Chapitre 44
Hello,
Ce chapitre un peu plus long que les autres, mais je me suis dit que ce serait dommage de le couper en deux. Comme ça, ça vous permet de passer un peu plus de temps avec Lyly et Théo ahah. Afin de ne pas vous spoiler, je vais m'arrêter là, mais sachez que Lyly va enfin pouvoir avoir certaines réponses à ses questions...
Bonne lecture ! :)
-G
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Même si Lyly considérait que monsieur Kurmin était très compétent dans son domaine, elle devait avouer que Théo avait également un sacré effet sur elle. Elle ne comprenait pas vraiment comment il faisait pour trouver les bons mots au bon moment, mais il le faisait, et cela régulièrement. Était-ce grâce à sa grande maturité ? Au fait qu'il avait vécu bien plus de choses qu'elle dû au fait qu'il était un peu plus vieux qu'elle ? Était-ce simplement inné ? Ou bien était-ce peut-être grâce aux nombreuses épreuves qu'il avait dû affronter, et donc qui l'avaient endurci ?
La jeune femme lâcha son stylo, soupira longuement et étira ses bras droit devant elle. Cela faisait déjà quatre heures qu'elle révisait. Quatre heures qu'elle avait la tête plongée dans ses notes et fiches de révision. Elle avait besoin d'une pause.
Lyly se leva de la chaise du salon et alla jeter un œil à son téléphone posé sur la table basse, près de la télé. Visiblement, elle avait reçu un message de sa cousine. Celle-ci lui demandait de la rappeler le plus rapidement possible. Lyly regarda l'heure sur son téléphone et l'heure à laquelle elle avait reçu ce message, puis grimaça. Cela faisait déjà trois heures que le message était resté sans réponse. Elle prit place sur le canapé, croisa ses jambes en tailleur, et lança l'appel.
Au bout de trois coups, elle entendit un léger silence, puis une porte qui se referme.
— Lyly, bon sang ! cria Ashley en chuchotant.
Sa cousine semblait paniquée.
— Ça ne va pas ?
— Non, ça... Bordel, Lyly, ta mère est là !
Lyly sentit ses boyaux se tordre, et son souffle se couper. Elle déplia ses jambes et avança sur le rebord du canapé afin de poser ses pieds sur le sol.
— Quoi ? demanda-t-elle, incrédule.
— Je sais pas quoi faire. Je l'aime bien ta mère, mais depuis qu'on sait tout ce qu'on sait, j'ai pas vraiment envie de lui parler... Tu peux passer ?
— Je suis en train de réviser, Ashley...
Bien sûr que Lyly aurait pu quitter ses révisions et rejoindre sa cousine chez elle, mais elle n'avait pas envie de la voir maintenant. Elle devait finir de réviser son chapitre, elle ne pouvait pas prendre de retard. Pas maintenant.
— Oui, je sais, mais je te jure que je sais pas quoi faire. John est parti faire une course, et je me retrouve seule avec elle.
— Elle est arrivée quand ?
— Ce matin, vers neuf heures.
Lyly secoua la tête d'agacement, et se gratta inconsciemment le sommet du crâne, irritée.
— Elle est dans le salon, mais elle est passée dans ta chambre tout à l'heure, quand j'étais dans la cuisine.
— Quoi ?
Cette nouvelle ne lui plaisait pas. Comment sa mère pouvait-elle se permettre de venir chez sa cousine sans prévenir qui que ce soit ? Comment pouvait-elle se permettre de rentrer dans sa chambre sans que la permission ne lui soit donnée ?
— Je voulais pas qu'elle monte, mais quand j'étais en train de préparer du café, j'ai vu qu'elle avait disparu du salon. Alors je suis montée, et je l'ai retrouvé dans ta chambre, elle tenait dans ses mains l'écharpe que tu avais laissé sur ta chaise.
— C'est insensé, se marmonna-t-elle à elle-même.
— Ouais... Merde, elle frappe, chuchota Ashley. Il faut que je te laisse. Mais s'il te plaît, passe quand tu peux, je ne sais pas combien de temps je vais réussir à tenir en faisant semblant.
— Ashley...
— Je raccroche.
Lyly resta un instant son téléphone contre l'oreille, immobile, fatiguée de toute cette histoire, alors que sa cousine avait déjà raccroché de son côté.
Elle laissa son bras lentement retomber, et lâcha inconsciemment son téléphone, qui glissa au fond du canapé. Théo avait raison. Elle devait poser ses questions, et passer à autre chose. Elle ne pouvait pas laisser cette histoire la vider de toutes ses forces. Non, elle devait agir. Mais il y avait les révisions...
Il était treize heures. Elle devait avant tout manger, prendre des forces pour les révisions, et elle improviserait. C'était ce qu'elle avait toujours fait. Lyly se leva du canapé, le contourna, et mit le repas de la veille à chauffer avant de mettre la table.
Théo était encore dans son bureau, probablement en train de peaufiner les derniers détails des examens qu'il donnerait dans un peu moins d'une semaine aux étudiants. Lyly posa quelques bouteilles au centre de la table, et alla toquer à la porte de Théo afin de le prévenir que le repas était prêt, et retourna dans la cuisine afin d'aller chercher le repas. Il n'y avait pas de temps à perdre.
Théo traversa le chemin boueux, jura en apercevant qu'il avait tâché tout le bas de son jogging ainsi que ses baskets, et continua sa course, une capuche lui recouvrant les cheveux. Il y avait pas mal de vent, et la pluie qui était tombée dans la matinée ne l'aidait pas à courir correctement. Depuis qu'il était sorti, il avait passé bien plus de temps à éviter et contourner les flaques d'eau qu'à courir en ligne droite. Eh merde, il ne pouvait pas continuer comme ça. Il allait devoir changer de parcours s'il ne souhaitait pas se blesser avant la fin de son footing.
Il accéléra sa course, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, le souffle court, et tourna pour prendre un petit chemin qui devrait pouvoir mener sur un sol bien plus droit et bien moins dangereux. Théo évita une joggeuse, qui visiblement s'était aussi faite avoir par les flaques de boue, et s'essuya rapidement le front du dos de sa main, le visage brillant de sueur.
Le fait que Lyly ne quitte pas ses pensées n'était pas nouveau, mais aujourd'hui c'était pire, il était véritablement inquiet pour elle. L'arrivée de sa mère ne l'avait pas enchanté, alors comment allait-elle faire face à cela ?Allait-elle encore se renfermer sur elle-même, ou bien allait-elle aller la voir ?
Théo souffla de soulagement en arrivant sur un chemin de goudron, et pu accélérer son allure. Cela devait faire trente minutes qu'il courait, et il n'arrivait toujours pas à se vider la tête. Lyly. Toujours Lyly. Visiblement, elle avait définitivement emménagé dans son crâne. Elle ne faisait pourtant pas grand chose pour se faire remarquer, alors, comment faisait-elle ? Comment parvenait-elle à le rendre aussi dingue d'elle ? Théo secoua sa tête d'amusement, et se rangea sur sa droite pour laisser deux jeunes enfants passer en vélo. C'était peut-être ça le secret pour le séduire. Être soi-même. Ne pas rentrer dans le moule. Être cultivée. Et avoir de petites tâches de rousseur sur le bout du nez. Oh oui, Théo adorait les quelques tâches de rousseur de Lyly. Et puis, il ne fallait pas se mentir, Lyly était tout ce que désirait Théo. Elle était incroyablement belle, voire sexy, même si elle le niait catégoriquement.
Le jeune enseignant dû s'arrêter près d'un banc pour rattacher les lacets de sa chaussure de gauche, vérifia ceux de sa basket de droite, et reprit son footing, les cuisses désormais en feu.
Lyly avait paru très préoccupée pendant leur dernier repas. Il avait eu beau essayer de la rassurer, de lui montrer qu'il était là, elle avait semblé perplexe. Ses révisions lui prenaient apparemment tout son temps. D'ailleurs, il allait peut-être devoir lui demander où elle était rendue, question de voir si cela la préoccupait ou si c'était seulement l'arrivée de sa mère.
Théo jeta un œil à sa montre afin de vérifier le chronomètre, et était sur le point de tourner au deuxième chemin à gauche, quand il sentit son téléphone vibrer sur son biceps droit, qu'il avait rangé dans son brassard de sport afin d'enregistrer son parcours du jour, et mis autour du bras. Il se rangea sur la droite du chemin tout en trottinant, à bout de souffle, et ôta son téléphone de sa pochette afin de lire le message qu'il venait de recevoir. Son intuition ne le trompait jamais. C'était bien Lyly.
— Ashley a besoin de moi. Je vais voir ma mère. À tout à l'heure.
Théo reprit sa course, et lança un appel, qui tomba sur le répondeur. Il pianota un vif message, l'envoya, et garda son téléphone dans sa main gauche en cas d'appel, mais Lyly ne répondit pas. Ni maintenant, ni quarante minutes plus tard, une fois qu'il fut rentré de son footing.
Lyly se trouvait en face de sa mère, les bras croisés sur sa poitrine et le corps empli de rage qui ne demandait qu'à exploser. Depuis qu'elle avait pénétré dans la maison d'Ashley, qu'elle avait senti le parfum de sa mère et qu'elle l'avait aperçu dans le salon, elle avait senti une colère immense s'emparer de son corps. Chaque cellule de son petit corps s'était transformée en de petites bombes qui ne demandaient qu'à causer le plus de dégâts possible, autant que sa mère ne lui en avait causé depuis qu'elle avait fait éloigner son père d'elle.
Si un jour on lui avait dit qu'elle ressentirait une si profonde haine envers sa mère, elle ne l'aurait pas cru. Jamais.
Sa mère avait déposé un gros sac de voyage de couleur grise près du canapé, et avait posé son long manteau marron sur le dos de l'une des chaises du salon. Visiblement, elle avait déjà pris ses aises, ce qui ne plaisait pas à Lyly. Combien de temps comptait-elle rester ici ? Et pourquoi était-elle là ?
Ashley vint déposer deux tasses de thé sur la table du salon, légèrement gênée de remarquer la façon dont Anne et sa cousine se fixaient, et disparut dans le couloir afin de les laisser toutes les deux s'expliquer. Mais Lyly ne souhaitait pas engager la discussion. Sa mère devait assumer. Et c'est ce qu'elle lui fit savoir en la fixant silencieusement, les sourcils froncés.
— Lyly, osa enfin Anne, pourquoi tu ne réponds pas à mes appels ? J'étais morte d'inquiétude.
Lyly resta silencieuse, immobile. Elle ne comptait pas répondre à sa question. Ce n'était pas cela qu'elle voulait savoir. Au diable de savoir que sa mère s'était inquiétée. C'était une sacrée bonne manipulatrice.
— Depuis notre dernier appel, je n'ai pas réussi à penser à autre chose, soupira Anne. Je crois vraiment qu'on doit parler, toi et moi. Tu ne peux pas rester à m'ignorer comme tu le fais. Tu es ma fille. Je t'aime. Je ne veux pas que tu continues à faire comme si je n'existais pas.
— Tu as pourtant bien fait comme si papa n'existait plus.
— Lyly...
— Je m'en fous de savoir ce que tu ressens, tu m'as menti, pendant des années. Comment tu as pu oser faire ça à papa ? cracha-t-elle. Tu m'as privé de mon père !
— Ce n'est pas ce que tu crois.
— Tu es égoïste, continua Lyly, amèrement. Tu as été égoïste du début à la fin.
— Je n'ai jamais voulu que ça se passe comme ça... Ton père et moi on ne s'entendait plus avant que tu tombes malade, et...
— Mais vous ne vous entendiez plus parce que tu l'avais trompé ! Comment tu voulais qu'il agisse comme si de rien n'était alors que tu voyais un autre homme ? Elles sont passées où toutes les valeurs que tu as voulu m'inculquer ? L'honnêteté, la bienveillance, la fidélité ? C'est passé où tout ça ? Tu n'as pas honte ?
— Ton père était tout le temps au travail, il...
Lyly ricana nerveusement.
— Lyly... Tu ne peux pas comprendre...
— Je ne peux pas comprendre ? Quand on aime et respecte quelqu'un, on ne le trompe pas.
— Je suis d'accord avec toi, mais j'étais perdue, je me sentais seule et je ne savais pas comment en parler à ton père. Je n'avais jamais trompé ton père avant, jamais... Et, ça a rapidement basculé.
— Tu me dégouttes.
— Tu ne peux pas comprendre ce que j'ai ressenti... soupira tristement sa mère.
— Et toi, tu ne comprendras jamais ce que j'ai ressenti quand j'étais malade et que je vous voyais vous engueuler à l'hôpital et à la maison. Vous n'arrêtiez pas, hurla-telle. Et le pire dans tout ça, c'est que je pensais que c'était de ma faute. Pendant des années j'ai cru que tout était de ma faute, alors que c'était bel et bien de la tienne. Tu as osé essayer de me consoler pendant toutes ces années en me regardant droit dans les yeux, en disant que papa était parti de son plein gré. Tu as bien vu que ça me rongeait, mais tu as continué de mentir, tu as continué de dire que c'était papa qui était parti !
Anne tenta de s'approcher de Lyly, mais celle-ci recula aussitôt d'un pas, en levant les mains.
— Ne t'approche pas.
— Je suis désolée, Lyly.
— Je ne veux pas de tes excuses.
Anne baissa la tête, et Lyly se remémora ce que lui avait dit Théo. « Mais toi tu peux. Tu peux prendre ton téléphone et appeler ta mère. Et je ne dis pas ça pour elle, mais pour toi. Tu as besoin de ses réponses, tu as besoin de savoir pour passer à autre chose et te sentir mieux. Tu as des tonnes de choses qui te mangent de l'intérieur, ne laisse pas ça te détruire à son tour. Saisis la chance qui t'est donnée. » Elle devait poser ses questions. Sa mère se trouvait en face d'elle. C'était le moment.
— Tu as trompé papa avec un mec qui a commencé à te harceler quand tu as voulu le quitter. C'était qui ?
— Comment tu sais ça ?
— Répond à ma question.
Anne resta silencieuse un moment.
— C'était un client de mon travail, avoua-t-elle. J'ai été boire un verre chez lui après le travail, quand ton père était avec toi à l'hôpital... je voulais décompresser. Le travail et ta maladie me stressaient énormément, alors, j'ai voulu me détendre un moment. Ton père ne pensait qu'à son travail et à toi, il ne voulait plus passer de temps avec moi, il disait qu'il était trop fatigué. Elle s'arrêta. Et... au lieu de boire juste un verre chez lui, je les ai enchaîné, et j'ai trompé ton père en étant complètement bourrée. Je m'en suis rendue compte que quand je me suis réveillée plusieurs heures après.
— Tu es vraiment dégueulasse.
— Je m'en voulais, Lyly. Je n'arrivais plus à regarder ton père dans les yeux... Et il n'a rien vu...
— Bien sûr que si, répondit amèrement Lyly.
— Au début non. Mais comme ton père continuait de passer son temps au travail et à l'hôpital, j'ai continué à voir cet homme, jusqu'à ce que je me rende compte à quel point c'était mal. Je me suis rendue compte que ça ne m'apportait rien d'agir comme ça. Alors j'ai voulu le quitter, mais il est devenu fou, et il a commencé à me harceler. À ce moment, ton père était au courant, mais il n'a pas voulu m'aider, il n'a pas voulu intervenir. Et...
— Encore heureux, rétorqua Lyly en ricanant, malgré elle.
— C'est en essayant d'échapper à cet homme que j'ai rencontré Ludo.
— Pourquoi tu es allée avec ce cinglé ? demanda Lyly sèchement.
— Il n'est pas cing...
Anne se mura dans le silence lorsqu'elle vit le regard sombre que lui lançait sa fille.
— On n'avait pas prévu de sortir ensemble, enfin... moi non. Je pensais que c'était juste un ami. On s'était déjà croisés à mon travail, je voyais qu'il me regardait de temps en temps, mais on ne s'était jamais parlés. La première fois que je lui ai adressé la parole, ça a été pour le remercier. Elle soupira. Parce qu'un jour, celui qui me harcelait est venu au travail, et on s'est disputés. Ludo était là, et il est venu m'aider. Quand il m'a invité à aller boire un verre, j'ai accepté parce que je voulais vraiment le remercier de m'avoir défendu. Je ne pensais pas que ça évoluerait comme ça. Je ne pensais pas qu'on serait sortis ensemble.
Lyly secoua la tête de rage, les dents serrées, et jeta un œil à son téléphone qui venait de vibrer. Théo s'inquiétait. Elle releva les yeux vers sa mère.
— Tu dis que tu t'en es voulue d'avoir trompé papa, mais tu as continué, reprit Lyly, d'un ton amer.
— Non, quand on a fini par sortir ensemble, ton père et moi étions séparés.
— Mais comment t'as pu vouloir sortir avec lui alors que papa se tuait au travail pour nous ? Comment tu as pu faire ça alors que j'étais malade ? Tu te rends compte de l'image que tu renvoies ?
— J'ai fait deux énormes bêtises, je sais, mais j'étais fatiguée, j'avais l'impression que j'allais tourner folle. J'avais l'opportunité de monter en grade dans l'entreprise, mais avec ton père qui ne voulait plus me toucher, toi qui étais atrocement malade, j'ai perdu pied et j'ai tout raté. Ça faisait des semaines et des semaines que ça durait, et j'avais juste besoin de sentir que ton père m'aimait. Mais il rentrait à la maison tard, et...
— Ce n'est pas parce qu'il ne voulait pas coucher avec toi que tu devais le tromper ! Ce n'est pas parce que tu ne veux pas coucher avec la personne que tu ne l'aimes pas.
— J'imagine, mais...
— Il n'y a pas de « mais ». Papa travaillait comme un dingue, tu ne t'es pas mise une seule seconde à sa place ! Il était complètement crevé, il enchaînait les heures au travail et venait me voir après. Il faisait tout ça pour nous.
Anne acquiesça lentement la tête.
— Je sais...
— Tu as été égoïste.
— Je suis désolée, Lyly. Ce n'était pas contre toi.
Lyly baissa les yeux vers son téléphone, le déverrouilla, et répondit au message de Théo, avant de relever les yeux vers sa mère. Anne n'avait plus rien à voir avec la femme qu'elle avait idéalisé dans le passé. Elle était désormais le schéma typique qu'elle ne souhaitait pas reproduire.
La jeune étudiante ferma la femeture de sa veste sans quitter le regard de sa mère et cala son téléphone dans la poche arrière gauche de son jean.
— Il faut que j'y aille.
Anne fit un pas vers Lyly, mais celle-ci en recula de deux.
— Ne pars pas.
— Je ne veux plus te voir.
— S'il te plaît, Lyly, la supplia sa mère, la voix tremblante. S'il te plaît, reste. Je ne veux pas que tu partes.
— Je vais faire ce que tu as fait pendant toutes ces années, être égoïste, et m'en aller.
— Lyly...
— Je te déteste.
La jeune femme tourna les talons, laissant en plan sa mère, qui éclata en sanglots, et rejoignit rapidement sa cousine qui se trouvait dans sa chambre, assise sur son lit, les écouteurs dans les oreilles. Lorsqu'elle vit Lyly pénétrer dans la chambre, elle en ôta un rapidement.
— Ça va ?
— Il faut que je sorte d'ici.
— Tu veux que je t'amène quelque part ?
Lyly hocha la tête que non.
— C'est gentil, mais non, je vais marcher. Je retourne voir Théo.
— Tu es sûre ?
— Oui.
— Et ta mère ? Elle fait quoi ?
— Je n'en sais rien. J'ai juste besoin de sortir... On se donne des nouvelles, comme d'habitude, d'accord ?
La grande blonde acquiesça vivement la tête d'un air désolé et regarda sa cousine disparaître dans le couloir.
Lyly sortit de l'épicerie, une canette de jus à la pêche dans les mains, et traversa rapidement le passage piéton aux côtés d'un homme vêtu d'une salopette, et marcha quelques mètres, le visage baissé vers la canette fraîche qu'elle tenait et qui lui gelait les doigts. Elle l'ouvrit, les mains encore tremblantes, avala une gorgée, et sentit très nettement le liquide couler dans sa gorge, ce qui lui permis de se réveiller et de sortir de ses pensées. Elle dépassa le banc dont avait parlé Théo par message, et s'arrêta avant de s'accouder à une longue barrière qui délimitait un grand parterre de fleurs sur lequel il était interdit de marcher.
C'était fait. Elle avait parlé avec sa mère. D'ailleurs, elle avait été plus forte que ce qu'elle avait pensé. Elle n'avait pas pleuré, n'avait pas cédé, et avait réussi à lui dire ce qu'elle pensait d'elle avant de prendre la fuite. Entendre sa mère éclater en sanglots lorsqu'elle avait quitté la pièce lui avait fait quelques chose, mais elle avait continué son chemin, déterminée, en lui cachant ses mains tremblantes, pour ne pas lui montrer que tout cela l'affectait. Il était certain qu'Anne connaissait sa fille, qu'elle savait que cela la touchait bien plus que ce qu'elle laissait paraître, mais elle n'aurait plus aucun moyen de le savoir désormais.
Maintenant, il était question de savoir ce que devenait son père, et pourquoi il ne répondait pas à ses messages. Elle avala une seconde gorgée de sa canette, et l'observa entre ses deux mains gelées.
À quel moment aurait-elle pu penser qu'elle ressentirait un jour autant de colère et de dégoût en pensant à sa mère ? La dernière fois qu'elle l'avait quitté, elle avait eu envie de pleurer de tristesse, et la fois où elle était arrivée pour la première fois dans cette ville, elle avait senti un vide incommensurable se loger dans son cœur. Comment tout avait pu autant changer en l'espace de trois à quatre mois ? Comment sa mère avait-elle réussi à mentir aussi longtemps et à garder ce secret pour elle ?
— Lyly.
La jeune étudiante vit Théo s'arrêter près d'elle, une capuche sur la tête, et s'accouder à son tour à la barrière. Il regarda la canette que Lyly tenait entre ses mains tremblantes, et releva les yeux vers le visage fermé de la jeune femme.
— Ça a été ?
— Je suis déçue de ma mère, avoua-t-elle en croisant le regard de Théo. Je me suis totalement trompée sur elle.
— Tu veux en parler ?
Lyly hocha la tête que non.
— Je t'en parlerai chez toi, si tu veux bien.
Théo acquiesça la tête.
— Tu en veux ? demanda-t-elle en lui tendant sa canette.
Il sembla hésiter un instant, puis fit finalement signe que oui. En attrapant la boisson, il frôla les doigts de Lyly, et en avala deux gorgées, avant d'observer la jeune femme, qui observait le parterre de fleurs.
— Tu as les doigts glacés. Tu veux mes gants ?
— Non, ça va...
Après un instant de réflexion, elle se tourna entièrement vers lui, ce que fit le jeune homme également, la canette dans sa main droite.
— Mais je veux bien que tu me prennes dans tes bras...
Théo se pencha aussitôt pour poser la boisson sur le trottoir et se redressa. Il laissa Lyly plonger sur son torse recouvert d'une petite doudoune noire, et Lyly sentit deux grands bras chauds se refermer autour d'elle.
— Si tu as pu parler avec elle, c'est le principal. Je suis fier de toi.
— J'aurais préféré ne jamais savoir tout ça. Je me sens tellement trahie...
— Tu as eu les réponses à tes questions ?
Théo sentit la jeune femme acquiescer la tête que oui contre son épaule.
— Je crois que oui....
— Le choc est souvent dur à encaisser. Mais tu es forte, tu vas passer au-dessus de tout ça. Et tu n'es pas seule.
— Merci d'être là.
Lyly recula lentement des bras de Théo, et ancra profondément ses yeux dans ceux du jeune homme, qui brillaient sous la lumière du soleil.
— Sans toi je n'aurais jamais fait tout ça, alors merci.
— Tu n'as pas à me remercier.
Lyly hocha la tête que si.
— Tu ne peux pas savoir à quel point ça compte beaucoup pour moi. Je sais que parfois j'ai un comportement bizarre, que je réponds sèchement sans le faire exprès, ou que je me renferme sur moi-même, mais tu m'aides toujours, tu ne m'as jamais laissé tomber. Tu as toujours été là, à écouter mes malheurs, et à m'aider. Je ne sais vraiment pas ce que j'ai fait pour te mériter, mais je sais la chance que j'ai.
Théo l'observa, un petit sourire gêné sur le visage, et finit par lever les épaules.
— Je ne sais pas quoi te répondre... Ça me semble normal tout ça. Si on est en couple et on ne s'entraide pas, je ne vois pas l'utilité de se mettre ensemble.
Lyly leva le bras gauche et lui caressa la joue du bout des doigts, avant de glisser avec lenteur son pouce le long de sa lèvre supérieure, qu'elle avait tout bonnement envie d'embrasser là, maintenant, ce qu'elle ne pouvait malheureusement pas faire, pas dehors. Alors elle se logea une seconde fois dans ses grands bras, et se laissa imprégner de l'odeur et de la chaleur du jeune homme, et souhaita au plus profond d'elle-même que cela dure de longues minutes, de longues heures, avant que quelque chose ne vienne encore perturber leur nouveau quotidien à deux.
Le soir tombé, Lyly sortit de la chambre de Théo, déposa son téléphone portable sur la table du salon, et rejoignit le jeune homme sur le canapé, qui changeait de chaînes depuis maintenant cinq bonnes minutes.
— C'est une horreur, il n'y a rien à la télé, annonça-t-il en faisant une petite moue triste.
Lyly pouffa.
— Tu as zappé toutes les chaînes ?
— Absolument. Et il n'y a rien.
— Je vais retourner réviser, alors.
Lyly se releva, et n'eut pas le temps de faire deux pas que Théo lui attrapa le bas de son haut de pyjama, et la tira gentiment vers lui. Lyly lâcha un petit rire, se laissa attirer, et s'arrêta en face de lui, le visage baissé vers le jeune homme.
— Hors de question. Je ne t'ai quasiment pas vu de la journée, tu restes avec moi.
— Mais il n'y a rien à la télé, répondit-elle, amusée. Je ne vais pas te regarder zapper pendant deux heures.
— Pourquoi pas ?
Elle passa un instant sa main droite dans les cheveux du jeune homme, qui se laissa faire, avant de se rapprocher légèrement du rebord du canapé. Il approcha son visage du ventre de Lyly, détendu, et y déposa un baiser, avant de relever lentement les yeux vers la jeune femme, qui le regardait tout en secouant la tête d'amusement, un petit sourire au coin des lèvres.
— Qu'est-ce que t'a dit Ashley au téléphone ?
— Que ma mère dormait sur le canapé. Elle n'a pas trouvé de chambre où dormir cette nuit, tous les hôtels sont complets.
— Quelle coïncidence...
— Je ne comprends pas comment ma mère a pu tromper mon père. Ils s'aimaient vraiment beaucoup avant.
Théo soupira et se laissa tomber au fond du canapé.
— Je ne sais pas s'il y a quelque chose à comprendre. Elle seule sait pourquoi elle a vraiment fait ça.
— Elle m'a toujours répété que c'était mauvais de tromper, c'est tellement paradoxal.
— Elle a peut-être essayer de t'inculquer des valeurs qu'elle n'avait pas elle-même.
— Je n'arrive toujours pas à y croire, répondit Lyly, attristée. Mon père ne méritait pas de subir tout ça.
Théo tendit ses bras et attira la jeune femme vers lui. Elle vint s'agenouiller sur les cuisses du jeune homme, les jambes pliées de chaque côté de celles de Théo afin de lui faire face, et se laissa entourer le bassin de ses deux grands bras.
— Ne pense pas à ça.
— Tu te rends compte qu'elle l'a trompé parce qu'il ne voulait pas coucher avec elle ? Comment c'est possible ?
— Je ne sais pas, chacun a une perception différente du sexe, Lyly. Pour certains ça va être primordial, pour d'autres non.
— Tu pourrais me tromper pour ça ?
— Lyly, lâcha-t-il en levant les yeux au ciel.
Remarquant le regard insistant de la jeune femme, Théo soupira et hocha la tête que non.
— Mais comme je te le dis, chacun est différent. Tu avais l'impression que ta mère avait certaines valeurs qu'en fait elle n'avait pas.
— C'est écœurant.
Lyly sentit les mains du jeune homme glisser et s'arrêter sur son postérieur, mais elle ne releva pas, et resta à l'observer, sérieuse.
— Et moi, je peux te poser une question ? tenta-t-il.
— Vas-y.
— Pourquoi tu préfères qu'on t'appelle Lyly et non pas Lydie ? C'est un joli prénom, pourtant.
La jeune étudiante se mordilla un moment l'intérieur de la bouche, mal à l'aise, et quitta les yeux de Théo.
— Je préfère.
Théo plissa les yeux et attrapa le menton de Lyly entre les doigts de sa main droite afin de diriger le visage de la jeune femme vers le sien.
— Regarde-moi.
Remarquant qu'elle se mordillait de nouveau l'intérieur de la bouche, il lui pinça le postérieur.
—Bébé, regarde-moi.
À l'entente de ce surnom, Théo vit un petit sourire se loger sur le visage de Lyly, et elle retrouva malgré elle le regard du jeune homme, les joues légèrement rougies.
— Ah là ça te fait réagir, hein.
Elle lui donna une petite tape sur l'épaule, et ne parvint pas à masquer son sourire.
— J'aime bien quand tu m'appelles comme ça, avoua-t-elle timidement.
— Il faut le mériter ce surnom, répondit-il en souriant.
— Ah oui ?
— Tout à fait. Je n'appelle pas tout le monde comme ça.
— Bah encore heureux !
Tous deux éclatèrent de rire ensemble, avant de s'observer en souriant, le regard plongé dans celui de l'autre.
— Quand j'ai appris que j'étais définitivement guérie, j'ai eu honte de mon parcours, j'ai eu honte de voir que j'avais autant pleuré et que j'étais tombée en dépression. Alors je me suis jurée que je ne serais plus jamais cette personne et que je ne pleurerais plus jamais.
— Te faire appeler Lyly au lieu de Lydie te donnait l'impression d'être une autre personne ?
Lyly acquiesça la tête.
— Pourtant, sans ce qu'a subi Lydie, tu ne serais jamais la Lyly que j'ai devant les yeux aujourd'hui. Tu devrais plutôt être fière d'elle, être fière de ce qu'elle a traversé et de ce qu'elle t'a fait devenir.
— Je ne sais pas trop...
— Moi je te le dis. Je suis impressionné par ce que Lydie a traversé, et je suis fier de la personne que tu es aujourd'hui.
Lyly se pinça les lèvres, gênée.
— Je ne dis pas que tu dois tout de suite changer d'avis et te faire appeler Lydie par tout le monde, mais, essaye de ne pas avoir honte de ton passé. C'est tout ce que tu as vécu qui t'a forgé et qui a fait que tu as toutes tes valeurs aujourd'hui.
— Je n'ai pas acquis que de belles valeurs après avoir traversé tout ça, tu sais...
— Je connais très peu de personnes, si ce n'est aucune, qui aurait acheté cette peluche pour une petite fille malade. Tu lui as redonné le sourire, tu lui as accordé de ton temps, et je suis quasiment sûr qu'elle aura cette peluche auprès d'elle cette nuit, demain, et même dans deux mois. Il lui sourit. Toutes ces mauvaises valeurs dont tu parles ne sont rien comparées à toutes les bonnes que tu as acquises.
— Je vais finir par ne plus pouvoir me passer de vous, monsieur Pavinkis.
Théo pouffa et s'approcha lentement du visage de la jeune femme.
— Je pensais que c'était déjà le cas, répondit-il, amusé, les yeux brillants de désir, avant que son regard ne glisse sur les lèvres de Lyly.
— C'est le cas, mais tu n'es pas censé le savoir.
— Je ferai semblant de ne pas le savoir, alors.
Et le jeune homme colla ses lèvres à celles de Lyly, qui ne pu s'empêcher de sourire face à cette dernière réflexion.
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