare, c'est bon, je plaisantais.




Lyly sortit des toilettes féminines, soulagée de voir que ses douleurs au ventre avaient totalement disparu, même celles qu'elle avait commencé à ressentir un peu plus tard, lorsqu'elle urinait, et avança dans le grand hall du bâtiment U, où elle venait d'avoir son dernier examen.

Ce n'était pas celui qu'elle avait le mieux réussi, mais elle devrait sans trop de mal réussir à obtenir la moyenne avec les connaissances qu'elle avait ressorti sur la copie. Certes, elle ne pensait pas qu'ils seraient tombés sur ces deux sujets, mais elle avait su mobiliser une bonne partie de ses connaissances, ce qui n'était pas trop mal dans les faits.

Lyly aperçut au loin plusieurs de ses camarades de classe, dont Antoine qui semblait hausser la voix face à Olivia. La jeune étudiante s'approcha, interloquée, et s'arrêta près de son amie afin de s'assurer que tout allait bien pour elle.

— C'est qu'une garce, cracha-t-il, elle fait la maligne mais elle va pas s'en tirer comme ça !

— Parce que tu te crois mieux peut-être ? Tu as fait que de nous saouler toute l'année ! T'as toujours été là à draguer, à faire des blagues déplacées, et j'en passe. Ouvre les yeux, putain, t'es pas mieux !

Lyly fronça les sourcils et tenta de croiser le regard de son amie, en vain. Elle fusillait littéralement Antoine des yeux, pendant que celui-ci se retenait de se jeter sur elle, furieux.

— Tu as que ce que tu mérites, lança sèchement Olivia.

— Mais je vous avais rien fait, là ! Pourquoi vous venez toujours à vous mêler de la vie des gens comme ça ? La fille elle avait rien demandé !

Olivia leva les yeux en l'air, et se tourna enfin vers Lyly, qui semblait totalement perdue.

— On est enfin en vacances, dit-elle, soulagée. Je suis trop contente. Tu veux venir à la fête que Mathilde organise samedi soir ? Ça va être dément !

— Heu, je n'ai pas été invitée.

— Bah je t'invite, moi. Allez viens ! Tu peux même amener ton mec !

Olivia sauta de joie et ignora Antoine qui ne la lâchait pas des yeux, toujours aussi en colère.

— Je te redis, si tu veux. Je serais peut-être occupée.

— Bah ouais, redis-moi !

— Tu vaux vraiment pas mieux que ta pote, reprit amèrement Antoine.

Olivia se tourna brusquement vers Antoine.

— Si t'es pas content, va t'expliquer avec elle directement. J'en ai marre de vos embrouilles. Elle regarda Lyly. Il faut que j'y aille. N'oublie pas de me redire.

Olivia enfila son bonnet sur la tête et disparut dans le premier couloir, laissant Lyly face à un Antoine près à exploser de rage. Elle resta un instant immobile, silencieuse, et osa enfin demander ce qui s'était passé.

— T'as cas demander à tes nouvelles potes, répondit-il sèchement.

Il lui tourna aussitôt le dos, l'une des lanières de son sac sur son épaule droite, et s'en alla sans attendre ses deux amis, la tête baissée.

Lyly le suivit du regard, légèrement préoccupée, et sortit également de l'université par la porte opposée. D'après ce qu'elle avait compris, Mathilde avait fait quelque chose à une fille qu'Antoine connaissait. Mais qui pouvait bien être cette fille ? Et qu'avait bien pu faire Mathilde pour qu'Antoine s'emporte autant ? Elle n'avait jamais vu son ancien ami aussi préoccupé que cela. Mathilde semblait avoir fait fort. Très fort.

Lyly monta dans le bus qui attendait à l'arrêt depuis quelques minutes, et s'installa sur le premier siège à droite, derrière la cabine du conducteur.

Elle avait terminé son année universitaire. Ça y est. Elle n'aimait pas trop se projeter en avance, mais d'après les divers partiels qu'elle avait eu, en plus des examens continus qu'elle avait eu depuis son arrivée ici, tout lui laissait penser qu'elle n'irait pas aux séances de rattrapages.

Maintenant, il s'agissait de voir si des universités venaient à l'accepter pour un Master, et si elle allait trouver le courage de quitter cette ville, si l'université se trouvait à des kilomètres de celle où habitait Théo, sa cousine, et John...

Lyly ne parvenait pas à se projeter sans Théo à ses côtés. Certes, cela ne faisait que quelques mois qu'ils se connaissaient, mais leur relation était fusionnelle. Bien sûr, il leur arrivait d'avoir des désaccords, de lever la voix, mais cela était normal, ils apprenaient à se connaître, et tentaient d'avancer ensemble. Mais Théo, lui, y parvenait-il ? Voyait-il son futur auprès de Lyly ? Celle-ci frissonna. Tout cela était tout bonnement insensé. En quelques mois, Théo avait réussi à prendre une place si importante dans sa vie qu'elle n'arrivait plus à voir son futur sans lui. Cela semblait si rapide, mais en même temps si logique... Jamais elle n'avait rencontré d'homme comme lui. Jamais elle ne s'était sentie autant écoutée, autant en confiance. Jamais elle n'avait ressenti cette alchimie qu'elle ressentait avec lui. Cela l'effrayait toujours autant, mais elle tentait de faire avec. Elle avait failli le perdre une fois à cause de ses peurs, elle ne pouvait pas recommencer.

Elle appuya cinq minutes plus tard sur le bouton afin de demander l'arrêt, et descendit du bus vingt mètres plus loin, après trois jeunes femmes. Lyly avait beau essayer de faire la femme forte, sa mère lui manquait. Du moins, les conversations qu'elle avait pu entretenir avec elle. Lui demander des conseils, l'appeler le soir en rentrant des cours, lui raconter sa journée. Il n'y avait pas photo, tout cela lui manquait. Mais elle allait devoir apprendre à vivre sans tout cela, et passer à autre chose. Peut-être devrait-elle en parler à son psychologue à son prochain rendez-vous.

Lyly appuya sur la poignée de la porte d'entrée de Théo, et soupira de soulagement en voyant qu'il était déjà arrivé. Elle était sur le point de faire glisser la fermeture de son manteau lorsqu'un parfum inhabituel lui caressa les narines. Un parfum de femme. Et pas le sien. Elle avança vers le salon, sur ses gardes, et s'arrêta au seuil de la porte lorsqu'elle vit le regard de Théo et Laure dirigés vers elle, debout, au milieu du salon. Laure la jaugea, l'observa de la tête aux pieds, soudainement tendue, et suivit des yeux Théo qui s'approchait de la jeune étudiante, l'air surpris.

— Hey... Laure est arrivée il y a cinq minutes.

Lyly remarqua que Laure avait déposé un sac près de ses chaussures à talons qu'elle avait aux pieds, et soutint son regard. Un sac aux pieds. De vêtements.

— Il y a des travaux chez elle et elle cherche un endroit où dormir pendant quelques jours.

Lyly ne baissa pas les yeux, le regard toujours fixé dans celui de Laure, et ignora Théo en face d'elle, qui semblait de plus en plus anxieux. Pourquoi Laure la fixait-elle autant ? Quel était son problème ? Savait-elle que Théo avait une petite amie ?

— Lyly...

La jeune étudiante tourna brutalement ses yeux vers Théo, abasourdie.

— Et bien sûr, c'est ici qu'elle veut dormir, répondit Lyly, les bras désormais croisés.

Théo la fixa, gêné, et resta aphone. Il savait ce que sa petite amie pensait de Laure. Mais il savait aussi que Laure était une ancienne amie, et qu'en tant qu'ami, il ne pouvait pas se permettre de la laisser dormir dehors.

— Bien, conclut-elle.

Lyly resta immobile un instant, le regard figé dans celui de Théo, et tourna les talons pour se diriger dans la chambre.

Lyly ne se sentait pas capable de cohabiter avec une femme pareille. Encore moins depuis qu'elle savait qu'ils avaient couché ensemble il y a de cela quelques années. Elle se réfugia dans la chambre, resta quelques secondes au milieu de la pièce, les bras ballants, puis acquiesça finalement la tête. Elle sortit son sac de l'armoire, le posa sur le lit, et fit glisser la fermeture. Lyly décrocha sa veste des cintres du meuble et l'étendit sur la couette afin de la plier.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

Théo apparut dans la chambre, ferma la porte derrière lui, et s'arrêta près du lit, les yeux figés sur le sac.

— Lyly, répéta-t-il, abasourdi. Tu n'as pas à partir, arrête ça.

Il la regarda, les bras ballants, ranger sa veste sur la pile de ses vêtements et refermer la fermeture de son sac en silence.

— Pourquoi tu pars ? continua-t-il.

— Je ne vais pas rester alors qu'une autre femme vient vivre ici, répondit-elle en se redressant.

Elle croisa le regard de Théo. Il semblait peiné. Horriblement peiné.

— Elle ne vient pas vivre ici, je l'héberge juste quelques jours.

Lyly ne répondit pas.

— Je ne veux pas que tu partes.

— Tu crois vraiment que j'ai envie de voir sa tête tous les matins en me levant ? Tu crois vraiment que j'ai envie de la voir me fixer comme elle l'a fait quand je suis apparue dans le salon ? Je peux supporter beaucoup, mais pas de la voir près de toi.

— Raison de plus pour rester, tenta Théo. Je ne veux pas que tu partes parce qu'elle est là. Elle ne va pas rester longtemps. Reste.

Lyly hocha la tête que non.

— Si on hébergeait Chris, je ne pense pas que tu l'aurais bien pris, Théo.

— Oui mais je l'aurais accepté. Je te fais confiance, je sais que tu n'aurais céder à ses avances.

— Il ne me fait aucune avance.

— Je sais, mais on s'en fout, ce n'est pas le sujet. Si Ashley l'hébergeait, je ne l'aurais pas pris aussi mal. J'aurais été jaloux, oui, mais j'aurais eu confiance en toi.

Lyly soupira.

— Ce n'est pas une question de confiance, j'ai confiance en toi. Mais je ne peux pas la voir, pas quand tu es dans le coin.

Théo secoua la tête.

— J'avais prévu qu'on aille au restaurant ce soir, avoua-t-il, peiné. J'avais réservé, je pensais qu'on aurait passé une bonne soirée, pas que tu t'en ailles comme ça.

— Bah tu iras avec elle.

— Putain, Lyly, s'énerva-t-il. Arrête.

Elle secoua la tête, contourna le lit et s'arrêta en face de lui.

— Je suis désolée. Je ne voulais pas dire ça.

La jeune étudiante glissa sa main dans la nuque de Théo, qui soupira.

— De toute façon, je ne pouvais pas rester ici éternellement. C'était prévu que je parte.

— Mais pas ce soir, pas comme ça. Il s'arrêta. Pas à cause d'elle.

— Tu ne refuseras pas de l'héberger, je te connais. Tu aimes trop aider les gens que tu aimes pour ne pas accepter sa demande.

Théo baissa les yeux.

— Je vais rentrer en bus.

— Je te ramène.

Lyly hocha la tête que non et sortit de la poche de son manteau la petite clé que le jeune homme lui avait prêté pendant qu'elle vivait ici. Elle la glissa dans la main de Théo, qui releva aussitôt les yeux vers elle, surpris.

— Non mais qu'est-ce que tu fais ? Garde-la.

— Elle ne me servira pas si je pars, Théo.

Elle vit la mâchoire du jeune homme se contracter, alors elle lui caressa rapidement la nuque, puis se tourna et attrapa les lanières de son sac avant de refaire face au jeune homme.

— Merci de m'avoir proposé de rester chez toi pour que je puisse réviser. Ça m'a beaucoup aidé. Ça m'a fait beaucoup de bien.

Elle déposa soigneusement ses lèvres sur celles du jeune homme, qui déposa instinctivement l'une de ses mains sur le dos de Lyly, puis la vit s'éloigner de lui, le contourner, et sortir de la pièce, avant de passer la porte d'entrée, en silence.

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