Chapitre 36
Lyly passa la porte d'entrée avec des sacs bondés de nourriture entre les mains. Ashley sauta sur elle afin de l'aider à tout porter, John se chargea d'aller déposer ceux contenant le repas du soir-même sur la table, et les deux cousines allèrent décharger les autres dans la cuisine.
Cela avait été une bonne journée. Son poignet lui faisait légèrement moins mal, mais son épaule lui lançait encore par moment des piques de douleur qui lui irradiaient le bras entier. Théo lui avait envoyé un message lorsqu'ils étaient arrivés dans la ville la plus à l'est du pays, et depuis c'était le silence radio.
Pour la première fois de l'année Lyly avait déjeuné avec Olivia et Mathilde, et elle fut surprise de voir à quel point elles pouvaient être aussi aimables et ouvertes d'esprit, surtout Olivia. Elles n'avaient pas manqué de raconter des anecdotes sur les étudiants, et Mathilde avait avoué avoir un énorme coup de cœur pour monsieur Pavinkis, même si elle voyait un autre homme en ce moment. Gênée, Lyly avait changé de sujet, et elles avaient fini leur repas en parlant d'Antoine, qui aimait se faire remarquer en cours et être pris au sérieux par ses enseignants, ce qui n'était pas réellement compatible. Mathilde avait rétorqué qu'il avait probablement une case en moins, et toutes les trois s'étaient rendues dans leur prochain cours dans la bonne humeur.
Ashley prit place autour de la table du salon, et fut rapidement rejoint par John et Lyly. Elle sortit les sushis des sacs et les déposa sur la table. Ils se répartirent rapidement la nourriture et John fut le premier à en engouffrer un, affamé.
— Mhhhh, laissa-t-il échapper en fermant les yeux. Bordel, ce que c'est bon.
Il en engouffra un second et se laissa glisser contre le dossier de sa chaise, aux anges.
— C'est une pure merveille ce truc, reprit-il en mâchant. Je pourrais en manger tous les jours.
— Évite de parler en mâchant, c'est dérangeant de voir tout ce qui bouge dans ta bouche.
John pouffa et se redressa sur sa chaise.
Lyly, amusée, mâcha tranquillement son premier sushi, pendant qu'Ashley pianotait sur son téléphone.
— Justin m'a dit qu'il y a eu une tempête cette nuit dans sa ville. Le toit de la maison de sa voisine a perdu plusieurs tuiles. Il va l'aider à le réparer.
— Et lui ça va ? demanda Lyly, intriguée.
— Ça a l'air. En tout cas il est heureux d'être là-bas. Il a rencontré pas mal d'autres étudiants étrangers.
— C'est la classe ça, répondit John. Il va méga progresser niveau langue.
— C'est clair.
Lyly acquiesça également la tête et mangea son second sushi. John avait raison, ces sushis étaient délicieux. Heureusement qu'elle en avait acheté plusieurs boîtes.
Le lendemain matin, aux alentours de dix heures, Lyly enfila sa plus grosse veste, consciente que les températures se faisaient de plus en plus fraîches ces derniers temps, rangea dans l'une de ses poches les clés que sa cousine avait fait faire pour elle à son arrivée, et lança du couloir qu'elle allait faire un tour, avant de passer la porte d'entrée.
Elle avait eu quelques nouvelles de Théo. D'après ce qu'il lui avait dit, tout se passait bien de son côté, et les étudiants étaient à la fois très impliqués et intéressés par les visites organisées.
Lyly s'arrêta près d'un arrêt de bus où se trouvaient quelques autres personnes, dont un ancien, un béret sur la tête, installé sur le petit banc de l'arrêt, et jeta un œil à son téléphone. Aucun appel manqué ni aucun message suspect. Rien. Elle ramassa son téléphone, rassurée, mais se figea sur place en voyant son père de l'autre côté de la route, en train de la regarder.
Il traversa à vive allure les deux voies. Lyly tenta de s'éloigner rapidement de l'arrêt de bus, mais son père la rattrapa et elle stoppa son élan lorsqu'il la dépassa et s'arrêta en face d'elle, un bras tendu devant lui.
— Lyly, je t'en supplie, écoute-moi.
— Je n'ai rien à te dire.
Elle le contourna, mais il fit également demi-tour et se mit à marcher rapidement à ses côtés. Mais cela ne pouvait pas durer, cela allait agacer Lyly. Alors elle s'arrêta de nouveau subitement et se tourna vers lui, les sourcils froncés. Il se stoppa en face d'elle.
— Pourquoi tu débarques du jour au lendemain ? Tu n'as pas compris que je ne voulais plus te parler ? Tu nous as lâché, maman et moi. T'es parti, comme un lâche, alors que j'avais besoin de toi !
Lyly se surprit à penser qu'elle devait tenir ça de son père. La fuite. Fuir au lieu de s'expliquer. Fuir au lieu de faire face à ses actes.
— Lydie,je...
— Lyly ! s'écria-t-elle. Je m'appelle Lyly ! Mais bon sang, lâche-moi !
— Lyly, il faut vraiment que tu m'écoutes, c'est important.
Elle croisa ses bras sur sa poitrine et le fusilla du regard.
— T'as une minute, lâcha-t-elle froidement.
La façon dont il la regarda déstabilisa Lyly, mais celle-ci tenta de ne rien laisser paraître. Il la regardait comme si elle était de nouveau la petite Lydie qu'il avait si bien connu, il la regardait avec bienveillance, mais aussi, et surtout, avec fierté. Il ne savait probablement plus rien d'elle, mais il semblait fier d'elle, peu importe ce qu'elle pouvait faire dans la vie. Il semblait fier de sa fille, aussi fier que sa mère ne l'était d'elle.
— Je ne sais pas ce que ta mère t'a dit et a préféré te cacher, mais il n'y a pas un jour où je ne pense pas à toi. Lyly, Je ne t'ai pas lâché. Je n'ai pas voulu m'éloigner de toi, et...
— Va droit au but, le coupa-t-elle sèchement, impatiente.
Il soupira.
— Ta mère m'a trompé.
Lyly fronça lentement les sourcils et sentit ses bras se décroiser. Elle les recroisa, sonnée, et se mit à ricaner nerveusement.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Si ton but c'est de te trouver des excuses, c'est...
— Non, non, non, la coupa-t-il à son tour, les mains jointes. Je te promets que je ne me trouve pas d'excuses, Lyly. Ta mère me trompait déjà quand notre médecin nous a annoncé ce que tu avais. J'avais prévu de rompre, mais je ne voulais pas partir alors que tu n'allais pas bien. Alors je suis resté, autant que je l'ai pu, jusqu'à ce que tu ailles mieux. Mais elle continuait de voir quelqu'un d'autre.
Lyly se remémora les nombreuses disputes dans le salon. Son père qui criait, sa mère qui hurlait, les portes qui claquaient. Tout cela avait duré trois ans. Trois ans avant que son père ne disparaisse. Et il y avait Lyly qui souffrait. Une jeune enfant qui souffrait pendant que ses parents se criaient dessus dans le salon, tard le soir. Se déchiraient.
— Je ne te crois pas, répondit-elle en secouant frénétiquement la tête. Maman n'aurait jamais fait ça.
— Tu étais jeune, Lyd... Lyly. Tu étais très jeune et avais d'autres problèmes à gérer. C'est normal que tu n'aies rien vu. Mais elle me trompait. Et depuis un moment.
— Avec qui ? Et pourquoi tu reviens maintenant ? Tu m'as laissé tomber !
Un couple la dévisagea tout en les contournant et traversa pour se rendre sur l'autre trottoir. Le bus était arrêté au feu rouge. Elle ne voulait pas le rater. Il allait démarrer d'une minute à l'autre.
— Lyly, s'il te plaît, laisse-moi t'expliquer, l'implora-t-il.
— Je dois prendre le bus.
Elle tourna les talons et se précipita vers l'arrêt de bus. Elle arriva juste à temps, pénétra en dernière dans le transport en commun, et suivit son père des yeux qui la regardait, les bras ballants, avant de le perdre de vue à cause de la distance.
Lyly retira son livre commandé il y a de cela quelques jours à l'accueil de la librairie et sortit du petit commerce, encore chamboulée. Elle rangea son livre dans son sac, le refit glisser sur son dos, et marcha droit vers la boulangerie.
Tout cela était insensé. Elle ne parvenait plus à penser convenablement. Son cerveau bouillonnait. Sa mère tromper son père ? C'était insensé ! Certes, elle se souvenait de quelques reproches que son père avait fait à sa mère, elle se souvenait de leur éloignement, de leurs disputes, mais elle ne se souvenait pas d'avoir vu sa mère avec un autre homme chez eux. Ni de son père en train de dire ouvertement à sa mère qu'elle l'avait trompé. Si cela était vrai, comment l'avait-il appris ? Et avec qui avait-elle osé tromper son père ? Non, pas sa mère...
Elle acheta rapidement un sandwich à la boulangerie et s'assit sur un banc à proximité, inoccupé. Elle observa sa moitié de baguette entre ses mains et releva le regard, avant de le figer dans le vide. Lorsqu'elle était petite, son père ne lui avait jamais menti. Il avait toujours préféré dire la vérité, quitte à blesser, alors, pourquoi était-elle certaine que c'était lui le menteur dans l'histoire ? Sa mère lui avait-elle menti pendant toutes ces années ? Avait-elle fait exprès de l'éloigner de son père afin qu'elle ne sache jamais la vérité ?
Lyly n'avait plus faim. Elle avait besoin d'appeler sa mère, de lui demander si elle n'avait pas quelque chose à lui avouer. Mais en même temps, elle avait besoin d'en savoir plus sur cette histoire. Elle avait laissé son père en plan afin de ne pas louper le bus, mais elle allait devoir le recontacter si elle souhaitait savoir la suite de l'histoire. Peut-être était-ce seulement le début d'une longue histoire que sa mère lui avait caché.
Elle posa son sandwich encore emballé sur ses cuisses et sortit son téléphone de l'une des poches de sa veste. Elle afficha les messages que son père lui avait envoyé et qui étaient restés jusque-là sans réponse. Elle tapa rapidement sur son écran et relut son message à plusieurs reprises afin de se laisser du temps pour réfléchir. Souhaitait-elle le revoir ? Elle inspira profondément et l'envoya.
— Viens ce soir à vingt heures chez Ashley. J'y serai.
Elle le rangea dans sa veste, les mains tremblantes, et sortit son sandwich de son emballage de quelques centimètres afin d'en croquer un bout. Elle mâcha et avala difficilement, stressée, et se releva, se disant que marcher pourrait lui permettre de mieux réfléchir.
Elle ne savait même pas ce qu'elle allait dire à son père. Depuis qu'elle l'avait revu elle n'avait fait que de lui hurler dessus. D'ailleurs, peut-être n'allait-il pas venir. Peut-être était-il déjà lassé de se faire crier dessus par sa propre fille.
Le père de Lyly ne se présenta pas chez sa nièce Ashley le soir-même, mais le lendemain matin, après onze heures, espérant que tout le monde soit levé à cette heure-ci.
Il ajusta les manches de sa veste, anxieux, expira un gros coup, et frappa quatre fois à la porte. Tout semblait calme à l'intérieur, aucun bruit ne lui parvenait d'où il était. Nerveux, il tira sur le bas de sa veste, passa ses mains sur ses manches afin de s'assurer qu'aucun pli ne s'y était logé, et était sur le point de frapper une seconde fois lorsqu'il vit la porte s'ouvrir. Il se retrouva nez à nez avec John, qui leva un sourcil de surprise.
— Lyly vous attendait hier, lança-t-il, perplexe.
— Je sais. J'avais prévu de venir, mais j'ai eu un imprévu de dernière minute, et...
— Tu aurais pu l'appeler.
Ashley apparut de derrière John et s'arrêta à ses côtés en croisant les bras.
— C'était la moindre des choses, reprit-elle.
— Je suis désolé.
Ashley leva les yeux au ciel, s'écarta de l'entrée et lui fit signe de pénétrer dans la maison. Il s'arrêta dans le couloir pendant que John refermait la porte.
— Elle est en train de se préparer, elle va sûrement bientôt descendre. J'espère que t'as préparé des arguments en béton, parce qu'elle t'en veut.
Il suivit Ashley dans le salon, et prit place sur le canapé aux côtés de sa nièce.
— Elle m'en veut à quel point ?
— Pour tout ce que tu as fait, donc je suppose que ça te laisse une idée.
Il se massa la nuque nerveusement et suivit des yeux John qui s'assit en face d'eux, sur un pouf clair.
— Vous voulez quelque chose à boire ? demanda John.
— Non, ça va, merci.
Le jeune homme brun hocha la tête et tourna son visage vers la porte du salon où il vit Lyly apparaître. Il vit son visage se refermer en apercevant son père présent dans le salon, mais il lui fit tout de même signe de les rejoindre. Ashley et son oncle tournèrent à leur tour leur tête.
— Lyly.
Son père se releva aussitôt du canapé.
— Je suis...
— Tu as osé me mettre un lapin hier. Tu oses venir vers moi en ville, tu dis vouloir me parler, et quand je t'en donne la possibilité, tu me poses un lapin ! Et maintenant tu as le culot de venir chez Ashley. Je...
— Lyly, laissons-le s'expliquer, suggéra John.
— C'est vrai. Il est là maintenant. Laisse-le au moins s'exprimer.
Elle fixa un instant son père, écœurée, et avança lentement vers eux, les points contractés.
Le fait qu'il ne vienne pas la veille l'avait déçu. Bien plus déçu que ce qu'elle aurait pensé, en réalité. Elle avait placé un minimum d'espérance en leur futur échange, et voilà qu'il avait tout gâché en ne se présentant pas chez Ashley. Il n'avait même pas daigné lui laisser un message.
Lyly s'assit sur un second pouf près de John, sans quitter son père des yeux. Elle avait de la rancœur, son père le ressentait, et il ne lui en voulait pas. Il pensait même le mériter. Il baissa finalement les yeux. Il ne se sentait pas à sa place. Cela faisait des années qu'il avait souhaité revoir sa fille, mais voir autant de rage dans ses yeux l'attristait. Lui faisait mal.
— Fabio, tenta Ashley, tu pourrais nous expliquer pourquoi tu es revenu après tout ce temps ? Lyly a besoin de savoir. C'est pour ça qu'elle voulait que tu viennes hier...
— Je sais, répondit-il en hochant à plusieurs reprises la tête. Je sais, je... Il releva les yeux vers sa nièce. Excusez-moi. Je ne pensais pas devoir en parler devant autant de monde.
— On peut partir si...
— Non, coupa-t-il John précipitamment. Non, si Lyd... Lyly a confiance en vous, je vous fais aussi confiance.
Il inspira et posa son regard sur sa fille.
— Ta mère ne t'a rien dit ?
— A propos de quoi ? demanda-t-elle froidement.
— Notre séparation, ce qui se passait avant, ce qui...
— Non.
Il hocha lentement la tête.
— Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? Tu as bien dû demander pourquoi je n'étais plus là ?
— Elle n'a jamais vraiment voulu en parler, répondit-elle amèrement. Elle m'a juste dit que tu étais parti et que je ne te reverrais probablement plus.
— Elle t'a seulement dit ça ? demanda-t-il, incrédule. Et tu l'as cru ?
— J'avais onze ans ! s'exclama-t-elle. J'étais perdue, je me sentais mal, comment tu voulais que je me doute de quoi que ce soit ? Tu ne te rends pas compte à quel point ça a été dur pour moi, je pensais que j'allais y rester !
Il leva les mains en l'air en signe de capitulation.
— Tu as raison. C'était une question stupide... Je... Mais, je pensais que tu n'aurais pas cru ça de moi... Je pensais que nous avions été assez proches avant tout ça pour que tu te doutes que je n'aurais pas pu partir sans raison. Je ne voulais pas te faire de mal. Mais... Maintenant, quand je te regarde, je me rends compte à quel point tu as dû souffrir par ma faute, à quel point j'ai loupé des choses avec toi. Tu as si grandi, tu...
— On peut arrêter tout ça ? le coupa-t-elle, excédée. Va droit au but. Avec qui elle te trompait ?
John baissa le visage, gêné, et observa ses chaussettes grises. Cette réaction ne ressemblait pas à Lyly, mais ça, Fabio ne pouvait pas s'en douter. Il était loin d'imaginer l'être brisé qu'était sa fille. Elle était le contraire de ce qu'elle souhaitait laisser paraître devant son père.
— Tu ne le connaissais pas, et moi non plus d'ailleurs. Je les ai juste vu ensemble une fois. Entre ta mère et moi c'était compliqué depuis un moment. J'étais beaucoup au travail parce qu'on avait un crédit à rembourser, alors je travaillais deux fois plus, j'enchaînais les heures. Ta mère et moi nous étions mis d'accord sur ça, sur le fait que j'allais être pas mal occupé. Et je ne sais pas comment c'est arrivé, mais c'est arrivé. J'ai vu certains messages qu'il lui envoyait, j'ai même surpris une de leurs conversations un soir. Alors je lui ai dit que j'étais au courant, que si elle n'arrêtait pas ça tout de suite je m'en allais avec toi. Je ne voulais pas que tu voies notre famille éclater. Elle m'a dit qu'elle arrêterait, mais elle ne l'a pas fait, soupira-t-il. Pendant une pause entre mes heures de travail, un jour, je suis parti faire un tour dehors et je les ai vu ensemble, à un café. J'ai su que c'était lui quand je l'ai vu embrasser ta mère. Alors, je suis retourné au travail, et j'ai appelé ta mère. Il s'arrêta. Je pensais qu'elle le quitterait, mais elle ne l'a pas fait, alors j'ai rompu avec ta mère et je lui ai dit que je partirais de la maison avec toi que quand j'aurais trouvé un autre logement. Mais ton état s'est aggravé, et tout s'est enchaîné. On a essayé de tout te cacher pour ne pas que tu t'inquiètes, mais ton état empirait, alors on a passé des mois et des mois à faire semblant... Plus rien n'allait dans notre couple.
Ashley croisa le regard de son fiancé et lui adressa un bref sourire, à la fois attristée et surprise. Elle n'aurait jamais imaginé cela d'Anne. Elle qui semblait si droite dans ses baskets avait trompé son mari... C'était insensé. Et pourtant...
— Les semaines s'enchaînaient, reprit Fabio. J'ai baissé les heures au travail afin de pouvoir être à tes côtés. Ta mère était dans un état de stress absolu, je ne l'avais jamais vu comme ça. Elle a essayé de rompre avec l'autre homme mais il ne voulait pas la laisser partir, alors il a commencé à la harceler, à la suivre au travail. Elle m'a supplié de faire quelque chose mais je n'ai rien fait. Je ne pouvais pas l'aider, c'était au dessus de mes forces. Elle m'avait trompé avec lui...
Il soupira et se gratta le crâne.
— Je pensais qu'elle aurait tenté de se rattraper avec moi, qu'elle aurait tenté de se reprendre en main, mais ça n'a pas été le cas. Il haussa les épaules. Pendant qu'elle essayait de se débarasser de l'autre homme, elle a rencontré quelqu'un d'autre.
— Encore ? laissa échapper Ashley malgré elle, les yeux écarquillés.
— Encore, répéta Fabio. Je ne sais pas pourquoi, mais elle a continué ses conneries, et elle est sortie avec cet autre homme. Je ne sais pas d'où il sortait, mais il a rapidement mis fin au harcèlement du premier homme avec qui elle m'avait trompé. Du jour au lendemain on n'a plus jamais entendu parler de lui. J'ai posé des questions à ta mère, mais elle n'a pas voulu me répondre. Ton état se stabilisait, ça m'a rassuré, alors ta mère et moi on a décidé de rester à tes côtés chacun notre tour. Une journée c'était elle, une journée c'était moi. On a réussi à faire cela jusqu'à ce que je croise le nouvel amant de ta mère dans le couloir de l'hôpital. La première fois je l'ai ignoré et j'ai continué mon chemin, en sachant très bien qu'il me suivait du regard. Puis trois semaines après, je les ai vu s'embrasser dans le couloir. Je me suis arrêté à la machine pour me payer un café quand il est apparu à mes côtés. Il m'a dit que ta guérison était en bonne voie et que désormais il prenait le relais. Qu'on n'avait plus besoin de moi ici. Je lui ai dit qu'il en était hors de question, mais il m'a dit que si je ne souhaitais pas disparaître comme l'autre homme qui menaçait ta mère, j'allais devoir tracer mon chemin et ne plus revenir.
— Quoi ? s'exclama John. C'est grotesque !
— Et ce n'était que le début, répondit Fabio, lasse. Ce jour là je n'ai pas pu retourner voir Lyly, il m'en a empêché. Le lendemain j'ai souhaité m'y rendre, mais il m'a menacé. Je suis allé voir la police, mais rien n'a été fait. J'ai tenté de forcer le passage à l'hôpital, mais un gars qu'il connaissait sûrement m'a agressé et j'ai moi-même fini dans une chambre, le visage fracassé et quelques fractures au compteur.
Lyly baissa les yeux, perdue.
— Je n'ai jamais pu te revoir, Lyly. Vous avez tous déménagés et j'ai perdu ta trace. Tu as été transférée dans un autre hôpital et personne n'a su me dire lequel.
L'homme dont avait parlé son père était celui qui les harcelait désormais. Visiblement, il avait fait disparaître quelqu'un pour quelque chose qu'il faisait lui-même aujourd'hui.
Lyly resta silencieuse, le regard baissé. Elle aurait aimé que Théo soit à ses côtés, elle aurait aimé le prendre dans ses bras afin de se sentir moins seule, afin de savoir ce qu'il en pensait. Ce que Fabio avait dit sur sa mère ne ressemblait pas à l'image qu'elle avait d'elle. Sa mère, tromper son père ? A deux reprises ?
Elle sentit une main se glisser dans la sienne et la lui presser. Elle releva lentement les yeux vers John, qui l'observait tristement.
— Tu veux dire que sa mère t'a trompé deux fois ? demanda Ashley, surprise.
— Une fois. Quand elle était avec l'autre homme, nous n'étions plus ensemble, j'avais déjà rompu avec elle.
Il planta de nouveau son regard sur Lyly, inquiet de la voir aussi silencieuse. Il n'avait aucune idée de ce qui se passait dans sa tête en ce moment, et cela l'effrayait.
— Et comment tu l'as retrouvé ? continua Ashley.
— J'ai engagé un détective privé. Je n'en pouvais plus de vivre sans Lyly. J'ai vécu tant d'années sans la voir... et j'ai eu beau essayé de prendre sur moi, je n'arrivais plus, je saturais. Lyly...
Lyly se releva subitement du canapé sous les yeux surpris de son père, Ashley et John, ôta sa main de celle du jeune homme, et les contourna silencieusement, le regard dans le vide.
— Lyly, reviens... tenta John.
Elle s'arrêta, resta immobile un instant, et se retourna finalement, les mains en l'air.
— Ça fait trop de choses d'un coup, mon crâne va exploser.
— Lyly, ne pars pas, l'implora son père.
— Tu viens de m'apprendre que ma mère s'était envoyée en l'air avec quelqu'un d'autre pendant que vous étiez encore ensemble ! s'écria-t-elle, enragée. Comment tu veux que je croies encore en l'amour après ça ? Bordel, elle t'a trompé ! Et elle n'a rien fait pour que je garde contact avec toi, elle m'a privé de mon père ! Elle t'a fait passé pour le plus grand des salauds alors que tu étais la victime dans cette histoire !
— Je sais, mais...
— Non, tu ne sais pas, le coupa-t-elle, enragée. Tu ne sais pas c'est quoi le pire dans cette histoire.
Elle croisa ses bras sur sa poitrine afin de stopper ses tremblements et tenta de retrouver son calme, en vain. Elle inspira difficilement.
— Le pire dans tout ça, reprit-elle, la voix tremblante, c'est que je l'ai cru.
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